Cas Carrefour Thierry Pénard Mai 2004 Le secteur de la grande distribution • Un essor considérable depuis l’ouverture du premier supermarché Carrefour (1960) – 50% du commerce de détail et plus de 66% du commerce alimentaire (source INSEE) • Des formats différents – hypermarché : gamme étendue de références alimentaires et non alimentaires, services, des prix plus ou moins bas (des produits d’appel) – supermarché : surface moyenne, références élevées sur l’alimentaire, limitées sur le non alimentaire – hard discount : taille réduite et nombre de références limité, prix très bas – supérette : petite taille, proximité, horaire étendue, prix élevé 1 Formats de distribution : surface/références Superette/proximité supermarché Hypermarché Hard discount 200 m² 1000 m² 2 000 m² 5 000 m² Moins de 5 000 En m2 Plus de 100 000 Nombre de références Des modèles organisationnels différents • Des groupes succursalistes – Auchan, Carrefour : des groupes familiaux – Forte centralisation et internationalisation • Des associations d’indépendants (des gérantspropriétaires) – Leclerc, Système U – Des centrales d’achat communes, des obligations à respecter – Mais une certaine autonomie et liberté d’initiative • ex : le manège à bijoux Leclerc 2 Un secteur très concentré • De fortes barrières à l’entrée liées – – – – aux économies d’échelle (logistique, communication, …) à la puissance d’achat (meilleures conditions tarifaires) à la notoriété, image (coût élevé de publicité) liées à la réglementation • contrôle des créations d’hypermarchés/supermarchés ou extension m² – loi Royer, loi Raffarin (1996) : autorisation si >300m² • Implication : croissance interne limitée et encouragement à la croissance externe – rachat par Carrefour des Comptoirs Modernes, Mamouth, fusion avec Promodes • Un exemple de loi ayant des effets contraires aux objectifs visés initialement : – loin de protéger le commerce de proximité et les PME, renforce la puissance de la grande distribution Part de marché des 5 principaux groupes ou centrales d’achat dans la grande distribution 2001 Carrefour (+Promodes) 29.4 % Leclerc + Systeme U (Lucie) 23.8 % Casino+Cora 17.7% Intermarché 13.3 % Auchan 12.9 % TOTAL 97.1 % Source Secodip 2001 3 Estimation de la part de marché des 5 principaux groupes ou centrales d’achat dans la distribution alimentaire 1993 2001 Carrefour (+Promodes) 7.5 % 19.4 % Leclerc + Systeme U (Lucie) 8.7 % 15.7 % Casino+Cora 4.5 % 11.7% Intermarché 8.7 % 8.8 % Auchan 4.1 8.5 % TOTAL 33.5% 64.1 % Calcul d ’après Source Secodip 2001 Nature de la concurrence • Une différenciation horizontale – par la localisation géographique – permettant de relâcher la concurrence • Évidence : prix moyens décroissant avec le nombre d ’hypermarchés en présence sur une zone de chalandise (ville) et décroissant avec la dispersion des hypermarchés (distance), en contrôlant pour la taille du marché – renforcée par des stratégies de fidélisation • accroître les coûts de changement de distributeur (rendre le client plus captif) – carte de fidélité, bons d’achat – et par les marques de distributeur (MDD) 4 Carrefour : quelques clés du succès • Une bonne gouvernance d’entreprise liée au contrôle familial – présence dans le CA : rôle actif de surveillance et d ’orientation stratégique • limitation des risques d ’opportunisme des dirigeants (théorie de l ’agence) • Une rentabilité fondée en partie sur les services financiers – trésorerie liée au décalage entre le paiement « cash » des clients et le paiement à 3 mois des fournisseurs • utilisée pour les prêts à la consommation aux titulaires d’un compte Carrefour (mieux que des placements financiers !) • Mais des rumeurs de rachat par Walmart : N°1 mondial Un secteur très réglementé en France • Une accumulation de lois (Raffarin 1996, Galland 1997, Nouvelles Régulation Economique 2001) • Objectifs de la loi Galland 1997 – protéger le petit commerce de la grande distribution – renforcer le pouvoir de négociation des producteurs • interdiction de revente à perte : redéfinition des seuils • interdiction de primes de coopération non justifiée • interdiction des déréférencements abusifs • autorisation du refus de vente d ’un fournisseur à un distributeur • qui sont loin d’avoir atteints leurs objectifs – application imparfaite (peu de plaintes de fournisseurs) – hausse des marges (de la rentabilité) de la grande distribution – ne s’attaque pas au problème structurel de la concentration 5 Décomposition des marges des distributeurs Marge arrière Prix perçu par le producteur Marge avant Prix facturé Prime de coopération commerciale Ristournes conditionnelles différées Prix public de gros Ristournes inconditionnelles sur facture Prix de détail Marge supplémentaire du distributeur Faut-il supprimer la loi Galland ? • Pression de certains grands distributeurs face à la montée du hard discount et la stagnation des ventes – solution : suppression de la loi ? • Griefs de la loi – impossibilité de répercuter les marges arrières = hausse des prix de détail – Mais le vrai problème : pourquoi des marges arrières ? • dans un premier temps, grande marque et distributeurs satisfait – hausse des marges des deux côtés – perdant les clients et petits producteurs : aucun moyen de répercuter sur le prix de gros le coût des marges arrières • Face aux hard discounts : Guerre des prix ? Ou recherche de différenciation verticale accrue? 6 La montée en puissance des MDD • Intérêt pour la grande distribution – mieux coordonner les relations producteurs-distributeurs : une forme de semi-intégration • moyen d’améliorer la qualité, de mieux gérer la logistique et la production • forme de coopération – renforcer le pouvoir de négociation face aux producteurs de grande marque • menace de déréférencement plus crédible – relâcher la concurrence entre distributeurs en augmentant la différenciation La montée en puissance des MDD • Intérêt pour les producteurs – assurer des débouchés – éviter de verser des marges arrières • marges plus élevées en MDD • Inconvénient pour les producteurs – réduction du pouvoir de négociation : produits plus interchangeables – cannibalisation de sa propre marque (détournement de vente) – surinvestissement en publicité et marketing pour maintenir la différenciation entre sa propre marque et les MDD 7 Poids des MDD par enseigne Carrefour Part de marché des MDD 24.6 % Leclerc 20.7 % Casino 27.4% Intermarché 31.3 % Auchan 18.5 % Source Secodip 2001 8