Séance 11 Jean-François Verlhiac IPSSA: Initiation à la Psychologie Sociale : Soi et les Autres Retrouvez le cours sur ma page libre des enseignants chercheurs de l’université ou : http://www.u-paris10.fr/80110874/0/fiche___pagelibre/ 76 Les effets extrêmes d’oppositions entre groupes ou la déshumanisation des relations sociales: la délégitimation de l’autre; Oren et Bar-Tal (voir Mazas et Licata, 2005) Délégitimation Processus qui s’appuie sur des stéréotypes ou croyances sur les caractéristiques partagées par un groupe de personnes (hors groupe) Contenu des croyances envers le hors groupe: l’autre Viole les normes humaines Viole la morale Viole les règles de justice Croyances envers le hors groupe, Connotées négativement et avec des caractéristiques extrêmes déshumanisantes Donc les membres du hors groupe sont méprisables Indignes « On peut leur faire du mal » Délégitimation présente quand les buts des partis adverses sont perçus comme injustes, injustifiés, menaçants, pour l’intra groupe, Voire quand menaces proférées, explicites par le hors groupe Délégitimation du hors groupe observable dans les situations de conflits extrêmes et entre groupes fortement ethnocentriques 77 Les 6 fonctions de la délégitimation Délégitimation permet 1- Attribution de la responsabilité à l’autre (ennemi), simplifie les responsabilités, simplifie la réalité Permet de résoudre les sentiments de dissonance, de culpabilité ou de honte pour les actes qui violent le code moral 2- Permet de Justifier la violence à l’encontre du hors groupe 6- Mobilisation (information sur la menace, le danger) et sollicite l’engagement 3- Les croyances délégitimantes et la figure de l’ennemi permettent de refléter une réalité partagée par les membres de l’intra groupe (normes, identification) 5- Motive à l’action et à la prévention du danger (revanche), pratique du souvenir des actes violents subis 4- Créé un sentiment de différenciation et de supériorité, rend les frontières imperméables 78 Oren et Bar-Tal (2005): Implications de la délégitimation: Croyances en l’impossibilité de changement (fluctuations en fonction des événements conflictuels, des accords de paix, mais constance et consistance des perspectives futures pessimistes de l’évolution du conflit de part et d’autre) 79 Les perceptions israéliennes des aspirations des Arabes et les sentiments d’insécurité des Palestiniens (adapté d’après Oren et Bar-Tal, 2005) 80 Le principe de la délégitimation Processus circulaire, toute action conflictuelle intensifie la délégitimation et alimente chaque camp dans sa disposition à faire du tort à l’autre Processus circulaire auto alimenté (que l’on peut retrouver dans des situations conflictuelles qui dégénèrent: niveau interpersonnel, intergroupe) 81 Différences : altérité vs alliance La différence de l’autre vis-à-vis de soi pose la problématique du type de regard que les sujets portent sur l’autre et de la fonction et de la place de la notion de différence dans les rapports sociaux Différence comme exclusion: regard qui pose l’altérité de l’autre visà-vis de soi, qui met l’autre à distance de soi (barrières sociales) Différence comme alliance et reconnaissance : regard qui pose l’interdépendance des relations sociales entre soi et l’autre (coélaboration, coopération, intersubjectivité) Dans les rapports sociaux conflictuels et antagonistes la différence de l’autre est : utilisée pour l’exclure (justification avancée pour exclure) recherchée et construite pour l’exclure Autrement dit, l’antagonisme social conduit souvent à la construction arbitraire de différences entre soi et autrui pour exclure ce dernier « Construction des différences pour exclure l’autre plutôt que l’exclusion de l’autre parce qu’il est différent de soi » 82 Différences et altérité (suite) La différence comme altérité (versant de l’exclusion) est par exemple observée lorsque l’ont utilise les différences (par exemple biologiques, culturelles, linguistiques, de sexe, d’apparence etc.) pour justifier des fonctions sociales et des traitements illégitimes entre les individus 83 Différences et alliance soi/autrui Dans les rapports sociaux non conflictuels la différence de l’autre est : utilisée pour se rapprocher et s’associer à lui recherchée pour construire des identités (sociales et personnelles) Autrement dit, l’entente et l’entraide sociale ont pour finalité la reconnaissance de l’autre « Alliance des différences pour reconnaître l’autre dans sa différence et pour contribuer au changement social » Les conséquences sociales de la différence dépendent donc des significations sociales et politiques que l’on donne au concept de « différence » Les groupes sociaux, les sociétés définissent la place de la différence en tant que distinction négative ou en tant que reconnaissance sociale 84 6. Illustration : Le cas de l’obésité Enjeu de société et de santé publique Communications et actions préventives (PNNS: Programme national nutrition santé) Changer les styles de vie (conduites alimentaires, activités physiques) Effets stigmatisants de l’apparence physique Stigmatisation sociale de l’apparence physique L’obésité est-elle reliée avec l’estime de soi et l’identité des personnes? 85 L’estime de soi des personnes obèses Le soi physique est un composant du concept de soi et de l’identité L’obésité affecte l’auto évaluation Faible estime de soi Lié aux préjugés négatifs et stéréotypes auxquels elles sont assujetties Exemples de discrimination : A compétences égales les personnes obèses/non obèses: • Moins bien rémunérées • Postes moins prestigieux, moins qualifiés Parents hésitent à financer les études de leurs enfants obèses 86 Kraig et Keel, 2001: stigmatisation chez les enfants Enfants de 7 à 9 ans non obèses 4 traits positifs 4 traits négatifs Evaluent photos d’enfants (garçons et filles de couleurs noire, blanche) 1- en surpoids, 2-d’apparence moyenne 3- d’apparence fine 87 Résultats: l’appréciation diminue de façon linéaire 88 L’estime de soi des personnes obèses Effets des discriminations: Les personnes obèses essentialisent leur sort: • Justifient leurs positions sociales, professionnelles, institutionnelles par leur manque de compétences, d’intelligence (intelligence stable, cf., Dweck, 1999) • Autodépréciation Dévalorisation de l’identité personnelle et sociale • Intériorisation des standards de beauté • Perte de contrôle et sentiment d’incapacité (changer de comportement, efforts fournis, « relapse »: pas de volonté, si j’échoue c’est que je suis « nulle ») Filles plus touchées que les garçons, femmes plus que les hommes 89 L’estime de soi des personnes obèses (suite) Comment lutter ? L’immunité cognitive: associer les échecs des comportements de santé à des facteurs qui ne sont pas sous leur contrôle Le fait que savoir que diminuer son poids est une tâche difficile • Protège de la dépréciation de soi • Prémunit de l’hétéro dépréciation (autrui sur soi) • Associer les évaluations négatives à des actions discriminantes envers l’in group et non contre la personne (soi) L’immunité cognitive (protéger l’identité personnelle) faciliterait l’action sociale, la promotion de l’image des personnes obèses (associations, innovation mode, lutte contre la discrimination etc.) • L’impact négatif de l’hétéro dépréciation est diminué quand les personnes réagissent contre les personnes qui les déprécient (blâment autrui et non soi, attribuent les propos négatifs d’autrui à 90 ses préjugés) Poids réel et poids perçu Le sentiment d’être « gros » joue plus fortement sur la dépréciation de l’estime de soi que le fait d’être obèse ou non: Des cultures valorisent le poids (corrélations positives entre poids et estime de soi: populations noires d’Afrique du Sud) Les populations vulnérables (adolescentes) sont peu sujettes à s’immuniser cognitivement des campagnes, publicités et communications ventant l’image de corps sveltes (sensibilité aux effets normatifs) • Effets: comportements de privation, alimentation pauvre etc Au delà des facteurs inhérents à la santé et à sa préservation, comment intervenir auprès des personnes (en surpoids, obèses) sans participer ou sans contribuer aux effets néfastes de la discrimination sociale et comment participer à la reconnaissance sociale des personnes ?: Agir sur le degré d’adhésion et la prégnance de normes sociales stigmatisantes de l’obésité 91 La construction « stigmatisante » de soi est liée à la situation et à la caution apportée aux représentations collectives stigmatisantes, Crocker, 1999 Les situations stigmatisantes de l’obésité façonnent négativement l’estime de soi : si les sujets ne font pas de liens entre les événements vécus et l’expression des normes sociales stigmatisantes (intériorisation du stigmate) L’estime de soi (état) des personnes obèses dépend de leur connaissance (adhésion à) de la norme stigmatisante Lecture d’un document (l’obésité est peu contrôlable/ contrôlable): les sujets n’ont pas de baisse de l’estime de soi et expliquent le rejet d’autrui à leur égard par ses préjugés et non plus par leurs caractéristiques personnelles 92 Exemple d’étude sur les effets des croyances en la responsabilité individuelle sur le bien être des personnes obèses, d’après Crocker, 1999 Le fait de partager l’éthique protestante de la responsabilité individuelle, quand on est obèse est fortement relié à un sentiment de mal être 93