MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 Treatment of metastatic gastric cancer: state of the art and future perspectives in 2010 A. Lièvre*, G. Perkins** M * Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt. ** Institute of Cancer Research, Sutton, Royaume-Uni. algré une diminution récente de son incidence dans les pays développés occidentaux, le cancer de l’estomac reste au quatrième rang mondial des cancers, les deux tiers des cas survenant en Asie, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est. Il représente également la deuxième cause de décès par cancer. En France, plus de 6 700 cas sont diagnostiqués chaque année, dont plus de 60 % à un stade métastatique ou localement avancé, non accessible à une résection chirurgicale. Par ailleurs, même en cas de chirurgie à visée curative, plus de la moitié des patients récidivent, ce qui explique le sombre pronostic de ce cancer, dont le taux de survie à 5 ans, tous stades confondus, est estimé à 25 % selon les récentes données publiées par l’Institut national du cancer (1). Ainsi, la grande majorité des patients ayant un cancer gastrique vont relever d’un traitement palliatif au cours de leur maladie, ce dernier reposant soit sur l’administration d’une chimiothérapie lorsqu’elle est possible, soit sur des soins de support en cas d’altération de l’état général ou de comorbidités. À l’heure actuelle, plusieurs chimiothérapies conventionnelles ainsi qu’une thérapie ciblée anti-HER2 ont montré leur intérêt dans le traitement du cancer gastrique métastatique. Cependant, aucun schéma de chimiothérapie standard en première ligne ne fait l’objet, à l’heure actuelle, d’un consensus international. Par ailleurs, l’intérêt d’une chimiothérapie de deuxième ligne reste à démontrer. Cet article se propose de faire le point sur les avancées thérapeutiques concernant les chimiothérapies conventionnelles et les thérapies 474 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 ciblées ainsi que sur les perspectives d’avenir dans le traitement du cancer gastrique métastatique. Les chimiothérapies “classiques” de référence à l’aube du xxie siècle Le traitement du cancer gastrique métastatique a longtemps été limité à des soins de support. Depuis, la chimiothérapie a montré, dans des essais randomisés de phase III et une méta-analyse, qu’elle permettait d’améliorer la survie des patients (HR : 0,39 ; IC95 : 0,28-0,52 ; p < 0,00001) et de diminuer les symptômes liés à la maladie par rapport à des soins de support, tout en améliorant la qualité de vie des patients (2-5). Historiquement, la chimiothérapie ayant démontré ce bénéfice était à base de 5 fluoro-uracile (5-FU) et d’une anthracycline : protocoles ELF (étoposide, leucovorine, 5-FU), FAMTX (5-FU, doxorubicine, méthotrexate) ou FEMTX (5-FU, épirubicine, méthotrexate). Par ailleurs, la méta-analyse de 11 essais publiée par A.D. Wagner et al. (5) a clairement montré qu’une combinaison de plusieurs chimiothérapies donnait de meilleurs résultats qu’une mono-chimiothérapie, le plus souvent à base de 5-FU, en termes de taux de réponse objective mais aussi de survie globale (SG) [HR : 0,83 ; IC95 : 0,74-0,93 ; p = 0,001], au prix cependant d’une plus grande toxicité obligeant à bien Résumé Si la chimiothérapie a montré sa supériorité en termes de survie par rapport à des soins de support chez les patients ayant un cancer gastrique métastatique, son bénéfice restait particulièrement modeste jusqu’à une période très récente où le traitement de référence était à base de 5-FU et de cisplatine associés ou non à une anthracycline. Ces dernières années, de nouvelles combinaisons plus efficaces ou simplement plus faciles d’emploi et mieux tolérées ont vu le jour, à base de docétaxel, irinotécan, oxaliplatine et/ou capécitabine, mais aucun schéma standard ne fait l’objet, à l’heure actuelle, d’un consensus international. De plus, l’intérêt d’une chimiothérapie de deuxième ligne reste à démontrer. Pour la première fois, une thérapie ciblée, le trastuzumab, anticorps anti-HER2, a démontré son efficacité dans le traitement de ce cancer, mais elle ne concerne que les 20 % de tumeurs surexprimant HER2. Néanmoins, une meilleure connaissance des altérations moléculaires caractérisant l’adénocarcinome gastrique a permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, ce qui a conduit à l’évaluation actuelle d’autres thérapies ciblées offrant de nouvelles perspectives de traitement. sélectionner les patients susceptibles de bénéficier au mieux de ces associations. En démontrant sa supériorité sur le protocole FAMTX, qui servait de référence jusqu’alors (taux de réponse : 45 versus 21 % ; SG : 8,9 versus 5,7 mois), le protocole ECF (épirubicine, cisplatine, 5-FU) est devenu un schéma standard en Europe à la fin des années 1990, en dépit de la contrainte liée à une perfusion continue de 5-FU (6). Compte tenu de l’absence de bénéfice formellement démontré de l’ajout de l’épirubicine à l’association 5-FU-cisplatine (CF), beaucoup d’équipes ont préféré utiliser l’association CF uniquement sous sa forme classique ou sous la forme de LV5FU2-cisplatine (7, 8). Une méta-analyse de 7 essais a montré la supériorité d’une chimiothérapie associant cisplatine, 5-FU et anthracycline sur l’association 5-FU-anthracycline (5). Ainsi, une chimiothérapie par ECF ou, plus simplement, à base de CF a, jusqu’à récemment, été considérée comme un schéma de référence pour la pratique quotidienne et les essais cliniques dans le traitement de première ligne du cancer gastrique métastatique. Cependant, le bénéfice de ce schéma, même s’il a été prouvé, n’en demeure pas moins modeste en termes de survie et associé à des réponses tumorales très faibles et relativement courtes, et ce au prix d’une toxicité non négligeable pour des patients dont l’état général est souvent altéré du fait de la maladie tumorale elle-même, mais aussi de sa localisation (primitif gastrique, carcinose péritonéale), qui a des conséquences nutritionnelles importantes. Cela a conduit à l’évaluation de nouveaux schémas de chimiothérapie conventionnelle et de thérapie ciblée. Chimiothérapies conventionnelles “modernes” Oxaliplatine Alors que le cisplatine est associé à une toxicité à la fois rénale, auditive et neurologique, qui vient s’ajouter à des nausées et vomissements et à une toxicité hématologique importante, l’oxaliplatine est un sel de platine ayant un profil de toxicité plus favorable, essentiellement caractérisé par une toxicité sensitivo-motrice périphérique cumulative et résolutive après l’arrêt du traitement. Après avoir montré un effet antitumoral in vitro dans des lignées cellulaires de cancer gastrique puis dans des études de phase II, l’oxaliplatine a surtout fait la preuve de son intérêt dans l’essai de phase III randomisé REAL-2 (9). Dans cet essai de non-infériorité ayant pour objectif d’évaluer respectivement l’oxaliplatine et la capécitabine comme alternatives au cisplatine et au 5-FU, 1 002 patients ayant un cancer œso-gastrique localement avancé ou métastatique ont été randomisés pour recevoir le schéma de référence ECF ou l’un des 3 schémas suivants : l’EOF (épirubicine, oxaliplatine, 5-FU), l’ECX (épirubicine, cisplatine, capécitabine) ou l’EOX (épirubicine, oxaliplatine, capécitabine) [tableau I, p. 476]. Le schéma EOX donnait des taux de réponse et de SG équivalents à ceux des 3 autres schémas ; en particulier, les schémas à base d’oxaliplatine n’étaient pas inférieurs aux schémas à base de cisplatine (tableau II, p. 477). Au contraire, il y avait un bénéfice en survie significatif de l’EOX par rapport à l’ECF (HR : 0,80 ; IC95 : 0,66-0,97 ; p = 0,02). De plus, le profil de toxicité était en faveur de l’oxaliplatine, associé à moins de neutropénies et d’alopécies de grade 3-4, de toxicités rénales et d’événements thrombo-emboliques, mais à plus de diarrhées de grade 3-4 et de neuropathies. Pour ces raisons, les auteurs ont conclu que l’oxaliplatine pouvait se substituer au cisplatine, de même que la capécitabine au 5-FU, sans perte d’efficacité, le schéma EOX étant plus pratique et mieux toléré que l’ECF. Plusieurs études de phase II ont également montré l’activité de l’association 5-FU-oxaliplatine selon le protocole FOLFOX ou un protocole similaire (10, 11). Dans une étude allemande de phase III randomisée, FLO (5-FU, leucovorine, oxaliplatine) était moins toxique que l’association CF et améliorait légèrement la survie sans progression (SSP) [5,8 versus 3,9 mois ; p = 0,077]. Chez les patients de plus de 65 ans (n = 94), le traitement par FLO donnait des résultats supérieurs en termes de réponse tumorale (41,3 versus 16,7 % ; p = 0,012), de SSP (6,0 versus 3,1 mois ; p = 0,029) et de SG (13,9 versus 7,2 mois) à ceux du schéma CF, et était moins toxique (12). Bien que n’ayant pas l’AMM, l’oxaliplatine en première ligne du cancer gastrique métastatique est Mots-clés Cancer de l’estomac Chimiothérapie Thérapie ciblée HER2 EpCAM VEGF EGFR C-MET Highlights If chemotherapy has proved to be superior to best supportive care in patients with advanced gastric cancer, its benefit remained very limited until recently, when reference treatment was a combination of 5-FU-cisplatin ± epirubicin. Over the past few years, new combinations, more efficient or simply more convenient or better tolerated, have emerged, containing docetaxel, irinotecan, oxaliplatin and/­or capecitabine, but there is currently no international consensus on one standard regimen. Moreover, the benefit of a second-line chemotherapy has not been demonstrated. For the first time, a targeted therapy, the anti-HER2 antibody trastuzumab, has demonstrated its effectiveness in the treatment of this type of cancer, but it only covers the 20% of tumors overexpressing HER2. Nevertheless, a better understanding of molecular alterations that characterize gastric adenocarcinoma has allowed to identify new therapeutic targets, leading to the current evaluation of other targeted therapies offering new perspectives of treatment. Keywords Gastric cancer Chemotherapy Targeted therapy HER2 EpCAM VEGF EGFR C-MET La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 475 MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 Tableau I. Principaux triplets de chimiothérapies “modernes” avec ou sans thérapies ciblées utilisés dans le traitement du cancer gastrique métastatique. Protocole Schéma Durée des cycles ECF Épirubicine 50 mg/m2 à J1 Cisplatine 60 mg/m2 à J1 5-FU 200 mg/m2/j continu J1-J21 J1 = J22 21 jours ECX Épirubicine 50 mg/m2 à J1 Cisplatine 60 mg/m2 à J1 Capécitabine 525 mg/m2 × 2/j J1-J21 J1 = J22 21 jours EOF Épirubicine 50 mg/m2 à J1 Oxaliplatine 130 mg/m2 à J1 5-FU 200 mg/m2/j continu J1-J21 J1 = J22 21 jours EOX Épirubicine 50 mg/m2 bolus à J1 Oxaliplatine 130 mg/m2 à J1 Capécitabine 625 mg/m2 × 2/j J1-J21 J1 = J22 21 jours DCF Docétaxel 75 mg/ m2 à J1 Cisplatine 75 mg/m2 à J1 5-FU 750 mg/m2/j J1-J5 J1 = J22 21 jours Trastuzumab 8 mg/kg en dose de charge à C1 puis 6 mg/kg à partir de C2 à J1 Cisplatine 80 mg/m2 à J1 5-FU 800 mg/m2/j J1-J5 J1 = J22 21 jours Trastuzumab 8 mg/kg en dose de charge à C1 puis 6 mg/kg à partir de C2 à J1 Cisplatine 80 mg/m2 à J1 Capécitabine 1000 mg/m2 × 2/j J1-J15 J1 = J22 21 jours C1 : 1er cycle de chimiothérapie ; C2 : 2e cycle de chimiothérapie. cependant proposé en remplacement du cisplatine et en association avec l’épirubicine et la capécitabine comme traitement de référence, ou sous la forme du protocole FOLFOX, comme simple alternative selon les recommandations du Thésaurus national de cancérologie digestive (13). Irinotécan Dans la méta-analyse de A.D. Wagner et al. (5), regroupant 2 études de phase II et 1 de phase III pour un total de 536 patients, il y avait un petit avantage en survie des schémas contenant de l’irinotécan par rapport aux schémas sans (essentiellement CF), mais la différence n’était pas significative (HR : 0,88 ; IC95 : 0,73-1,06 ; p = 0,83) et ces schémas n’ont jamais été comparés à une combinaison de 3 molécules. Dans l’unique étude de phase III randomisée comparant les associations 5-FU-irinotécan (IF) et CF, le schéma IF n’était cependant pas significativement supérieur au CF, mais il présentait un meilleur profil de toxicité (tableau II) [14], 476 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 ce qui était également le cas dans l’essai de phase II randomisé de la FFCD 9803 (FOLFIRI versus LV5FU2cisplatine versus LV5FU2), où le FOLFIRI était mieux toléré que le LV5FU2-cisplatine et semblait offrir de meilleurs résultats en termes de taux de réponse, de SSP et de SG (15). L’irinotécan n’a cependant pas obtenu l’AMM dans cette indication, mais le schéma FOLFIRI peut être proposé comme une alternative dans certains cas, après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), d’après les recommandations du Thésaurus national de cancérologie digestive (13). Docétaxel Le docétaxel a montré une certaine efficacité dans le cancer gastrique en monothérapie ou associé à d’autres molécules telles que le cisplatine. Afin d’évaluer si l’ajout du docétaxel à un traitement de référence à base de 5-FU et cisplatine (DCF) pouvait améliorer la survie des patients par rapport au CF seul, une étude multicentrique internationale de MISE AU POINT Tableau II. Résultats des études randomisées de phase II et III ayant évalué des polychimiothérapies “modernes” et/ou des thérapies ciblées dans le cancer gastrique métastatique. Molécule principale Référence Schémas Nombre de patients Taux de réponse (%) Survie sans progression médiane (mois) Survie globale médiane (mois) D. Cunningham et al. (9) ECF ECX EOF EOX 1 002 40,7 46,4 42,4 47,9 6,2 6,7 6,5 7,0 9,9 9,9 9,3 11,2* (p = 0,02) S.E. Al-Batran et al. (12) FLP FLO 220 27,0 34* (p = 0,012) 3,9 5,8 8,8 10,7 M. Dank et al. (14) CF IF 333 25,8 31,8 4,2 5,0 8,7 9,0 O. Bouché et al. (15) LV5FU2 LV5FU2/C FOLFIRI 136 13,0 27,0 40,0 3,2 4,9 6,9 6,8 9,5 11,3 E. Van Cutsem et al. (16) CF DCF 445 25,0 37* (p = 0,01) 3,7 5,6* (p < 0,001) 8,6 9,2* (p = 0,02) A.D. Roth et al. (19) DC DCF ECF 119 18,5 36,6 25,0 4,4 5,4 7,8 11,0 10,4 8,3 P.C. Thuss-Patience et al. (20) DF ECF 90 37,8 35,6 5,5 5,3 9,5 9,7 D. Cunningham et al. (9) ECF ECX EOF EOX 1 002 40,7 46,4 42,4 47,9 6,2 6,7 6,5 7,0 9,9 9,9 9,3 11,2* (p = 0,02) Y.K. Kang et al. (21) CF CX 316 32,0 46,0* (p = 0,02) 5,0 5,6* (p < 0,001) 9,3 10,5* (p = 0,008) J. Yun et al. (23) CX ECX 91 38,0 37,0 6,4 6,5 W. Koizumi et al. (24) S-1 S-1/C 305 31,0 54,0 4,0 6,0* (p < 0,0001) 11,0 13,0* (p = 0,04) N. Boku et al. (25) 5-FU Iri/C S-1 704 9,0 38,0 28,0 2,9 4,8* (p < 0,0001) 4,2* (p = 0,0027) 10,3 12,3 11,4* (p = 0,0005) J.A. Ajani et al. (26) 5-FU/C S-1/C 1 053 31,9 29,1 5,5 4,8 7,9 8,6 Trastuzumab E. Van Cutsem et al. (32) 5-FU ou Cap/C 5-FU ou Cap/C/TZ 594 34,5 47,3* (p=0,0017) 5,5 6,7* (p = 0,0002) 11,1 13,8* (p = 0,0048) Bévacizumab Y.K. Kang et al. (51) 5-FU ou Cap/C 5-FU ou Cap/C/Bév 774 37,0 46* (p = 0,0315) 5,3 6,7* (p = 0,0037) 10,1 12,1 Oxaliplatine Irinotécan Docétaxel Capécitabine S-1 Bév : bévacizumab ; C : cisplatine ; Cap : capécitabine ; Iri : irinotécan ; TZ : trastuzumab. * Différence statistiquement significative (p < 0,05) par rapport au schéma de référence souligné (pour les études de phase III uniquement). La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 477 MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 phase III randomisée (étude V325) a été réalisée chez 445 patients non prétraités (16). Ses résultats étaient en faveur du bras DCF concernant le taux de réponse, la SSP (HR : 1,47 ; IC95 : 1,19-1,82 ; p = 0,001) et la SG (HR : 1,29 ; IC 95 : 1,00-1,60 ; p = 0,02) [tableau II], au prix d’une toxicité hématologique plus importante. Cependant, malgré cette toxicité, le DCF améliorait la qualité de vie des patients et était associé à un bénéfice clinique dans cette étude (17, 18), qui a permis au docétaxel d’obtenir l’AMM, en association avec le cisplatine et le 5-FU, en première ligne de traitement du cancer gastrique métastatique. Une étude de phase II randomisée a également comparé 2 schémas à base de docétaxel-cisplatine avec ou sans 5-FU (DC et DCF) au traitement de référence par ECF (19). Les meilleurs résultats étaient obtenus avec le bras DCF pour ce qui concernait le taux de réponse, objectif principal de cette étude (36 % pour le DCF versus 25 % pour l’ECF et 19 % pour le DC) et la SSP (7,8 mois versus 5,5 mois et 4,4 mois respectivement) [tableau II]. Enfin, l’association docétaxel-5-FU en perfusion continue semblait comparable à l’ECF dans une autre étude de phase II randomisée (20). Afin de réduire la toxicité importante du schéma DCF classique, et notamment la toxicité hématologique (82 % de neutropénie de grade 3-4 et 30 % de neutropénie fébrile dans l’étude V325), il est désormais recommandé d’y associer du G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor), mais des schémas de DCF modifié (avec des doses moins importantes de docétaxel, de cisplatine et de 5-FU sur 48 h par exemple) sont d’ores et déjà à l’étude afin d’améliorer le profil de toxicité de cette association tout en maintenant son efficacité. Fluoropyrimidines orales L’essai de phase III randomisé REAL-2 (9), détaillé précédemment, a montré que la capécitabine était aussi efficace en termes de survie que le 5-FU en traitement de première ligne du cancer œso-gastrique localement avancé ou métastatique (HR : 0,86 ; IC95 : 0,80-0,99). Les schémas à base de capécitabine (EOX et ECX) n’étaient, en effet, pas inférieurs aux schémas à base de 5-FU (EOF et ECF) [tableau II]. Une étude randomisée asiatique et sud-américaine de phase III, dont l’objectif principal était de démontrer la non-infériorité en SSP d’une association cisplatinecapécitabine (CX) [cisplatine 80 mg/­m2 à J1, capéci- 478 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 tabine 1 000 mg/m2 × 2/j de J1 à J14 par cycle de 21 jours] par rapport à l’association CF chez des patients traités en première ligne, a montré avec le schéma CX un taux de réponse objective de 46 %, une SSP médiane de 5,6 mois et une SG médiane de 10,5 mois (21). Ces chiffres étaient supérieurs à ceux obtenus avec le schéma CF et confirment la non-infériorité de la capécitabine par rapport au 5-FU, en association avec le cisplatine (HR : 0,81 ; IC95 : 0,63-1,04 ; p < 0,001). Le profil de toxicité du CX était également similaire à celui du CF, hormis pour le syndrome mains-pieds, plus fréquent avec le CX (22 versus 4 %). Dans une méta-analyse de cette étude et de l’essai REAL-2, la chimiothérapie contenant la capécitabine donnait des taux de réponse objective et de SG supérieurs à ceux obtenus avec la chimiothérapie contenant le 5-FU (22). Les anthracyclines ayant démontré leur intérêt en association avec le CF dans la méta-analyse de A.D. Wagner et al. (5), une récente étude randomisée de phase II a évalué les schémas CX et ECX et rapporté des résultats similaires avec ces 2 schémas (tableau II) [23], ce qui suggère que le schéma CX pourrait être une alternative raisonnable à l’ECX en termes d’efficacité et de tolérance (12 % des patients du bras ECX ont interrompu leur traitement en raison d’une toxicité versus 0 % des patients du bras CX). L’autre fluoropyrimidine orale évaluée dans le cancer gastrique est le composé S-1, prodrogue du 5-FU associée à un inhibiteur de sa principale enzyme catabo­l ique. Ce composé, disponible uniquement en Asie et surtout évalué au Japon, a montré son intérêt dans le cancer de l’estomac dans plusieurs essais randomisés japonais de phase III. L’essai SPIRITS a montré que l’association S-1-cisplatine était supérieure au S-1 seul et permettait d’offrir un taux de réponse de 54 % et une SG médiane de 13 mois, jamais observée dans cette situation (tableau II) [24]. Une autre étude japonaise de phase III menée chez 704 patients ayant un cancer gastrique non résécable a rapporté, pour son critère principal qui était la SG, l’absence de supériorité de l’association irinotécan-cisplatine (médiane : 12,3 mois ; HR = 0,85 ; IC95 : 0,70-1,04 ; p = 0,055), et la non-infériorité du S-1 (médiane : 11,4 mois ; HR : 0,83 ; IC95 : 0,68-1,01 ; p = 0,0005) comparé au 5-FU en monothérapie (médiane : 10,8 mois) [25]. Le profil de toxicité était celui attendu avec chacune de ces molécules, c’est-àdire une toxicité similaire pour le 5-FU et le S-1, hormis la diarrhée, plus importante avec le S-1, MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 et plus de toxicités hématologiques, de nauséesvomissements et de diarrhées avec l’association irinotécan-cisplatine. Enfin, l’essai multicentrique international FLAGS a confirmé, chez 1 029 patients ayant un cancer gastrique de stade III-IV, que l’association S-1-cisplatine n’est pas inférieure au CF en termes de SG et qu’elle est mieux tolérée (26). Ces résultats sont intéressants mais, le composé S-1 n’étant commercialisé ni en France ni aux ÉtatsUnis, ils demeurent inexploitables en pratique dans l’immédiat. Combinaisons de chimiothérapies “modernes” Au vu des résultats significatifs obtenus avec chacune de ces chimiothérapies “modernes” associées aux chimiothérapies classiques constituées par le 5-FU, le cisplatine et les anthracyclines, plusieurs études de phase II ont évalué des combinaisons de chimiothérapies “modernes”, notamment l’étude randomisée de phase III REAL-2 avec l’oxaliplatine et la capécitabine, où le schéma EOX s’est imposé comme une alternative au schéma ECF (9). Ainsi, les combinaisons docétaxel-capécitabine ou docétaxel-oxaliplatine avec ou sans 5-FU ont montré des résultats prometteurs en première ligne (27, 28). Thérapies ciblées Comme les cancers du sein ou du poumon, les cancers de l’estomac ne constituent pas une maladie homogène, mais regroupent différentes entités moléculaires. Le développement des thérapies ciblées dans le cancer de l’estomac métastatique a pu se faire récemment grâce à une meilleure connaissance des altérations moléculaires (mutation, amplification de gène) caractérisant ce type de cancer, permettant ainsi l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles. Récemment, le trastuzumab, anticorps anti-HER2, a obtenu l’AMM dans les cancers de l’estomac métastatiques, et le catumaxomab, anticorps anti-EpCAM (epithelial cell-adhesion molecule), dans le traitement de l’ascite néoplasique liée aux carcinomes EpCAM+, dont l’adénocarcinome gastrique. De nombreuses autres thérapies ciblées sont en développement, dont les principales cibles thérapeutiques sont des récepteurs à activité tyrosine kinase comme l’EGFR et C-MET, mais aussi le VEGF pro-angiogénique ou des cibles intracellulaires telles que mTOR. 480 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 Thérapies ciblées validées ◆◆ Trastuzumab Les récepteurs de la famille HER (human epidermal growth factor receptor), qui comprend 4 membres (HER1 ou EGFR, HER2, HER3 et HER4), sont composés d’un domaine extracellulaire assurant la fixation avec le ligand, d’un domaine transmembranaire et d’un domaine effecteur tyrosine kinase intracellulaire. La liaison du ligand entraîne un changement de conformation du récepteur, permettant une homo- ou hétéro-dimérisation et une activation du domaine tyrosine kinase. Cela déclenche une transduction du signal, responsable de la prolifération cellulaire, de l’inhibition de l’apoptose et de la dissémination métastatique. HER2 n’a pas de ligand, mais il est le partenaire préféré de l’hétéro-dimérisation des autres membres de la famille HER. HER2 est connu depuis plusieurs années dans les cancers du sein, où il est surexprimé dans 15 à 20 % des cas. L’amplification du gène de HER2, détectable par hybridation fluorescente in situ (FISH [fluorescent in situ hybridization]), entraîne son activation et une surexpression du récepteur, détectable par immunohistochimie (IHC). Un score HER2 dans le cancer du sein a été établi, comprenant 4 niveaux (0, 1+, 2+ et 3+) selon l’intensité du marquage en IHC et le pourcentage de cellules marquées. Ce score d’IHC, en association avec la FISH, est utilisé dans un algorithme pour le traitement par anticorps anti-HER2. Dans le cancer de l’estomac, HER2 est surexprimé dans 18 % des cas, et son gène amplifié dans 20 % des cas (29). Le score HER2 dans le cancer de l’estomac présente des similitudes avec celui du cancer du sein. En effet, l’intensité du marquage et le pourcentage de cellules marquées sont les mêmes. Cependant, dans le cancer de l’estomac, le marquage est hétérogène, contrairement au cancer du sein, et il peut être incomplet, se limitant simplement à la membrane basolatérale de la cellule tumorale. Cette hétérogénéité et cette focalité du marquage sont, elles aussi, intégrées au score HER2 dans le cancer de l’estomac (tableau III). Par ailleurs, le marquage HER2 varie selon le type histologique et la localisation du cancer de l’estomac, puisqu’il est plus fréquent en cas de tumeur de type intestinal (par rapport au type diffus ou mixte) et en cas de localisation à la jonction œso-gastrique (30). Enfin, la concordance du marquage HER2 entre la tumeur primitive et les métastases ganglionnaires est supérieure à 85 % en IHC et de 100 % en FISH (31). MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 Tableau III. Score HER2 en immunohistochimie dans le cancer de l’estomac (29). Marquage Score/classification Absence de marquage ou marquage membranaire inférieur à 10 % des cellules tumorales 0/négatif Marquage membranaire faible pour plus de 10 % des cellules invasives ; marquage membranaire incomplet 1+/négatif Marquage complet ou basolateral membranaire faible à modéré pour plus de 10 % des cellules tumorales 2+/douteux Marquage complet ou basolateral membranaire modéré à fort pour plus de 10 % des cellules tumorales Biopsie (matériel non chirurgical) Tout amas de cellules 3+ en IHC et/ou FISH+, quelle que soit leur étendue (< 10 %) 3+/positif Positif Le trastuzumab est un anticorps monoclonal ciblant spécifiquement la protéine HER2, en se liant directement au domaine extracellulaire du récepteur. L’étude ToGA, dont les résultats ont été communiqués au congrès de l’ASCO en 2009, est une étude de phase III, randomisée, multicentrique (Europe, Amérique latine, Asie) ayant évalué l’efficacité et la tolérance du trastuzumab associé à une chimiothérapie à base de cisplatine et de fluoropyrimidine (5-FU ou capécitabine) dans les cancers gastriques ou œso-gastriques avancés (localement avancés ou métastatiques) HER2+ (32). La tumeur était considérée comme HER2+ si elle présentait soit un score 3+ en IHC soit une positivité en FISH. La concordance des résultats entre IHC et FISH était de 87,5 % (33). Au total, 594 patients ayant une tumeur HER2+ ont été inclus sur 3 807 patients évalués. Ces patients ont été randomisés entre chimiothérapie toutes les 3 semaines pendant 6 cycles avec et sans trastuzumab. Le trastuzumab était administré à la dose de 8 mg/­k g en dose de charge, puis de 6 mg/­kg toutes les 3 semaines jusqu’à progression ou intolérance. Les patients étaient en très bon état général (ECOG 0-1) dans 90 % des cas. Plus de la moitié étaient asiatiques, et 30 % environ étaient européens. La localisation tumorale était gastrique dans 82 % des cas. L’objectif principal de l’étude a été atteint, puisque la SG médiane était significativement améliorée dans le bras trastuzumab par rapport au bras chimiothérapie seule (13,8 versus 11,1 mois), avec une réduction du risque de décès de 26 % (HR : 0,74 ; IC95 : 0,60-0,91 ; p = 0,0048) [tableau II]. Cette amélioration était encore plus marquée dans le sous-groupe de patients ayant une tumeur IHC2+/FISH+ ou IHC3+ (16,0 versus 11,8 mois ; HR : 0,65 ; IC95 : 0,51-0,83). Il y avait par 482 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 ailleurs une augmentation du taux de réponse (47,3 versus 34,5 % ; p = 0,0017) et de la survie sans progression (6,7 versus 5,5 mois ; HR : 0,71 ; IC95 : 0,59-0,85 ; p = 0,0002) dans le bras trastuzumab comparativement au bras chimiotherapie seule. Le profil de toxicité était similaire dans les 2 bras, sans majoration des effets indésirables liés à la chimiothérapie standard, ni insuffisance cardiaque congestive symptomatique. Seule une diminution de la FEVG (fraction d’éjection ventriculaire gauche) asymptomatique était plus fréquemment constatée dans le bras trastuzumab (4,6 versus 1,1 %). Le bénéfice en survie du trastuzumab a été plus récemment confirmé en termes de qualité de vie, dont l’étude ToGA avait prévu une analyse spécifique par l’intermédiaire de 2 questionnaires : l’EORTC QLQ-C30, comportant des échelles évaluant l’état général et des échelles fonctionnelles et symptomatiques et l’EORTC QLQ-STO22, questionnaire spécifique au cancer de l’estomac, dont les scores étaient améliorés dans les 2 bras de traitement, sans différence significative (34). Les résultats de cet essai ont conduit, en janvier 2010, à l’AMM du trastuzumab dans le traitement de l’adénocarcinome métastatique de l’estomac ou de la jonction œso-gastrique avec surexpression tumorale de HER2 (c’est-à-dire IHC2+/FISH+ ou IHC3+), en association avec le cisplatine + 5-FU ou la capécitabine (tableau I) chez les patients n’ayant pas été déjà traités pour leur maladie métastatique. ◆◆ Catumaxomab Le catumaxomab est un anticorps monoclonal trifonctionnel dirigé spécifiquement contre la molécule d’adhésion cellulaire épithéliale (EpCAM) et l’antigène CD3. L’antigène EpCAM est surexprimé dans la plupart des carcinomes. Le CD3 est exprimé sur les lymphocytes T matures au sein du récepteur du lymphocyte T. Un troisième site de liaison fonctionnel, au niveau du fragment Fc du catumaxomab, permet à la molécule d’interagir avec les cellules immunitaires effectrices (macrophages, cellules natural killer, polynucléaires neutrophiles) par le biais des récepteurs Fcγ. Le catumaxomab permet donc de recruter simulanément les cellules tumorales, les lymphocytes T et les cellules immunitaires effectrices. Ainsi, une réaction immunologique concertée contre les cellules tumorales est induite, faisant intervenir différents mécanismes d’action aboutissant à la destruction des cellules tumorales, tels que l’activation des lymphocytes T, la cytotoxicité MISE AU POINT Autres thérapies ciblées en perspective ou en cours d’évaluation à médiation cellulaire dépendant des anticorps ou ADCC (antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity), la cytotoxicité dépendant du complément ou CDC (complement-dependent cytotoxicity) et la phagocytose. De manière non spécifique au cancer de l’estomac, le catumaxomab a récemment obtenu l’AMM dans le traitement intrapéritonéal de l’ascite maligne chez les patients atteints de carcinomes EpCAM+ lorsque le traitement standard n’est pas disponible ou lorsqu’il n’est plus utilisable. Cette AMM a été obtenue suite aux résultats d’un essai clinique de phase II/­III randomisé (IP-REM-AC-01) à 2 branches, mené chez 258 patients (129 cancers ovariens et 129 cancers non ovariens) atteints d’ascite maligne symptomatique due à un carcinome EpCAM+, sans traitement standard possible (35). Parmi les cancers non ovariens inclus dans cette étude, les cancers gastriques étaient les plus fréquents (51 %). Cette étude a comparé la paracentèse associée au catumaxomab (administré en 4 perfusions intrapéritonéales) à la paracentèse seule. L’efficacité du traitement par paracentèse + catumaxomab a été significativement supérieure à celle de la paracentèse seule en termes de durée de survie sans ponction (46 versus 11 jours ; HR : 0,245 ; p < 0,0001) et de délai jusqu’à la première ponction thérapeutique d’ascite nécessaire (77 versus 13 jours ; p < 0,0001). Une tendance favorable en termes de durée médiane de SG était également notée avec le traitement par catumaxomab comparativement au groupe témoin (71 versus 44 jours ; p = 0,0313). ◆◆ Thérapie anti-EGFR L’EGFR est surexprimé dans plus de la moitié des cas de cancers gastriques. Le marquage de l’EGFR en IHC est hétérogène dans les cancers gastriques, et son intensité a été rapportée comme un facteur indépendant de mauvais pronostic (36). Le cétuximab, anticorps monoclonal dirigé spécifiquement contre l’EGFR actuellement indiqué dans le traitement du cancer colorectal métastatique, a été évalué en association avec une chimio­thérapie dans le cancer gastrique avancé dans plusieurs études de phase II (tableau IV) [37-44]. Toutes ces études ont montré une activité prometteuse du cétuximab. Dans l’étude de S.W. Han et al. (37), où le cétuximab était associé à une chimio­thérapie de type FOLFOX, les patients présentant une expression tumorale de l’EGFR et de faibles niveaux sériques de ses ligands (EGF, TGFα et amphiréguline) avaient un meilleur pronostic que les autres. À l’inverse, dans l’étude de F. Lordick et al. (39), le pronostic des patients traités par cétuximab + FUFOX était identique quel que soit le niveau d’expression de l’EGFR en IHC. Un essai randomisé de phase III (essai EXPAND) comparant le cétuximab combiné ou non à l’association XP (capécitabine-cisplatine) est en cours, et 2 autres essais randomisés évaluent le panitumumab, l’autre anticorps anti-EGFR utilisé dans le cancer colorectal métastatique : l’essai de phase III REAL3, qui compare l’EOX seul ou en association avec le panitumumab, et l’essai de phase II ACCORD-20 PRODIGE (MEGA), qui compare le FOLFOX simplifié Tableau IV. Récapitulatif des essais de phase II évaluant le cétuximab dans le cancer gastrique métastatique. Référence Chimiothérapie associée Nombre de patients (n) Taux de réponse (%) Survie sans progression médiane (mois) Survie globale médiane (mois) C. Pinto et al. (41) 5-FU, irinotécan 38 44,0 8,0 16,0 F. Lordick et al. (39) 5-FU, oxaliplatine 52 65,0 7,6 9,5 S. Kanzler et al. (38) 5-FU, irinotécan 49 42,0 8,5 16,6 S.W. Han et al. (37) 5-FU, oxaliplatine 38 50,0 5,5 9,9 C. Pinto et al. (40) Docétaxel, cisplatine 72 41,0 5,0 9,0 Y. Zhang et al. (44) Capécitabine, cisplatine 52 48,0 5,2 - E. Woell et al. (42) Oxaliplatine, irinotécan 51 63,0 5,7 8,7 5-FU, cisplatine 35 69,0 11,0 14,5 K. Yeh et al. (43) La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 483 MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 Tableau V. Récapitulatif des études de phase II évaluant le bévacizumab dans le cancer gastrique avancé ou métastatique. Référence Chimiothérapie associée Nombre de patients (n) Taux de réponse (%) Survie sans progression médiane (mois) Survie globale médiane (mois) M.A. Shah et al. (50) Irinotécan, cisplatine 47 65,0 8,3 12,3 P.C. Enzinger et al. (48) Docétaxel, cisplatine, irinotécan 32 63,0 - - B.F. El-Rayes et al. (47) Docétaxel, FOLFOX 38 42,0 6,6 11,1 Docétaxel, cisplatine, 5-FU 44 67,0 12,0 16,2 D. Kelsen et al. (49) à la même chimiothérapie associée soit au panitumumab soit à l’AMG 102, une thérapie ciblant C-MET/HGFR. Parallèlement aux anticorps anti-EGFR, qui sont les principales thérapies anti-EGFR à avoir été évaluées dans le traitement du cancer gastrique métastatique, l’erlotinib, inhibiteur de l’activité tyrosine kinase de l’EGFR, a également fait l’objet d’une étude de phase II en première ligne chez 70 patients, avec des résultats assez décevants (45). En effet, aucune réponse objective n’a été observée chez les 26 patients ayant une tumeur de localisation gastrique, et le taux de réponse était de seulement 9 % chez les 44 patients ayant une tumeur de la jonction œso-gastrique, avec une survie médiane de respectivement 3,5 et 6,7 mois. Abonnezvous en ligne ! Bulletin d’abonnement disponible page 495 www.edimark.fr ◆◆ Bévacizumab Le VEGF est exprimé dans le cancer gastrique, et il a été montré que son taux sérique augmentait avec le stade de la tumeur et la présence de méta­stases à distance (46). Le bévacizumab, anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF, associé à diverses combinaisons de chimiothérapie, a montré des résultats encourageants en termes de réponse tumorale et de survie dans 4 études de phase II menées en première ligne thérapeutique du cancer gastrique avancé ou métastatique (tableau V) [47-50]. Les résultats de l’essai AVAGAST, premier essai randomisé, international et multicentrique de phase III ayant évalué l’adjonction du bévacizumab à une chimiothérapie par 5-FU ou capécitabine-cisplatine dans les cancers gastriques avancés non résécables ou métastatiques, viennent d’être rapportés au congrès de l’ASCO 2010 (51). L’objectif principal de cet essai n’a pas été atteint, puisque la SG n’a pas été améliorée de manière significative (12,1 versus 10,1 mois avec et sans bévacizumab ; HR : 0,87 ; p = 0,10). Cependant, la SSP et le taux de réponse tumorale, critères secondaires de l’essai, ont été tous deux significativement meilleurs dans le bras contenant le bévacizumab (tableau II). Ces résultats viennent 484 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 tempérer l’enthousiasme vis-à-vis du bévacizumab dans cette situation (tableau II). Néanmoins, même si, dans l’immédiat, cet antiangiogénique ne peut être validé dans le cancer de l’estomac, la question de la poursuite de son évaluation dans une population plus homogène (c’est-à-dire strictement européenne et/ou nord-américaine) se pose, car la négativité des résultats de cette étude pourrait s’expliquer, entre autres, par le fait que plus de la moitié des patients étaient asiatiques et présentaient un pronostic très différent de celui des autres patients. ◆◆ Évérolimus La protéine mTOR (mammalian target of rapamycin) est une kinase intracellulaire qui joue un rôle important dans la régulation de la croissance tumorale, la division cellulaire et l’angiogenèse. Une étude de phase II a évalué l’évérolimus (RAD001), inhibiteur de mTOR, en monothérapie chez 53 patients présentant un cancer gastrique avancé ayant progressé sous chimiothérapie première. Un contrôle tumoral était observé dans 56 % des cas, et la SG était de 10,1 mois (52). L’essai randomisé de phase III GRANITE-1, actuellement en cours, compare quant à lui l’évérolimus au placebo chez des patients ayant un cancer gastrique avancé après échec de chimiothérapies systémiques antérieures (deuxième ou troisième ligne de traitement). ◆◆ Inhibiteurs de C-MET/HGFR La voie de signalisation médiée par le facteur de croissance hépatocytaire (HGF [hepatocyte growth factor]) est une autre cible thérapeutique prometteuse. En effet, une surexpression du HGF et de son récepteur à activité tyrosine kinase C-MET a été rapportée dans de nombreux cancers, dont le cancer gastrique (53). Il a été montré que l’activation constitutive de C-MET due à l’amplification de son gène est responsable de la prolifération et de la survie de lignées cellulaires gastriques (54). Des études précliniques ont mis en évidence des facteurs prédictifs de réponse aux inhibiteurs de C-MET, tels MISE AU POINT que l’amplification du gène C-MET, présente dans 10 à 20 % des cas (54). Plusieurs types d’inhibiteurs de C-MET sont en développement : les compétiteurs du HGF (ligand de C-MET) et de C-MET, les anticorps monoclonaux anti-MET ou anti-HGF et les inhibiteurs de tyrosine kinase. Certaines molécules ont montré une activité antitumorale dans des essais de phase I, tels que l’AMG 102, anticorps monoclonal dirigé contre le HGF (55), actuellement évalué dans l’essai randomisé de phase III MEGA détaillé plus haut, ARQ 197, un inhibiteur de tyrosine kinase (56) et XL880, un double inhibiteur de C-MET et du VEGFR (57). Des essais de phase II sont en cours. ◆◆ Autres thérapies ciblées potentiellement intéressantes Le lapatinib, inhibiteur de tyrosine kinase ciblant HER2 et HER1 actuellement indiqué dans les cancers du sein avancés ou métastatiques avec surexpression de HER2 en association avec la capécitabine, a montré, dans une étude préclinique, une efficacité sur des cellules tumorales gastriques, en particulier en présence d’une amplification de HER2 (58). De plus, l’association lapatinib-trastuzumab apparaissait hautement synergique in vitro et in vivo. Le G17DT est une molécule immunogène qui induit des anticorps antigastrine spécifiques et de haute affinité ; autrement dit, il s’agit d’un vaccin anti­gastrine. La gastrine est une hormone sur­e xprimée dans le cancer gastrique, qui a des propriétés proangiogéniques et antiapoptotiques. Une étude de phase II a étudié, chez 103 patients porteurs d’un cancer de l’estomac avancé ou métastatique, l’efficacité de l’administration intramusculaire de G17DT, en association avec une chimiothérapie à base de 5-FU et de cisplatine. Le taux de réponse était de 30 %, la SSP de 5,4 mois et la SG de 9 mois (59). La réactivation du gène suppresseur de tumeur RUNX3 par des molécules inhibitrices des histones désacétylases comme le vorinostat (MS-275), évalué en phase I chez 28 patients atteints de lymphome et de tumeurs solides avancées et réfractaires, est une autre voie de recherche prometteuse (60). Le marimastat est un inhibiteur des métallo­ protéases, enzymes jouant un rôle important dans les processus normaux de croissance, de différenciation et de réparation, et dont l’expression aberrante contribue à l’invasion et à la diffusion tumorale. Une étude randomisée de phase III a comparé marimastat et placebo chez 369 patients ayant un cancer gastrique avancé et ayant reçu au maximum une chimiothérapie antérieure à base de 5-FU. Alors que les résultats de cette étude étaient négatifs sur la population totale, il y avait un faible bénéfice dans le sous-groupe des patients prétraités par chimiothérapie (HR : 1,53 ; IC 95 : 1,00-2,34 ; p = 0,045) [61]. Intérêt d’une chimiothérapie de deuxième ligne Une analyse poolée de 1 080 patients inclus dans des essais de phase III testant des schémas à base de 5-FU a montré qu’environ 20 % des patients ayant un cancer gastrique avancé et progressant sous une première ligne de chimiothérapie recevaient un traitement de deuxième ligne (62). Cependant, si le bénéfice de la chimiothérapie est bien établi en première ligne thérapeutique, il n’en est pas clairement de même en deuxième ligne. De nombreuses molécules, en monothérapie ou en polythérapie (à base d’irinotécan, de docétaxel et/ou de sels de platine), ont été évaluées dans cette situation, et permettent d’obtenir, chez des patients sélectionnés, des taux de réponse de 5 à 38 %, une SSP de 2,5 à 5,6 mois et une SG de 3,5 à 10,9 mois (63). Néanmoins, ces données émanent d’études de phase II n’incluant jamais plus de 50 patients, et aucune étude randomisée publiée versus placebo n’a montré à ce jour la supériorité d’une chimiothérapie ou d’une thérapie ciblée par rapport à des soins de support. Seule une étude allemande de phase III rapportée sous forme d’abstract au congrès de l’ESMO 2009 a montré une amélioration de la SG des patients traités par irinotécan en monothérapie par rapport aux patients ne recevant que des soins de support après avoir progressé sous une première ligne de traitement à base de cisplatine (4,0 versus 2,4 mois ; p = 0,023) [64], mais elle n’a inclus que 40 patients sur les 120 prévus et a été arrêtée pour lenteur d’inclusion. D’autres objectifs que la survie, tels que le contrôle des symptômes, la qualité de vie et la consommation d’analgésiques, devraient être pris en compte dans cette situation. Conclusion Même si des progrès incontestables ont été réalisés dans le domaine de la prise en charge thérapeutique des cancers gastriques métastatiques, avec, d’une part, la démonstration de la supériorité de polychimiothérapies composées de docétaxel ou La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010 | 485 MISE AU POINT MISE AU POINT Traitement du cancer de l’estomac métastatique : état des lieux et perspectives en 2010 Annoncez Annoncez vous ! vous ! d’une anthracycline, d’un sel de platine et d’une Annoncez vous ! patient, du rapport bénéfice/toxicité du traitement fluoropyrimidine et, d’autre part, l’avènement de et, par conséquent, de son intérêt es par rapport à des oncabsolument anndonc Desreste soins de support nécessaire nelles sombre où l’on dans cettepmaladie aunpronostic rofessio uites traitement (ciblé ?) espère toujoursgrun atnouveau réellement supérieur r standards actuels et pouaux mieux toléré. ■ laxiè thérapie chemin me ciblée anti-HER2, beaucoup s if es taderdépasse Dpatients Une deureste à parcourir, car la SG des e it u t gra ifs avec ces dégress1 an insertion malheureusement encore rarement r urtoxicité est pounouveaux pode protocoles, dont le profil ités loin d’être és négligeable. Une évaluation, ctivchaque les collepour les abonn Contactez Valérie Glatin au 01 46 67 62 77 ou faites parvenir votre annonce par mail Références bibliographiques à [email protected] 1. http://www.e-cancer.fr/les-soins/4211-survie-des-patientsatteints-de-cancers-en-france-linca-dresse-un-etat-des-lieux. 2. Glimelius B, Ekstrom K, Hoffman K et al. Randomized comparison between chemotherapy plus best supportive care with best supportive care in advanced gastric cancer. Ann Oncol 1997;8(2):163-8. 3. Murad AM, Santiago FF, Petroianu A, Rocha PR, Rodrigues MA, Rausch M. Modified therapy with 5-fluorouracil, doxorubicin, and methotrexate in advanced gastric cancer. Cancer 1993;72(1):37-41. 4. Pyrhonen S, Kuitunen T, Nyandoto P, Kouri M. Randomised comparison of fluorouracil, epidoxorubicin and metho­ trexate (FEMTX) plus supportive care with supportive care alone in patients with non-resectable gastric cancer. Br J Cancer 1995;71(3):587-91. 5. 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