Chirurgie de l’obésité DOSSIER 1 Génétique de l’obésité Peut-on sélectionner les patients pour un type de chirurgie et un suivi particulier ? Introduction Le Pr Philippe Froguel rappelait dans la conférence inaugurale qu’à côté du classique déséquilibre de la balance énergétique (trop de calories entrantes et pas assez de calories dépensées) qui explique assez bien l’augmentation du poids des populations et donc de la prévalence de l’obésité, d’autres facteurs plus individuels interviennent. Ce sont par exemple la consommation de médicaments psychotropes, le manque de sommeil, l’âge des premières règles, l’âge du premier enfant, l’air conditionné et l’augmentation de la température dans les habitats. Ce sont donc les facteurs environnementaux qui conditionnent l’obésité d’une population et l’interaction entre le background génétique et cet environnement qui favorise la prise de poids à l’échelle individuelle. Capital génétique Le rôle du génétique est bien établi sur les études de jumeaux, dont l’adiposité et l’IMC sont plus proches entre deux jumeaux homozygotes qu’entre deux jumeaux hétérozygotes ou qu’entre deux frères ou sœurs. Ce capital génétique expliquerait 50 à 80 % des différences, avec des risques relatifs multipliés par 3 à 10 selon que l’un des membres de la famille est 222 obèse. Des études montrent que le capital génétique intervient par une influence sur les voies de régulation de l’appétit. Des gènes rendent susceptibles de prendre du poids dans un environnement favorisant, d’autres permettent de résister à la prise de poids dans le même environnement. On estime à environ 5 % des enfants obèses ceux qui portent une anomalie du capital génétique. Dans les formes les plus sévères, ce sont des atteintes d’un seul gène et toujours sur la voie leptine-mélanocortine avec au final un déséquilibre en faveur de la voie orexigène : MC4R, de la leptine ou de son récepteur, de la POMC. L’altération de MC4R La prévalence d’une altération de MC4R est de 6 à 7 % chez les obèses opérés, et environ 150 mutations ont été décrites. Pour la même mutation dans une famille, il est montré que 40 % des grands-parents sont obèses, 80 % des petits-enfants le sont et 68 % des personnes porteuses de mutation et non obèses à 20 ans le deviennent 20 ans plus tard, renforçant l’idée de l’interaction gène-environnement. Une analyse rétro­ spective lilloise non publiée suggère que chez les patients obèses opérés et dont le résultat pondéral n’est pas très bon (moins de 25 % de perte d’excès de poids) il y a plus de mutations MC4R. Délétion du chromosome 16 Il existe également des délétions du chromosome 16 (16p11.2) conférant un risque relatif à 43 de devenir obèse au cours de l’âge (100 % d’obésité). A “l’inverse”, cette région du chromosome 16 peut être dupliquée, la rendant hyperfonctionnelle, et entraînant un tableau de maigreur constitutionnelle. Atteintes polygéniques Les atteintes polygéniques sont sans doute plus fréquentes et les mutations peuvent additionner leurs effets. Le gène le plus souvent associé est FTO qui confère un risque de 1,5 d’obésité, les autres ne confèrent que 10 à 15 % de risques supplémentaires par rapport aux non-porteurs. Encore une fois, l’interaction avec l’environnement est importante puisqu’une étude montre que l’effet de FTO peut être contrecarré par l’activité physique. Perspective On voit donc apparaître la possibilité de sélectionner ou de prévoir les patients qui auront les plus grandes difficultés à perdre du poids au cours d’une stratégie, médicale ou chirurgicale. Un essai européen est en cours tentant de définir quel capital génétique est associé aux meilleurs résultats de chirurgie chez les obèses diabétiques. n Diabète & Obésité • Juin 2011 • vol. 6 • numéro 50