Traitement médical et chirurgical de l`adénocarcinome du pancréas

Traitement m
edical
et chirurgical
de l’ad
enocarcinome
du pancr
eas
&Sachant que l’ex
er
ese chirurgicale
reste la seule chance de gu
erison
de l’ad
enocarcinome du pancr
eas,
quels sont en 2011 les crit
eres
de non-r
es
ecabilit
e?
Une tumeur m
etastatique et/ou un
etat mauvais g
en
eral du
malade, bien s^
ur. Par ailleurs, l’extension locor
egionale
constitue un sujet de discussion souvent difficile dans nos
r
eunions de concertations pluridisciplinaires (RCP). La
d
efinition de la non-r
es
ecabilit
e pour les cancers du pancr
eas
concerne les tumeurs de stade III : «
etendues au tronc
cœliaque (TC) ou
alart
ere m
esent
erique sup
erieure (AMS) ».
Cependant, quelle d
efinition pr
ecise retenir de cette
extension ? Un simple contact tumoral ou l’envahissement
d’une certaine circonf
erence de l’art
ere (sup
erieur
a908?
1808?) ? Est-on s^
ur que toute infiltration au contact d’une
art
ere (avant tout traitement) est tumorale ? Des auteurs
am
ericains ont r
ecemment propos
e, lors d’une r
eunion de
consensus [1], les d
efinitions suivantes : une tumeur est
consid
er
ee borderline pour la r
esection si elle pr
esente une
des caract
eristiques suivantes : d
eformation de la veine
m
esent
erique sup
erieure (VMS) ou du tronc porte, contact
avec l’une de ces veines inf
erieure
a3608ou occlusion sur un
court segment accessible
a une r
esection avec reconstruction,
envahissement d’un court segment de l’art
ere h
epatique
accessible
a une r
esection avec reconstruction, contact avec
l’AMS
egal ou inf
erieur
a 1808(tableau 1).
‘‘ Est-on s^
ur que toute infiltration au contact
d’une art
ere (avant tout traitement) est
tumorale ?’’
&Devant une tumeur localement
avanc
ee (strictement non r
es
ecable
ou borderline), quelles sont
actuellement les meilleures options
th
erapeutiques ?
Pour une tumeur borderline, un traitement n
eoadjuvant
peut paraı
ˆtre rationnel du fait du haut risque de proc
eder
auner
esection chirurgicale incompl
ete (R1). En dehors
de l’inclusion dans un protocole, s’il en existe un, une
chimioth
erapie d’induction suivie d’une radiochimioth
erapie
paraı
ˆt souhaitable. Les arguments pour cette s
equence
th
erapeutique, ayant aussi la faveur des
equipes franc¸aises
qui la r
ealisent, sont les suivants :
Un pourcentage significatif (30 % ?) des malades
ace
stade ont des m
etastases non d
etectables par l’imagerie,
justifiant un traitement syst
emique ;
c’est une mani
ere de tester la chimiosensibilit
e au(x)
produit(s) administr
e(s) ;
le temps du traitement, environ cinq mois en tout,
permet d’
ecarter les malades ayant une progression
m
etastatique rapide ;
Medical and surgical treatment of
adenocarcinoma of the pancreas
Pascal Hammel
H^
opital Beaujon,
service de pancr
eatologie,
p^
ole des maladies de l’appareil digestif,
100 boulevard Leclerc,
92110 Clichy,
France
Pour citer cet article : Hammel P. Traitement m
edical et chirurgical de l’ad
enocarcinome du pancr
eas. H
epato Gastro 2011 ; 18 : 654-657. doi :
10.1684/hpg.2011.0663
doi: 10.1684/hpg.2011.0663
654 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 18 n86, novembre-d
ecembre 2011
ossier th
ematiqueD
HEPATO
GASTRO
et Oncologie
digestive
Ad
enocarcinome
pancr
eatique
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le traitement n
eoadjuvant permettrait de s
eparer les
malades « bons r
epondeurs », alors candidats
a une
chirurgie qui reste techniquement difficile et grev
ee
d’une importance morbidit
e, des « non-r
epondeurs »
pour lesquels un traitement exclusivement m
edical devra
^
etre propos
e.
En cas de tumeur localement avanc
ee (LA), un traitement
m
edical de premi
ere intention paraı
ˆt souhaitable. L’essai
LAP 07 teste l’administration d’une s
equence de
chimioth
erapie (quatre mois) suivie, en cas de contr^
ole
tumoral, d’une randomisation entre poursuite de celle-ci
(deux mois) ou chimioradioth
erapie. Si cet essai pose cette
question strat
egique... c’est bien qu’il n’y a pas de
r
eponse tranch
ee ! N
eanmoins, la discussion d’un geste
chirurgical doit toujours ^
etre repos
ee chez un malade en
bon
etat g
en
eral dont la tumeur ne progresse pas apr
es
chimioradioth
erapie. Si l’infiltration p
eri-art
erielle (qui ne
disparaı
ˆt habituellement pas compl
etement en imagerie)
est stable ou diminue, que le malade a moins de douleurs
et/ou que le CA 19.9,
elev
eaud
epart, diminue (seuil
a
200 U/mL pour certains auteurs), alors une laparotomie
peut ^
etre discut
ee par des
equipes entraı
ˆn
ees. En effet, il
faudra non seulement
eliminer des m
etastases h
epatiques
ou p
eriton
eales non d
etect
ees par l’imagerie, mais aussi
diss
equer le bloc duod
enopancr
eatique et biopsier la
gaine de l’art
ere au contact de la tumeur, ce qui veut dire
trois ou quatre heures d’intervention avant d’affirmer la
r
es
ecabilit
e ! Si l’analyse extemporan
ee est n
egative alors
seulement on r
ealisera la DPC. Malgr
e un certain nombre
de publications qui me semblent optimistes (20-30 % de
r
esection secondaires), je pense que ce chiffre est plut^
ot
voisin de 10 %. Ainsi, il ne faut donc pas trop faire
miroiter cette possibilit
e
a un malade lors du diagnostic
d’un cancer LA, m^
eme si on ne doit pas l’exclure...
‘‘ Si l’infiltration p
eri-art
erielle est stable
ou diminue, que le malade a moins
de douleurs et/ou que le CA 19.9 diminue alors
une laparotomie peut ^
etre discut
ee par
des
equipes entraıˆn
ees’’
&Lorsque la tumeur est jug
ee
r
es
ecable d’embl
ee, y a-t-il
des indications d’un traitement
m
edical pr
eop
eratoire
(chimioth
erapie, radioth
erapie,
drainage biliaire) ?
Lorsque la tumeur est r
es
ecable d’embl
ee, la chirurgie
reste l’option num
ero 1,
a condition bien s^
ur que l’
etat
g
en
eral du malade le permette. L’indication d’un
traitement n
eoadjuvant « vrai » ne devrait ^
etre pos
ee
que dans le cadre d’un essai th
erapeutique, car si le
malade a une complication s
erieuse pendant le traitement
m
edical ou une complication post-op
eratoire s
ev
ere li
ee,
par exemple une h
emorragie due
a une atteinte art
erielle
secondaire
a une radiochimioth
erapie, on pourra penser
qu’il a une perte de chance par rapport
a une chirurgie
d’embl
ee [2].
L’ict
ere a longtemps
et
e consid
er
e comme un facteur de
risque des complications post-op
eratoires, ce qui a incit
e
a
proposer un drainage biliaire pr
e-op
eratoire. Cependant,
deux m
eta-analyses, en 2002 et en 2008, concluaient
a
une augmentation du taux de complications pr
ecoces
dans le groupe des patients ayant eu un drainage biliaire.
Une
etude hollandaise multicentrique randomis
ee portant
sur 202 malades ayant une tumeur r
es
ecable a confirm
e
que le drainage biliaire pr
eop
eratoire en cas d’ict
ere
augmente la morbidit
ep
eriop
eratoire alors que son
impact sur le pronostic
a long terme reste
apr
eciser [3, 4].
‘‘ Le drainage biliaire pr
eop
eratoire n’est
indiqu
e qu’en cas d’angiocholite ou
de d
elai prolong
e avant l’intervention’’
Tableau 1. Classification des tumeurs du pancr
eas
a l’issue du bilan morphologique, selon le
National Comprehensive Cancer Network (NCCN).
Pancreatic adenocarcinoma practice guidelines
in Oncology.
R
es
ecable
Pas de m
etastase
a distance
Persistance d’un liser
e graisseux autour du tronc cœliaque
(TC) et de l’art
ere m
esent
erique sup
erieure (AMS)
Veine m
esent
erique sup
erieure (VMS), veine porte
(VP) libres
Borderline
Atteinte AMS <1808
Atteinte art
ere h
epatique si r
eparable
Atteinte unilat
erale ou bilat
erale VMS/VP (>1808)
Thrombose VMS, courte r
eparable
Non r
es
ecable
M
etastases
a distance
Atteinte AMS >1808et/ou atteinte TC
Atteinte aortique
Thrombose VMS/VP non r
eparable
Source : Fort Washington, PA : 2009 http:www.nccn.org/professionals/
physician_gls/PDF/pancreatic.pdf.
655
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 18 n86, novembre-d
ecembre 2011
ossier th
ematique Entretien avec l’expertD
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&Apr
es r
esection chirurgicale d’un
ad
enocarcinome pancr
eatique,
quel traitement adjuvant faut-il
recommander ? Y-a-t’il des options
diff
erentes selon que la r
esection
est R0 ou R1 ?
Il est admis qu’une chimioth
erapie adjuvante doit ^
etre
administr
ee. La dur
ee en est de six mois. Elle augmente la
survie
a cinq ans de l’ordre de 10 % et allonge la survie sans
r
ecidive. Il peut s’agir du 5-fluorouracile associ
e
a l’acide
folinique ou de la gemcitabine. L’
etude ESPAC-3 [5] a
montr
e une survie m
ediane identique avec ces deux
produits (environ 23 mois). Bien qu’il n’y avait pas de
sup
eriorit
e pour la gemcitabine, il y avait une tendance en
faveur de cette mol
ecule en cas de tumeur N+ ou de
r
esection R1, et un profil de toxicit
ediff
erent (moins de
diarrh
ee, mais plus de toxicit
eh
ematologique) en compa-
raison du 5FU (c’est la raison pour laquelle les auteurs
franc¸ais, lorsqu’ils utilisent le 5FU, privil
egient le sch
ema
LV5FU2 plut^
ot que FU-FOL bolus) [6].
Chez les malades ayant eu une r
esection R1, la
recommandation du Th
esaurus national de canc
erologie
digestive (TNCD) est : « En cas de marge positive (r
esection
R1), une association radiochimioth
erapie (50,4 gy avec 5FU
en perfusion continue ou cap
ecitabine) peut se discuter
apr
es une phase de chimioth
erapie (gemcitabine ou 5FU et
acide folinique) [avis d’expert] ». Je propose de la suivre !
‘‘ En cas de marge positive (r
esection R1),
une association radiochimioth
erapie
peut se discuter apr
es une phase
de chimioth
erapie’’
&Chez les patients m
etastatiques
(M+), la gemcitabine est rest
ee un
standard depuis 1997. Le Folfirinox
est-il le nouveau standard ?
Lors de la r
edaction du chapitre du TNCD [7] r
evis
e en 2010,
il ne l’
etait pas encore. Mais depuis la publication de l’article
par Conroy et al. [8], il va le devenir. Les auteurs ont pris la
pr
ecaution de dire et r
ep
eter que ce protocole plus toxique
que les doublets avec la gemcitabine doit n’^
etre propos
e
qu’
a des malades en bon
etat g
en
eral (index OMS 0-1) et
n’ayant pas de cholestase. L’utilisation de ce sch
ema pour
les patients ayant un cancer localement avanc
eouop
erable
(en situation n
eoadjuvante ou adjuvante) n’est pas encore
valid
ee mais va ^
etre activement test
ee.
Chez un patient fatigu
e (OMS 2) et/ou ayant une cholestase
persistante, il faut certainement s’orienter vers une
chimioth
erapie moins agressive (gemcitabine, Folfox...)
en premi
ere intention. La prescription de la gemcitabine
devrait ^
etre optimis
ee, dans les mois
a venir, par une
meilleure connaissance du statut de la tumeur et du patient.
Par exemple, une forte expression de l’enzyme hENT-1, qui
favorise la p
en
etration de la mol
ecule dans la cellule
tumorale, semble ^
etre corr
el
ee
a l’efficacit
e anti-tumorale
[9]. Il faut attendre maintenant la validation du concept et la
d
efinition d’un seuil de marquage pertinent et reproductible,
et la disponibilit
e commerciale d’anticorps anti-hENT-1
permettant d’effectuer l’
etude immunohistochimique en
routine.
‘‘ Chez un patient fatigu
e (OMS 2) et/ou
ayant une cholestase persistante, il
faut certainement s’orienter vers une
chimioth
erapie moins agressive (gemcitabine,
Folfox...) en premi
ere intention.’’
&Faut-il faire une chimioth
erapie
de seconde ligne ?
La seconde ligne de chimioth
erapie n’est pas un
traitement standard et la d
ecision de l’administrer rel
eve
d’un consensus en RCP.
Mais en pratique, pour un malade ayant un
etat g
en
eral
conserv
e lors de la progression tumorale avec une premi
ere
ligne, la r
eponse me paraı
ˆt^
etre oui. Nous avions montr
e,
dans l’essai Gem-Gemox que plus d’un malade sur deux
etait susceptible d’en recevoir une [10]. Dans l’essai de
strat
egie FFCD 0301 [11], ayant inclus 202 patients tous
m
etastatiques, OMS 0-2, une seconde ligne (planifi
ee dans
le protocole) a pu ^
etre administr
ee dans 61 % des cas et
permettait d’obtenir dans les deux bras des taux de survie
a
18 mois proches de 20 % (comme dans le bras Folfirinox de
l’
etude Prodige 4). Une
equipe allemande a montr
e qu’une
association de 5FU et d’oxaliplatine augmentait la survie
par rapport
a l’utilisation 5FU seul [12]. Pour les malades
ayant une tumeur progressive sous Folfirinox, le probl
eme
de la seconde ligne devra ^
etre
evalu
e. La publication
d
efinitive pourrait donner quelques informations
a ce sujet.
On peut imaginer discuter l’administration de gemcitabine
(ou d’une association avec ce produit) chez un malade dont
l’
etat g
en
eral reste correct.
‘‘ La seconde ligne de chimioth
erapie n’est
pas un traitement standard et la d
ecision
de l’administrer rel
eve d’un consensus
en RCP.’’
656 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 18 n86, novembre-d
ecembre 2011
ossier th
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&Quand demander une consultation
d’oncog
en
etique et pourquoi ?
Environ 5 % des cancers du pancr
eas surviennent dans un
contexte de susceptibilit
eg
en
etique. Une consultation
d’oncog
en
etique doit ^
etre envisag
ee en cas de survenue
de ce cancer chez au moins deux apparent
es au premier
degr
e, quel que soit l’^
age (avec preuve histologique des
cas index).
On doit
egalement discuter une telle consultation lorsqu’il
existe,
a l’interrogatoire, des cas de cancers du sein, de
l’ovaire ou de m
elanomes dans la famille du malade atteint
de cancer du pancr
eas. On
evoquera un syndrome BRCA2
ou un syndrome de m
elanomes familiaux multiples
(FAMMM), pouvant d
eboucher sur une prise en charge
sp
ecifique [13].
‘‘ On doit discuter une consultation
d’oncog
en
etique lorsqu’il existe des cas
de cancers du sein, de l’ovaire ou de m
elanomes
dans la famille du malade atteint de cancer
du pancr
eas.’’
Qu’en est-il d’un d
epistage chez des sujets
a risque dans
une famille ?
On peut le discuter dans les cas suivants, lorsqu’on estime
que le risque th
eorique de cancer atteint ou d
epasse
10 % :
agr
egation familiale de cancers du pancr
eas (2) ;
lorsqu’un cancer du pancr
eas est survenu dans une
famille BRCA2 ou FAMMM ;
ou qu’il s’agit d’une affection
a haut risque de cancer du
pancr
eas (Peutz-Jeghers, pancr
eatite chronique familiale).
La strat
egieded
epistage par l’imagerie (IRM, scanner,
echoendoscopie) doit ^
etre discut
ee chez les apparent
es au
premier degr
e
a partir de 45 ans (ou dix avant l’^
age du sujet
ayant eu le cancer le t^
ot). Le choix du traitement en cas de
d
ecouverte d’anomalies (Pan-IN d
etectables sous la forme
d’h
et
erog
en
eit
e du parenchyme, dilatations canalaires
evoquant une TIPMP),
eventuellement apr
es biopsies
pancr
eatiques, est d
elicat car pas encore bien codi
e. Il
devrait ^
etre r
eserv
e
ades
equipes ayant une importante
expertise dans la prise en charge des tumeurspancr
eatiques.
Enfin, une recommandation pour les sujets
a risque : pas de
tabac !
‘‘ Une recommandation pour les sujets
a
risque : pas de tabac !’’ &
R
ef
erences
Les r
ef
erences importantes apparaissent en gras.
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