34 HIGHLIGHTS 2016 Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique Chirurgie oncoplastique – entre sécurité et esthétique Dr méd. Alice C. Thürlimann a , Prof. Dr méd. Walter P. Weber b,c , PD Dr méd. Savas D. Soysal b , Dr méd. Elisabeth A. Kappos a,c , Prof. Dr méd. Dirk J. Schaefer a,c , Prof. Dr méd. Martin Haug a,c Universitatsspital Basel a Plastische, Rekonstruktive, Ästhetische und Handchirurgie, b Klinik für Allgemeinchirurgie, c Brustzentrum Le traitement chirurgical du cancer du sein est devenu de moins en moins radical au cours des dernières décennies. Outre la sécurité oncologique qui se doit de primer, des exigences esthétiques jouent également un rôle de plus en plus crucial dans le traitement conservateur. Contexte en particulier lorsque celle-ci est complexe – avec La mastectomie radicale pratiquée également en cas de cancer du sein peu avancé (avec résection de la totalité de la glande mammaire, de tous les ganglions lympha- mastopexie ou réduction mammaire plastique et adaptation de l’autre sein relève du domaine de la chirurgie plastique. tiques ainsi que du muscle pectoral) fait déjà partie du passé depuis des décennies. La découverte selon laquelle la tumorectomie conservatrice suivie d’une ra- Alice C. Thürlimann Sécurité oncologique? diothérapie était égale à la mastectomie en termes de La sécurité oncologique avec un faible taux de récidive survie a conduit à une transformation essentielle dans locale et une longue survie exempte de récidive et de le traitement opératoire du cancer du sein [1]. maladie a priorité sur le résultat esthétique. Malheureusement, le traitement conservateur consis- Sur le plan histologique, l’objectif est d’obtenir des tant uniquement en tumorectomie suivie de ferme- marges d’exérèse dépourvues de cellules tumorales. ture directe entraîne souvent des résultats esthétique- Malgré des examens extemporanés des bords de la tu- ment déformés et ceci, particulièrement en présence meur pratiqués durant l’opération, notre série interne d’un rapport défavorable entre la taille de la tumeur et incluant 118 femmes a révélé, au cours de l’examen his- celle du sein [2]. Afin d’y remédier et sous la pression tologique final, un taux de berges d’exérèse atteintes exercée par les attentes de plus en plus élevées des pa- de 12% pour les années 2011 à 2015. Ce chiffre est com- tientes en termes de résultat esthétique, plusieurs parable à celui des ouvrages de référence internatio- techniques chirurgicales de reconstruction plastique naux et se situe plutôt dans la tranche inférieure [4]. ont été développées afin d’éviter de telles déformations. Des études montrent que des préparations de résection Même si le terme «chirurgie oncoplastique» (COP) avait dans le cadre de la chirurgie oncoplastique indiquaient déjà été créé dans les années 1990, il a principalement des marges d’exérèse davantage intactes qu’avec le trai- gagné en popularité au cours des dernières années [3]. tement conservateur conventionnel. Cela se justifie par Les techniques opératoires qu’il englobe ont été com- le fait que, lors de la chirurgie oncoplastique, davantage munément définies par des chirurgiens oncologiques de tissu «apparemment normal» est réséqué, ce qui et des chirurgiens plastiques. augmente la distance avec la tumeur et permet d’obte- Les interventions correspondantes sont souvent et nir avec une plus grande probabilité des marges de ré- idéalement pratiquées avec la collaboration de spécia- section négatives [5]. listes en chirurgie mammaire du domaine de la chirur- L’indication d’un traitement conservateur a été considé- gie et de la gynécologie et de chirurgiens plastiques. rablement élargie grâce à la COP. Il est ainsi possible de Dans les centres du sein certifiés, dont fait partie celui proposer aux femmes présentant une tumeur primaire de Bâle depuis 2011, la tumorectomie constitue la tâche significative la conservation de leur poitrine, alors qu’il y primaire du chirurgien mammaire. La reconstruction – a dix ans, seule la mastectomie aurait pu être envisagée. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2017;17(1–2):34–35 35 HIGHLIGHTS 2016 Reconstruction du défect engendré par la tumeur La décision d’une reconstruction oncoplastique adaptée se base sur la taille et la forme de la poitrine ainsi que sur l’étendue et la localisation de la tumeur. Une nomenclature propre a été créée à cet effet dans notre clinique. En principe, nous distinguons quatre catégories de traitement conservateur: la tumorectomie conventionnelle, la tumorectomie oncoplastique, la mastopexie oncoplastique et la réduction mammaire oncoplastique. Tumorectomie conventionnelle Dans le cas de la tumorectomie conventionnelle, l’ablation de la tumeur est suivie d’une fermeture soit par suture directe soit par approximation glandulaire. Les tissus mammaires et adipeux restants sont mobilisés au niveau épifascial et/ou sous-cutané et déplacés de sorte à combler le défect engendré. La tumorectomie conventionnelle représente le traitement conservateur standard. Tumorectomie oncoplastique Dans ce cas, la reconstruction du défect engendré s’effectue au moyen de techniques par lambeaux glandulaires ou dermoglandulaires, qui sont adaptés à la situation individuelle. Font également partie de la catégorie de la tumorectomie oncoplastique les techniques de remplacement de volume par des tissus prélevés en dehors de la poitrine. Un lambeau de grand dorsal pédiculé peut par exemple être utilisé pour augmenter le volume. Mastopexie oncoplastique La résection cutanée supplémentaire pour des raisons non oncologiques correspond à une mastopexie oncoplastique. A cette fin, il est possible de pratiquer soit des mastopexies circumaréolaires ou encore une excision cutanée en forme de triangle jusqu’au fascia des quadrants inférieurs. Une autre variante consiste à repositionner le mamelon avec ou sans pédicule vasculaire. Etant donné que cela est très souvent indiqué, la plupart des interventions oncoplastiques sont classées dans cette catégorie. Réduction mammaire oncoplastique Cette méthode est souvent indiquée chez les femmes Correspondance: présentant des seins de taille importante et une ptose Prof. Dr méd. Martin Haug mammaire. Il est ainsi possible de combiner la réduc- Universitatsspital Basel tion du volume total de la poitrine avec la tumorecto- Spitalstrasse 21 CH-4058 Basel martin.haug[at]usb.ch mie. La localisation de la tumeur est décisive pour le choix du pédicule. En cas de réduction substantielle du SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2017;17(1–2):34–35 volume adipeux et de la peau, l’adaptation du sein controlatéral est recommandée. La connaissance de l’apport sanguin de l’ensemble de la poitrine, y compris de la peau, constitue une condition préalable essentielle pour les méthodes de reconstruction oncoplastique mentionnées. Les branches de l’artère mammaire interne et de l’artère thoracique latérale sont les principaux vaisseaux concernés. La participation des branches des artères intercostales postérieures permet le déplacement d’importants lambeaux sans résulter en une hypoperfusion et une nécrose adipeuse. Cette dernière cicatrise en formant des fossettes, ce qui peut nuire au résultat esthétique. En phase de planification chirurgicale, le rapport de taille entre la tumeur et celle de la poitrine se trouve au premier plan. Aucune taille maximale de la tumeur n’est mentionnée. Grâce aux techniques de reconstruction plastique, il est possible de réaliser un déplacement tissulaire garantissant le maintien le plus optimal possible de la forme et la symétrie de la poitrine. Satisfaction et qualité de vie de la femme La COP a considérablement élargi l’indication du traitement conservateur et épargné à de nombreuses femmes la mastectomie qui, outre sa morbidité plus élevée, est également plus traumatisante sur le plan psychique que la chirurgie mammaire conservatrice. Le maintien de la forme du sein et la symétrie par rapport à l’autre côté sont essentiels pour le résultat esthétique et donc pour la satisfaction et la qualité de vie de la femme. La question de savoir à quel point la COP se répercute sur les deux derniers paramètres fait l’objet d’une étude prospective en cours dans notre clinique. Conclusion La sécurité oncologique prévaut sur les exigences esthétiques, mais ne doit guère plus entraîner de compromis esthétiques grâce aux techniques chirurgicales actuelles. La COP représente une association élégante entre une oncochirurgie sûre et une forme esthétiquement agréable du sein. Au cours des dix dernières années, des techniques différenciées ont été perfectionnées, qui peuvent actuellement être proposées de manière personnalisée afin de trouver le concept thérapeutique optimal pour chaque patiente individuelle. Disclosure statement Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références La liste complète et numérotée des références est disponible en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch. LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix Références 1 2 3 SWISS MEDI CAL FO RUM Early Breast Cancer Trialist’s Collaborative Group (EBCTCG). Effect of radiotherapy after breast-conserving surgery on 10-year recurrence and 15-year breast cancer death: meta-analysis of individual patient data for 10801 women in 17 randomised trials. Lancet. 2011; 378:1707– 16. Clough KB, Cuminet J, Fitoussi A, et al. 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