Chirurgie oncoplastique – entre sécurité et esthétique

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HIGHLIGHTS 2016
Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique
Chirurgie oncoplastique –
entre sécurité et esthétique
Dr méd. Alice C. Thürlimann a , Prof. Dr méd. Walter P. Weber b,c , PD Dr méd. Savas D. Soysal b ,
Dr méd. Elisabeth A. Kappos a,c , Prof. Dr méd. Dirk J. Schaefer a,c , Prof. Dr méd. Martin Haug a,c
Universitatsspital Basel
a
Plastische, Rekonstruktive, Ästhetische und Handchirurgie, b Klinik für Allgemeinchirurgie, c Brustzentrum
Le traitement chirurgical du cancer du sein est devenu de moins en moins radical
au cours des dernières décennies. Outre la sécurité oncologique qui se doit de primer, des exigences esthétiques jouent également un rôle de plus en plus crucial dans
le traitement conservateur.
Contexte
en particulier lorsque celle-ci est complexe – avec
La mastectomie radicale pratiquée également en cas de
cancer du sein peu avancé (avec résection de la totalité
de la glande mammaire, de tous les ganglions lympha-
mastopexie ou réduction mammaire plastique et adaptation de l’autre sein relève du domaine de la chirurgie
plastique.
tiques ainsi que du muscle pectoral) fait déjà partie du
passé depuis des décennies. La découverte selon laquelle la tumorectomie conservatrice suivie d’une ra-
Alice C. Thürlimann
Sécurité oncologique?
diothérapie était égale à la mastectomie en termes de
La sécurité oncologique avec un faible taux de récidive
survie a conduit à une transformation essentielle dans
locale et une longue survie exempte de récidive et de
le traitement opératoire du cancer du sein [1].
maladie a priorité sur le résultat esthétique.
Malheureusement, le traitement conservateur consis-
Sur le plan histologique, l’objectif est d’obtenir des
tant uniquement en tumorectomie suivie de ferme-
marges d’exérèse dépourvues de cellules tumorales.
ture directe entraîne souvent des résultats esthétique-
Malgré des examens extemporanés des bords de la tu-
ment déformés et ceci, particulièrement en présence
meur pratiqués durant l’opération, notre série interne
d’un rapport défavorable entre la taille de la tumeur et
incluant 118 femmes a révélé, au cours de l’examen his-
celle du sein [2]. Afin d’y remédier et sous la pression
tologique final, un taux de berges d’exérèse atteintes
exercée par les attentes de plus en plus élevées des pa-
de 12% pour les années 2011 à 2015. Ce chiffre est com-
tientes en termes de résultat esthétique, plusieurs
parable à celui des ouvrages de référence internatio-
techniques chirurgicales de reconstruction plastique
naux et se situe plutôt dans la tranche inférieure [4].
ont été développées afin d’éviter de telles déformations.
Des études montrent que des préparations de résection
Même si le terme «chirurgie oncoplastique» (COP) avait
dans le cadre de la chirurgie oncoplastique indiquaient
déjà été créé dans les années 1990, il a principalement
des marges d’exérèse davantage intactes qu’avec le trai-
gagné en popularité au cours des dernières années [3].
tement conservateur conventionnel. Cela se justifie par
Les techniques opératoires qu’il englobe ont été com-
le fait que, lors de la chirurgie oncoplastique, davantage
munément définies par des chirurgiens oncologiques
de tissu «apparemment normal» est réséqué, ce qui
et des chirurgiens plastiques.
augmente la distance avec la tumeur et permet d’obte-
Les interventions correspondantes sont souvent et
nir avec une plus grande probabilité des marges de ré-
idéalement pratiquées avec la collaboration de spécia-
section négatives [5].
listes en chirurgie mammaire du domaine de la chirur-
L’indication d’un traitement conservateur a été considé-
gie et de la gynécologie et de chirurgiens plastiques.
rablement élargie grâce à la COP. Il est ainsi possible de
Dans les centres du sein certifiés, dont fait partie celui
proposer aux femmes présentant une tumeur primaire
de Bâle depuis 2011, la tumorectomie constitue la tâche
significative la conservation de leur poitrine, alors qu’il y
primaire du chirurgien mammaire. La reconstruction –
a dix ans, seule la mastectomie aurait pu être envisagée.
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Reconstruction du défect engendré
par la tumeur
La décision d’une reconstruction oncoplastique adaptée se base sur la taille et la forme de la poitrine ainsi
que sur l’étendue et la localisation de la tumeur. Une
nomenclature propre a été créée à cet effet dans notre
clinique.
En principe, nous distinguons quatre catégories de traitement conservateur: la tumorectomie conventionnelle,
la tumorectomie oncoplastique, la mastopexie oncoplastique et la réduction mammaire oncoplastique.
Tumorectomie conventionnelle
Dans le cas de la tumorectomie conventionnelle, l’ablation de la tumeur est suivie d’une fermeture soit par
suture directe soit par approximation glandulaire. Les
tissus mammaires et adipeux restants sont mobilisés
au niveau épifascial et/ou sous-cutané et déplacés de
sorte à combler le défect engendré.
La tumorectomie conventionnelle représente le traitement conservateur standard.
Tumorectomie oncoplastique
Dans ce cas, la reconstruction du défect engendré s’effectue au moyen de techniques par lambeaux glandulaires ou dermoglandulaires, qui sont adaptés à la situation individuelle.
Font également partie de la catégorie de la tumorectomie oncoplastique les techniques de remplacement de
volume par des tissus prélevés en dehors de la poitrine.
Un lambeau de grand dorsal pédiculé peut par exemple
être utilisé pour augmenter le volume.
Mastopexie oncoplastique
La résection cutanée supplémentaire pour des raisons
non oncologiques correspond à une mastopexie oncoplastique. A cette fin, il est possible de pratiquer soit
des mastopexies circumaréolaires ou encore une excision cutanée en forme de triangle jusqu’au fascia des
quadrants inférieurs. Une autre variante consiste à repositionner le mamelon avec ou sans pédicule vasculaire. Etant donné que cela est très souvent indiqué, la
plupart des interventions oncoplastiques sont classées
dans cette catégorie.
Réduction mammaire oncoplastique
Cette méthode est souvent indiquée chez les femmes
Correspondance:
présentant des seins de taille importante et une ptose
Prof. Dr méd. Martin Haug
mammaire. Il est ainsi possible de combiner la réduc-
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tion du volume total de la poitrine avec la tumorecto-
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CH-4058 Basel
martin.haug[at]usb.ch
mie. La localisation de la tumeur est décisive pour le
choix du pédicule. En cas de réduction substantielle du
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volume adipeux et de la peau, l’adaptation du sein controlatéral est recommandée.
La connaissance de l’apport sanguin de l’ensemble de
la poitrine, y compris de la peau, constitue une condition préalable essentielle pour les méthodes de reconstruction oncoplastique mentionnées. Les branches de
l’artère mammaire interne et de l’artère thoracique latérale sont les principaux vaisseaux concernés.
La participation des branches des artères intercostales
postérieures permet le déplacement d’importants lambeaux sans résulter en une hypoperfusion et une nécrose adipeuse. Cette dernière cicatrise en formant des
fossettes, ce qui peut nuire au résultat esthétique.
En phase de planification chirurgicale, le rapport de
taille entre la tumeur et celle de la poitrine se trouve au
premier plan. Aucune taille maximale de la tumeur
n’est mentionnée. Grâce aux techniques de reconstruction plastique, il est possible de réaliser un déplacement tissulaire garantissant le maintien le plus optimal
possible de la forme et la symétrie de la poitrine.
Satisfaction et qualité de vie de la femme
La COP a considérablement élargi l’indication du traitement conservateur et épargné à de nombreuses
femmes la mastectomie qui, outre sa morbidité plus
élevée, est également plus traumatisante sur le plan
psychique que la chirurgie mammaire conservatrice.
Le maintien de la forme du sein et la symétrie par rapport à l’autre côté sont essentiels pour le résultat esthétique et donc pour la satisfaction et la qualité de vie de
la femme. La question de savoir à quel point la COP se
répercute sur les deux derniers paramètres fait l’objet
d’une étude prospective en cours dans notre clinique.
Conclusion
La sécurité oncologique prévaut sur les exigences esthétiques, mais ne doit guère plus entraîner de compromis esthétiques grâce aux techniques chirurgicales
actuelles. La COP représente une association élégante
entre une oncochirurgie sûre et une forme esthétiquement agréable du sein. Au cours des dix dernières
années, des techniques différenciées ont été perfectionnées, qui peuvent actuellement être proposées de
manière personnalisée afin de trouver le concept thérapeutique optimal pour chaque patiente individuelle.
Disclosure statement
Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit
d’intérêt en relation avec cet article.
Références
La liste complète et numérotée des références est disponible
en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch.
LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix
Références
1
2
3
SWISS MEDI CAL FO RUM
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