L`exploration et le traitement de la région axillaire des

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Recommandations 2013 de la conférence de
consensus de Saint-Paul-de-Vence
13ecours francophone supérieur sur le
cancer du sein - 16-19 janvier 2013
L’exploration et le traitement de
la région axillaire des tumeurs
infiltrantes du sein
E. BARRANGER (Paris),
J.M. CLASSE (Nantes),
M.M. DAUPLAT (Clermont-Ferrand),
G. HOUVENAEGHEL (Marseille),
A. TOLEDANO (Paris)
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PEUT-ON RENONCER AU CURAGE AXILLAIRE EN CAS DE
GANGLION SENTINELLE MICRO-MÉTASTATIQUE ?
Introduction
La radicalité de la chirurgie axillaire s’est considérablement
réduite grâce à l’introduction de la procédure du ganglion sentinelle
(GS) au début des années 90 [1]. Cette technique de prélèvement
ganglionnaire limité de l’aisselle a jusqu’au début des années 2000 été
systématiquement associée au curage axillaire (CA) afin d’évaluer le
taux de faux négatifs (FN), paramètre indispensable pour s’assurer de
la fiabilité de cette nouvelle technique et permettre sa diffusion en
routine. Ce taux de FN acceptable avait initialement été arbitrairement
fixé à 5 %. Mais devant l’engouement pour cette technique dont la
faible morbidité a rapidement été démontrée, le CA a été rapidement
abandonné en cas de GS indemne de métastases, malgré l’absence de
résultats d’études prospectives randomisées dont les premières inclu -
sions ont débuté à la fin des années 90. Les objectifs de ces essais
comparant la biopsie du GS au CA pour les patientes GS- portaient sur
l’évaluation non seulement du taux de FN mais aussi du risque de
récidive locale axillaire (RA) à moyen terme ainsi que l’impact sur la
survie. Les premiers résultats ont été seulement publiés en 2007 par
Krag et al. dont l’étude (NSABP-B32) [2] montrait curieusement un
taux de FN non pas à 5 %, comme il était attendu ou espéré, mais
plutôt proche de 10 %. Ce chiffre surprenant aurait pu légitimement
faire craindre un risque de RA relativement important, en tout cas
supérieur au CA, et donc de facto faire également craindre un impact
poten tiellement négatif sur la survie. Mais malgré cette valeur élevée
du taux de FN, que d’autres études prospectives ont confirmée [3], la
légitimité de la technique du GS n’a jamais été remise en cause, bien
au contraire, puisque les indications se sont progressivement étendues
aux tumeurs plus volumineuses, et même après chimiothérapie néo -
adjuvante pour certaines équipes. En France, les indications ont
longtemps été limitées aux tumeurs de moins de 15-20 mm, et ce n’est
que depuis 2011 que les indications se sont étendues aux lésions
invasives uniques du sein T1-T2N0, suite aux dernières recom -
mandations pour la pratique clinique (RPC) de Nice-Saint-Paul-de-
Vence de 2011 [4].
En 2010, les mêmes auteurs de l’étude du NSABP-B32 ont
confirmé la fiabilité de la technique du GS en comparant un groupe
CA versus abstention en cas de GS-, ceci avec un recul de plus de 8 ans.
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Ils ont conclu que, malgré ce taux de FN élevé proche de 10 %, la
technique du GS pouvait définitivement remplacer le CA pour les
patientes avec un cancer du sein invasif unique T1-T2N0. En effet, le
taux de RA observé était faible (< 1 %), équivalent dans les deux
groupes, tout comme la survie sans récidive (SSR) et la survie globale
(SG) [5] non statistiquement différentes également entre les deux
groupes.
Après cette évolution majeure dans la prise en charge axillaire en
cas de cancer du sein T1-T2N0, le maintien du CA complémentaire en
cas de GS métastatique semblait indiscutable, en tout cas pendant
encore de nombreuses années. Pourtant, depuis 2 ans suite à la
publication des résultats de l’essai ACOSOG Z-0011, le CA a aussi été
remis en cause en cas de GS métastatique non seulement en cas de
micrométastases ou de cellules tumorales isolées (CTI) mais aussi en
présence de macrométastases [6].
Même si le bénéfice en termes de morbidité est évident en faveur
de la technique du GS, il est légitime pourtant de s’interroger sur le
risque potentiel encouru par les patientes ayant un GS métastatique ne
bénéficiant pas de CA complémentaire. Dispose-t-on actuellement de
données scientifiques suffisantes pour abandonner la pratique du CA
particulièrement en cas de GS micrométastatique ? L’omission du CA
ne risque-t-elle pas d’augmenter le taux de RA ? Cette absence de CA
complémentaire a-t-elle un impact sur la SG et la SSR, et enfin
l’omission du CA ne risque-t-elle pas d’induire un sous-traitement voire
un sur-traitement « compensateur » pour ces patientes ayant un GS
micrométastique ?
Méthode
Analyse
Une recherche Medline/Pubmed a été effectuée afin d’identifier les
articles en langue anglaise et française comparant le CA et l’abstention
en cas de GS micrométastatique dans le cancer du sein localisé. La
recherche a été étendue à décembre 2012. Les mots clés étaient les
suivants : Breast cancer, Micrometastasis, Sentinel node, Axillary dissection.
Types d’études
Les études randomisées mais aussi les séries rétrospectives uni ou
multicentriques et les méta-analyses ont été retenues.
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Patientes sélectionnées
Patientes d’au moins 18 ans avec un cancer du sein invasif unique
prouvé histologiquement sans traitement médical premier.
Types d’intervention
Les études comparant le CA complémentaire et l’abstention en cas
de GS micrométastatique ont été sélectionnées, quelle que soit la
méthode de réalisation du GS (technique combinée ou au bleu seul ou
radio-isotopique seule), associées à un traitement conservateur ou non
du sein.
Types de mesures analysées
Les critères analysés étaient les suivants : la SG, SSR, le taux de
RA. Les séries dont le recul était inférieur à 2 ans n’ont pas été
retenues.
Intérêt thérapeutique du curage axillaire
Initialement, le CA était réalisé pour pratiquer l'exérèse de méta -
stases axillaires cliniquement palpables en cas de cancer du sein
diagnostiqué à un stade évolué. Pour toutes les patientes N0-1, il
permettait d’obtenir un excellent contrôle local axillaire avec, malgré
tout, un risque de RA après curage compris entre 1 et 3 % [7-10]. L’essai
historique du NSABP-B04 avait montré que dans une population sans
envahissement ganglionnaire clinique traitée par mastectomie sans
traitement médical complémentaire (hormonothérapie ou chimio -
thérapie), malgré un taux d'envahissement axillaire de 40 %, le taux
observé de RA pour les patientes traitées par mastectomie sans CA
(n = 365) était de 7 % à 25 ans contre 5 % après mastectomie-CA
(n = 362) et 1 % après mastectomie suivie de radiothérapie axillaire
(n = 352) sans différence statistiquement significative, et surtout qu’il
n’y avait pas d’impact négatif sur la SG et la SSR à 10 ans (SG : 54 %,
58 % et 59 %, respectivement ; SSR : 42 %, 47 % et 48 %,
respectivement) et à 25 ans (SG : 26 %, 25 % et 19 %, respectivement ;
SSR : 19 %, 19 % et 13 %, respectivement) [11]. La principale critique
de cet essai était que 35 % des patientes du groupe mastectomie seule
avaient des ganglions prélevés lors de la mastectomie.
Une méta-analyse publiée par Orr en 1999 incluant environ
3 000 patientes issues de 6 essais randomisés historiques de 1951 à 1987
a montré un bénéfice en survie de 5,4 % (95 % CI = 2,7-8,0 %) pour
les patientes ayant eu CA par rapport aux patientes n’ayant pas eu de
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LEXPLORATION ET LE TRAITEMENT DE LA RÉGION AXILLAIRE DES TUMEURS INFILTRANTES DU SEIN
traitement de l'aisselle [12]. Cependant, l’auteur nuance lui-même ses
résultats en précisant que ces 6 essais comportaient peu de patientes
avec des tumeurs T1a-b, constituant la majorité des cancers du sein
diagnostiqués actuellement, et que la prise en charge globale ne
correspondait plus à nos pratiques actuelles puisqu’aucune patiente
n’avait eu de prescription d’hormonothérapie et qu’une minime
proportion de patientes avait reçu une chimiothérapie (seulement
3,3 % des patientes de l’étude de Curie uniquement), concluant que ces
résultats ne seraient très certainement plus significatifs en cas de
prescription de traitement adjuvant (hormonothérapie ou chimio -
thérapie). D’ailleurs, Sanghani et al. [13] ont publié en 2009 une méta-
analyse incluant 2 essais randomisés publiés entre 2000 et 2007
comparant le CA versus abstention axillaire avec un recul médian
variant de 5 à 6,6 ans et incluant 692 patientes dont 56 et 93 % de T1,
23 et 28 % de N+, 80 et 88 % de traitement complémentaire par
hormonothérapie. Le taux de RA était plus important en l’absence de
CA (1,5 % versus 3 % ; odds ratio [OR] 0,27 ; 95 % intervalle de
confiance [IC], 0,10-0,78, p = 0,02) par rapport au CA mais sans impact
significatif sur la SG (OR 1,20 ; 95 % IC, 0,64-2,27), la survie sans
métastase (OR 0,97 ; 95 % IC, 0,69-1,38) et sur les récidives locales
mammaires (OR 1,12 ; 95 % IC, 0,68-1,86). Les auteurs concluent que
le CA n’apporte pas de bénéfice en survie malgré un taux de RA plus
élevé par rapport à l’abstention chirurgicale axillaire pour les patientes
avec un cancer du sein précoce N0 bénéficiant d’un traitement par
hormonothérapie et radiothérapie du sein.
Plus récemment encore, un essai randomisé publié en 2012 a
confirmé l’absence de bénéfice du CA en comparant ce dernier avec à
nouveau l’abstention, associé à une radiothérapie du sein (et non de
l’aisselle) et suivi de 5 ans de tamoxifène [14]. Cette étude a montré
chez 238 patientes âgées de plus de 65 ans ayant un cancer du sein
< T1-N0, après un suivi de 15 ans, des taux de SG et de survie sans
métastase équivalents dans les deux groupes dont les effectifs étaient
cependant insuffisants pour mettre en évidence une équivalence ou une
non-infériorité.
Ces résultats récents ne suggèrent pas de bénéfice thérapeutique
du CA par rapport à l’abstention en cas de tumeur du sein N0. Ceci
peut s’expliquer par la taille plus petite des tumeurs diagnostiquées
actuellement et la prescription de traitement adjuvants (chimiothérapie
et/ou hormonothérapie).
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