Quelques recommandations pour la prise en charge de patients

Hôpital Pitié-Salpêtrière
Service de Neurologie Mazarin - Pr JY DELATTRE
Quelques recommandations pour la prise en charge au domicile
de patients souffrant de tumeur cérébrale
Avril 2012
Les tumeurs primitives constituent une pathologie neurologique fréquente, puisque leur
incidence suit immédiatement celle des AVC et des mences. Il y a entre 3000 et 5000
nouveaux cas chaque année en France, soit 2% des cancers de l'adulte. Globalement le
pronostic est sévère.
Mode de révélation :
Une crise d'épilepsie partielle ou néralisée révèle 20% des tumeurs cérébrales. La crise
partielle a une valeur localisatrice. Toute première crise comitiale justifie une IRM ou à défaut
un scanner.
L'hypertension intracrânienne (HIC) reflète l'importance de la croissance tumorale au sein
d'un volume fermé : la boite crânienne. Sa sévérité dépend de la taille de la tumeur, de sa
localisation (compression des voies d'écoulement du LCR provoquant une hydrophalie
dans les tumeurs de la fosse postérieure ou du 3ème ventricule), et de sa vitesse de
croissance.
Elle s'exprime par :
- une céphalée à prédominance matinale d'aggravation progressive, accompagnée de
vomissements qui la soulagent, parfois précédés de nausées. Elle est due à la mise en tension
de la dure mère et des vaisseaux.
- des signes visuels, à type d'éclipse, de baisse de l'acuité visuelle, de diplopie par atteinte du
VI parfois d’oedème papillaire.
A un stade tardif, apparaissent des signes de souffrance cérébrale diffuse : ralentissement
intellectuel, troubles de la vigilance et signes d'engagement qui nécessitent une thérapeutique
urgente (corticothérapie à forte dose). Une paralysie du 3eme nerf crânien homolatéral traduit
dans ce contexte un engagement temporal dont l'évolution peut se faire en quelques heures
vers le coma et le décès.
Les signes déficitaires locaux sont en rapport avec la localisation de la tumeur et traduisent
généralement son extension progressive « en tâche d'huile ».
Les tumeurs sus-tentorielles sont révélées suivant leur topographie par :
un syndrome frontal
une atteinte des fonctions instrumentales (aphasie, apraxie,
agnosie)
un déficit hémicorporel sensitif ou moteur
une hémianopsie latérale homonyme
un syndrome cérébelleux
une paralysie oculomotrice
un nystagmus
une hydrocéphalie
L'IRM est l'examen de référence dans les tumeurs cérébrales, permettant une définition plus
précise de la tumeur, de l'œdème et de ses rapports avec les zones fonctionnelles. A défaut le
scanner sans et avec injection est souvent réalisé en première intention. Il permet de visualiser
la tumeur et son retentissement (localisation, tumeur unique ou multiple).
La plupart des tumeurs cérébrales primitives sont des gliomes. Environ 80 % des gliomes
sont de nature maligne (glioblastomes, astrocytomes ou oligodendrogliomes anaplasiques) et
se manifestent par des crises d'épilepsie, un déficit progressif ou un syndrome d'hypertension
intracrânienne. Le diagnostic suggéré par le bilan neuro-radiologique implique toujours une
confirmation histologique. Le traitement associe la chirurgie (exérèse de la tumeur) la
radiothérapie et la chimiothérapie. Le pronostic de ces tumeurs reste malheureusement
sombre avec une médiane de survie qui varie de 1 an pour les glioblastomes à 3-4 ans pour
les oligodendrogliomes anaplasiques. Il est cependant important de souligner le caractère très
général de ce schéma évolutif. En fait de nombreux patients échappent à cette règle,
l’évolution pouvant être plus sévère ou au contraire beaucoup plus favorable y compris après
traitement d’une voire deux récidives. Ces tumeurs ne métastasent pratiquement jamais en
dehors du système nerveux et leur gravité tient essentiellement à une évolutivité loco-
régionale.
Principes généraux du traitement :
1. La corticothérapie :
Les corticoïdes sont efficaces sur l'œdème tumoral vasogénique à des doses d'1 mg/kg/jour.
Des doses beaucoup plus élevées (500 mg, 1g de Solumédrol) peuvent être utilisées en cas
d’HIC sévère. Ils n'ont pas d'efficacité sur la tumeur (sauf dans le cas du lymphome).
En cas d’hypertension intracrânienne ou d'aggravation majeure du déficit neurologique
(aphasie, déficit moteur) :
Si le patient n'est pas sous corticoïdes :
Introduction d'une dose conséquente, par exemple 80 mg de Médrol® pendant 48 heures à
réévaluer en fonction des symptômes, afin de toujours envisager une diminution
progressive lorsque la période aiguë est passée.
Si le patient est déjà sous corticoïdes :
Augmenter la dose de façon conséquente (doubler) Ex : passage de 32 mg à 64 mg de
Médro
2. les anti-épileptiques
Ils sont indiqués uniquement chez les patients qui ont présenté un épisode de crise,
l'objectif étant d'obtenir un contrôle satisfaisant des crises avec le moins d'effets
secondaires possible.
1) Monothérapie jusqu'à dose maximale ; Keppra® 500 mg à 3g /j en deux prises en 1ère
intention
2) si persistance des crises, relais avec un autre antiépileptique jusqu'à dose maximale
Puis ultérieurement au cours de l’évolution pourront s’envisager une bi- voire trithérapie si
résistance (Dépakine®, gtol®, Neurontin ®). Durant les phases d’adaptation
thérapeutique pourront être ponctuellement utilisés des traitements comme l’Urbanyl® ou
le Rivotril®.
3. La chirurgie :
Elle prolonge la survie et améliore souvent les symptômes en décomprimant les zones
fonctionnelles. Elle permet d'obtenir un diagnostic de certitude, ce qui est primordial
compte tenu de la lourdeur des traitements administrés et du pronostic associé.
L'exérèse complète lorsqu'elle est possible est indiquée dans les tumeurs malignes,
associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie.
4. La radiothérapie :
Toujours indiqe dans les tumeurs malignes, sous surveillance rapproce en cas d’HIC.
Il s’agit d’une radiothérapie focale, conventionnelle (50-60 Gy en 6 semaines), sauf
chez le sujet âgé les doses sont réduites. La ponse est appréciée 6 à 8 semaines
environ après la fin du traitement, mais peut être retardée. Un syndrome de somnolence
peut apparaître en fin de traitement voire après la fin de la radiothérapie. Une
augmentation des céphalées ou de la symptomatologie neurologique peut parfois
survenir en cours de traitement justifiant l’introduction ou la majoration de la
corticothérapie.
La chimiothérapie quotidienne par témozolomide peut parfois être associée à la
radiothérapie pendant toute la durée du traitement.
5. La chimiothérapie :
Elle est proposée soit comme traitement initial soit lors de la récidive. :
Témozolomide (Témodal®) : 1ère ligne (gélules)
Bévacizumab (Avastin®) : 2ème ligne (perfusion tous les 15jrs) (sauf contre-indication)
Carmustine ou lustine : me ligne (carmustine= perfusion tous les 2 mois ou bélustine=
gélules toutes les 6 semaines) +/- en association avec l’avastin®
Carboplatine : 4ème ligne (perfusion tous les mois)
Principes de traitement en fonction des histologies
1. Gliome de bas grade
Il n’y a pas de traitement standard unanimement admis des gliomes de bas grade : quatre
attitudes sont possibles ; surveillance simple, chirurgie, radiothérapie, et chimiothérapie.
En l’absence de recommandation, le plan de soins est établi en RCP « au cas par cas ».
En règle générale, la chirurgie d’exérèse est recommandée, surtout quand une résection
complète apparaît possible. Une étude des altérations moléculaires de la tumeur est
fortement recommandée.
Les traitements complémentaires (radiothérapie et chimiothérapie) sont indiqués en cas
d’évolutivité clinique et/ou radiologique franche.
2. Gliomatose cérébrale
La gliomatose est définie par une infiltration cérébrale diffuse, sans prise de contraste ou
< 1 cm, touchant 3 lobes cérébraux ou plus. De façon plus pragmatique, on considèrera
dans ce cadre une infiltration tumorale telle qu’elle nécessiterait l’irradiation de
l’encéphale en totalité ou en quasi-totalité.
Il n’y a pas de standard de traitement. En raison des effets secondaires de la radiothérapie
(RT) sur l’encéphale en totalité, la chimiothérapie par Témozolomide (TMZ) est
proposée comme alternative avec un taux de réponse objective de 30% environ, dans les
grades II et III. Il semble en revanche préférable pour les gliomatoses de grade 4 de
proposer RT-TMZ.
3. Gliome du tronc de l’adulte
La radiothérapie focale (54–60 Gy) est le traitement standard des gliomes du tronc
infiltrant de l’adulte. La période optimale de traitement demeure inconnue et celui-ci
peut parfois être décalé jusqu’à la progression tumorale symptomatique.
L’efficacité de la chimiothérapie adjuvante dans les gliomes du tronc de l’adulte
demeure non prouvée à l’heure actuelle. L’efficacité de la chimiothérapie à la récidive est
également incertaine, bien que certains patients puissent en retirer un bénéfice.
4. Gliomes de grade III en récidive
Il n’y a pas de traitement standard unanimement admis des gliomes de grade III.
En l’absence de participation du patient à un essai, le traitement comporte classiquement
la chirurgie et la radiothérapie.
La chimiothérapie adjuvante est une option qui est discutée en RCP.
5. Gliomes en récidive
Il n’existe actuellement pas de traitement validé pour le traitement des gliomes de grades
II et III en récidive. Plusieurs options sont utilisées en pratique : (i) seconde chirurgie, (ii)
chimiothérapie par témozolomide ou à base de nitrosourées, (iii) traitement
antiangiogénique (avastin) après validation collégiale, (iv) exceptionnellement seconde
radiothérapie encéphalique.
6. Glioblastomes en première ligne
Le traitement standard des glioblastomes des sujets de moins de 70 ans repose sur le
protocole dit « de Stupp », consistant en une radiothérapie
(60Gys/30fractions/6semaines) avec chimiothérapie concomitante par TMZ (75 mg/m2/j
pendant 42 j) suivie de 6 cycles adjuvants de TMZ (150-200 mg/m2/j 5j/28).
7. Glioblastomes en récidive
En l’absence de contre-indications, et après avoir privilégié l’éligibilité dans un essai
clinique, un traitement par avastin® est proposé au patient après validation en RCP et
information faite au patient et à sa famille du caractère hors AMM de la prescription et
des principaux risques et bénéfices.
8. Gliomes malins du sujet âgé
Le traitement standard des gliomes malins du sujet âgé présentant un état fonctionnel
satisfaisant est la radiothérapie. Un traitement accéléré est généralement préconisé.
Bien qu’il n’y ait pas de traitement validé quand l’état fonctionnel du patient est altéré,
une chimiothérapie douce par témozolomide peut parfois apporter un réel bénéfice.
9. Médulloblastome
Le staging et la caractérisation de la tumeur doivent être optimaux :
IRM cérébrale pré- et post-opératoire sans puis avec injection de Gadolinium. L’IRM
cérébrale post-opératoire doit être réalisée dans les 48h après la chirurgie
IRM crânio-spinale réalisée de préférence en pré-opératoire, sinon IRM spinale en
post-opératoire : l’exploration de l’axe doit être complète depuis la moelle cervicale
jusqu’au bas du cul-de-sac dural
LCR prélevé par ponction lombaire vers le J15 post-opératoire avec étude cytologique
du produit de cyto-centrifugation
La caractérisation de la tumeur doit être complète :
- sur le plan histologie (WHO 07) : il est important de reconnaître les formes à
grandes cellules, de moins bon pronostic
-la congélation systématique d’un échantillon tumoral doit être un standard, de
même que la recherche de l’amplification du gène MYC, également de moins bon
pronostic
Au terme de ces explorations on distingue :
les médulloblastomes de risque standard
- Exérèse complète ou subtotale
- Pas de métastase
- LCR négatif
- Pas de critère de mauvais pronostic histologique ou biologique
les médulloblastomes de haut risque
- Reliquat >1,5cm2 sur le plus grand diamètre et/ou
- métastase dans le SNC et/ou
- LCR+ et /ou
- Histologie à grandes cellules et/ou
-Amplification du gène MYC
Le traitement post-opératoire des médulloblastomes comprend toujours une irradiation
crânio-spinale (RTCS). Une expertise et un contrôle de qualité sont nécessaires pour cette
radiothérapie complexe.
Dans le médulloblastome de haut risque, il y a un consensus pour admettre que la
chimiothérapie a un bénéfice établi. L’habitude est de réaliser deux cycles base de
sels de platine) en « Sandwich » entre la chirurgie et la radiothérapie (rationnel
théorique et hématologique), suivies après la radiothérapie par 2 cycles de
chimiothérapie d’entretien à doses réduites (tolérance hématologique).
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