Université Pierre et Marie Curie 2012-2013
Probabilités et statistiques - LM345 Feuille 2 (semaine du 24 au 28 septembre)
Espaces de probabilités.
1. On rappelle qu’un ensemble est dénombrable s’il peut être mis en bijection avec
une partie finie ou infinie de l’ensemble Ndes entiers naturels.
a. Montrer qu’un ensemble Eest dénombrable si et seulement s’il existe une injection
de Edans N.
b. Montrer qu’un ensemble non vide Eest dénombrable si et seulement s’il existe une
surjection de Nsur E.
c. Montrer que si Eet Fsont deux ensembles dénombrables, alors E×Fest dénom-
brable. Plus généralement, montrer que si E1, . . . , Ensont dénombrables, alors E1×. . .×En
est dénombrable.
d. Montrer que si Iest dénombrable et (Ei)iIest une famille d’ensembles dénom-
brables, alors SiIEiest un ensemble dénombrable.
On retiendra qu’un produit cartésien fini d’ensembles dénombrables et une réunion
dénombrable d’ensembles dénombrables sont dénombrables.
e. Parmi les ensemble suivants, dire lesquels sont dénombrables : N,Z,Q,R, l’ensemble
des suites finies de longueur quelconque de 0et de 1, l’ensemble des suites infinies de 0
et de 1, l’ensemble des suites finies d’entiers naturels, l’ensemble des polynômes à une
indéterminée à coefficients rationnels.
Solution de l’exercice 1. a. Soit Edénombrable. Puisque Eest dénombrable, on peut
trouver une partie ANet une bijection f:EA. Soit i:ANl’application
d’inclusion de Adans N. Alors if:ENest une injection.
Réciproquement, soit Eun ensemble et i:ENune injection. Notons A=i(E).
Alors l’application i:EAdont on a restreint l’ensemble d’arrivée est une bijection.
b. Soit Edénombrable non vide. Puisque Eest dénombrable, on peut trouver une
partie ANet une bijection f:EA. Notons g:AEla bijection réciproque.
Soit xun élément de E(il en existe car En’est pas vide). Définissons h:NEpar
nN, h(n) = g(n)si nA
xsinon.
Pour tout yE, on a f(y)Adonc h(f(y)) = g(f(y)) = ydonc yappartient à l’image
de h. Ainsi, hest surjective.
Réciproquement, soit h:NEune surjection. Pour tout xE, considérons {n
N:h(n) = x}. Puisque hest surjective, c’est une partie non vide de Net on peut en
considérer le plus petit élément : définissons k:ENpar
xE, k(x) = min{nN:h(n) = x}.
1
On a pour tout xEl’égalité h(k(x)) = x. Il s’ensuit que pour tous x, y E, l’égalité
k(x) = k(y)entraîne x=h(k(x)) = h(k(y)) = y, c’est-à-dire que kest injective. Notons
B=k(E)Nl’image de k. Alors l’application k:EBdont on a restreint l’ensemble
d’arrivée est une bijection.
c. Soient Eet Fdeux ensembles dénombrables. Soient f1:ENet f2:FNdes
injections. L’application f:E×FN×Ndéfinie par
xE, yF, f(x, y)=(f1(x), f2(y))
est une injection. Il suffit maintenant de démontrer que N×Nest dénombrable. En effet, si
nous y parvenons, nous pourrons considérer une injection i:N×NN, et la composition
if:E×FNnous fournira une injection de E×Fdans N.
Pour construire i, on peut utiliser la formule
(m, n)N2, i(m, n) = 2m3n.
Le fait que ce soit une injection découle de l’unicité de la décomposition en facteurs
premiers d’un entier.
On a démontré que le produit cartésien de deux ensembles dénombrables est dénom-
brable. Raisonnons par récurrence et supposons démontré que le produit de n1ensembles
dénombrables est dénombrable, où nest un entier supérieur ou égal à 3. Soient E1, . . . , En
des ensembles dénombrables. En écrivant
E1×. . . ×En= (E1×. . . ×En1)×En,
on voit que E1×. . . ×Enest dénombrable, comme produit cartésien de deux ensembles
dénombrables.
d. Pour chaque iI, soit hi:NEiune surjection. Soit k:NIune surjection.
Alors l’application s:N×NSiIEidéfinie par
(m, n)N×N, s(m, n) = hk(m)(n)
est une surjection. En effet, soit xun élément de SiIEi. Il existe i0tel que xappartienne
àEi0. Soit mun entier tel que k(m) = i0. Soit nun entier tel que hi0(n) = x. Alors
x=s(m, n).
Puisque N×Nest dénombrable, il s’ensuit que SiIEiest dénombrable.
e. L’ensemble Nest bien sûr dénombrable, il est en bijection avec lui-même par l’iden-
tité. L’ensemble Zest la réunion de Net de Nqui sont dénombrables, donc il est
dénombrable. L’ensemble Qest dénombrable, car l’application r:Z×ZQdéfinie par
r(p, q) = p
q, dont l’ensemble de départ est dénombrable, est surjective.
L’ensemble Rn’est pas dénombrable (c’est un théorème de Cantor).
L’ensemble des suites de longueur nde 0et de 1est l’ensemble fini {0,1}n. L’en-
semble des suites finies de longueur quelconque de 0et de 1est la réunion dénombrable
Sn1{0,1}n, c’est donc un ensemble dénombrable.
2
L’ensemble des suites infinies de 0et de 1est l’ensemble {0,1}N. L’application f:
{0,1}N[0,1] définie par
ε= (εn)n1∈ {0,1}N, f(ε) = X
n1
2nεn
est surjective sur l’intervalle [0,1], puisque tout nombre réel entre 0et 1admet un dé-
veloppement dyadique (c’est-à-dire une écriture décimale en base 2). Si {0,1}Nétait dé-
nombrable, il existerait une surjection N→ {0,1}Net, par composition, une surjection
N[0,1], ce qui n’existe pas car [0,1] n’est pas dénombrable.
L’ensemble des suites de longueur nd’entiers est l’ensemble dénombrable Nn. L’en-
semble des suites finies de longueur quelconque d’entiers est la réunion dénombrable
Sn1Nn, qui est donc encore un ensemble dénombrable.
L’ensemble Q[X]des polynômes à coefficients rationnels est en bijection avec l’en-
semble des suites finies de nombres rationnels, qui est dénombrable par le même argument
qu’au paragraphe précédent.
2. a. Soit (Ω,F,P)un espace de probabilités. Soit n1. Soient A1, . . . , Andes
événements. Montrer que
P(A1. . . An) =
n
X
k=1
(1)k1X
1i1<...<ikn
P(Ai1. . . Aik).
C’est la formule d’inclusion-exclusion.
b. En appliquant cette formule à un espace de probabilités et à des événements bien
choisis, calculer le nombre de surjections de {1, . . . , p}dans {1, . . . , n}pour tous net p
entiers.
Solution de l’exercice 2. a. On démontre cette formule par récurrence sur n. Pour
n= 1, la formule dit que P(A1) = P(A1). Pour n= 2, la formule s’écrit P(A1A2) =
P(A1)+P(A2)P(A1A2)et c’est un énoncé démontré dans le cours. Supposons la formule
établie pour n1événements, avec n3, et considérons névénements A1, . . . , An. On a
P(A1. . . An) = P((A1. . . An1)An)
=P(A1. . . An1) + P(An)P((A1. . . An1)An)
=P(A1. . . An1) + P(An)P((A1An). . . (An1An))
L’hypothèse de récurrence permet de calculer le premier et le troisième terme du membre
3
de droite et on obtient :
P(A1. . . An) =
n1
X
k=1
(1)k1X
1i1<...<ikn1
P(Ai1. . . Aik) + P(An)
n1
X
k=1
(1)k1X
1i1<...<ikn1
P(Ai1. . . AikAn)
P(A1. . . An) = P(A1) + P(A2) + . . . P(An)
+
n1
X
k=2
(1)k1X
1i1<...<ikn1
P(Ai1. . . Aik)
n2
X
k=1
(1)k1X
1i1<...<ikn1
P(Ai1. . . AikAn)
(1)n2P(A1A2. . . An)
P(A1. . . An) = P(A1) + P(A2) + . . . P(An)
+
n1
X
k=2
(1)kX
1i1<...<ikn
P(Ai1. . . Aik)
+ (1)n1P(A1A2. . . An)
où dans la dernière inégalité on utilise que
n2
X
k=1
(1)k1X
1i1<..<ikn1
P(Ai1. . . AikAn) =
n1
X
k=2
(1)k1X
1i1<..<ikn|ik=n
P(Ai1. . . Aik)
On obtient bien la formule souhaitée pour P(A1. . . An).
b. Considérons Ω = {1, . . . , n}{1,...,p}l’ensemble des applications de {1, . . . , p}dans
{1, . . . , n}. Munissons de la tribu P(Ω) et de la mesure de probabilité uniforme :
AP(Ω),P(A) = |A|
||=|A|
np.
Pour tout m∈ {1, . . . , n}, soit Aml’ensemble des applications dont l’image ne contient
pas l’entier m. La réunion A1. . . Anest l’ensemble des applications qui ne sont pas
surjectives. Par ailleurs, pour tout k∈ {1, . . . , n}et tous i1, . . . , ikavec 1i1< . . . <
ikn, l’ensemble Ai1. . . Aikest l’ensemble des applications dont l’image ne contient
aucun des entiers i1, i2, . . . , ik. Le nombre de ces applications est le nombre d’applications
de {1, . . . , p}dans {1, . . . , n}\{i1, . . . , ik}, c’est-à-dire (nk)p. Ainsi,
P(A1. . . An) =
n
X
k=1
(1)k1X
1i1<...<ikn
(nk)p
np=
n1
X
k=1
(1)k1n
k(nk)p
np.
4
Il s’ensuit que le nombre Sp,n d’applications surjectives de {1, . . . , p}dans {1, . . . , n}, qui
est le cardinal du complémentaire de A1. . . An, vaut
Sp,n =np
n1
X
k=1
(1)k1n
k(nk)p=
n1
X
k=0
(1)kn
k(nk)p.
Notons que, bien que ce ne soit pas évident sur cette formule, Sp,n = 0 si p<n.
3. Que peut-on dire d’un événement qui est indépendant de lui-même ?
Solution de l’exercice 3. Soit (Ω,F,P)un espace de probabilités. Soit AF. L’événe-
ment Aest indépendant de lui-meme si et seulement si P(AA) = P(A)P(A), c’est-à-dire
si et seulement si P(A) = P(A)2, ce qui a lieu si et seulement si P(A)vaut 0ou 1. En
somme, un événement est indépendant de lui-même si et seulement s’il est négligeable ou
presque sûr.
4. Dans une grande assemblée, on demande à chaque personne d’écrire son nom sur
un bout de papier et de le mettre dans un chapeau. On agite le chapeau puis chacun tire
un bout de papier. Quelle est la probabilité que personne ne tire le bout de papier portant
son propre nom ?
Solution de l’exercice 4. Soit nle nombre de personnes présentes. On attribue à chaque
personne un numéro entre 1et n. Chaque personne tire un nom et un seul du chapeau
et l’application qui au numéro d’une personne associe le numéro de la personne dont
elle a tiré le nom est une bijection de l’ensemble {1, . . . , n}dans lui-même. On prend
pour l’ensemble des permutations de l’ensemble {1, . . . , n}. On munit de la tribu
P(Ω) et de la probabilité uniforme. On chercher à compter le nombre de permutations
σ:{1, . . . , n} → {1, . . . , n}telles que pour tout i∈ {1, . . . , n}on ait σ(i)6=i. On
appelle de telles permutations des permutations sans point fixe ou des dérangements. On
va utiliser la formule d’inclusion-exclusion.
Pour tout m∈ {1, . . . , n}, on note Aml’ensemble des permutations qui fixent m, c’est-
à-dire l’ensemble des permutations σ:{1, . . . , n}→{1, . . . , n}telles que σ(m) = m. Pour
tout k∈ {1, . . . , n}et tous i1, . . . , ikavec 1i1< . . . < ikn, l’ensemble Ai1. . . Aik
est l’ensemble des permutations telles que σ(i1) = i1, . . . , σ(ik) = ik. Le nombre de telles
permutations est le nombre de permutations de l’ensemble {1, . . . , n} \ {i1, . . . , ik}, c’est-
à-dire (nk)!. Ainsi, la probabilité dnqu’une permutation tirée uniformément soit un
dérangement, qui est la probabilité du complémentaire de A1. . . An, vaut
dn= 1
n
X
k=1
(1)k1n
k(nk)!
n!=
n
X
k=0
(1)k
k!.
Lorsque ntend vers l’infini, cette série converge très rapidement vers 1
e. Puisque l’assem-
blée est grande, on peut dire avec une excellente approximation que la probabilité que
personne ne tire son propre nom est 1
e'37%.
5
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !