Principes généraux de la chirurgie oncoplastique du sein Principles

ARTICLE ORIGINAL
Principes généraux de la chirurgie oncoplastique
du sein
Principles of oncoplastic surgery in breast surgery
Isabelle Cothier-Savey
a,
*, Françoise Rimareix
b
a
Service de chirurgie du centre de lutte contre le cancer René-Huguenin, 35, rue Dailly, 92210 Saint-Cloud, France
b
Chirurgie sénologique, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif cedex, France
Rec¸u le 21 septembre 2007 ; accepte´ le 7 novembre 2007
MOTS CLÉS
Chirurgie
oncoplastique ;
Cancer du sein
Résumé Après traitement conservateur pour cancer du sein, 75 % des patientes ont un bon
résultat esthétique, c’est-à-dire peu ou pas d’asymétrie résiduelle et des séquelles post-
radiques mineures. Dans 20 à 25 % des cas, le traitement conservateur s’accompagne de
séquelles liées à la chirurgie et à l’irradiation. Ces séquelles esthétiques sont difficiles à traiter
et nécessitent entre 5 à 10 % de reprises chirurgicales. La chirurgie oncoplastique, en associant
large tumorectomie et comblement de la perte de substance par différents procédés de chirurgie
plastique, permet d’améliorer ces résultats esthétiques après mastectomie partielle et élargit
considérablement les indications du traitement conservateur. Ces techniques sont à présent bien
codifiées. Elles vont du simple remodelage à des techniques plus élaborées de plastie mammaire
(PM) et de symétrisation du sein controlatéral. Ces choix chirurgicaux doivent être élaborés de
façon précise et consensuelle en fonction de la patiente, du type tumoral, de la localisation, du
rapport volume tumoral-volume mammaire et de la prise en charge globale par l’équipe
pluridisciplinaire. La chirurgie plastique fait à présent partie intégrante du traitement du cancer
du sein, d’où la terminologie : chirurgie oncoplastique.
#2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Oncoplastic surgery;
Breast cancer
Summary After a conservative treatment for breast cancer, 75% of patients end up with a
good aesthetic result, i.e. little or no residual asymmetry and minor postradiotherapy after-
effects. In 20 to 25% of cases, the conservative treatment leaves lasting after-effects associated
with surgery and radiotherapy. Such aesthetic after-effects are difficult to treat and they require
additional plastic surgery in 5 to 10% of cases. Oncoplastic surgery, which combines large
lumpectomy and remodeling procedure involving different plastic surgery methods, improves
these cosmetic results after a partial mastectomy and widens the scope for conservative
treatment. Today, these techniques are well codified. They range from simple reshaping to
more sophisticated techniques involving a concomitant controlateral-breast-symmetrisation
Annales de chirurgie plastique esthétique (2008) 53, 102111
* Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected] (I. Cothier-Savey), francoise.rimareix@igr.fr (F. Rimareix).
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla
0294-1260/$ see front matter #2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anplas.2007.11.004
procedure. These surgical options must be elaborated in detail with the patient and depend on
the patient, the type of the tumor, its position, the ratio between the volume of the tumor and
that of the breast and the overall care given by a multispecialist team. Plastic surgery is now an
integral part of the treatment of breast cancer, hence the use of the word: oncoplastic surgery.
#2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction
La chirurgie oncoplastique se définit comme l’utilisation de
techniques de chirurgie plastique lors du traitement conser-
vateur du cancer du sein. L’exérèse tumorale est corrélée à
un geste plastique de comblement du défect glandulaire
pour préserver la morphologie du sein et améliorer les
résultats esthétiques. Ces techniques vont du simple lam-
beau glandulaire de remodelage à des plasties mammaires
(PM) plus élaborées avec symétrisation du sein controlatéral.
Lorsque le rapport volume tumoralvolume mammaire
permet de très larges tumorectomies, la chirurgie oncoplas-
tique autorise l’extension des indications du traitement
conservateur aux tumeurs rétroaréolaires et à certaines
tumeurs supérieures à 3 cm, sans augmentation du taux de
récidive locale et avec une équivalence en terme de survie.
Séquelles esthétiques du traitement
conservateur du cancer du sein
Après tumorectomie et irradiation pour cancer de moins de
3 cm, 75 à 80 % des patientes ont un bon résultat esthétique,
c’est-à-dire peu ou pas d’asymétrie résiduelle et des séquel-
les post-radiques mineures. Dans 20 à 25 % des cas, le
traitement conservateur s’accompagne de séquelles
(Figs. 1 et 2) liées à la chirurgie et à l’irradiation. Les
séquelles postopératoires sont essentiellement [3,9,16] :
une asymétrie de volume ;
une asymétrie de position de l’aréole ;
une déformation du sein par perte de substance glandu-
laire ou rétraction cutanée ;
une cicatrice élargie, rétractile et inesthétique, une bride
cicatricielle.
Ces mauvais résultats esthétiques dépendent de facteurs
liés :
à la patiente : surcharge pondérale, volume mammaire
important ou de petite taille, troubles vasculaires, tabac,
diabète entraînant une mauvaise cicatrisation ;
à la tumeur : c’est-à-dire au volume tumoral par rapport
au volume mammaire et à la localisation tumorale. Les
déformations sont majorées :
dans les quadrants inférieurs avec invagination et bas-
cule de l’aréole vers le bas,
dans le quadrant supéro-externe (QSE) avec ascension
de l’aréole en dehors et en haut,
dans les cas de tumeurs centrales ;
au traitement chirurgical : par absence de comblement de
la perte de substance glandulaire.
Devant ces constatations, il apparaît nécessaire de remo-
deler la glande lors de la tumorectomie car les séquelles du
traitement conservateur sont majorées par la radiothérapie
et difficiles à corriger secondairement.
Évaluation initiale
L’évaluation initiale du cancer nécessite une collaboration
du radiologue, du radiothérapeute, du chimiothérapeute et
du chirurgien. La décision d’une oncoplastie sera prise lors
de la réunion de concertation pluridisciplinaire.
S’il est nécessaire de connaître les contre-indications
éventuelles d’ordre général (âge, tabac, diabète, pathologie
vasculaire), il convient d’affiner au mieux le diagnostic de la
lésion avant de s’engager dans une chirurgie modifiant les
rapports anatomiques du sein :
Principes généraux de la chirurgie oncoplastique du sein 103
Figure 1 Déformation du sein après tumorectomie du qua-
drant inféro-interne suivie de radiothérapie.
Figure 2 Déformation du sein gauche après tumorectomie du
quadrant supéro-externe suivie de radiothérapie.
taille tumorale, embols vasculaires, grade, extension ;
exploration du sein controlatéral lorsqu’un geste de symé-
trisation est envisagé ;
type histologique.
L’indication de chirurgie oncoplastique est bien codifiée
pour les carcinomes canalaires infiltrants, car l’évaluation du
volume tumoral est le plus souvent corrélée à la clinique et
au bilan radiologique.
Pour les carcinomes canalaires in situ, le volume tumoral
peut être sous-estimé à la mammographie [13] et l’écho-
graphie, comme l’IRM, sont peu performants. Il faut donc
une grande prudence et prévoir des marges d’exérèse
supérieures à 2 cm par rapport à l’image visualisée [11].
Pour les carcinomes lobulaires infiltrants, lésions souvent
multifocales, l’IRM préopératoire [2,11] bilatérale est néces-
saire car la mammographie et l’échographie sont peu per-
formantes.
Il nous semble fondamental de respecter la stratégie
thérapeutique d’Anderson [1] :
tumorectomie dans les formes localisées ;
quadrantectomie dans les formes à extension
segmentaire ;
mastectomies dans les formes irrégulières.
D’autres impératifs sont liés à la morphologie de la
patiente : le volume mammaire, le degré de ptose, le
diamètre aréolaire et le volume controlatéral.
Il faut donc faire une double évaluation : d’abord la taille
et le type de tumeur, puis la morphologie du sein. On
détermine ensuite un rapport volume tumoralvolume mam-
maire qui nous permet de voir quel type d’oncoplastie peut
être réalisée.
Exérèse de la tumeur
Le premier temps de la chirurgie oncoplastique se définit par
l’exérèse complète de la tumeur, histologiquement. Ce qui
impose une exérèse chirurgicale passant au large de la
tumeur, éventuellement complétée par des recoupes. La
pièce opératoire et les recoupes sont orientées pour le
diagnostic histologique d’exérèse in sano.
104 I. Cothier-Savey, F. Rimareix
Figure 3 Remodelage glandulaire.
Figure 4 Tumorectomie du quadrant supéro-externe avec réaxation de l’aréole (a, b).
Des examens extemporanés sont demandés ; extempo-
ranés de toutes les berges, y compris cutanées et profondes
en regard du pectoral. Une exérèse carcinologique nécessite
des berges supérieures ou égales à 1 cm. Si la tumeur est
rétroaréolaire, il faut faire une extemporané de la zone
rétroaréolaire. En cas de berges inférieures ou égales à
5 mm, il faut faire l’exérèse de la PAM.
Il est impératif de repérer le siège initial de la tumeur par
des clips qui sont au nombre de cinq : un en profondeur sur le
pectoral et les quatre autres sur les quatre faces du « carré
d’exérèse ». Cela est fondamental pour le repérage des
radiothérapeutes et la localisation du boost.
Les différentes études sur l’oncoplastie [7,12,14] ont
montré une grande fiabilité, car l’éxérèse glandulaire per-
met des marges beaucoup plus importantes. Le taux de
mastectomie de rattrapage sanctionné par l’envahissement
des berges de la tumorectomie est moins fréquent. Pour
Clough et al. [7], le poids moyen d’exérèse est supérieur à
200 g avec un faible taux de récidive. Après traitement
néoadjuvant, notamment la chimiothérapie permettant
d’envisager un traitement conservateur après fonte tumo-
rale, il convient de réaliser une exérèse très large.
Incisions cutanées
L’oncoplastie débute par le choix des incisions cutanées.
La localisation de l’incision cutanée est fondamentale pour
l’aspect carcinologique car elle peut déterminer la possibilité,
si nécessaire, de faire ultérieurement une mastectomie à peau
conservée ; et sur le plan esthétique, elle permet d’avoir des
cicatrices harmonieuses en dehors du décolleté.
De manière schématique, les incisions des quadrants
supérieurs sont arciformes et celles des quadrants inférieurs
Principes généraux de la chirurgie oncoplastique du sein 105
Figure 5 Tumeur des quadrants inférieurs. Photos du docteur
Claude Nos. Dessin et prélèvement du lambeau (a, b).
Figure 6 Tumorectomie centrale : exérèse en ellipse avec fermeture après remodelage glandulaire (a, b).
radiaires. Il faut éviter les incisions obliques externes
communes aux tumorectomies des quadrants supéro-exter-
nes avec curage axillaire (ou ganglion sentinelle). Il convient
de penser à un futur tracé de mastectomie, notamment dans
les carcinomes intracanalaires. Le tracé de l’incision de
tumorectomie doit pouvoir permettre une mastectomie à
peau conservée si besoin.
Remodelage glandulaire
Dans les tumorectomies peu importantes, on peut s’abstenir
de tout remodelage glandulaire, mais il faut éviter le drai-
nage de la loge de tumorectomie. Pour les tumeurs plus
importantes, le capitonnage, voire le remodelage est sou-
vent nécessaire afin de ne pas laisser de défect car toute
invagination sera majorée par la radiothérapie.
Il est fait après décollement de la glande mammaire du
grand pectoral et du plan superficiel cutané, avec réalisation
de deux lambeaux glandulaires permettant un rapproche-
ment des berges après enroulement (Fig. 3). Il se conçoit
quand le volume de la tumorectomie ne dépasse pas un
quadrant du sein. Si l’importance du remodelage dépend
de la taille de la tumeur rapportée au volume du sein, il
diffère en fonction de la localisation tumorale.
Au niveau des quadrants inférieurs, il est indispensable
pour éviter la dépression et la rétraction des tissus, même
pour des tumorectomies de faible volume.
Techniques chirurgicales en fonction de la
localisation tumorale
Tumeurs des quadrants supérieurs
La technique utilisée en dehors de la plastie mammaire type
round-block ou technique verticale est la technique en V ou
« ailes de mouette » ; il s’agit d’une résection cutanéoglan-
dulaire emportant la tumeur selon un dessin en V, l’exérèse
emporte la peau en regard et vajusqu’au pectoral. L’avantage
est que cette technique est simple, l’inconvénient est qu’elle
ascensionne l’aréole et que la cicatrice est inesthétique.
Pour les tumeurs du QSE, la résection glandulaire se fait
par une incision radiaire externe et une désépidermisation
interne périaréolaire(Fig. 4), avec réaxation de l’aréole
[15,16]. En effet, la résection glandulaire du QSE entraîne
une attraction de l’aréole vers les quadrants externes (QE),
pour la corriger, on pratique une désépidermisation péria-
réolaire interne qui recentre l’aréole au milieu du cône
mammaire. C’est une technique simple et fiable.
Tumeurs du quadrant supéro-interne sur sein de
petit volume
La tumorectomie du quadrant supéro-interne, sur des seins
de petit volume, entraîne une déformation importante qu’il
est très difficile de combler. Nous utilisons une technique
personnelle : le lambeau musculaire partiel de grand pecto-
ral. Il est prélevé sur les pédicules accessoires, après section
partielle du tendon musculaire, la partie externe et
inférieure du muscle est retournée et fixée à la face
antérieure du grand pectoral, au niveau du quadrant
supéro-interne pour combler cette perte de substance.
Tumeurs proches du sillon sous-mammaire
C. Nos a décrit une technique utilisant un lambeau fasciocu-
tané prélevé au niveau de l’hypochondre pour combler les
défects des quadrants inférieurs sur des seins de petitvolume.
L’intervention consiste à aborder la tumeur par voie sous-
mammaire et à réaliser un lambeau dermograisseux, après
tumorectomie, dont la pointe vient combler le défect (Fig. 5).
Tumorectomies centrales
Les tumeurs centrales se définissent comme des tumeurs
rétroaréolaires inférieures à 3 cm, siégeant à moins de 2 cm
de l’aréole. Pour cette localisation, la mastectomie est
longtemps restée le traitement de référence à cause du
risque de multicentricité et des résultats esthétiques aléa-
toires des tumorectomies. En effet, l’envahissement
fréquent de l’aréole, lieu de convergence des canaux galac-
tophores, nécessite son exérèse de manière systématique
avec la glande rétroaréolaire et ce jusqu’au plan musculaire
créant une perte de substance et une déformation secon-
daire.
106 I. Cothier-Savey, F. Rimareix
Figure 7 Tumorectomie centrale : exérèse en ellipse (a, b).
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