Dyslexie - Un problème qui a ses solutions

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Dyslexie
Un problème qui a ses solutions
Lorsqu’on évoque la dyslexie, on aime citer les noms de Walt
Disney, d’Auguste Rodin, d’Albert Einstein ou encore de Léonard
de Vinci. Sans soutenir que tous les dyslexiques sont des génies,
il est bon de rappeler que la dyslexie n’est pas incompatible avec
l’intelligence !
J
«
e repère un enfant dyslexique,
indique Martine, enseignante,
à ses inversions de lettres en écriture
comme en lecture. Lorsqu’il lit un
mot, il se trompe, recommence, se
trompe à nouveau, pour finir par se
bloquer sur ce mot ou inventer n’importe quoi. »
Qu’est-ce que la dyslexie ?
Trop souvent encore confondue
avec une simple difficulté d’apprentissage scolaire, la dyslexie est
en fait un mode différent de fonctionnement cérébral. Une personne dyslexique utilise son cerveau autrement que la majorité
des individus, qui prennent le
chemin déductif le plus simple. Le
dyslexique utilise plusieurs voies
en même temps, dans toutes les
dimensions, si bien que la solution, il ne la réalise pas immédiatement, il la construit. Avec encore
une difficulté supplémentaire : le
dyslexique a besoin de pouvoir
mentalement représenter les mots
dont il se sert. Chose impossible
pour plus de deux cents mots appelés “mots déclencheurs”, déclencheurs de blancs ou d’erreurs.
En pratique
Par exemple, une phrase qui est
susceptible de lui poser problème : “le chat blanc sauta sur la
souris grise et partit se cacher
dans le jardin”. Dès le début de la
phrase, le mot “le” ne représente
rien mentalement pour un dyslexique et il peut buter dessus en
disant “un” ou “il” ; en revanche,
la lecture de “chat” ou “souris” représente mentalement des images
acquises et ne présente pas de difficultés si ce n’est la nécessité
d’une grande concentration. Car,
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lorsque l’enfant voit le mot “chat”,
l’assemblage des lettres se fait
dans tous les sens : “chat” devient
“tach”, mais aussi “acht”, “hact”,
à l’endroit comme à l’envers. Le
lecteur doit donc terriblement se
concentrer pour ne retenir que la
bonne version : “chat”. La démarche n’est pas terminée pour
autant puisque ce mot signifie
une forme présente dans les trois
dimensions : à l’enfant, ensuite,
de l’imaginer “blanc et se déplaçant lentement, comme un félin”.
Tout un film se déroule alors que
la lecture de la phrase ne progresse guère : on n’en est qu’au
tout début : “le chat blanc”. Encore faut-il l’imaginer donnant
brusquement un coup de patte,
se baissant sur ses pattes avant et
bondissant de son train arrière
vers la souris grise qui, surprise,
tente une esquive, part dans un
sens puis l’autre, essaye de fuir
mais finalement ne peut s’échapper (“sauta sur la souris”), et imaginer toujours le chat avec la souris dans la gueule se mettant à
bondir de joie.
Autre exemple : que veut dire
“partir” ? Ce verbe demande à
l’enfant la grande concentration
qui est la sienne et le fait
confondre avec le mot “partie”.
Tout un processus mental se déclenche alors tous azimuts : “que
vient faire une partie dans cette
histoire, et puis une partie de
quoi, de quel jeu ?”. C’est le début d’une désorientation qui fait
perdre le fil des idées et de l’histoire. “Dans” est encore un mot
déclencheur et aucune représentation mentale ne peut lui être associée, donc aggravation du
trouble, désorientation et néces-
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002
sité pour les surmonter, de se
concentrer encore plus. Vient ensuite “jardin” : l’enfant voit un endroit où il y a de l’herbe et des
fleurs, sans rapport avec un chat.
Que fait le chat dans l’herbe et les
fleurs ? Où va-t-il aller ? Ce qui
n’est au départ qu’une scène
simple, pouvant être facilement
représentée par une photo instantanée, devient un vrai film
animé interminable, décomposé
image par image, sans qu’une cohérence soit toujours évidente.
Des efforts épuisants
Cette véritable “projection” cérébrale demande un effort de
concentration tel que l’enfant est
lent, épuisé, et se bloque rapidement sur les mots déclencheurs
de blancs comme “le”, “la” puis
sur des erreurs d’interprétation.
A force de blancs, la désorientation se produit, désorientation et
fausses interprétations qui entraînent la confusion des mots,
des sons, des images.
Pour un observateur, comme
pour son enseignant, l’enfant n’a
rien compris à ce qu’il a lu. Il se
peut d’ailleurs que si on lui demande ce qu’il a lu, il réponde immédiatement un endroit où poussent de l’herbe et des fleurs par
analogie au jardin, sa dernière représentation mentale enregistrée.
Conscient de son erreur, l’enfant
dyslexique, intelligent, contrairement aux opinions trop couramment répandues, essayera de trouver des parades à ses difficultés.
Ainsi, il apprendra par cœur l’alphabet sous forme de comptine
pour s’y référer si besoin. Il se
concentrera intensément en lisant,
ce qui lui rendra l’exercice lent,
périlleux et fatigant.
Adulte, il utilisera des expédients,
comme celui-ci par exemple :
“pouvez-vous lire ceci et me dire
ce que vous en pensez ?”. Autant
d’astuces générant des attitudes
Définition
de la dyslexie
selon l’OMS
La dyslexie est un trouble du
langage écrit. C’est une difficulté durable d’apprentissage
de la lecture chez un enfant :
– évoluant dans un contexte
social et affectif normal ;
– normalement scolarisé ;
– présentant un niveau culturel
normal pour son âge ;
– sans troubles sensoriels (ouïe,
vue) ni troubles psychologiques
primaires.
compulsives pour donner l’impression de gérer un problème
que l’on occulte. Si la lecture
semble exister, sa compréhension
en est absente.
Que faire ?
Pour Laure Busson, orthophoniste : « s’occuper d’un enfant dyslexique, c’est d’abord comprendre
son mode de fonctionnement puis,
ensuite, s’adapter à lui pour mettre
en route un nouvel apprentissage ;
un apprentissage lui permettant
d’acquérir les symboles, et fondé sur
des techniques variées, multisensorielles : son, images, toucher. La difficulté est grande auprès des parents,
souvent eux-mêmes dyslexiques. »
Rassurés, dans un premier temps,
par le diagnostic posé chez leur
enfant, la longueur du cheminement est lassante et l’accompagnement trop souvent inexistant.
Il existe aussi parfois un manque
de collaboration chez les enseignants pour lesqu els 40 fautes
ou 10 fautes en dictée valent toujours zéro, ce qui ne stimule en
rien l’élève.
La prise en charge d’un dyslexique est longue et souvent décourageante. Pourtant si l’on en
croit Ronald Davis, un dyslexique
américain, les moyens existent,
non pas d’agir dans l’espoir d’une
guérison mais de rendre positive
une anomalie, au point d’en faire
un atout supplémentaire.
Méthode Ronald Davis
Pour Dominique Blaess, qui applique cette méthode, « la rééducation s’organise autour de deux volets : l’orientation et la maîtrise des
symboles ».
• Le Conseil d’orientation vise à
redonner à la personne dyslexique
le contrôle de ses perceptions, lui
permettant ainsi d’interrompre le
phénomène de désorientation.
Par des exercices de visualisation
interne, particulièrement aisés
pour 90 % des dyslexiques, on induit chez le sujet un repère mental, appelé point d’orientation,
qui, en stabilisant l’activité perceptive, lui permet de reprendre
le contrôle de son attention. Ce
n’est qu’une fois “orienté” que la
rééducation phonologique et lexicale est entreprise.
• La maîtrise des symboles consiste
à utiliser le processus de traitement de l’information privilégié
du dyslexique, l’évocation multisensorielle et plus particulièrement visuelle, pour faire le lien
entre le mot et son sens. L’élève va
concevoir et réaliser en pâte à
modeler des représentations en
trois dimensions des mots et des
symboles qui lui sont difficiles à
décoder.
Utiliser les dons particuliers
Il s’agit donc d’une approche neuropédagogique qui a pour point
d’appui les dons particuliers des
dyslexiques comme facteur de
réussite. Cette approche de la rééducation de la dyslexie, loin
d’être une cure magique, vise à libérer une pensée riche de potentialités, à permettre le déblocage
de toutes les ressources perceptives et évocatrices et, de ce fait,
l’accès au langage écrit.
Le stage de base s’articule autour d’une prise en charge d’une
trentaine d’heures, en modules
plus ou moins intensifs. Le programme recommandé prévoit un
stage individuel initial de quatre
journées consécutives, suivi de
modules qui permettent de renforcer les réflexes mis en place. Le
caractère intensif de la méthode
se justifie par le projet de :
– mettre en place des outils d’apprentissage nouveaux ;
– déconditionner du syndrome
d’échec ;
– entraîner à de nouveaux automatismes.
Au cours du stage, les parents
sont formés à poursuivre le travail avec leur enfant, c’est-à-dire
à accompagner celui-ci dans l’utilisation des outils acquis. Il s’agira
essentiellement de continuer à
l’entraîner au réflexe d’orientation, de faire quelques minutes
d’exercices de lecture par jour et,
deux à trois fois par semaine, une
séance de maîtrise des symboles
pour l’aider à constituer son
lexique interne. Dans le cas d’un
adulte, il est bon de prévoir une
personne ressource pour continuer de s’exercer.
La motivation de l’enfant, qui
aura un rôle actif dans le travail
et la disponibilité des parents, et
éventuellement, celle d’une personne ressource à assurer le suivi
du programme sur une période
de 6 à 8 mois, sont les conditions
nécessaires pour l’optimisation de
la réussite.
Anomalie cérébrale ?
Les dernières recherches sur la
dyslexie semblent s’orienter vers
des anomalies cérébrales repérables à l’imagerie médicale.
Psychologique ou physiologique,
la dyslexie doit profiter de techniques de rééducation adaptées :
classiques, elles sont longues,
onéreuses, moyennement performantes, mais prises en charge par
la société.
La méthode de Ronald Davis
semble donner de bons résultats
sur une durée assez courte mais
pour un coût non négligeable
sans prise en charge.
J.B.
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