Traitement chirurgical des fractures
du cotyle
F. de Peretti, R. Bernard de Dompsure
Nous traitons la prise en charge chirurgicale des fractures récentes du cotyle chez l’adulte. Les voies
d’abord du cotyle peuvent être classées en voie postérieure, antérieures, élargies et combinées. La voie de
Kocher-Langenbeck est la seule voie postérieure et met en évidence toute la colonne postérieure. La voie
ilio-inguinale est la principale voie antérieure et met en évidence toute la colonne antérieure. Les voies
élargies abordent en même temps les deux colonnes et comprennent toute la désinsertion des muscles
moyen et petit glutéal et un risque d’ossification. Les voies combinées, successives ou simultanées, ont
pour but d’aborder les deux colonnes sans avoir les inconvénients des voies élargies. Il faut savoir évaluer
le type de fracture, les possibilités de chaque voie d’abord, les facteurs de comorbidité. Les fractures
antérieures sont ostéosynthésées par voie d’abord antérieure, les fractures postérieures sont
ostéosynthésées par voie d’abord postérieure. Pour les fractures transversales et les fractures complexes,
le choix de la voie d’abord est plus délicat. La radiothérapie postopératoire et l’administration d’un
traitement anti-inflammatoire ont pour but de réduire les ossifications. L’implantation immédiate d’une
prothèse totale de hanche, associée à une technique de reconstruction du cotyle, est une technique qui se
développe. Les sujets en bon état général présentant une fracture déplacée sont une indication
d’ostéosynthèse par un opérateur entraîné. Chez les sujets âgés ou en mauvais état général, le but du
traitement est une chirurgie unique permettant un nursing immédiat. Le choix se fait entre
l’ostéosynthèse mini-invasive, l’ostéosynthèse classique si possible par voie antérieure ou l’implantation
immédiate d’une prothèse. Les résultats de l’ostéosynthèse à ciel ouvert sont bons en l’absence de lésions
associées, de comminution importante et de complications. Chez les sujets âgés, la morbidité des
fractures du cotyle est importante.
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Mots clés : Cotyle ; Fracture du cotyle ; Acétabulum ; Voies d’abord du cotyle ; Classification de Letournel ;
Ostéosynthèse du cotyle ; Prothèse totale de hanche
Plan
Introduction 1
Voies d’abord du cotyle 2
Voie postérieure 2
Voies d’abord antérieures 4
Voies élargies 7
Voies combinées 10
Techniques chirurgicales 10
Principes de réduction et de fixation interne 10
Ostéosynthèse des fractures simples 11
Ostéosynthèse des fractures complexes 15
Traitement adjuvant de l’ostéosynthèse : prévention
des ossifications 16
Ostéosynthèse percutanée des fractures du cotyle 17
Mise en place immédiate d’une prothèse totale de hanche 17
Indications et contre-indications du traitement chirurgical 18
Résultat 19
Résultat de l’ostéosynthèse 19
Résultat de l’implantation immédiate des prothèses totales
chez le sujet âgé 20
Conclusion 20
Introduction
Nous ne parlons que du traitement chirurgical des fractures
récentes, de moins de 21 jours, du cotyle de l’adulte. Le
traitement orthopédique n’est pas étudié ; nous ne le citons
qu’au chapitre indication lorsque nous identifions les indica-
tions du traitement chirurgical. Nous ne parlons pas du bilan et
de l’iconographie des fractures du cotyle. La connaissance des
différentes fractures du cotyle est considérée connue et
nous utilisons la classification communément nommée classifi-
cation de Letournel
[1, 2]
(Fig. 1, 2). Nous envisageons successi-
vement les voies d’abord du cotyle, les techniques d’ostéo-
synthèse, les traitements adjuvants du traitement chirurgical, les
particularités de la chirurgie du vieillard, les indications et les
résultats.
Judet et Letournel
[2]
ont développé une description compré-
hensible des fractures du cotyle et un traitement chirurgical
logique et adapté à chaque type de lésion. La table ronde de la
Sofcot de 1981, présidée par Duquenoy et Sénégas
[3]
, a comparé
les résultats du traitement orthopédique et chirurgical. Depuis,
s’est développée la chirurgie du vieillard par nécessité démogra-
phique. Les avancées du scanner et de la navigation chirurgicale
permettent le développement timide de l’ostéosynthèse percu-
tanée ou par abord mini-invasif.
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L’article de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale de Letour-
nel
[1]
, en 1991, est princeps ; nous allons tenter de montrer
l’évolution actuelle.
Voies d’abord du cotyle
Elles peuvent être classées en voies postérieure, antérieures et
élargies. Les voies postérieure et antérieures peuvent être
combinées et réalisées en même temps ou successivement.
Voie postérieure
La voie postérieure de Kocher-Langenbeck est la seule voie
postérieure communément utilisée. C’est l’association d’une
voie verticale de Kocher et d’une voie transglutéale de Langen-
beck. L’installation est soit en décubitus ventral, soit en
décubitus latéral. Le genou doit être fléchi à 90° pour détendre
le nerf ischiatique. En décubitus ventral, le pied peut être mis
dans une chaussure orthopédique, la hanche est en extension et
le genou est maintenu en flexion par le pied suspendu à la
potence (Fig. 3). En décubitus latéral, la flexion du genou est
maintenue par un aide ou par un appui. Le patient peut être
installé sur une table orthopédique avec une traction transcon-
dylienne. L’incision comprend d’une part une branche verticale
partant du sommet du grand trochanter, longeant son bord
postérieur et le bord postérieur du fémur et, d’autre part, une
branche oblique en haut et en arrière partant du sommet du
grand trochanter et dirigée vers l’épine iliaque postérosupérieure
(Fig. 4). Le premier plan musculaire traversé est en haut le
muscle grand glutéal et en bas le fascia lata. Les muscles
pelvitrochantériens et le nerf ischiatique sont ensuite repérés
(Fig. 5). Le muscle obturateur interne et ses muscles jumeaux
sont sectionnésà1cmdugrand trochanter pour préserver la
vascularisation de la tête fémorale, puis désinsérés de dehors en
dedans donnant ainsi accès à la petite échancrure ischiatique.
Rabattu vers l’arrière, maintenu par un fil tracteur, ce plan
musculaire protège le nerf ischiatique (Fig. 6). La petite échan-
crure ischiatique est maintenant visible, un doigt peut en
explorer le pourtour et sa face médiale. Un écarteur à bout
mousse peut prendre appui sur la petite échancrure ischiatique.
Le muscle piriforme est soit récliné vers le haut, soit sectionné
pour aborder facilement la grande échancrure ischiatique et le
toit du cotyle. Il faut être prudent si l’on glisse un écarteur dans
la grande échancrure ischiatique car cet écarteur pourrait blesser
le nerf ischiatique qui à ce niveau n’a pas de protection
musculaire. On peut, en revanche, au doigt, explorer la face
médiale de la grande échancrure ischiatique. L’épine ischiatique
et les deux échancrures ischiatiques sont ainsi libérées. En bas,
la tubérosité ischiatique est visualisée en désinsérant le tendon
commun des muscles ischiojambiers. Au-dessus du muscle
piriforme, le pédicule glutéal supérieur est repéré et correspond
à la limite supérieure infranchissable de l’abord osseux. La
colonne postérieure est vue de la tubérosité ischiatique au bord
supérieur de la grande échancrure ischiatique, la vision s’étend
en avant au toit du cotyle (Fig. 7).
Figure 1. Les cinq fractures simples de Letournel et Judet.
A. Fracture de la paroi postérieure.
B. Fracture de la colonne postérieure.
C. Fracture de la paroi antérieure.
D. Fracture de la colonne antérieure (variété basse).
E. Fracture de la colonne antérieure (variété haute).
F. Fracture transversale (vue latérale).
G. Fracture transversale (vue postérieure montrant l’obliquité du trait).
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L’index recourbé et glissé en arrière des échancrures ischiati-
ques permet de palper la surface quadrilatère et la face interne
de l’ischion (Fig. 8). Cette voie d’abord ne permet pas d’aborder
l’aile iliaque. Les dangers de cette voie sont, d’une part le nerf
ischiatique que l’on protège par le muscle obturateur interne et
ses muscles jumeaux rabattus vers l’arrière et que l’on détend en
gardant fléchi le genou, d’autre part le pédicule glutéal supé-
rieur, et enfin l’artère circonflexe médiale (postérieure) qui passe
en arrière ou à travers le muscle carré fémoral qu’il ne faut pas
sectionner pour minimiser le risque d’ostéonécrose aseptique de
la tête fémorale. La voie de Kocher-Langenbeck peut bénéficier
d’extension. Si le patient est installé en décubitus latéral, elle
peut être transformée en voie triradiée de Mears (cf. infra).
Quelle que soit l’installation, on peut réaliser une ostéotomie du
grand trochanter soit de façon conventionnelle, soit en laissant
le grand trochanter rattaché en haut aux muscles moyen et
petit glutéal et en bas au muscle vaste latéral comme l’on
présenté Siebenrock
[4]
et Agudelo
[5]
. Cette trochantérotomie a
pour but, d’une part d’aborder le toit du cotyle d’arrière en
avant et d’autre part de réaliser une arthrotomie exploratrice,
voire une luxation peropératoire de la tête du fémur
[4]
.
Figure 2. Les cinq fractures complexes de Letournel et Judet.
A. Fracture en«T».
B. Fracture de la colonne postérieure et de la paroi postérieure.
C. Fracture transversale avec fracture de la paroi postérieure.
D. Fracture de la colonne antérieure et fracture transversale postérieure.
E. Fracture des deux colonnes.
Figure 3. Installation du patient en décubitus ventral sur table ortho-
pédique avant la réalisation d’une voie postérieure.
Figure 4. Incision cutanée de la voie de Kocher-Langenbeck vue sur un
patient en décubitus ventral.
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Voies d’abord antérieures
Voie ilio-inguinale de Judet et Letournel
[1, 2]
et ses variantes
Le patient est en décubitus dorsal ou latéral si l’on désire faire
un double abord antérieur et postérieur simultané. L’incision
suit en arrière le bord supérieur de la crête iliaque et s’étend en
avant jusqu’à la symphyse pubienne (Fig. 9). Les muscles
transverses de l’abdomen sont désinsérés de la crête iliaque. Le
ligament inguinal n’est que le bord inférieur de l’aponévrose du
muscle oblique externe. L’opérateur a deux possibilités : soit il
désinsère l’aponévrose du muscle oblique externe du ligament
inguinal qui reste en place, soit il désinsère le ligament inguinal
de l’os coxal et le rabat vers le haut. Chez l’homme, le cordon
spermatique et les piliers du muscle oblique externe sont
repérés. Cette voie d’abord comprend trois fenêtres d’abord de
l’os coxal. La fenêtre latérale, ou fenêtre iliaque, est la face
médiale de l’aile iliaque que l’on aborde en ruginant le muscle
iliaque (Fig. 10). La fenêtre moyenne, ou fenêtre musculaire,
correspond à l’échancrure du muscle iliopsoas (ou vallée du
psoas) que l’on aborde en libérant le muscle iliopsoas et en
repérant le nerf fémoral (Fig. 11). La fenêtre interne, ou fenêtre
Figure 6. Voie de Kocher-Langenbeck. Vue latérale. 1. Muscle piri-
forme ; 2. muscle obturateur interne ; 3. nerf ischiatique ; 4. pédicule
glutéal supérieur ; 5. colonne postérieure ; 6. muscle carré fémoral.
Figure 7. Voie de Kocher-Langenbeck : en rouge, ce qui est vu sur la
face latérale de l’os coxal.
Figure 5. Voie de Kocher-Langenbeck réalisée en décubitus latéral :
repérage des muscles pelvitrochantériens et du nerf ischiatique.
Figure 8. Voie de Kocher-Langenbeck : en vert, ce qui est palpable au
doigt en glissant l’index en avant de la grande et de la petite échancrure
ischiatique (vue médiale de l’os coxal).
Figure 9. En rouge, incision de la voie ilio-inguinale de Letournel.
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pubienne, correspond au pubis que l’on aborde en disséquant
les vaisseaux fémoraux. Pour aborder l’os coxal entre la fenêtre
moyenne et la fenêtre interne, l’opérateur doit sectionner l’arc
iliopectiné (la bandelette iliopectinée) (Fig. 12). Cet arc sépare
le muscle iliopsoas des vaisseaux fémoraux. Ce n’est que
l’épaississement du fascia iliopsoas (fascia iliaca) en regard de
l’éminence iliopubienne. L’opérateur doit le couper très profon-
dément vers le détroit supérieur. Lorsque l’opérateur libère les
vaisseaux fémoraux (Fig. 13), il doit repérer et sectionner, si elle
existe, l’anastomose entre l’artère fémorale et l’artère obtura-
trice. Vu le danger qu’elle présente, Letournel l’a nommée la
« corona mortis » et Teague
[6]
l’a retrouvée sur le cadavre dans
43 % des cas. Le nerf cutané latéral de la cuisse passe en dedans
de l’épine iliaque antérosupérieure, sous le fascia du muscle
grand oblique et sous l’arcade fémorale. Sa situation et sa
position variable le rendent vulnérable et il doit être repéré
avant de disséquer le muscle iliopsoas. Les lésions par étirement
sont fréquentes et le patient doit être averti des troubles sensitifs
résiduels. Pour De Ridder
[7]
, il existe 35 % de perte de sensibi-
lité et5%deméralgie paresthésique, dans cette voie d’abord.
La voie ilio-inguinale de Letournel permet d’aborder par l’avant
l’articulation sacro-iliaque et le centimètre adjacent du sacrum,
Figure 10. Voie ilio-inguinale, fenêtre iliaque encore nommée fenêtre
latérale.
Figure 11. Fenêtre latérale et fenêtre moyenne ou musculaire de la voie
ilio-inguinale.
Figure 12. Fenêtre pubienne ou interne de la voie ilio-inguinale : sec-
tion de l’arc iliopectiné.
Figure 13. Voie ilio-inguinale, ouverture des trois fenêtres. 1. Lacs
repérant le nerf fémoral, le muscle iliopsoas et le nerf cutané latéral de la
cuisse ; 2. lacs repérant les vaisseaux fémoraux ; 3. lacs repérant le cordon
spermatique.
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