¶ 44-520 Traitement chirurgical des fractures du cotyle F. de Peretti, R. Bernard de Dompsure Nous traitons la prise en charge chirurgicale des fractures récentes du cotyle chez l’adulte. Les voies d’abord du cotyle peuvent être classées en voie postérieure, antérieures, élargies et combinées. La voie de Kocher-Langenbeck est la seule voie postérieure et met en évidence toute la colonne postérieure. La voie ilio-inguinale est la principale voie antérieure et met en évidence toute la colonne antérieure. Les voies élargies abordent en même temps les deux colonnes et comprennent toute la désinsertion des muscles moyen et petit glutéal et un risque d’ossification. Les voies combinées, successives ou simultanées, ont pour but d’aborder les deux colonnes sans avoir les inconvénients des voies élargies. Il faut savoir évaluer le type de fracture, les possibilités de chaque voie d’abord, les facteurs de comorbidité. Les fractures antérieures sont ostéosynthésées par voie d’abord antérieure, les fractures postérieures sont ostéosynthésées par voie d’abord postérieure. Pour les fractures transversales et les fractures complexes, le choix de la voie d’abord est plus délicat. La radiothérapie postopératoire et l’administration d’un traitement anti-inflammatoire ont pour but de réduire les ossifications. L’implantation immédiate d’une prothèse totale de hanche, associée à une technique de reconstruction du cotyle, est une technique qui se développe. Les sujets en bon état général présentant une fracture déplacée sont une indication d’ostéosynthèse par un opérateur entraîné. Chez les sujets âgés ou en mauvais état général, le but du traitement est une chirurgie unique permettant un nursing immédiat. Le choix se fait entre l’ostéosynthèse mini-invasive, l’ostéosynthèse classique si possible par voie antérieure ou l’implantation immédiate d’une prothèse. Les résultats de l’ostéosynthèse à ciel ouvert sont bons en l’absence de lésions associées, de comminution importante et de complications. Chez les sujets âgés, la morbidité des fractures du cotyle est importante. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cotyle ; Fracture du cotyle ; Acétabulum ; Voies d’abord du cotyle ; Classification de Letournel ; Ostéosynthèse du cotyle ; Prothèse totale de hanche ■ Introduction Plan ¶ Introduction 1 ¶ Voies d’abord du cotyle Voie postérieure Voies d’abord antérieures Voies élargies Voies combinées 2 2 4 7 10 ¶ Techniques chirurgicales Principes de réduction et de fixation interne Ostéosynthèse des fractures simples Ostéosynthèse des fractures complexes Traitement adjuvant de l’ostéosynthèse : prévention des ossifications Ostéosynthèse percutanée des fractures du cotyle Mise en place immédiate d’une prothèse totale de hanche 10 10 11 15 ¶ Indications et contre-indications du traitement chirurgical 18 ¶ Résultat Résultat de l’ostéosynthèse Résultat de l’implantation immédiate des prothèses totales chez le sujet âgé 19 19 ¶ Conclusion 20 16 17 17 20 Nous ne parlons que du traitement chirurgical des fractures récentes, de moins de 21 jours, du cotyle de l’adulte. Le traitement orthopédique n’est pas étudié ; nous ne le citons qu’au chapitre indication lorsque nous identifions les indications du traitement chirurgical. Nous ne parlons pas du bilan et de l’iconographie des fractures du cotyle. La connaissance des différentes fractures du cotyle est considérée connue et nous utilisons la classification communément nommée classification de Letournel [1, 2] (Fig. 1, 2). Nous envisageons successivement les voies d’abord du cotyle, les techniques d’ostéosynthèse, les traitements adjuvants du traitement chirurgical, les particularités de la chirurgie du vieillard, les indications et les résultats. Judet et Letournel [2] ont développé une description compréhensible des fractures du cotyle et un traitement chirurgical logique et adapté à chaque type de lésion. La table ronde de la Sofcot de 1981, présidée par Duquenoy et Sénégas [3], a comparé les résultats du traitement orthopédique et chirurgical. Depuis, s’est développée la chirurgie du vieillard par nécessité démographique. Les avancées du scanner et de la navigation chirurgicale permettent le développement timide de l’ostéosynthèse percutanée ou par abord mini-invasif. Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 1 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 1. Les cinq fractures simples de Letournel et Judet. A. Fracture de la paroi postérieure. B. Fracture de la colonne postérieure. C. Fracture de la paroi antérieure. D. Fracture de la colonne antérieure (variété basse). E. Fracture de la colonne antérieure (variété haute). F. Fracture transversale (vue latérale). G. Fracture transversale (vue postérieure montrant l’obliquité du trait). L’article de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale de Letournel [1], en 1991, est princeps ; nous allons tenter de montrer l’évolution actuelle. ■ Voies d’abord du cotyle Elles peuvent être classées en voies postérieure, antérieures et élargies. Les voies postérieure et antérieures peuvent être combinées et réalisées en même temps ou successivement. Voie postérieure La voie postérieure de Kocher-Langenbeck est la seule voie postérieure communément utilisée. C’est l’association d’une voie verticale de Kocher et d’une voie transglutéale de Langenbeck. L’installation est soit en décubitus ventral, soit en décubitus latéral. Le genou doit être fléchi à 90° pour détendre le nerf ischiatique. En décubitus ventral, le pied peut être mis dans une chaussure orthopédique, la hanche est en extension et le genou est maintenu en flexion par le pied suspendu à la potence (Fig. 3). En décubitus latéral, la flexion du genou est maintenue par un aide ou par un appui. Le patient peut être installé sur une table orthopédique avec une traction transcondylienne. L’incision comprend d’une part une branche verticale partant du sommet du grand trochanter, longeant son bord postérieur et le bord postérieur du fémur et, d’autre part, une branche oblique en haut et en arrière partant du sommet du grand trochanter et dirigée vers l’épine iliaque postérosupérieure (Fig. 4). Le premier plan musculaire traversé est en haut le muscle grand glutéal et en bas le fascia lata. Les muscles pelvitrochantériens et le nerf ischiatique sont ensuite repérés (Fig. 5). Le muscle obturateur interne et ses muscles jumeaux sont sectionnés à 1 cm du grand trochanter pour préserver la vascularisation de la tête fémorale, puis désinsérés de dehors en dedans donnant ainsi accès à la petite échancrure ischiatique. Rabattu vers l’arrière, maintenu par un fil tracteur, ce plan musculaire protège le nerf ischiatique (Fig. 6). La petite échancrure ischiatique est maintenant visible, un doigt peut en explorer le pourtour et sa face médiale. Un écarteur à bout mousse peut prendre appui sur la petite échancrure ischiatique. Le muscle piriforme est soit récliné vers le haut, soit sectionné pour aborder facilement la grande échancrure ischiatique et le toit du cotyle. Il faut être prudent si l’on glisse un écarteur dans la grande échancrure ischiatique car cet écarteur pourrait blesser le nerf ischiatique qui à ce niveau n’a pas de protection musculaire. On peut, en revanche, au doigt, explorer la face médiale de la grande échancrure ischiatique. L’épine ischiatique et les deux échancrures ischiatiques sont ainsi libérées. En bas, la tubérosité ischiatique est visualisée en désinsérant le tendon commun des muscles ischiojambiers. Au-dessus du muscle piriforme, le pédicule glutéal supérieur est repéré et correspond à la limite supérieure infranchissable de l’abord osseux. La colonne postérieure est vue de la tubérosité ischiatique au bord supérieur de la grande échancrure ischiatique, la vision s’étend en avant au toit du cotyle (Fig. 7). 2 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 2. Les cinq fractures complexes de Letournel et Judet. A. Fracture en « T ». B. Fracture de la colonne postérieure et de la paroi postérieure. C. Fracture transversale avec fracture de la paroi postérieure. D. Fracture de la colonne antérieure et fracture transversale postérieure. E. Fracture des deux colonnes. Figure 4. Incision cutanée de la voie de Kocher-Langenbeck vue sur un patient en décubitus ventral. Figure 3. Installation du patient en décubitus ventral sur table orthopédique avant la réalisation d’une voie postérieure. L’index recourbé et glissé en arrière des échancrures ischiatiques permet de palper la surface quadrilatère et la face interne de l’ischion (Fig. 8). Cette voie d’abord ne permet pas d’aborder l’aile iliaque. Les dangers de cette voie sont, d’une part le nerf ischiatique que l’on protège par le muscle obturateur interne et ses muscles jumeaux rabattus vers l’arrière et que l’on détend en gardant fléchi le genou, d’autre part le pédicule glutéal supérieur, et enfin l’artère circonflexe médiale (postérieure) qui passe en arrière ou à travers le muscle carré fémoral qu’il ne faut pas sectionner pour minimiser le risque d’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale. La voie de Kocher-Langenbeck peut bénéficier d’extension. Si le patient est installé en décubitus latéral, elle peut être transformée en voie triradiée de Mears (cf. infra). Quelle que soit l’installation, on peut réaliser une ostéotomie du grand trochanter soit de façon conventionnelle, soit en laissant le grand trochanter rattaché en haut aux muscles moyen et petit glutéal et en bas au muscle vaste latéral comme l’on présenté Siebenrock [4] et Agudelo [5]. Cette trochantérotomie a pour but, d’une part d’aborder le toit du cotyle d’arrière en avant et d’autre part de réaliser une arthrotomie exploratrice, voire une luxation peropératoire de la tête du fémur [4]. Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 3 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 5. Voie de Kocher-Langenbeck réalisée en décubitus latéral : repérage des muscles pelvitrochantériens et du nerf ischiatique. Figure 6. Voie de Kocher-Langenbeck. Vue latérale. 1. Muscle piriforme ; 2. muscle obturateur interne ; 3. nerf ischiatique ; 4. pédicule glutéal supérieur ; 5. colonne postérieure ; 6. muscle carré fémoral. Figure 8. Voie de Kocher-Langenbeck : en vert, ce qui est palpable au doigt en glissant l’index en avant de la grande et de la petite échancrure ischiatique (vue médiale de l’os coxal). Figure 9. En rouge, incision de la voie ilio-inguinale de Letournel. Voies d’abord antérieures Voie ilio-inguinale de Judet et Letournel [1, 2] et ses variantes Figure 7. Voie de Kocher-Langenbeck : en rouge, ce qui est vu sur la face latérale de l’os coxal. Le patient est en décubitus dorsal ou latéral si l’on désire faire un double abord antérieur et postérieur simultané. L’incision suit en arrière le bord supérieur de la crête iliaque et s’étend en avant jusqu’à la symphyse pubienne (Fig. 9). Les muscles transverses de l’abdomen sont désinsérés de la crête iliaque. Le ligament inguinal n’est que le bord inférieur de l’aponévrose du muscle oblique externe. L’opérateur a deux possibilités : soit il désinsère l’aponévrose du muscle oblique externe du ligament inguinal qui reste en place, soit il désinsère le ligament inguinal de l’os coxal et le rabat vers le haut. Chez l’homme, le cordon spermatique et les piliers du muscle oblique externe sont repérés. Cette voie d’abord comprend trois fenêtres d’abord de l’os coxal. La fenêtre latérale, ou fenêtre iliaque, est la face médiale de l’aile iliaque que l’on aborde en ruginant le muscle iliaque (Fig. 10). La fenêtre moyenne, ou fenêtre musculaire, correspond à l’échancrure du muscle iliopsoas (ou vallée du psoas) que l’on aborde en libérant le muscle iliopsoas et en repérant le nerf fémoral (Fig. 11). La fenêtre interne, ou fenêtre 4 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 10. latérale. Voie ilio-inguinale, fenêtre iliaque encore nommée fenêtre Figure 12. Fenêtre pubienne ou interne de la voie ilio-inguinale : section de l’arc iliopectiné. Figure 11. Fenêtre latérale et fenêtre moyenne ou musculaire de la voie ilio-inguinale. Figure 13. Voie ilio-inguinale, ouverture des trois fenêtres. 1. Lacs repérant le nerf fémoral, le muscle iliopsoas et le nerf cutané latéral de la cuisse ; 2. lacs repérant les vaisseaux fémoraux ; 3. lacs repérant le cordon spermatique. pubienne, correspond au pubis que l’on aborde en disséquant les vaisseaux fémoraux. Pour aborder l’os coxal entre la fenêtre moyenne et la fenêtre interne, l’opérateur doit sectionner l’arc iliopectiné (la bandelette iliopectinée) (Fig. 12). Cet arc sépare le muscle iliopsoas des vaisseaux fémoraux. Ce n’est que l’épaississement du fascia iliopsoas (fascia iliaca) en regard de l’éminence iliopubienne. L’opérateur doit le couper très profondément vers le détroit supérieur. Lorsque l’opérateur libère les vaisseaux fémoraux (Fig. 13), il doit repérer et sectionner, si elle existe, l’anastomose entre l’artère fémorale et l’artère obturatrice. Vu le danger qu’elle présente, Letournel l’a nommée la « corona mortis » et Teague [6] l’a retrouvée sur le cadavre dans 43 % des cas. Le nerf cutané latéral de la cuisse passe en dedans de l’épine iliaque antérosupérieure, sous le fascia du muscle grand oblique et sous l’arcade fémorale. Sa situation et sa position variable le rendent vulnérable et il doit être repéré avant de disséquer le muscle iliopsoas. Les lésions par étirement sont fréquentes et le patient doit être averti des troubles sensitifs résiduels. Pour De Ridder [7], il existe 35 % de perte de sensibilité et 5 % de méralgie paresthésique, dans cette voie d’abord. La voie ilio-inguinale de Letournel permet d’aborder par l’avant l’articulation sacro-iliaque et le centimètre adjacent du sacrum, Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 5 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 14. Accès osseux de la voie ilio-inguinale : en rouge, ce qui est visible ; en vert, ce qui est palpable au doigt sur la face médiale de l’os coxal. Figure 15. les trois quarts antérieurs de la face interne de l’aile iliaque, le bord antérieur de l’acétabulum, le bord supérieur et la face postérieure du pubis (Fig. 14). Cette voie ne permet pas de voir le quart postérieur de l’aile iliaque. La limite interne de la vision est la ligne arquée mais on peut palper avec un doigt replié la surface quadrilatère et la grande incisure ischiatique (Fig. 14). Pour réaliser la réduction et l’ostéosynthèse, l’opérateur découvre à volonté les trois fenêtres osseuses précitées. Pour cela, le muscle iliopsoas, les vaisseaux fémoraux et chez l’homme le cordon spermatique sont mobilisés par des lacs. La flexion de hanche détend le muscle psoas iliaque et le nerf fémoral, et rend plus aisé l’abord de la fenêtre latérale et médiane. La fermeture sur drain aspiratif se fait en réinsérant les aponévroses musculaires au pubis, à l’épine iliaque antérosupérieure et au ligament inguinal si celui-ci a été maintenu en place. Les dangers de cette voie sont les vaisseaux fémoraux et le nerf fémoral qu’il faut repérer. En rouge, incision cutanée de la voie iliofémorale. Variantes La voie ilio-inguinale peut présenter des variations et des extensions : • elle peut facilement, en avant, être combinée à une voie souspéritonéale de Stoppa [8, 9]. L’incision cutanée est la même, il faut y associer une incision de la ligne blanche des muscles grands droits. Ceci permet de contrôler la partie basse de la colonne antérieure au-dessous de la ligne arquée ; • elle peut être étendue, en arrière, à l’abord postérieur de la sacro-iliaque [10]. Pour cela, l’incision dans sa partie postérieure est prolongée verticalement au-dessous de l’épine iliaque postérosupérieure. La fixation du patient sur la table doit permettre de réaliser, de profil ou en trois quarts antérieurs, le temps antérieur et, en trois quarts postérieurs, le temps postérieur sacro-iliaque ; • Kloen [11], afin de faciliter la fermeture, pratique une ostéotomie des épines iliaques antérieures ; l’épine supérieure reste attachée au muscle sartorius et l’épine inférieure au tendon direct du muscle droit fémoral. Voie iliofémorale (ou iliocrurale) Elle dérive de la voie de Smith-Petersen, deuxième manière. Le patient est en décubitus dorsal sur table orthopédique ou ordinaire. L’incision suit la partie antérieure de la crête iliaque puis, à partir de l’épine iliaque antérosupérieure, descend oblique en bas et en dedans sur le relief du muscle sartorius (Fig. 15). La crête iliaque et la face médiale de l’aile iliaque sont libérées. Le muscle sartorius et l’arcade fémorale sont détachés de l’épine iliaque antérosupérieure. Le rameau latéral du nerf cutané latéral de la cuisse est sectionné. La hanche est ensuite fléchie, le muscle iliopsoas est libéré du bord antérieur de l’os coxal. Judet et Letournel [2] ont dit que l’on pourrait éventuel- Figure 16. Vision obtenue par la voie de Stoppa. lement sectionner sans conséquence le tendon du muscle iliopsoas. Cette voie d’abord permet de visualiser la face interne de la colonne antérieure, de la crête iliaque à l’éminence iliopubienne. Les dangers sont les vaisseaux fémoraux et le nerf fémoral. Voie antérieure sous-péritonéale dérivée de la voie de Stoppa [12, 13] L’installation est en décubitus dorsal. L’incision cutanée est arciforme horizontale sus-pubienne ou médiane sus-pubienne. La ligne blanche est incisée verticalement. Le sac péritonéal est refoulé vers le haut et les organes pelviens, vessie en premier, sont refoulés vers le bas. L’opérateur se porte vers la face postérieure du pubis jusqu’aux vaisseaux iliaques internes. L’abord peut être étendu jusqu’à la surface quadrilatère après avoir repéré les vaisseaux et le nerf obturateur. La vision est tangentielle et porte uniquement au-dessous du détroit supérieur (Fig. 16). Heineck [9], en plus de l’incision de la ligne blanche, a pratiqué une section horizontale du muscle droit de l’abdomen pour avoir la meilleure vision possible. 6 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 17. Incision de la voie élargie de Sénégas. Figure 18. Exposition de la voie de Sénégas. Autres voies antérieures de type Smith-Petersen ou Hueter Elles ne sont que rarement utilisées car elles ne permettent qu’une vision antérieure sus-cotyloïdienne. Pour pallier cet inconvénient, Trouilloud [14] proposa d’associer à la voie de Smith-Petersen une ostéotomie de l’aile iliaque pédiculée sur les muscles glutéaux. En basculant l’aile iliaque en dedans ou en dehors, il pouvait ainsi aborder la fosse glutéale ou la fosse iliaque interne. Voies élargies Elles permettent l’abord des deux colonnes. Abord latéral transtrochantérien d’Ollier Le patient est en décubitus latéral. L’incision est arciforme à concavité supérieure allant de l’épine iliaque antérosupérieure à l’épine iliaque postérosupérieure. Sa partie la plus basse est à 2 cm au-dessus du grand trochanter. Le grand trochanter est sectionné et les muscles moyen et petit glutéaux sont détachés de l’aile iliaque. La vision est réduite à la partie basse et latérale de l’aile iliaque, de la grande échancrure ischiatique à l’épine iliaque antéro-inférieure. Cette voie n’est pratiquement jamais réalisée pour la chirurgie du cotyle. Nous la décrivons car la voie de Sénégas en dérive. Abord latéral transtrochantérien de Sénégas [15, 16] Le patient est en décubitus latéral. L’incision part en arrière de l’épine iliaque postérosupérieure, descend vers le sommet du grand trochanter, puis chemine horizontalement et s’arrête au bord latéral du trigone fémoral (Triangle de Scarpa) (Fig. 17). En arrière, le muscle grand glutéal est incisé selon le sens de ses fibres, en avant le muscle tenseur du fascia lata est sectionné horizontalement. Une ostéotomie du grand trochanter permet de relever les muscles moyen et petit glutéaux. Les muscles pelvitrochantériens sont sectionnés en arrière, permettant ainsi l’abord de la colonne postérieure. La colonne antérieure est abordée en sectionnant le muscle droit fémoral et en libérant le muscle iliopsoas (Fig. 18). Cette voie d’abord donne une vision latérale de la colonne postérieure, de la partie basse de l’aile iliaque, de l’épine iliaque antéro-inférieure et de l’incisure du muscle iliopsoas (Fig. 19). Sénégas [15, 16] pratique une incision arciforme périacétabulaire de la capsule articulaire pour avoir une vision intra-articulaire. Les dangers anatomiques de cette voie sont le nerf ischiatique et le pédicule glutéal supérieur. Figure 19. En rouge, ce qui est vu par la voie de Sénégas ; en bleu, vision intracotyloïdienne après section capsulaire et traction sur la tête. Abord triradié de Mears [17] Le patient est en décubitus latéral. L’incision (Fig. 20) comprend trois traits centrés sur le grand trochanter. Un est vertical le long du bord postérieur du fémur, l’autre est dirigé vers l’épine iliaque antérosupérieure, le troisième est dirigé vers l’épine iliaque postérosupérieure. Le grand trochanter est sectionné et les muscles petit et moyen glutéaux sont libérés. La colonne postérieure est abordée après section des muscles pelvitrochantériens comme pour la voie de Kocher-Langenbeck. Le toit du cotyle, l’épine iliaque antéro-inférieure et l’incisure du muscle iliopsoas peuvent être abordés en avant. La vision s’étend donc sur toute la colonne postérieure, le toit du cotyle et la partie moyenne de la colonne antérieure. Les dangers anatomiques de cette voie sont le nerf ischiatique et le pédicule glutéal supérieur. L’avantage de cette voie est de pouvoir être réalisée comme extension antérieure possible d’une voie de Kocher-Langenbeck première. On reproche à cette voie le risque de nécrose cutanée au point de rattachement des trois incisions. Voie élargie en « T » de Reinert [18, 19] Le patient est en décubitus latéral. L’incision cutanée en « T » comprend deux parties. La partie supérieure qui forme la barre Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 7 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 22. Figure 20. Exposition de la voie en « T » de Reinert. En rouge, incision cutanée de la voie triradiée de Mears. Figure 23. Letournel. En rouge, incision cutanée de la voie iliofémorale élargie de Figure 21. En rouge, incision cutanée de la voie en « T » de Reinert. supérieure du « T » longe la moitié antérieure de la crête iliaque. La partie verticale part du milieu de l’incision supérieure, est dirigée vers le grand trochanter, puis se projette sur le quart supérieur de la diaphyse fémorale (Fig. 21). Une barrette de crête iliaque de 15 cm de longueur est réalisée en haut en regard des muscles moyen et petit glutéaux et une ostéotomie du grand trochanter est réalisée en bas ; ainsi, après libération, les muscles moyen et petit glutéaux peuvent être réclinés vers l’arrière. La colonne postérieure est abordée après section des muscles pelvitrochantériens. La partie haute de la colonne antérieure est abordée après section de l’épine iliaque antérosupérieure emportant l’insertion du muscle sartorius. Si nécessaire, le muscle droit fémoral peut être sectionné (Fig. 22). Cette voie d’abord permet de visualiser la face latérale de la colonne postérieure, de l’aile iliaque, de la colonne antérieure de l’épine iliaque antérosupérieure à l’éminence iliopubienne. Elle peut être étendue sur la face médiale du tiers antérieur et du tiers moyen de l’aile iliaque. Cette extension peut entraîner une dévascularisation de la fracture avec un risque de nécrose du cotyle. Les dangers anatomiques de cette voie d’abord sont le nerf ischiatique et le pédicule glutéal supérieur. Voie iliofémorale élargie de Letournel (ou voie iliocrurale élargie) [1, 2] Le patient est en décubitus latéral. L’incision cutanée a la forme d’un « J » inversé (Fig. 23). La partie supérieure arciforme suit la crête iliaque en partant de l’épine iliaque postérosupérieure à l’épine iliaque antérosupérieure. La partie inférieure verticale part de l’épine iliaque antérosupérieure et se dirige vers le bord latéral de la patella s’arrêtant à mi-cuisse. Les muscles glutéaux et le muscle tenseur du fascia lata sont désinsérés de l’aile iliaque et rabattus vers l’arrière (Fig. 24). Le fascia fémoral est ouvert sur toute la longueur de l’incision. Les tendons direct et réfléchi du muscle droit fémoral sont sectionnés. Les vaisseaux issus de l’artère circonflexe latérale sont ligaturés. La partie supérieure de la capsule est abordée en libérant le muscle moyen glutéal. Les tendons des muscles moyen et petit glutéaux sont sectionnés sur le grand trochanter. L’ensemble des muscles glutéaux peut maintenant être basculé vers l’arrière sans arracher le pédicule glutéal supérieur. La colonne postérieure est abordée après section des muscles pelvitrochantériens. La colonne antérieure est abordée en réclinant le muscle iliopsoas (Fig. 25). Cette voie d’abord permet de visualiser la face latérale 8 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 26. En rouge, vision de la face latérale de l’os coxal, obtenue par voie iliofémorale élargie ; en bleu, vision intracotyloïdienne après capsulotomie et traction sur la tête fémorale. Figure 24. Voie iliofémorale élargie de Letournel. Les muscles moyen et petit glutéaux sont décollés. Figure 27. En rouge, vision de la face médiale après extension interne dans la fosse iliaque interne de la voie iliofémorale élargie. supérieur. Lors de la fermeture, on s’efforce de remettre en tension les muscles petit et moyen glutéaux en rattachant en bas leurs tendons au grand trochanter et en réinsérant en haut leur aponévrose à la crête iliaque et à l’insertion des muscles larges de l’abdomen. Pour augmenter la solidité de la réinsertion des muscles moyen et petit glutéaux, nous réalisons une variante avec ostéotomie du grand trochanter et création de barrettes osseuses par désépaississement de la moitié antérieure de la crête iliaque. Ainsi, les muscles petit et moyen glutéaux restent attachés à une partie de leur insertion osseuse. Lors de la fermeture, la réinsertion se fait par ostéosynthèse au fil d’acier du grand trochanter et par ostéosuture au fil souple ou au fin fil d’acier des barrettes de crête iliaque. Figure 25. Exposition osseuse de la voie iliofémorale élargie. 1. Fil tractant le muscle piriforme ; 2. fil tractant les muscles pelvitrochantériens ; 3. fil tractant le muscle droit antérieur. de la colonne postérieure, des trois quarts de l’aile iliaque, de la colonne antérieure de l’épine iliaque antérosupérieure à l’éminence iliopubienne (Fig. 26). Elle peut être étendue (Fig. 27) sur la face médiale de l’aile iliaque jusqu’à l’articulation sacroiliaque. Mais cette extension peut entraîner une dévascularisation de la fracture. Sur 25 abords, nous [20] déplorons trois nécroses du cotyle qui sont vraisemblablement dues au double abord interne et externe de l’aile iliaque. Les dangers anatomiques de cette voie sont le nerf ischiatique et le pédicule glutéal Avantages et inconvénients des voies élargies L’avantage est évident : l’abord simultané des deux colonnes. De plus, les voies élargies permettent une bonne vision intraarticulaire après section arciforme de la capsule et traction sur la tête fémorale (Fig. 28). Les inconvénients sont un fort taux d’ossification hétérotopique. Nous [20] n’avons eu que trois patients sur 25 sans calcification postopératoire après voie iliofémorale élargie. Nos patients n’avaient reçu ni irradiation, ni indométacine postopératoire. Tous grades de Brooker confondus, les ossifications seraient visibles pour Alonso [21] chez 53 % des patients ayant eu une voie triradiée et chez 86 % des patients ayant eu une voie iliofémorale élargie ; pour Starr [19], chez 67 % des patients Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 9 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 28. Vision intra-articulaire d’une voie élargie après section capsulaire et traction sur la tête du fémur. ayant eu une voie élargie en « T ». Alonso [21] retrouva quelques grades IV de Brooker pour les voies iliofémorales élargies (9 %) et les voies triradiées (5 %) alors que Starr [19] ne retrouva aucun grade IV après les voies en « T ». Les patients de la série d’Alonso avaient eu de l’indométacine en postopératoire et ceux de la série de Starr avaient subi une irradiation postopératoire. Malgré cela, les résultats cliniques étant satisfaisants par ailleurs, Starr [19], Alonso [21], Griffin [22] et Stöckle [23] pensent que les voies d’abord élargies peuvent être utilisées dans les fractures touchant les deux colonnes et les fractures vieillies. Figure 29. Davier de Jungbluth ; noter les mors pouvant prendre ancrage sur des têtes de vis. Voies combinées Elles ont pour but d’aborder chaque colonne par une incision élective, en général voie de Kocher-Langenbeck en arrière, voie ilio-inguinale en avant [24] ou parfois voie iliofémorale [3]. L’école de Toulouse (in [24]) installe le patient dans un corset rigide prévu à l’avance (trois tailles pour chaque côté). Les abords se font respectivement de trois quarts antérieur et postérieur. Pour Routt [25], l’abord antérieur et postérieur simultané doit être réservé aux fractures complexes et permet une vision au moins égale aux voies élargies. ■ Techniques chirurgicales Principes de réduction et de fixation interne Une fois le bilan radiologique terminé et la voie d’abord choisie, la réduction reste le problème principal. Elle est difficile et réclame une grande expérience car le choix de la technique de réduction est ajusté en fonction de chaque type de fracture et de la voie d’abord choisie. L’installation sur table orthopédique peut aider la réduction en maintenant la tête fémorale en bonne position et en distractant l’articulation. Les alternatives à la table orthopédique sont le distracteur AO placé entre l’os iliaque et le fémur proximal, le tire-fond de Mathieu inséré dans l’axe du col ou le crochet de Lamboth passé autour du col pour extraire la tête fémorale. La chirurgie du cotyle nécessite quelques instruments spécifiques qui facilitent la réduction. Parmi les daviers, certains comme ceux de Farabeuf ou de Jungbluth (Fig. 29) ont des mors qui s’appuient sur les têtes de vis 3,5 mm ou 4,5 mm laissées temporairement saillantes dans les principaux fragments. D’autres, comme les daviers de Matta (Fig. 30) et les daviers Figure 30. Davier type Matta. Ils existent en plusieurs tailles et avec plusieurs angulations des branches. King Tong (Fig. 31), ont de longues branches angulées ou droites permettant d’aller saisir et réduire des fragments très à distance des bords de l’os coxal. Ces daviers, ainsi que la pointe Picador de Letournel qui a le rôle d’une longue pointe carrée, ont leurs extrémités acérées rehaussées d’une rondelle ou d’une boule pour pousser les fragments sans les refendre. Le davier colinéaire (Fig. 32) simplifie la compression interfragmentaire en limitant la dévascularisation des fragments d’accès malaisé. Le déplacement des fractures du cotyle associe souvent translation et rotation. On peut s’aider d’une vis de Schanz implantée temporairement dans une colonne osseuse pour la mobiliser et contrôler son déplacement rotatoire. Les fractures du cotyle peuvent être comparées à celles d’un pare-choc en matière souple d’une automobile. Il peut y avoir 10 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 33. Bilan des lésions d’une fracture de la paroi postérieure avec enfoncement articulaire. Figure 31. Davier type King Tong. choix de longueur de vis (au-delà de 100 mm) doit être disponible, et leur tenue est meilleure en l’absence de taraudage préalable. Une large gamme de longueur de plaques droites et précourbées doit être disponible. On doit pouvoir cintrer et chantourner ces plaques pour une parfaite adaptation à l’os coxal. Ostéosynthèse des fractures simples Fractures de la paroi postérieure Figure 32. Davier colinéaire. Il ramène les fragments comme un crochet à os ; l’action sur la détente permet la réduction et la compression. Il permet en plus de mettre une broche puis une vis canulée. séparation, enfoncement et déformation plastique. Le chirurgien peut traiter la fracture et l’enfoncement mais risque de buter sur la correction de la déformation plastique. Dans ce cas, il peut être nécessaire de compléter le trait de fracture pour redresser la déformation plastique. La réduction et la fixation s’effectuent pas à pas, fragment après fragment, menées en général de haut en bas. La mise en place d’une vis en compression permet d’ôter le davier réducteur, avant la fixation définitive par une plaque de neutralisation. L’appréciation de la qualité de la réduction est visuelle et palpatoire. Il est habituellement préférable de visualiser la réduction finale sur la surface articulaire, mais la voie d’abord ne permet souvent qu’une estimation à partir des corticales extra-articulaires de l’os coxal. Il est important d’inclure dans la réduction les fragments extra-articulaires rencontrés autour du détroit supérieur, de la grande échancrure ischiatique ou de la crête iliaque. De petites erreurs tolérées initialement peuvent être majorées lors de la réduction des autres fragments. La fixation préalable par broches de Kirschner peut être utile, mais nous préférons utiliser le vissage interfragmentaire. La fixation réclame des implants spécifiquement adaptés à ce type de chirurgie. Les vis autotaraudeuses de 3,5 mm conviennent à l’ostéosynthèse de l’os coxal par plaque, alors que les vis de 4,5 sont plus volontiers utilisées isolément dans l’axe des colonnes ou entre les deux tables des crêtes iliaques. Un large Elles sont abordées par voie postérieure de KocherLangenbeck. Au cours de l’exposition, il faut absolument éviter de libérer les fragments de leurs attaches capsulaires sous peine d’entraîner leur nécrose précoce. À l’aide d’une traction longitudinale brève et prudente, un lavage et une inspection intra-articulaire sont réalisés pour faire le bilan des enfoncements (Fig. 33). L’articulation est débarrassée de tous fragments incarcérés. On réalise la reconstruction cartilagineuse en se servant de la tête fémorale comme moule pour la réduction des fragments incarcérés et/ou impactés. Ces fragments articulaires peuvent être maintenus par broches résorbables ou par minivissages perdus, et l’impaction comblée par une greffe spongieuse prélevée aux dépens du grand trochanter (Fig. 34 à 36). La réduction finale de la paroi plus ou moins comminutive peut être maintenue par un vissage en compression de chaque fragment par des vis de diamètre 2,7 ou 3,5 mm qui prennent appui dans la surface quadrilatère. Il faut se souvenir qu’en décubitus ventral, les vis traversant la paroi postérieure peuvent être enfoncées sans danger de saillie articulaire si la visée est horizontale. La mise en tension excessive de ces vis peut occasionner un déplacement de la paroi. Seuls les fragments très périphériques peuvent être synthésés au moyen d’une plaqueconsole à griffe (spring plate) (Fig. 37) confectionnée à partir d’une plaque tiers de tube [26]. Il faut systématiquement ajouter une plaque de soutien de la paroi qui s’étend du pôle supérieur de l’ischion à la région sus-cotyloïdienne. Cette plaque de soutien doit être « insuffisamment » cintrée pour assurer un effet console (Fig. 38) sur la paroi postérieure mais doit être suffisamment courbée sur le plat pour être positionnée près du bord postérieur de l’acétabulum (Fig. 39). En pratique, on utilise souvent une plaque droite légèrement courbée en son centre, relevée à ses deux extrémités (plaque en forme de moustache asymétrique) (Fig. 38). Le contrôle par amplificateur de brillance dans l’axe des vis permet de vérifier l’absence de pénétration articulaire de celles-ci. La ou les vis ischiatique(s) est (sont) dirigée(s) en bas en avant et en dedans. Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 11 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 34. Coupe horizontale montrant le déplacement d’une fracture de la paroi postérieure avec enfoncements articulaires. Figure 35. Figure 36. Réduction de l’enfoncement, greffe de la cavité restante et réduction terminale de la paroi postérieure. Réduction d’un enfoncement avec une spatule. Fractures de la colonne postérieure Elles sont abordées par voie postérieure de KocherLangenbeck. Le premier temps est la toilette de l’articulation et du trait de fracture par distraction de la lésion osseuse. Le deuxième temps est la désincarcération de la fracture qui est extraite de la cavité pelvienne par un crochet (Fig. 40) et une traction dans l’axe du col. Le troisième temps est la réduction réalisée à l’aide de davier à pointe (Fig. 41), ou grâce aux daviers de type Farabeuf (Fig. 42) ou Jungbluth appuyés sur une vis de part et d’autre de la fracture. Le davier à pointe introduit dans la grande échancrure ischiatique permet de réduire la translation postérieure (Fig. 41). La manipulation d’une vis de Schanz fixée dans l’ischion permet de contrôler le déplacement rotatoire du fragment de colonne postérieure. La réduction est contrôlée par visualisation de la surface rétroacétabulaire mais également par palpation au doigt (Fig. 43) de la surface quadrilatère. Le quatrième temps est l’ostéosynthèse de la colonne postérieure à l’os iliaque intact grâce à une vis interfragmentaire en compression perpendiculaire au trait. L’opérateur doit garder à l’esprit Figure 37. Utilisation de plaques-consoles à griffes pour maintenir un foyer comminutif. Les plaques-consoles à griffes sont obtenues par section de plaques tiers de tube. que le trait de fracture est toujours oblique en haut et en arrière. La vis est donc difficile à mettre et sa sortie endopelvienne doit être contrôlée au doigt. Si le risque d’effraction articulaire est important, il faut éviter de la mettre. Cette vis est systématiquement associée à une plaque de soutien (Fig. 44) sur la surface rétroacétabulaire dont la courbure doit parfaitement épouser les reliefs osseux pour ne pas déplacer la correction. Fractures de la paroi antérieure Cette paroi est de réduction délicate à travers la fenêtre moyenne de la voie d’abord ilio-inguinale. La fixation par vis interfragmentaire (souvent impossible) doit être prudente pour éviter la pénétration dans la cavité articulaire. Une plaque de soutien est cintrée pour épouser parfaitement la courbure de l’éminence iliopubienne (Fig. 45). Elle est 12 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 38. Forme de la plaque postérieure utilisée pour ostéosynthéser une fracture de la paroi postérieure. Le schéma montre la plaque avant, sa mise en place et son effet console dû à son élasticité après mise en place et vissage. Il s’agit d’une vue antérolatérale de l’acétabulum. Le bord postérieur de l’acétabulum est vu en fuite. Figure 40. Désincarcération d’une fracture de la colonne postérieure. Figure 39. Fracture de la paroi postérieure ostéosynthésée. Vue postérieure montrant les vis de l’ostéosynthèse directe du fragment et la plaque de soutien. Figure 41. Réduction d’une fracture de la colonne postérieure par un davier à pointe introduit dans la grande échancrure ischiatique. mise en place sur la colonne antérieure le long du détroit supérieur en prenant appui proximalement sur l’aile iliaque et distalement sur la branche horizontale du pubis. S’il existe une écaille de surface quadrilatère, elle est réduite à l’aide d’une rugine ou d’un davier angulé et elle est maintenue par une ou deux vis partant de la plaque ou à côté d’elle et allant se ficher dans la corticale de l’écaille. Cette surface quadrilatère peut être également fixée par une vis en compression introduite sur la face latérale de l’aile iliaque et insérée juste au-dessus du cotyle. En cas de comminution de la paroi antérieure, une plaqueconsole (Fig. 45) ou des plaques à griffes peuvent être rajoutées. moyenne et ne réalise la fenêtre interne que si nécessaire. Lorsqu’il existe une déformation plastique de l’aile iliaque, il faut parfois compléter le trait de fracture avant de réduire. Si le trait de fracture est complet, la partie inférieure de la colonne antérieure est déplacée en dedans et en haut. La correction est obtenue en manipulant le fragment avec un davier de Farabeuf et en le maintenant avec un davier à pointe ou ancré sur des vis-pitons. L’ostéosynthèse peut être réalisée par une ou plusieurs vis placées dans l’épaisseur de l’aile iliaque. Le point d’introduction de la vis est sur l’échancrure interépineuse antérieure ou légèrement en dehors de cette échancrure. La vis est dirigée vers la tubérosité postérieure de l’aile iliaque. Une plaque moulée sur la crête iliaque peut être associée (Fig. 46). Ce n’est qu’en cas d’ostéoporose ou de comminution importante que l’opérateur met une plaque sur le détroit supérieur. Fractures de la colonne antérieure Fractures hautes de la colonne antérieure Elles sont propagées à l’aile iliaque. Elles peuvent être abordées par voie iliofémorale si le trait de fracture est unique mais la voie ilio-inguinale donne un jour plus étendu. Dans ce cas, l’opérateur commence par la fenêtre latérale et la fenêtre Fractures basses de la colonne antérieure Elles siègent au niveau de l’échancrure du muscle iliopsoas. Elles ne peuvent être abordées qu’en ouvrant les trois fenêtres Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 13 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 42. Réduction d’une fracture de la colonne postérieure par un davier de Farabeuf prenant appui sur des têtes de vis provisoires. Figure 44. Ostéosynthèse d’une fracture de la colonne postérieure par plaque et vis. Figure 45. Ostéosynthèse d’une fracture comminutive de la paroi antérieure avec plaque de soutien et plaque-console. Noter que les vis ne sont pas mises au-dessous de l’épine iliaque antéro-inférieure et au niveau de l’éminence iliopubienne. Figure 43. Contrôle endopelvien d’une fracture de la colonne postérieure grâce à l’index introduit dans la grande échancrure ischiatique. de la voie ilio-inguinale. Elles sont réduites par un davier à pointe ou prenant appui sur des vis-pitons. Elles sont synthésées par une plaque moulée sur le détroit supérieur (Fig. 47). Fractures transversales Classées parmi les fractures simples, les fractures transversales sont très difficiles à ostéosynthéser. En effet, une bonne réduction d’un côté ne veut pas dire que l’autre côté est bien réduit. Le choix de la voie d’abord est un élément essentiel car les fractures transversales peuvent être opérées soit par voies antérieure ou postérieure, isolées ou associées, simultanées ou successives, soit par voies élargies. Si l’on désire ostéosynthéser par une voie isolée, il faut aborder du côté le plus déplacé, en général en arrière. Il faut accepter de réaliser, en cas de réduction imparfaite, un second abord du côté opposé pour parfaire la réduction en jouant sur Figure 46. Ostéosynthèse d’une fracture haute de la colonne antérieure. 14 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 47. Ostéosynthèse d’une fracture basse de la colonne antérieure par plaque. Noter que les vis ne sont pas mises au-dessous de l’épine iliaque antéro-inférieure et au niveau de l’éminence iliopubienne. Figure 49. À gauche, une plaque cintrée peut entraîner une compression de l’extrémité antérieure d’une fracture transversale ; à droite, une plaque insuffisamment cintrée peut ouvrir en avant la même fracture transversale. Figure 48. Réduction par voie postérieure d’une fracture transversale avec deux daviers et manipulation du fragment inférieur par une poignée montée sur une fiche filetée. l’élasticité de l’ostéosynthèse. Cette élasticité a des limites et il est difficile de réduire par un deuxième abord un déplacement supérieur à 5 mm. Les voies élargies avec ouverture capsulaire et trochantérotomie ont l’avantage de permettre un contrôle intra-articulaire. Par ailleurs, les fractures transversales sont obliques en haut et en dedans sur une vue de profil de l’acétabulum (Fig. 1). Le trait acétabulaire est donc toujours plus bas que le trait sur la face médiale de l’os coxal. Cette obliquité du trait rend la fracture très instable et doit être évaluée lors de la mise en place du davier réducteur. Par voie postérieure, la réduction est semblable à celle de la colonne postérieure par la mise en place d’un davier appuyé sur deux vis-pitons placées de chaque côté du trait de fracture et/ou d’un davier glissé dans la grande échancrure ischiatique (Fig. 48). L’action simultanée de ces deux daviers permet de contrôler l’obliquité du trait de fracture. Il faut contrôler la réduction de la colonne antérieure par la palpation de la lame quadrilatère et du détroit supérieur à travers la grande échancrure ischiatique. Une imperfection de réduction sur la colonne antérieure peut être rectifiée grâce à la dérotation du cadre obturateur à l’aide d’une vis de Schanz ou d’une fiche filetée Figure 50. Ostéosynthèse d’une fracture transversale par voie élargie. placée dans l’ischion et manipulée comme une poignée (Fig. 48). La fixation est faite par des vis en compression et une plaque postérieure de neutralisation. Cette plaque doit être parfaitement moulée et appliquée sans jouer sur l’élasticité du métal. En effet, insuffisamment cintrée, la plaque entraîne un déplacement de la colonne opposée (Fig. 49). Par voie antérieure, la réduction est obtenue grâce à un poussoir qui repousse en dehors et en bas le fragment inférieur. Cette réduction est maintenue par daviers. La fixation est ensuite réalisée par vis interfragmentaire oblique en haut et en dehors et par une plaque antérieure de neutralisation. Par voie latérale élargie (Fig. 50), apanage des fractures transtectales, on contrôle précisément les extrémités antérieure et postérieure du foyer fracturaire autorisant une inspection de la réduction articulaire après capsulotomie. La fixation associe une grande vis de diamètre 4,5 mm dans l’axe de la colonne antérieure et une plaque sur la colonne postérieure. Ostéosynthèse des fractures complexes Fracture de la colonne postérieure et de la paroi postérieure Elles sont abordées par voie de Kocher-Langenbeck. La réduction commence par celle de la colonne postérieure comme Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 15 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle décrite précédemment. Une courte plaque de reconstruction appliquée le long de la grande échancrure ischiatique peut maintenir la réduction de la colonne postérieure. À travers la fracture de la paroi postérieure et en exerçant une traction sur la tête, on contrôle la réduction intra-articulaire de la colonne postérieure. La paroi postérieure est ensuite réduite et maintenue par vissage interfragmentaire associé à une plaque de soutien qui assure une stabilité supplémentaire à la colonne postérieure. Fractures transversales et de la paroi postérieure Elles sont abordées par voie de Kocher-Langenbeck si le déplacement est essentiellement postérieur ou par double voie d’abord ou par voie élargie. La fracture transversale est réduite en premier puis maintenue en place par vissage interfragmentaire. À travers la fracture de la paroi postérieure et en exerçant une distraction sur la tête, on contrôle la réduction articulaire de la fracture transversale. La paroi postérieure est ensuite réduite puis fixée classiquement par vissage interfragmentaire et plaque de soutien dont on veille à ce qu’elle n’ait aucune tension pour ne pas entraîner d’ouverture du trait de fracture sur la colonne antérieure. Figure 51. Ostéosynthèse d’une fracture des deux colonnes par voie ilio-inguinale. Plaque sur la colonne antérieure, vissage de la colonne postérieure. Fractures en « T » Le déplacement a suivi la tête fémorale qui est partie en arrière et en dedans. La colonne antérieure est en général peu déplacée. L’abord chirurgical peut être postérieur si le déplacement est essentiellement postérieur. Dans les autres cas, un double abord ou une voie élargie peuvent être réalisés. Une voie élargie est particulièrement indiquée si la composante horizontale du « T » est transtectale. La fixation est réalisée d’abord par plaque de soutien de la colonne postérieure puis vissage dans l’axe de la colonne antérieure. Si l’on choisit de fixer la colonne postérieure en premier, il faut veiller à ne pas faire dépasser de vis dans le foyer vertical du « T », rendant ensuite impossible la réduction de la colonne antérieure. La présence d’une fracture de la paroi postérieure associée ajoute une difficulté à la réduction. Fractures de la colonne antérieure et fractures hémitransversales postérieures Ces fractures ressemblent aux fractures en « T » mais le mécanisme est différent. Le déplacement des fragments a suivi la tête fémorale qui est partie en avant et la colonne postérieure est en général peu déplacée. L’abord chirurgical ne se fait jamais par voie postérieure première. Il faut choisir soit une voie ilioinguinale première, soit une voie élargie. La voie postérieure n’est indiquée qu’après une voie antérieure première n’ayant pas permis la réduction postérieure. La réduction antérieure est aisée par voie ilio-inguinale. La colonne antérieure est d’abord réduite puis fixée par vis interfragmentaires et par plaque de soutien le long du détroit supérieur en veillant à ce que les vis ne dépassent pas dans le foyer hémitransverse postérieur. Ceci empêcherait toute réduction de la colonne postérieure. La colonne postérieure, déplacée médialement, est ensuite réduite à l’aide d’un davier angulé de grande taille, chevauchant le détroit supérieur, entre la portion postérieure de la surface quadrilatère et la surface externe de l’aile iliaque. Cette réduction n’est jamais directement visualisée et seulement contrôlée par la palpation de la surface quadrilatère ou par scopie vérifiant l’intégrité de la ligne ilio-ischiatique sur le cliché de face du bassin. La fixation de la colonne postérieure est assurée par une vis introduite soit depuis la fosse glutéale jusqu’à la surface quadrilatère, soit depuis la fosse iliaque interne jusqu’à l’ischion ou la petite échancrure ischiatique. Si l’opérateur a choisi une voie élargie, il peut mettre une plaque sur la colonne postérieure et une vis dans l’axe de la colonne antérieure. Figure 52. Ostéosynthèse d’une fracture des deux colonnes par voie élargie. d’une fracture de la colonne antérieure plus hémitransverse postérieure. L’exactitude de la réduction première de l’aile iliaque conditionne la précision de la réduction acétabulaire. La première étape consiste en la réduction et la fixation de la colonne antérieure fragment après fragment, menées en général de haut en bas, tout en latéralisant la tête fémorale à l’aide du tire-fond. La colonne postérieure est ensuite réduite à travers la fenêtre moyenne de l’ilio-inguinale grâce à un davier angulé chevauchant le détroit supérieur. L’évaluation de la qualité de la réduction se fait par palpation de la surface quadrilatère et de la grande échancrure ischiatique. La colonne postérieure est fixée par vissage depuis la fosse iliaque interne jusqu’à l’ischion. Il est impératif de contrôler sous scopie que le trajet du vissage est extra-articulaire. Lorsqu’on choisit une voie élargie (Fig. 52), on peut réaliser une capsulotomie juxta-acétabulaire circonférentielle pour contrôler de visu la réduction articulaire. On réalise ensuite une ostéosynthèse par plaque en arrière et en avant par vissage ou par plaque. Fractures des deux colonnes Traitement adjuvant de l’ostéosynthèse : prévention des ossifications Le déplacement des deux colonnes est médial. Ces fractures sont abordables soit par voie ilio-inguinale, soit par voie élargie, soit par double voie. Ces fractures sont souvent accessibles par voie d’abord ilioinguinale (Fig. 51) et la réduction est souvent similaire à celle La voie postérieure de Kocher-Langenbeck et surtout les voies élargies avec désinsertion des muscles fessiers sont responsables d’ossification, facteur de mauvais résultat [27, 28]. Deux traitements préventifs sont proposés dans la littérature. L’indométacine (150 mg/j en trois prises pendant 30 à 45 j) est efficace 16 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Figure 53. Fracture de la colonne antérieure : ostéosynthèse par deux vis scanoguidées. pour Ghalambor [28], Matityahu [27], Kinik [29], Kumar [30]. Mais Matta [31], à la suite d’une étude en double aveugle, n’a pu prouver son efficacité. On lui reproche le risque digestif et de retarder la consolidation des fractures diaphysaires. L’irradiation de la fosse glutéale, débutée dans les 3 jours qui suivent l’intervention, est efficace pour Haas [32] , Starr [19] , Childs [33], Cornes [34]. Pour Moore [35], Burd [36], elle est au moins aussi efficace que l’indométacine. Elle est plus onéreuse que l’indométacine mais ne présente pas de problème d’observance. On lui reproche le risque théorique de dégénérescence sarcomateuse mais il n’existe aucune preuve dans la littérature. Nous avons réalisé [20] 25 voies iliofémorales élargies de Letournel sans radiothérapie et avec deux ossifications Brooker IV. Actuellement, nous utilisons systématiquement la radiothérapie et ne constatons plus l’apparition d’ossification Brooker IV. L’utilisation des biphosphonates n’a aucune action préventive des ossifications. Nous n’avons pas trouvé d’article sur les bienfaits de la vitamine C dans les fractures du cotyle. Figure 54. Fracture ostéosynthésée par une vis scanoguidée oblique en arrière et en dedans. Les flèches blanches montrent les éléments qu’il faut repérer. Ostéosynthèse percutanée des fractures du cotyle Eude [37, 38] a décrit une technique de vissage en compression scanoguidée grâce à des coupes axiales. Le patient est installé en décubitus dorsal ou latéral. Il doit être parfaitement immobile et le décubitus dorsal, s’il est utilisable, est préférable. L’opérateur choisit une coupe axiale favorable au contrôle d’une broche-guide qui transfixie le foyer de fracture. Les vaisseaux et les nerfs sont repérés et la progression de la broche est surveillée pas à pas au scanner. Le méchage et le vissage sont ensuite réalisés selon la technique habituelle de l’ostéosynthèse percutanée. On utilise des vis de gros diamètre, au moins 5 mm, et filetées uniquement à leur extrémité. Pour ostéosynthéser un trait de fracture supratectal, on se sert d’une coupe axiale passant au niveau ou au-dessus de l’épine iliaque antéroinférieure. La partie plane de la coupe est la face latérale de l’aile iliaque et la partie présentant deux faces est la face médiale de l’aile iliaque dont la saillie du détroit supérieur est bien visible sur la coupe axiale de scanner. On utilise le plus souvent deux directions de vis, soit antéropostérieure pour les fractures hautes de la colonne ou de la paroi antérieure, dans ce cas la visée part du bord antérieur vers le bord postérieur de l’os coxal (Fig. 53), soit oblique d’avant en arrière et de dehors en dedans (Fig. 54) pour ostéosynthéser la partie sus-cotyloïdienne d’un trait transversal. La vis doit être bien évidemment perpendiculaire au trait de fracture. De même, après avoir repéré le nerf ischiatique, et toujours selon le même principe de la broche-guide première, on peut réaliser une ostéosynthèse de la paroi postérieure (Fig. 55). Cette technique nous paraît fiable, facile, peu morbide ; elle permet l’ostéosynthèse et la compression du trait de fracture ; elle ne permet pas la réduction. Sa solidité permet le nursing postopératoire en évitant la traction. Elle peut être associée à une technique première d’ostéosynthèse à ciel ouvert. Kahler [39] rapporta une technique de vissage contrôlé par navigation avec broche-guide dont la progression est surveillée par ordinateur et caméra. De cette façon, en Figure 55. Ostéosynthèse d’une fracture de la paroi postérieure par une vis scanoguidée. introduisant une vis sur la face exopelvienne du pubis ou de l’aile iliaque, on peut réaliser une ostéosynthèse d’un trait de fracture transversal de la colonne antérieure, et en introduisant une vis au niveau de l’ischion, on peut réaliser une ostéosynthèse d’un trait transversal de la colonne postérieure. Kahler [39] a utilisé les techniques de fluoronavigation et de scanonavigation. Pour Kahler [39], la fluoronavigation permet le contrôle de la réduction ; c’est une technique rapide qui diminue la dose d’irradiation des mains du chirurgien. Starr [40] a réalisé l’ostéosynthèse percutanée des fractures du cotyle sous contrôle par fluoroscopie à ciel fermé et/ou par microabord en réalisant la réduction par des daviers de sa fabrication de type colinéaire. Ces techniques à faible morbidité dans les mains de leurs auteurs ne peuvent être réalisées que par des opérateurs qui maîtrisent la connaissance de l’anatomie tridimensionnelle de l’os coxal. Elles semblent permettre une meilleure réduction que la simple ostéosynthèse scanoguidée. Mise en place immédiate d’une prothèse totale de hanche L’intervention peut être réalisée dans les suites immédiates de la fracture ou quelques semaines après, lorsque l’engluement de la fracture a débuté. Les principes sont : avivement du cotyle, reconstruction par greffe, stabilisation de la fracture, puis implantation du cotyle Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 17 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Figure 57. Implantation d’un anneau vissé sur une fracture du cotyle. Les espaces osseux sont comblés par la greffe prélevée sur la tête et le col. Figure 56. Fracture récente du cotyle et implantation immédiate d’une prothèse. Ostéosynthèse première de l’acétabulum avec fraisage secondaire de la cavité articulaire. prothétique et remise en charge, dans la majorité des cas, après consolidation. On peut individualiser deux grands types de technique, soit ostéosynthèse première de la fracture, puis implantation du cotyle prothétique, soit implantation d’un cotyle prothétique à vis ou d’un élément de soutien vissé sans autre ostéosynthèse de la fracture. Ostéosynthèse de la fracture et implantation du cotyle prothétique Pour les fractures pouvant être ostéosynthésées par voie de Smith-Petersen, Beaulé [41] installait le patient sur table orthopédique de Judet. À travers la même incision, une plaque était mise sur le détroit supérieur, puis un cotyle cimenté était implanté (Fig. 56). Pour toutes les fractures et en particulier les fractures comminutives sur os ostéoporotique, Mears [42] et Mouhsine [43] installaient le patient sur table habituelle et utilisaient leur incision habituelle pour implanter la prothèse. Mears réalisait un tunnel au-dessous de l’épine iliaque antérosupérieure et allant du bord antérieur au bord postérieur de l’os coxal. Selon le type de fracture, un ou plusieurs câbles étaient introduits dans ce tunnel sus-cotyloïdien réalisant des haubans soit autour de l’ischion, soit autour du pubis, soit autour de la surface quadrilatère en prenant appui sur l’épine ischiatique. Le cotyle osseux est ensuite avivé, puis les vides osseux sont comblés par une greffe provenant de la tête et du col. Le cotyle prothétique sans ciment est ensuite impacté et tenu par des vis complémentaires. Mouhsine [43] proposait une technique similaire en réalisant un cerclage sus-acétabulaire. Une contre-incision antérieure au-dessous de l’épine iliaque antérosupérieure permettait de contrôler le passage du câble et la réduction de la fracture dans la fosse iliaque interne. Implantation d’un élément de soutien avec vis C’est la technique la plus usitée. L’opérateur utilise sa voie d’abord habituelle d’implantation de prothèse totale de hanche. Le cotyle est avivé avec précaution. Un crochet à os peut être glissé en avant à travers la vallée du muscle psoas-iliaque ou en arrière à travers la grande échancrure ischiatique pour tenter de stabiliser les fragments osseux pendant le passage des fraises. Les espaces osseux sont comblés par la greffe provenant de la tête et du col. La stabilisation est assurée par une armature métallique [44], soit anneau vissé (Fig. 57), soit croix vissée, soit cotyle avec vis. Le cotyle définitif est implanté dans l’armature métallique. ■ Indications et contre-indications du traitement chirurgical Judet et Letournel [2] ont eu une attitude tranchée : toutes fractures déplacées devaient être ostéosynthésées si l’état général le permettait. L’âge n’était pas une contre-indication, seule l’ostéoporose l’était. Par la suite sont apparues les techniques d’ostéosynthèse peu invasives et d’implantation immédiate de prothèse totale avec leurs indications spécifiques. La prise en charge d’une fracture du cotyle nécessite d’avoir terminé une courbe d’apprentissage afin d’être capable d’évaluer l’anatomopathologie de la fracture, les possibilités du traitement et le projet chirurgical. Dans le cas contraire, il ne faut prendre en charge que la réception du patient et débuter un traitement par traction puis évacuer vers un centre entraîné. Chez les sujets jeunes et en bon état général, l’indication d’ostéosynthèse est retenue pour les fractures avec déplacement articulaire de 3 mm en zone portante. Chez les patients polytraumatisés, la chirurgie du cotyle ne peut être envisagée qu’après avoir réglé les problèmes vitaux et contrôlé les conséquences du traumatisme. En cas de fracture associée du fémur, il faut commencer par l’ostéosynthèse du fémur. On utilise volontiers une ostéosynthèse à foyer ouvert si l’appui pubien est susceptible de déplacer la fracture du cotyle lors de la traction sur table orthopédique. Si, néanmoins, le patient est installé sur table orthopédique, la traction doit être douce et la fracture du cotyle doit être contrôlée par l’amplificateur de brillance. Il faut choisir une technique d’ostéosynthèse du fémur et une voie d’abord compatibles avec la chirurgie cotyloïdienne. Souvent, l’ostéosynthèse par plaque ou par clou rétrograde est choisie car l’incision n’est pas gênante pour la chirurgie du cotyle. En dehors des fractures du cotyle associées à une luxation de hanche irréductible ou instable, il n’y a pas d’indication urgente. S’il y a indication, il faut ostéosynthéser en sachant qu’au-delà du 15e jour, l’ostéosynthèse est très difficile. Le projet chirurgical comprend le choix de la voie d’abord et l’évaluation des possibilités opératoires pour chaque voie d’abord. Il est nécessaire d’évaluer les déplacements et les possibilités de réduction avant de décider. De même, l’intégrité ou la stabilité d’un trait du foramen obturé doivent être évaluées pour tenter de savoir si la réduction d’un côté entraîne la réduction de l’autre. Le choix de l’opérateur se fait ensuite en fonction de ses habitudes et du projet opératoire. Les fractures des deux colonnes congruentes, même si le déplacement extra-articulaire est important, peuvent être traitées par traction et ne sont donc pas opérées. C’est une éventualité rare. 18 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie Traitement chirurgical des fractures du cotyle ¶ 44-520 Sujet jeune Bon état général Comminution articulaire modérée Pas de lésion de la tête fémorale Comminution acétabulaire importante compromettant le résultat de l'acte chirurgical Lésion par enfoncement de la tête fémorale en zone portante Fracture de la tête fémorale Traction Traction Fracture simple (hors fracture transversale) Ostéosynthèse par voie élective antérieure ou postérieure et exceptionnellement ostéosynthèse percutanée ou mini-invasive Fracture complexe et fracture transversale Traction définitive Ostéosynthèse par voie élective ou voie combinée ou voie élargie Ostéosynthèse de sauvetage pour reculer l'âge de la prothèse Prothèse immédiate ou secondaire Figure 58. Arbre décisionnel. Prise en charge chirurgicale d’une fracture du cotyle chez un sujet jeune. La chirurgie percutanée avec contrôle fluoroscopique ou scanoguidée, la chirurgie par miniabord peuvent être envisagées pour des déplacements de faible importance. Ces techniques permettent, lorsqu’elles sont possibles, d’éviter la traction. Chez les sujets âgés et accessoirement chez les sujets jeunes à l’état général moyen, le projet chirurgical est différent car il doit tenir compte de l’ostéoporose, de la nécessité de réaliser un nursing rapide, de l’intérêt à ne réaliser qu’un geste chirurgical [45, 46], de l’état général. Une lésion accessible à une ostéosynthèse par voie antérieure exclusive peut être ainsi traitée car la morbidité de la voie antérieure est faible mais elle nécessite un opérateur entraîné. Une prothèse avec reconstruction du cotyle est indiquée pour permettre le nursing immédiat en attendant la consolidation de la fracture et l’intégration de la greffe. La chirurgie percutanée peut être envisagée lorsque l’on recherche avant tout l’antalgie immédiate et lorsque l’on veut éviter une traction. C’est souvent le cas, vu l’augmentation de la gérontotraumatologie. Il vaut mieux un traitement orthopédique avec un résultat anatomique moyen qu’un mauvais traitement chirurgical selon Duquenoy et Sénégas [3]. Même devant une fracture déplacée chez un sujet jeune, il peut y avoir indication à traiter par traction lorsqu’un mauvais résultat chirurgical est prévisible après ostéosynthèse : impaction et fracture de la tête fémorale, comminution trop importante ne permettant pas une synthèse stable, fractures et enfoncements cartilagineux nombreux prédictifs d’une nécrose du cotyle ou d’une évolution arthrosique à court terme, patients infectés ou présentant une stomie du côté homolatéral. Pour ces patients, une prothèse totale de hanche secondaire est un projet thérapeutique accepté. Nous signalons que l’implantation secondaire d’une prothèse totale de hanche après fracture du cotyle est plus difficile et donne un résultat moins bon avec des risques plus importants que l’implantation d’une prothèse totale de hanche pour coxarthrose, selon Sermon [47], Bellabarba [48], Schreurs [49]. Ces auteurs s’accordèrent pour dire qu’une ostéosynthèse première pouvait rendre l’implantation d’une prothèse totale de hanche plus difficile mais cela fut sans incidence sur le résultat fonctionnel terminal. À l’opposé, Letournel disait qu’une ostéosynthèse du cotyle permettait une reconstruction osseuse favorable à l’implantation d’une prothèse totale de hanche. Nous avons résumé les indications sur des arbres décisionnels (Fig. 58, 59). ■ Résultat Résultat de l’ostéosynthèse Nous avons tenté de faire la synthèse des articles de Letournel [1, 2], Matta [50], de Ridder [51], Mayo [52], Mears [17], Borrelli [53], Murphy [54] et Moed [55]. Le traitement chirurgical proposé pour tous types de fractures avec déplacement articulaire supérieur ou égal à 3 mm donne 80 % à 90 % de bons et excellents résultats, c’est-à-dire autant de bons résultats que le traitement orthopédique par traction pour les fractures avec déplacement articulaire inférieur à 3 mm. Dans les deux cas, le taux d’implantation secondaire d’une prothèse totale est de l’ordre de 10 %. Les facteurs de bon pronostic sont : • l’existence d’une fracture simple franche sans comminution et sans enfoncement ; • une fracture exclusivement antérieure traitée par une voie antérieure ; • l’absence de lésion associée de la tête, du col et de l’extrémité supérieure du fémur ; • la réalisation de l’intervention dans les 15 premiers jours ; • un sujet jeune non ostéoporotique ; • une réduction anatomique ou quasi anatomique avec déplacement persistant inférieur ou égal à 2 mm contrôlé sur le scanner postopératoire ; • l’absence de complication locale ; • un chirurgien ayant terminé sa courbe d’apprentissage. Les facteurs de mauvais résultats sont l’inverse des facteurs de bons résultats ; nous insistons sur la plus grande gravité des lésions postérieures et du toit en comparaison des lésions antérieures de meilleur pronostic et sur l’obésité morbide (body mass index [BMI] > 40) entraînant un risque de complications évalué à 63 % par Porter [56]. Les complications postopératoires surviennent dans 6 % à 10 % des cas ; elles n’ont rien de spécifique (infections 4 % à 7 %, paralysies définitives ou transitoires 4 % à 12 %, embolies 2 %, décès 2 % chez les polytraumatisés, déplacements secondaires, plaies vasculaires), à l’exception d’une part de l’ostéonécrose du cotyle ou de la tête fémorale qui survient dans environ 3 % des cas hors luxation de hanche et d’autre part des ossifications secondaires dont nous avons déjà parlé. Techniques chirurgicales - Orthopédie-Traumatologie © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 10/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681) 19 44-520 ¶ Traitement chirurgical des fractures du cotyle Sujet âgé ou avec comorbidité importante Traction = réflexion Traitement fonctionnel et nursing immédiat si état général incompatible avec immobilisation et chirurgie Traction définitive si état général jugé incompatible avec chirurgie majeure Fracture simple ou complexe pouvant être opérée par voie antérieure exclusive Chirurgie antérieure exclusive Chirurgie percutanée si techniquement possible Toutes fractures Prothèse à brève échéance avec technique de reconstruction du cotyle permettant une mise en charge immédiate ou après consolidation de la fracture Figure 59. Arbre décisionnel. Prise en charge chirurgicale d’une fracture du cotyle chez un sujet âgé ou avec comorbidité importante. Résultat de l’implantation immédiate des prothèses totales chez le sujet âgé [5] Les avantages sont : l’antalgie, la récupération de la mobilité, un faible taux de calcification postopératoire, une bonne intégration des greffons et peu ou pas de déplacement secondaire des greffons implantés et du cotyle prothétique. Les inconvénients sont : une intervention longue avec perte sanguine importante, un risque de luxation de trois cas sur dix pour Simko [57], beaucoup moins pour Beaulé [58], Tidermark [44], Mouhsine [43], un score de Harris moyen ou mauvais pour 42 % des patients selon Sermon [47]. Cette intervention ne semble pas donner un nombre important de décès sur des patients âgés sélectionnés mais Cochu [59] a déploré cinq décès dans la première année pour 18 patients. [6] [7] [8] [9] [10] ■ Conclusion La prise en charge chirurgicale d’une fracture du cotyle n’est plus une aventure chirurgicale grâce à nos maîtres qui ont établi des règles de base. L’ostéosynthèse à foyer ouvert des fractures présentant un déplacement supérieur ou égal à 3 mm en zone portante est le traitement habituel. Ce n’est pas la seule option chirurgicale. La chirurgie percutanée ou mini-invasive et l’implantation rapide d’une prothèse totale de hanche chez des sujets sélectionnés sont des attitudes admises. Les difficultés d’analyse des fractures, la maîtrise des différentes voies d’abord, la variété des traitements chirurgicaux proposés font que c’est une chirurgie réservée à des opérateurs formés et entraînés. [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] . ■ Références [1] [2] [3] [4] Letournel E. Traitement chirurgical des fractures du cotyle. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Orthopédie-Traumatologie, 44-520, 1991 : 30p. Judet R, Letournel E. Les fractures du cotyle. Paris: Masson; 1974. Duquenoy A, Sénégas J. Fractures du cotyle. Résultats à plus de 5 ans. Rev Chir Orthop 1982;68(suppl2):45-82. Siebenrock KA, Gautier E, Woo A, Ganz R. 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