Fonctions polynômes, fractions rationnelles. Applications

Chapitre 1
Fonctions polynômes, fractions rationnelles.
Applications aux calculs de primitives
Objectifs de ce chapitre
1. Faire des rappels sur la notion de fonctions polynômes avec les définitions usuelles : coefficients, coefficient dominant,
degré, addition, multiplication.
2. Introduire l’arithmétique des fonctions polynômes avec son outil fondamental : la division euclidienne. Donner alors
les notions de divisibilité, de PGCD, PPCM et d’algorithme d’Euclide.
3. Toucher du doigt la notion de base qui sera vue dans le second chapitre “algèbre linéaire”. Formule de Taylor.
4. Factorisation des polynômes sur Ret sur C.
5. Introduire la notion de polynôme irréductible.
6. Faire le parallèle
Arithmétique des entiers Arithmétique des polynômes
7. Introduire la notion de fraction rationnelle et utiliser les méthodes sur les polynômes pour les décomposer en éléments
simples.
8. Applications :
Calculer certaines sommes infinies comme 1
k(k+1)(k+2).
Calculer la dérivée n-ième d’une fraction rationnelle.
Calculer les primitives ou les intégrales de fonctions du type
x7→ 1
(x+1)(1+x2)ou t7→ sin t
(cos t+1)(1+cos 2t).
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1.1 Fonctions polynômes
1.1.1 Définitions
Définition 1.1.1.1 (Fonction polynôme réelle).On appelle polynôme réel ou fonction polynôme réelle toute fonction de la
forme :
P:RR
x7→ a0+a1x+... +adxd,
dest un entier et a0, ... ,adsont des nombres réels appelés coefficients de la fonction polynomiale P.
On appelle degré de Ple plus grand indice itel que aiest non nul. On note degPle degré de P.
Si dest le degré de Palors le coefficient adest appelé coefficient dominant de P.
On dira qu’un polynôme est unitaire si son coefficient dominant vaut 1.
Notation 1.1.1.2. On notera R[x]l’ensemble des fonctions polynomiales à coefficients réels.
Pour tout entier n0, on notera Rn[x]l’ensemble des polynômes à coefficients réels dont le degré est inférieur ou égal à n.
Dans la définition précédente, le fait que les coefficients soient réels ne joue aucun rôle, on peut donc immédiatement
étendre ces définitions au cadre complexe :
Définition 1.1.1.3 (Fonction polynôme complexe).On appelle polynôme complexe ou fonction polynôme complexe toute
fonction de la forme :
P:CC
x7→ a0+a1x+... +adxd,
où les coefficients a0, ... , adsont des nombres complexes.
Notation 1.1.1.4. On notera C[x], l’ensemble des fonctions polynomiales à coefficients complexes.
Pour tout entier n0, on notera Cn[x]l’ensemble des polynômes à coefficients complexes de degré inférieur ou égal à n.
Exemple 1.1.1.5. Quelques exemples.
1. On peut voir la fonction x7→ 1+3x+5x2à la fois comme une fonction polynomiale réelle et comme une fonction
polynomiale complexe. Ses coefficients sont 1,3 et 5. Son degré est 2, son coefficient dominant est 5.
2. Le degré de la fonction polynomiale x7→ 1+ix2+0x3est 2, ses coefficients sont 1, 0 (vu comme coefficient de x) et i
et son coefficient dominant est i.
3. La fonction nulle x0 est une fonction polynomiale dont tous les coefficients sont nuls. Par convention son degré est
. On convient aussi que pour tout entier non a
<n,() + n=n+ () = ,()+() = .
Remarque 1.1.1.6. Par la suite, si le contexte réel ou complexe n’importe pas, on dira simplement fonction polynomiale ou
polynôme et nous utiliserons les notations K[x]et Kn[x].
1.1.2 Opérations
Définition 1.1.2.1. L’ensemble des fonctions polynomiales de K[x]est muni d’une addition et d’une multiplication :
P+Q:x7→ P(x) + Q(x),
P.Q:x7→ P(x).Q(x),
héritées de l’addition et de la multiplication sur K.
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Remarque 1.1.2.2. Des propriétés de l’addition et de la multiplication sur K=Rou K=Con déduit facilement :
L’addition est associative :
P,Q,RK[x],(P+Q) + R=P+ (Q+R).
L’addition est commutative :
P,QK[x],P+Q=Q+P.
L’addition admet 0 comme élément neutre :
PK[x],P+0=0+P=P.
Tout polynôme Padmet un opposé P.
De même, la multiplication est associative, commutative et admet 1 comme élément neutre.
Enfin, on a la propriété de distributivité :
P,Q,RK[x],(P+Q).R=P.R+Q.R=R.(P+Q).
On dit que l’ensemble K[x]avec ses deux lois +et .a une structure d’anneau commutatif que l’on note (K[x],+,.).
Par définition du degré on obtient la proposition :
Proposition 1.1.2.3. Soit P et Q deux fonctions polynomiales.
1. La somme P +Q est une fonction polynomiale dont le degré vérifie
deg(P+Q)max(deg P,deg Q).
2. Le produit PQ est une fonction polynomiale dont le degré vérifie
deg(PQ) = deg P+degQ.
1.1.3 Divisibilité, division euclidienne, PGCD, PPCM, théorème de Bézout et lemme de Gauss
Dans cette section nous verrons que les fonctions polynomiales partagent de nombreuses propriétés et concepts avec les
nombres entiers, en particulier, la notion de diviseur, de multiples, de division euclidienne, de PGCD, PPCM, ou algorithme
d’Euclide et celle de fonctions polynômes irréductibles analogue des nombres premiers.
Divisibilité
Définition 1.1.3.1 (Diviseurs et multiples).Soit Aet Bdeux fonctions polynômes de K[x].
On dit que Aest un multiple de Bs’il existe une fonction polynôme Qtelle que A=BQ.
On dit que B divise A si le polynôme Aest un multiple de B. Notons que dans ce cas on a
degA=degQ+degBdeg B.
Remarque 1.1.3.2. Cette formule fournit une condition nécessaire de divisibilité sur les degrés qui n’est bien entendu pas
suffisante.
Remarque 1.1.3.3. Tout polynôme divise la fonction polynôme 0 :
0=P.0,
et on vérifie que la propriété sur les degrés est bien vérifiée grâce aux conventions sur ().
Théorème 1.1.3.4 (Division euclidienne).Soit A et B deux fonctions polynômes de K[x]avec B non nulle. Il existe un unique
couple (Q,R)de fonctions polynomiales telles que :
A=BQ +R avec R =0ou degR<degB,
Q est appelée quotient et R est appelée reste de la division euclidienne de A par B.
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Démonstration. On prouve l’existence par récurrence sur le degré de A.
1. Cas de base :
Si le polynôme Aest nul alors l’écriture 0 =B.0+0 convient.
Si le polynôme Aest de degré strictement plus petit que le degré de Balors l’écriture A=B.0+Aconvient.
2. Hypothèse de récurrence : on fixe un entier positif net on suppose que pour tout polynôme Ade degré inférieur à n, il
existe Qet Ravec A=BQ +Ret Rnul ou de degré strictement plus petit que le degré de B.
3. Montrons le résultat au rang n+1. Considérons un polynôme Ade degré égal à n+1, notons ale coefficient dominant
de Pet ble coefficient dominant de Q. Considérons le polynôme Aa
bxdegAdeg BB. Par construction le degré de ce
polynôme est strictement plus petit que le degré de Adonc plus petit que n. Par hypothèse de récurrence il va donc
exister deux fonctions polynômes Q1et R1telles que
Aa
bxdegAdeg BB=B.Q1+R1c’est à dire A=a
bxdegAdeg B+Q1B+R1.
avec R1nul ou de degré strictement inférieur au degré de B. Ceci est bien une décomposition convenable.
4. Conclusion. Le théorème découle donc du principe de récurrence.
Prouvons l’unicité. Si l’on dispose de deux couples convenables (Q1,R1)et (Q2,R2)nous avons
A=BQ1+R1=BQ2+R2.
Nous avons donc
B(Q1Q2) = R2R1
donc en considérant les degrés nous obtenons
degB+deg(Q1Q2) = deg R1R2.
Or degR1R2<degBpar conséquent Q1=Q2(sinon degQ1Q2>0 et l’on a une contradiction) et donc R1=R2.
Remarque 1.1.3.5. La preuve du théorème fournit un algorithme de calcul. Vous remarquerez par la pratique que cet algo-
rithme de calcul est précisément celui que vous appliquez, appliquiez lors de la division d’un entier par un autre !
Exemple 1.1.3.6. La division euclidienne de x4+x3+x2+x+1 par x2+1 est
x4+x3+x2+x+1
x4+x2
x3+x+1
x3+x
1
x2+1
x2+x
On obtient alors
x4+x3+x2+x+1= (x2+1)(x2+x) + 1.
PGCD
Définition 1.1.3.7 (Diviseurs communs).Soit Aet Bdeux fonctions polynomiales. On dira que Pest un diviseur commun
de Aet Bsi Pdivise Aet Pdivise B. Les fonctions constantes non nulles sont par exemple des diviseurs communs de Aet B.
On note Div(A,B)l’ensemble des diviseurs communs de Aet de B.
Définition 1.1.3.8 (PGCD).Soit Aet Bdeux fonctions polynomiales de K[x], on appelle PGCD(A,B)le plus grand diviseur
commun unitaire de Aet de B.
Le coefficient dominant du PGCD est 1.
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Exemple 1.1.3.9. Si Best unitaire et multiple de Aalors PGCD(A,B) = B.
Définition 1.1.3.10. On dira que deux fonctions polynomiales Aet Bsont premières entre elles si PGCD(A,B) = 1.
En pratique on calcule les PGCD via l’algorithme d’Euclide :
On suppose que le degré de Aest plus grand que celui de B, sinon on permute.
1. On effectue la division euclidienne de Apar Ben notant Q1le quotient et R1le reste :
A=BQ1+R1.
avec R1=0 ou degR1<degB.
2. Si R1vaut 0 on s’arrête, sinon on effectue la division euclidienne de Bpar R1, en notant Q2le quotient et R2le reste :
B=R1Q2+R2,
avec R2=0 ou degR2<degR1.
3. Si R2=0 on s’arrête sinon on fait la division euclidienne de R1par R2en notant le quotient Q3et le reste R3:
R1=R2Q3+R3
avec R3=0 ou degR3<degR2.
4. On obtient ainsi une suite de quotients Qiet une suite de restes Rivérifiant
Ri=Ri+1Qi+2+Ri+2
avec Ri+2=0 ou degRi+2<degRi+1.
5. Remarquons que la suite des degrés des restes Riest une suite d’entiers positifs strictement décroissante. L’algorithme
s’arrête quand l’un des restes s’annule. Le polynôme PGCD(A,B)est le dernier reste non nul que l’on rend unitaire.
Démonstration. Notons Ri0le dernier reste non nul et montrons que PGCD(A,B)est égal au polynôme Ri0divisé par son
coefficient dominant et noté ˜
Ri0.
En effet, écrire A=BQ1+R1implique
Div(A,B) = Div(B,R1),
car si Pdivise Aet B, il divise le reste R1et si Pdivise Bet R1, il divise A.
Ainsi, en itérant cette remarque nous avons
Div(A,B) = Div(B,R1) = Div(R1,R2) = ... =Div(Ri0,0).
Or le plus grand commun diviseur de Ri0et 0 est ˜
Ri0car il est unitaire et divise 0.
Exemple 1.1.3.11. Calculons le pgcd de A(x) = x3xet B(x) = x2+3x+2. On applique pour cela l’algorithme d’Euclide :
x3x= (x2+3x+2)(x3) + 6(x+1)
x2+3x+2=1
6(x+2).6(x+1) + 0.
Le dernier reste non nul est 6(x+1). Le pgcd de Aet de Best donc (x+1).
PPCM
Définition 1.1.3.12 (PPCM).Soit Aet Bdeux fonctions polynomiales de K[x], on appelle PPCM(A,B)le plus petit commun
multiple unitaire de Aet de B.
Exemple 1.1.3.13. Nous verrons par la suite que
PPCM((x1)(x+2)x,(x1)(x2)x) = x(x1)(x2)(x+2).
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