Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (4)
de cette entité rare, cliniquement reconnue par la classifi-
cation de l’Union Internationale Contre le Cancer
(U.I.C.C.) comme TO NI ou 2 [7]. Nous présentons ci-
après de brèves observations cliniques et sur la base de la
revue de la littérature les fondements thérapeutiques.
Observations cliniques
Cas 1 : Madame M.A., âgée de 70 ans, consulte le 7 mars
1990 pour une adénopathie axillaire gauche de toute évi-
dence maligne sur ses caractères cliniques.
Dans ses antécédents, on ne retrouve aucun facteur étiolo-
gique évocateur : mère de 7 enfants qui avaient été allaités
au sein, elle n’avait jamais entendu parler de pilules œstro-
progestatives, encore moins de stérilet. Elle n’avait jamais
fumé. Sa ménopause était survenue vers l’âge de 50 ans.
L’adénopathie a 6 cm de grand axe. Elle est isolée, indurée,
fixée aux plans profonds. Le sein homolatéral déshabité, ne
présente aucun signe clinique évoquant une pathologie
mammaire de nature néoplasique, tout au plus il existe des
lésions de grattage aréolaire que l’on ne retrouve pas dans
le sein droit. L’abdomen est souple, sans org a n o m é g a l i e .
L’état général est moyen.
Les mammographies bilatérales ne montrent aucun élément
suspect. Il existe trois opacités filamenteuses évo-quant
une filariose. Les radiographies pulmonaires sont
normales, de même que le dosage de CA 15-3. Une biopsie
ganglionnaire faite sous AL révèle un adénocarcinome
canalaire infiltrant de grade SBR II.
Le 24 mars 1990 une radiothérapie loco-régionale est
initiée. Elle couvre le sein gauche, la paroi thoracique sous-
jacente et les aires ganglionnaires axillo-sus-claviculaires
du côté gauche. Les doses administrées sont de 50,00 Gy.
en 25 séances sur le sein et la paroi thoracique gauches et
de 40,00 Gy en 20 séances sur les aires ganglionnaires
couvertes. Deux semaines après la fin de l’irradiation, il
existe une diminution du volume ganglionnaire avec en
ADENOPATHIE AXILLAIRE SYNONYME DE
CANCER MAMMAIRE : A PROPOS DE 3 OBSERVATIONS
A L’HOPITAL GENERAL DE DOUALA
A. MOUELE SONE*,J.M. NGALLE MBONJO, M. ESSOMBA BIWOLE, J.P. AMANA, A. MBAKOP.
*Service de Radiothérapie-Oncologie Hôpital Général de Douala
(Cameroun)
INTRODUCTION
Les adénopathies axillaires malignes peuvent être primi-
tives telles que dans la maladie de Hodgkin ou dans les
LMNH. Elles peuvent aussi être secondaires ; elles repré-
sentent alors des métastases ganglionnaires des cancers qui
se propagent à travers les réseaux lymphatiques se drai-
nant principalement ou accessoirement dans l’aisselle.
Parmi les adénopathies axillaires malignes primitives, il
existe une entité particulière dont les premières descrip-
tions détaillées datent des années 1950 [4]. C’est l’adéno-
pathie axillaire maligne d’un cancer mammaire qui pour-
tant n’est ni cliniquement ni radiologiquement décelable.
Nous avons eu le privilège d’observer en six années 3 cas
LETTRE A L'EDITEUR
RÉSUMÉ
L’adénopathie axillaire sans cancer du sein clinique-
ment ou radiologiquement décelable est une entité
reconnue, codifiée par l'UI.C.C. comme étant un cancer
mammaire cliniquement TO N1 ou 2. Notre expérience
à l’hôpital général de Douala nous amène à présenter
3 observations enregistrées sur une période de six
années. Il se dégage les manifestations cliniques obser-
vées et les bases thérapeutiques de cette entité clinique
rare parmi les cancers mammaires.
SUMMARY
A x i l l a r y lymphadenopathy meaning breast cancer
without clinically or radiologically breast tumour is a
known entity recognised by IUAC as a T0 N1 or 2
b reast cancer. Our experience at the General Hospital
Douala is based on 3 clinical cases that were observed
within a period of six years. Observed clinical mani-
festations are described and treatment bases of this rare
entity among breast cancers are discussed.
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particulier une reprise de la mobilité par rapport aux plans
profonds. Un mois plus tard, les chirurgiens effectuent un
”picking” ganglionnaire libérant le creux axillaire gauche.
La pièce opératoire confirme l’histologie initiale. Le traite-
ment est complété par un complément de dose de 10,00 Gy
en 5 séances sur un volume axillaire gauche réduit. Au
premier anniversaire post-thérapeutique, il n’existe aucun
signe de récidive. Le rendez-vous du 2ème anniversaire
n’est pas respecté et la patiente est perdue de vue.
Cas 2 : Madame J.A., patiente de 63 ans, est transférée
dans notre service le 10 juillet 1992 pour une volumineuse
adénopathie axillaire gauche unique, fixée aux plans pro-
fonds et superficiels, maintenant le bras gauche en légère
abduction. Le tableau clinique a évolué pendant un an et
demi avant la première consultation motivée par la gêne
permanente sous le bras empêchant la patiente de vaquer à
ses occupations champêtres. L’examen clinique ne montre
aucune autre anomalie associée à l’adénopathie suspecte.
Le bilan à ”minima” - la scintigraphie osseuse non réalisa-
ble au Cameroun n’est pas faite - ne montre pas d’atteinte
métastatique. Une radiothérapie première à la dose de
40,00 Gy en 20 séances est réalisée sur le sein et les aires
ganglionnaires axillo-sus-claviculaires gauches. Elle est
suivie au bout de trois semaines par un curage axillaire
gauche limité. La patiente n’est revue que quatre mois plus
tard avec un blindage axillaire gauche manifestement
néoplasique qui évolue vers une plaie ulcérée et surinfectée
de toute la région axillaire. Les conditions exactes de son
décès n'ont pas pu être évaluées, la patiente ayant passé ses
derniers jours en région rurale.
Cas 3 : Madame Z, âgée de 57 ans, est reçue à notre
consultation du 26 mai 1995 pour une voûssure du prolon-
gement axillaire gauche de nature inflammatoire ayant
évolué depuis 3 mois, d’abord sur un mode indolore, ensui-
te algique dès les premières manifestations de l’inflamma-
tion. Cette paisible patiente de provenance rurale, mariée
depuis un quart de siècle n’a jamais eu d’enfant sans
qu’elle sache pourquoi. Ses antécédents aussi bien fami-
liaux que personnels sont sans particularités. L’ e x a m e n
clinique met en évidence une induration du prolongement
axillaire gauche de plus de 10 cm de grand axe, mal limitée
et fixée aux plans profonds. Les radiographies pulmonaires
et l’échographie abdominale à la recherche de localisations
secondaires sont normales. Les résultats des biopsies au
trucut sont en faveur d’une métastase ganglionnaire d’un
adénocarcinome canalaire infiltrant. Le 5 juin 1995, une
polychimiothérapie de type FAC est initiée. Elle se déroule
en trois cures au terme desquelles on obtient une fonte
tumorale évaluée à 40 %. Elle est suivie d’une irradiation
externe au Cobalt 60 portant sur le sein gauche, la paroi
thoracique sous-jacente et les aires ganglionnaires axillo-
sus-claviculaires homolatérales. La dose administrée est de
40,00 Gy en 20 séances réparties sur 4 semaines. La
patiente est mise en RC après ces deux modalités thérapeu-
tiques et présentée au ”staff ” de l’hôpital qui suggère que
soit réalisée une mastectomie radicale avec curage axillaire
gauche. Elle est faite le 21 août 1995. La pièce opératoire
ne présente aucun signe de malignité, pourtant la paix est
de courte durée pour Madame Z. En effet, 9 mois après le
traitement, à l’occasion de l’installation d’une toux rebelle,
on lui découvre des métastases pulmonaires en lâcher de
ballons et hépatiques. Sa mort survient 2 mois plus tard.
DISCUSSION
L’adénopathie axillaire synonyme de cancer mammaire est
une entité bien définie. Dans l’approche thérapeutique,
HALSTED signalait déjà 3 cas en 1907 [3]. Pourtant avec
un siècle de recul, peu de travaux ont été consacrés à cette
forme particulière de cancers mammaires. L’une des rai-
sons serait le nombre peu élevé de cas. A l’hôpital général
de Douala, les 3 cas représentent 2,5 % de cancers mam-
maires par rapport aux 119 patientes traitées en 6 ans [5].
Sur le plan pratique, il est important d’éliminer les adéno-
pathies axillaires primitives, celles qui sont métastatiques
d’autres localisations et les cancers mammaires du prolon-
gement axillaire.
Dans les formes communes de cancers mammaires, le sex-
ratio est de 1 homme pour 100 femmes. Dans la plupart des
séries publiées, il n’existe aucune atteinte masculine décri-
te [6]. Y aurait-il une prédilection d’atteinte du sexe fémi-
nin ou serait-ce en raison du nombre insignifiant des mala-
des enregistrés dans diverses séries ?
L’âge médian de nos patientes est de 63 ans. Celui de la
série de l’Institut Curie est de 54,6 ans [1]. Le grand dia-
mètre moyen des tumeurs à la découverte est de l’ordre de
8 cm. Nos patientes étaient d’emblée T0N2. Cette décou-
verte tardive s’explique par le caractère initialement indo-
lore de l’adénopathie dont la présence en raison de l’état
socio-culturel et éducatif n’inquiète guère nos patientes.
A. MOUELE SONE,J.M. NGALLE MBONJO, M. ESSOMBA BIWOLE,
J.P. AMANA, A. MBAKOP
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Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (4)
Histologiquement, nos trois observations présentaient des
adénocarcinomes canalaires infiltrants. Il semblerait qu’on
les retrouve volontiers plus souvent. CAMPANA signale
27 cas sur une série de 31 (1). Dans les atteintes mammai-
res classiques, la répartition entre les adénocarcinomes
canalaires infiltrants et les adénocarcinomes lobulaires
infiltrants est respectivement de 80 % et 5 % ; ce qui n’est
pas entièrement le cas dans les adénopathies axillaires
mammaires primitives [6].
Le dosage des marqueurs tumoraux n’a pas été significatif
chez nos patientes. Classiquement, seulement 30 % des can-
cers mammaires évolués ont un taux élevé de CA 15-3 [2].
En matière de traitement, il n’existe pas de protocole unifié
pour les adénopathies axillaires synonymes de cancer
mammaire. A la lumière des travaux anciens, l’évolution
est bonne en général, 71 % de survie actuarielle à 10 ans
[8]. Si les chirurgiens prônent un curage ganglionnaire
axillaire et une mastectomie totale c’est eu égard aux
lésions infra cliniques mammaires découvertes à l’analyse
histologique des pièces opératoires [9]. Pour les radio-
thérapeutes, le traitement conservateur associe un curage
ganglionnaire axillaire et une radiothérapie adjuvante
portant sur les aires ganglionnaires axillo-sus-claviculaires,
le sein et la paroi thoracique sous-jacente. Dans un cas ou
dans l’autre, les résultats dépendent principalement des
équipes thérapeutiques.
ADENOPATHIE AXILLAIRE… 236
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