La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 475
Résumé
Si la chimiothérapie a montré sa supériorité en termes de survie par rapport à des soins de support chez les
patients ayant un cancer gastrique métastatique, son bénéfice restait particulièrement modeste jusqu’à une
période très récente où le traitement de référence était à base de 5-FU et de cisplatine associés ou non à
une anthracycline. Ces dernières années, de nouvelles combinaisons plus efficaces ou simplement plus faciles
d’emploi et mieux tolérées ont vu le jour, à base de docétaxel, irinotécan, oxaliplatine et/ou capécitabine, mais
aucun schéma standard ne fait l’objet, à l’heure actuelle, d’un consensus international. De plus, l’intérêt d’une
chimiothérapie de deuxième ligne reste à démontrer. Pour la première fois, une thérapie ciblée, le trastuzumab,
anticorps anti-HER2, a démontré son efficacité dans le traitement de ce cancer, mais elle ne concerne que les
20 % de tumeurs surexprimant HER2. Néanmoins, une meilleure connaissance des altérations moléculaires
caractérisant l’adénocarcinome gastrique a permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, ce qui a
conduit à l’évaluation actuelle d’autres thérapies ciblées offrant de nouvelles perspectives de traitement.
Mots-clés
Cancer de l’estomac
Chimiothérapie
Thérapie ciblée
HER2
EpCAM
VEGF
EGFR
C-MET
Highlights
If chemotherapy has proved to
be superior to best supportive
care in patients with advanced
gastric cancer, its benefit
remained very limited until
recently, when reference
treatment was a combination
of 5-FU-cisplatin ± epirubicin.
Over the past few years, new
combinations, more efficient
or simply more convenient
or better tolerated, have
emerged, containing docetaxel,
irinotecan, oxaliplatin and/ or
capecitabine, but there is
currently no international
consensus on one standard
regimen. Moreover, the benefit
of a second-line chemotherapy
has not been demonstrated.
For the first time, a targeted
therapy, the anti-HER2 antibody
trastuzumab, has demonstrated
its effectiveness in the treat-
ment of this type of cancer,
but it only covers the 20% of
tumors overexpressing HER2.
Nevertheless, a better under-
standing of molecular altera-
tions that characterize gastric
adenocarcinoma has allowed
to identify new therapeutic
targets, leading to the current
evaluation of other targeted
therapies offering new perspec-
tives of treatment.
Keywords
Gastric cancer
Chemotherapy
Targeted therapy
HER2
EpCAM
VEGF
EGFR
C-MET
sélectionner les patients susceptibles de bénéficier
au mieux de ces associations. En démontrant sa
supériorité sur le protocole FAMTX, qui servait de
référence jusqu’alors (taux de réponse : 45 versus
21 % ; SG : 8,9 versus 5,7 mois), le protocole ECF
(épirubicine, cisplatine, 5-FU) est devenu un schéma
standard en Europe à la fin des années 1990, en dépit
de la contrainte liée à une perfusion continue de
5-FU (6). Compte tenu de l’absence de bénéfice
formellement démontré de l’ajout de l’épirubicine
à l’association 5-FU-cisplatine (CF), beaucoup
d’équipes ont préféré utiliser l’association CF
uniquement sous sa forme classique ou sous la forme
de LV5FU2-cisplatine (7, 8). Une méta-analyse de
7 essais a montré la supériorité d’une chimiothé-
rapie associant cisplatine, 5-FU et anthracycline sur
l’association 5-FU-anthracycline (5).
Ainsi, une chimiothérapie par ECF ou, plus
simplement, à base de CF a, jusqu’à récemment,
été considérée comme un schéma de référence
pour la pratique quotidienne et les essais cliniques
dans le traitement de première ligne du cancer
gastrique métastatique. Cependant, le bénéfice de
ce schéma, même s’il a été prouvé, n’en demeure
pas moins modeste en termes de survie et associé à
des réponses tumorales très faibles et relativement
courtes, et ce au prix d’une toxicité non négligeable
pour des patients dont l’état général est souvent
altéré du fait de la maladie tumorale elle-même,
mais aussi de sa localisation (primitif gastrique,
carcinose péritonéale), qui a des conséquences
nutritionnelles importantes. Cela a conduit à l’éva-
luation de nouveaux schémas de chimiothérapie
conventionnelle et de thérapie ciblée.
Chimiothérapies
conventionnelles “modernes”
Oxaliplatine
Alors que le cisplatine est associé à une toxicité à
la fois rénale, auditive et neurologique, qui vient
s’ajouter à des nausées et vomissements et à une
toxicité hématologique importante, l’oxaliplatine
est un sel de platine ayant un profil de toxicité
plus favorable, essentiellement caractérisé par une
toxicité sensitivo-motrice périphérique cumulative
et résolutive après l’arrêt du traitement. Après avoir
montré un effet antitumoral in vitro dans des lignées
cellulaires de cancer gastrique puis dans des études
de phase II, l’oxaliplatine a surtout fait la preuve
de son intérêt dans l’essai de phase III randomisé
REAL-2 (9). Dans cet essai de non-infériorité ayant
pour objectif d’évaluer respectivement l’oxali-
platine et la capécitabine comme alternatives au
cisplatine et au 5-FU, 1 002 patients ayant un cancer
œso-gastrique localement avancé ou métastatique
ont été randomisés pour recevoir le schéma de
référence ECF ou l’un des 3 schémas suivants : l’EOF
(épirubicine, oxaliplatine, 5-FU), l’ECX (épirubicine,
cisplatine, capécitabine) ou l’EOX (épirubicine, oxali-
platine, capécitabine) [tableau I, p. 476]. Le schéma
EOX donnait des taux de réponse et de SG équiva-
lents à ceux des 3 autres schémas ; en particulier, les
schémas à base d’oxaliplatine n’étaient pas inférieurs
aux schémas à base de cisplatine (tableau II, p. 477).
Au contraire, il y avait un bénéfice en survie signifi-
catif de l’EOX par rapport à l’ECF (HR : 0,80 ; IC95 :
0,66-0,97 ; p = 0,02). De plus, le profil de toxicité
était en faveur de l’oxaliplatine, associé à moins de
neutropénies et d’alopécies de grade 3-4, de toxicités
rénales et d’événements thrombo-emboliques, mais
à plus de diarrhées de grade 3-4 et de neuropathies.
Pour ces raisons, les auteurs ont conclu que l’oxali-
platine pouvait se substituer au cisplatine, de même
que la capécitabine au 5-FU, sans perte d’efficacité,
le schéma EOX étant plus pratique et mieux toléré
que l’ECF. Plusieurs études de phase II ont également
montré l’activité de l’association 5-FU-oxaliplatine
selon le protocole FOLFOX ou un protocole
similaire (10, 11). Dans une étude allemande de
phase III randomisée, FLO (5-FU, leucovorine, oxali-
platine) était moins toxique que l’association CF et
améliorait légèrement la survie sans progression
(SSP) [5,8 versus 3,9 mois ; p = 0,077]. Chez les
patients de plus de 65 ans (n = 94), le traitement
par FLO donnait des résultats supérieurs en termes
de réponse tumorale (41,3 versus 16,7 % ; p = 0,012),
de SSP (6,0 versus 3,1 mois ; p = 0,029) et de SG
(13,9 versus 7,2 mois) à ceux du schéma CF, et était
moins toxique (12).
Bien que n’ayant pas l’AMM, l’oxaliplatine en
première ligne du cancer gastrique métastatique est