Anneau des fonctions arithmétiques

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Anneau des fonctions arithmétiques
M. E. Charkani
Juin 2007
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Préliminaires et notations
On commence par rappeler certains notions arithmétiques élémentaires. Soit n un entier
naturel de IN . On sait que le théorème fondamentale d’arithmétique affirme que n = pα1 1 . . . pαr r
où p1 , p2 , ..., pr sont des nombres premiers distincts deux à deux. Pour tout i = 1, 2, . . . , r ,
l’exposant αi de pi est appelé la pi -valuation de n et on le note vpi (n). On convient de poser
vp (n) = 0 si p ne divise pas n. Donc l’entier n s’écrit aussi
Y
n=
pvp (n)
p∈ P
où P est l’ensemble de tous les nombres premiers.
On appelle fonction arithmétique toute fonction de IN ∗ dans C.
I On définit les fonctions
arithmétiques classiques suivantes :
1. d(n) le nombre des diviseurs de n.
2. υ(n) le nombre des facteurs premiers dans la décomposition de n en produit de facteurs
premiers.
3. σ(n) la somme des diviseurs de n.
4. φ(n) le nombre des entiers inférieurs à n et premiers avec n.
5. Ω(n) le nombre total des facteurs premiers dans la décomposition de n en produit de
facteurs premiers.
Q
Il est clair que si n = pα1 1 . . . pαr r alors d(n) = ri=1 (αi + 1) (il y a une bijection entre les diviseurs de n et les éléments du produit cartésien [α1 ]×[α2 ]×...×[αr ] où [m] = {0, 1, ..., m−1}).
Soit n = pα1 1 . . . pαr r un entier naturel de IN , alors il est clair que Ω(n) = α1 + α2 + ... + αr
et comme les p-valuations sont additives alors la fonction Ω vérifie Ω(nm) = Ω(n) + Ω(m).
1
Remarque 1.1 Si n = pα1P
. . . pαr r un entier naturel de IN alors σ(n) =
i
Sn (X)définie par Sn (X) = n−1
i=1 X .
Qr
Nous achevons cette section par rappeler le résultat intéressant suivant :
1
i=1
Sαi +1 (pi ) où
M. E. Charkani
2
Proposition 1.1 Si n = pα1 1 . . . pαr r un entier naturel de IN alors
d(n) =
r
Y
(αi + 1).
i=1
2
Anneau des fonctions arithmétiques
Soit R un anneau unitaire. Soit RINPl’ensemble des fonctions de IN dans R. Pour f, g ∈ RIN ,
on définit la loi f ? g par f ? g(n) = d| n f (d)g( nd ). Il est clair que la loi ? est associative et
commutative si R est un anneau commutatif. On muni RIN par l’addition ponctuelle et la loi
? qui attribue à RIN une structure d’anneau noté A(R). Noter que A(R) = (RIN , +, ?) est
un anneau unitaire ayant pour élément neutre la fonction :
1 si n = 1
e(n) =
0
sinon
De même on définit les fonctions arithmétiques suivantes : i(n) = n, z(n) = 1. La fonction
de Möbius est définie par
(−1)υ(n) si n est sans facteurs carrée.
µ(n) =
0
sinon
Proposition 2.1 Soit A(R) l’ensemble des fonctions f de IN dans R. Une fonction f ∈ A(R)
est inversible si et seulement si f (1) est non nul.
Proposition 2.2 La fonction µ est inversible et son inverse dans A(R) est la fonction z.
Preuve.
En effet µ(1) est non nul et on montre µ ? z = e par recurrence.
Une conséquence immédiate de la proposition précédente est la formule d’inversion de
Möbius :
Corollaire 2.1 Soit f une fonction arithmétique à valeurs dans R. Alors g(n) =
P
si et seulement si f (n) = d| n g(d)µ( nd ).
P
d| n
f (d)
Autrement dit le corollaire 2.1 précédent nous donne la formule d’inversion de Möbius
suivante : g = f ? z si et seulement si f = g ? µ.
Proposition 2.3 Les fonctions arithmétiques σ, µ et φ vérifient :
1. i ? z = σ
2. µ ? d = z
3. φ ? z = i
M. E. Charkani
3
Remarque 2.1 En applicant la formule d’inversion de Möbius cite dans le corollaire 2.1, aux
relations de la proposition précédente permet de voir que
1. i = σ ? µ
2. d = z ? z
3. φ = i ? µ
3
Formule d’inversion de Möbius pour les monoı̈des
Soit (M, .) un monoı̈de commutatif noté multiplicativement. Alors l’action naturelle de IN
sur M , noté par l’exposant est une action à droite. Il est clair alors que l’ensemble M IN des
fonctions f de IN dans M est un monoı̈de commutatif. En plus l’action
A(IN ) × M IN 99K M IN
Y
n
f × G → (Gf )(n) =
G(d)f ( d )
d| n
vérifie les axiomes d’action de monı̈de à droite et permet de retrouver la structure de A(ZZ)module sur M IN .
Proposition 3.1 Soit (M, .) un monoı̈de commutatif noté multiplicativement. Soient f et h
deux fonctions de IN dans IN et G une fonction de IN dans M . Alors
(Gf )h = Gf ? h .
Corollaire 3.1 Soit (M, .)
Qun monoı̈de commutatif régulier. Soient
Q f etµ(gn )deux fonctions de
IN dans M . Alors g(n) = d| n f (d)) si et seulement si f (n) = d| n g(d) d .
Exemples 3.1 1) Soit T la fonction de IN dans ZZ[X] définie par T (n) = X n − 1. Alors d| n
si et seulement si T (d)| T (n).
2) Soit Φ la fonction de IN dans ZZ[X] définie par Φ(n) = Φn (X) où Φn (X) est le nième
polynôme cyclotomique. Alors Φz = T .
Corollaire 3.2 Soit f une fonction arithmétique à valeurs dans le ZZ. Alors T f ∈ ZZ[X] si
et seulement si f ? z > 0.
Preuve.
4
En effet T = Φz et Φg ∈ ZZ[X] si et seulement si g > 0.
Formule d’inversion de Möbius pour les modules
Soit R un anneau commutatif non nul. Soit M un R-module. On note par M [[IN ]] l’ensemble des fonctions f de IN dans M . Alors l’action
A(R) × M [[IN ]] 99K M [[IN ]]
M. E. Charkani
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f × g → (f.g)(n) =
X
d| n
n
f (d)g( )
d
vérifie les axiomes de la loi externe de la structure de A(R)-module sur M [[IN ]].
Proposition 4.1 Soit M un R-module. Alors l’ensemble M [[IN ]] des fonctions f de IN dans
M est un A(R)-module.
Une conséquence immédiate de la proposition précédente est la formule d’inversion de Möbius
générale pour les R-modules.
Corollaire
4.1 Soient f et g deuxPfonctions de IN dans le R-module M . Alors g(n) =
P
f
(d)
si
et seulement si f (n) = d| n µ( nd )g(d).
d| n
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Lien avec l’anneau des séries formelles
Soit R un anneau commutatif non nul. Soit (S, +) un monoı̈de commutatif. On note par
R[[S]] l’ensemble des fonctions f de S dans R. On suppose que pour tout s ∈ S l’ensemble
{(x, y) ∈ S × S| x+y = s} est fini. On définit sur R[[S]] une deuxième loi, notée multiplicative,
par ∀f, g ∈ R[[S]]; ∀x ∈ S :
X
(f.g)(x) =
f (u).g(v)
u.v=x
avec u, v ∈ S et u.v = x. Ainsi (R[[S]], +, .) est un anneau appelé anneau des séries formelles
associé au semi-groupe S.
Proposition 5.1 Soit R un anneau commutatif. Alors l’anneau A(R) des fonctions arithmétiques
à valeurs dans R est isomorphe à l’anneau des series formelles R[[IN ∗ ]] associé au monoı̈de
multiplicatif (IN ∗ , ×).
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Fonctions arithmétiques multiplicatives
Définition 6.1 Une fonction arithmétique est dite multiplicative si f (1) = 1 et si f (m. n) =
f (m). f (n) à chaque fois que m et n sont premiers entre eux.
Proposition 6.1 Soit f une fonction arithmétique. Si f est multiplicative alors f ? z l’est.
Corollaire 6.1 Les fonctions arithmétiques σ et d sont des fonctions multiplicatives.
Preuve. En effet σ = i ? z et d = z ? z et par consequence σ et d sont multiplicatives car
les fonctions arithmétiques z et i le sont.
M. E. Charkani
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Proposition 6.2 La fonction arithmétique d’Euler φ est une fonction multiplicative.
Nous achevons cette section par rappeler le résultat intéressant suivant :
Proposition 6.3 Si n 6 2 est un entier naturel de IN alors
n
φ(n) =
2
7
n
X
k.
k=1, (k, n)=1
Fonction de Möbius d’un ensemble ordonné
Soit L un ensemble ordonné localement fini. Soit R un anneau commutatif. Soit A(L) =
R
l’ensemble des fonctions de L × L dans R. Pour f, g ∈ E, on définit f ? g par :
P
z∈ [x,y] f (x, z)g(z, y) si x 6 y
f ? g(x, y) =
0
sinon
L×L
A(L) muni de cette lois est associative et que (A(L), +, ?) est un anneau commutatif unitaire
ayant pour élément neutre la fonction ρL de L × L dans R définit par :
1 si x = y
ρL (x, y) =
0
sinon
Proposition 7.1 Soit L un ensemble ordonné localement fini. Soit I(L) l’ensemble des fonctions f de L × L dans R telles que f (x, y) = 0 si x > y. Alors I(L) est un sous-anneau de
(A(L), +, ?).
Le théorème suivant caractérise les éléments inversibles de I(L).
Théorème 7.1 Soit L un ensemble ordonné localement fini. Une application f ∈ I(L) est
inversible si et seulement si f (x, x) est non nul pour tout x ∈ L.
Preuve. On montre par récurrence sur le cardinale de [x,y] que si f (x, x) est non nul pour
tout x ∈ L alors son inverse est défini.
Définition 7.1 Soit L un ensemble ordonné localement fini. Soit E = RL×L l’ensemble des
fonctions de L × L dans un anneau commutatif R. On définit la fonction ζL de L × L dans R
par :
1 si x < y
ζL (x, y) =
0
sinon
Son inverse existe, c’est la fonction µL de L × L dans R, appelée la fonction de Möbius de L.
M. E. Charkani
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Corollaire 7.1 Soit L un ensemblePordonné localement fini. Si f et g sontPdeux applications de
L dans R alors les relations f (x) = x6y g(y) pour tout x ∈ L et g(x) = x∈L, x6y µL (x, y)f (y)
pour tout x ∈ L sont équivalentes.
Noter que la fonction de Möbius de L est carctérisée par ζL ? µL = ρL . Ceci nous donne
Proposition 7.2 La fonction de Möbius de L est carctérisée par :
1) µL (x, x) = 1 pour tout x ∈ L .
P
2) Pour tout x, y ∈ L tels que x < y alors z∈L, x6 z6 y µL (x, z) = 0.
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Calcul de la fonction de Möbius
Soit (L = P(X), ⊆) l’ensemble des parties finis d’un ensemble X muni de la relation
d’ordre : inclusion. Quelle est la fonction de Möbius dans ce cas ? Le théorème suivant donne
la repense dans le cas où X est fini.
Théorème 8.1 Soit (L, ⊆) l’ensemble des parties d’un ensemble fini X. Alors
(−1)| B−A| si A ⊆ B
µL (A, B) =
0
sinon
P
Preuve. Il suffit de vérifier que pour tout A ∈ L on a B∈L, A⊆ B (−1)| B−A| = 0. En effet
P
P
si n = | X − A | alors A⊆ B (−1)| B−A| = nk=0 (−1)k Cnk = (1 − 1)n = 0.
Corollaire 8.1 Soit (L, ⊆) l’ensemble des parties d’un
P ensemble fini X. Soient f et g deux
applications de L dans R. Alors les relations f (A) = A⊆ B g(B) pour tout A ∈ L et g(A) =
P
| B−A|
f (B) pour tout A ∈ L sont équivalentes.
A⊆ B (−1)
On appelle écart de l’intervalle [x, y] la borne supérieure des longueurs de tous les chaı̂nes
C de X ayant pour extrémités x et y.
On suppose que x 6 y et on note ωk (x, y) le nombre total de tous les chaı̂nes C de X de
longueur k et ayant pour extrémités x et y. On a l’interprétation suivante de la fonction ζL
Proposition 8.1 Soit L un ensemble ordonné localement fini. Soit [x, y] un intervalle de L.
Alors
X
µL (x, y) =
(−)1k ωk (x, y)
k> 0
Théorème 8.2 Soit L un ensemble ordonné localement fini. Soit [x, y] un intervalle de L.
Alors
(ζL − 1)k (x, y) = ωk (x, y)
M. E. Charkani
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Notons que ζLk (x, y) est le nombre total de tous les multichaı̂nes C de X de longueurs k et
ayant pour extrémités x et y. Tandis que (ζL − 1)k (x, y) est le nombre total de tous les chaı̂nes
C de X ayant pour extrémités x et y.
Théorème 8.3 Soit E un ensemble ordonné fini. Soit ZE (n) le nombre de chaı̂nes de longueur
n dans E. Soit bE (n) le nombre de chaı̂nes maximales dans E de longueur n. Alors
X
ZE (n) =
bE (k)Cnk
06 k 6 n
Théorème 8.4 Soit (L, 6) une lattice modulaire. Alors µL (0, 1) = −
P
x∈A(L), x6 a
µL (x, 1)
Références
[1] B. Bollobas Combinatorics, Cambridge University Press, 1986.
[2] B.A Davey and H.A. Priestley Introduction to Lattices and Order Cambridge Mathematical Textbooks, 1990.
[3] Norman L. Biggs Discret Mathematics Oxford Science Publications, 1998.
[4] R. Stanley Enumerative Combinatorics Volume I, Cambridge University Press, 1997.
M. E. Charkani
Département de Mathématiques,
Faculté des Sciences Dhar-Mahraz. B.P. 1796,
Fes - MAROC
charkanim@hotmail. Com,
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