Techniques de calcul matriciel - Site Personnel de Arnaud de Saint

©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2014-2015 1
Techniques de calcul matriciel
Introduction
Une matrice est un tableau de nombres avec lequel on pourra faire des opérations. C’est un objet
numérique qui peut coder des objets d’origines diverses :
on connaît la matrice d’un système linéaire. Plus généralement, une matrice codera une appli-
cation linéaire entre deux espaces vectoriels de dimension finie pour lesquels on aura choisi une
base. Dans le domaine de l’algèbre, vous verrez aussi l’année prochaine qu’une matrice symétrique
code une «forme quadratique».
certains processus stochastiques (aléatoires) peuvent être modélisés (par exemple des chaînes de
Markov) par une matrice dite stochastique : c’est-à-dire une matrice dont les coefficients sont
positifs et dont la somme des coefficients de chaque ligne vaut 1. La «monstrueuse matrice de
Google» en est un exemple.
certains graphes sont aussi représentés par des matrices dites d’adjacence.
Une image numérique est une matrice de pixels. Par exemple pour une image en couleurs (RGB),
les pixels sont représentés par un triplet de nombres entiers représentant les niveaux de rouge
(Red), de vert (Green) et de bleu (Blue).
Dans ce chapitre, nous adoptons un point de vue purement matriciel. Le lien intime avec l’algèbre
linéaire sera abordé au chapitre suivant.
1 Généralités
1.1 Opérations sur les matrices
On note Mn,p(K) l’ensemble des matrices à coefficients dans Kavec nlignes et pcolonnes. Si Aest
une matrice de Mn,p(K), on note ai,j ses coefficients avec la convention que le premier indice iJ1, nK
est celui des lignes et le second jJ1, pKcelui des colonnes 1. On pourra noter A= (ai,j ).
Si une matrice possède autant de lignes que de colonnes, elle est dite carrée, on note Mn(K) =
Mn,n(K).
Définition 1 (Combinaisons linéaires et produit de matrices)
1. Soit A= (ai,j )et B= (bi,j )dans Mn,p(K).
On note A+Bla matrice de Mn,p(K)dont les coefficients valent ai,j +bi,j .
Si λK, on note λA la matrice de Mn,p(K)dont les coefficients valent λai,j .
2. Soit A= (aij )∈ Mp,n(K)et B= (bij )∈ Mn,q (K). On note AB = (cij )la matrice de Mp,q(K)
dont les coefficients valent :
cij =
n
X
k=1
aikbkj .
Remarques :
1. Attention, en mathématiques les indices des matrices commencent à 1 contrairement par exemple au langage
Python où ils commencent à 0.
©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2014-2015 2
L’ensemble Mn,p(K) a une structure de K-espace vectoriel dont le vecteur nul est la matrice
nulle (tous les coefficients valent 0) de Mn,p(K).
faire attention aux formats des matrices (sorte de relation de Chasles) pour le produit.
Une matrice Aest dite diagonale si ses coefficients non diagonaux sont nuls, c’est-à-dire ai,j = 0
pour i6=j. Si Dest diagonale, on la note D= diag(d1,...,dn) où les disont ses coefficients
diagonaux. Ce seront nos «matrices préférées» pour faire des produits matriciels car
diag(d1,...,dn)×diag(t1,...,tn) = diag(d1t1, . . . , dntn).
Nous expliquerons dans le prochain chapitre que ces opérations codent l’addition et composition
d’applications linéaires.
la complexité de la multiplication matricielle dans Mn(K) est en O(n3) (multiplier deux matrices
de taille nnécessite n2(n1) additions et n3multiplications de réels).
On admet les propriétés suivantes que nous démontrerons dans le prochain chapitre.
Proposition 2 Le produit matriciel est bilinéaire et associatif, c’est-à-dire :
1. si Aet Bsont dans Mp,n(K)et Cet Ddans Mn,q(K), pour tout λet µdans K, on a :
(λA +µB)C=λAC +µBC et A(λC +µD) = λAC +µAD.
2. si A∈ Mp,n(K),BMp,q (K),AMq,r(K), on a :
(A×B)×C=A×(B×C).
Remarque : ces propriétés permettent de montrer que l’ensemble Mn(K) muni de l’addition et de
la multiplication est un anneau dont l’élément unité est la matrice In= diag(1,...,1). En particulier,
A∈ Mn(K), on a A×In=In×A=A.
1.2 Quelques particularités de ce produit
L’examen de la taille 2 est en général très instructive. Posons
N= 0 1
0 0!et M= 0 0
1 0!.
Ces deux matrices vérifient N2= 0 et M2= 0, pourtant elles ne sont pas nulles. Elles sont dites
nilpotentes. En particulier, Mn(K) est un anneau non intègre.
De plus, NM = 1 0
0 0!et MN = 0 0
0 1!. Le produit matriciel n’est donc pas commutatif
pour n>2. Ainsi sauf si Aet Bcommutent, en général (AB)26=A2B2.
Pout tout λK, si R= 1λ
01!, on a R2=I2. Autrement dit, la matrice I2admet une
infinité de racines carrées.
©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2014-2015 3
1.3 Matrices élémentaires
Proposition 3 (Matrices élémentaires) Soit iJ1, nKet jJ1, pK. On note Ei,j la matrice de
Mn,p(K)dont tous les coefficients sont nuls sauf celui de la ligne iet de la colonne jqui vaut 1. On
appelle matrices élémentaires de Mn,p(K)les matrices Ei,j pour iJ1, nKet jJ1, pK.
La famille (E11, E12,...,E1p, E21,...)formée par les matrices élémentaires rangées par ordre
lexicographique est une base de Mn,p(K), que l’on appellera base canonique. Ainsi
dim Mn,p(K) = np.
On a Eij Ekl =δjkEil avec δjk = 1 si j=ket 0sinon.
1.4 Notion de polynôme de matrice et de polynôme annulateur
Soit M∈ Mn(K) et P=Pp
i=0 aiXiun polynôme de K[X]. Puisqu’une combinaison linéaire et
un produit de matrices de Mn(K) est encore une matrice de Mn(K), on note P(M) la matrice de
Mn(K) définie par :
P(M) =
p
X
i=0
aiMi=apMp+···+a1M+a0In.
Remarques :
un polynôme en Mcommute avec la matrice M, c’est-à-dire P(M)×M=M×P(M).
lorsque P(M) = 0, on dit que Pest un polynôme annulateur de M.
Soit P, Q K[X], M∈ Mn(K) et λK, on a
(P Q)(M) = P(M)Q(M) et (λP +Q)(M) = λP (M) + Q(M).
2 Quelques techniques et outils matriciels
2.1 Calculs de puissances n-ièmes
Voici quelques recettes à découvrir en exercice :
1. Si Dest diagonale avec D= diag(d1,...,dp), alors Dn= diag(dn
1, . . . , dn
p).
2. L’astuce de type «Pacman» (P DP 1)n=P DnP1est à connaître (Pdésigne une matrice
inversible).
3. Utilisation du binôme de Newton : si Aet Bsont deux matrices de Mn(K) qui commutent,
alors pour tout nN, on a
(A+B)n=
n
X
k=0 n
k!AkBnk.
En particulier calcul de (λIp+N)navec Nnilpotente.
©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2014-2015 4
4. Utilisation d’un polynôme annulateur :
si Pest un polynôme annulateur de la matrice A, c’est-à-dire si P(A) = 0, on écrit la division
euclidienne de Xnpar P: il existe des polynômes Qet Rtels que Xn=QP +R. On a alors la
relation matricielle :
An=P(A)
|{z}
0
×Q(A) + R(A).
Ainsi An=R(A), et il suffit donc de chercher le reste R.
5. Utilisation de récurrence, par exemple :
avec A=
111
111
111
, on a A2= 3Adonc An= 3n1A.
avec R(θ) = cos θsin θ
sin θcos θ!. On a 2R(θ)2=R(2θ) donc R(θ)n=R().
2.2 La trace d’une matrice
Proposition 4 On appelle trace d’une matrice carrée Ala somme de ses coefficients diagonaux. On
la note Tr(A). La trace vérifie les deux propriétés suivantes :
La trace est une forme linéaire sur Mn(K).
Si Aet Bsont dans Mn(K), on a :
Tr(AB) = Tr(BA).
Remarques :
Nous verrons dans le chapitre suivant que la trace est un invariant de similitude : deux matrices
semblables auront même trace. Nous verrons aussi plus tard que le déterminant d’une matrice
est aussi un invariant de similitude. En attendant, pour la taille 2, on peut retenir la définition
suivante :
det a b
c d!=ad bc.
en taille 2, un calcul montre que si Aest une matrice de M2(K), le polynôme suivant Pest un
polynôme annulateur de A:
P=X2Tr(A)X+ det(A).
L’ensemble des matrices de Mn(K) dont la trace est nulle est un hyperplan de Mn(K).
2.3 Matrices symétriques et transposée d’une matrice
Définition 5 Soit A= (ai,j )une matrice de Mn(K).
1. Elle est dite symétrique si ses coefficients sont symétriques par rapport à la diagonale, c’est-à-dire
si :
(i, j)J1, nK2, ai,j =aj,i.
2. Ce résultat est naturel si l’on sait que cette matrice code une rotation de centre Oet d’angle θet que la multiplication
des matrices code la composition des applications linéaires.
©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2014-2015 5
2. Elle est dite antisymétrique si :
(i, j)J1, nK2, ai,j =aj,i.
Remarque : en particulier, si Aest antisymétrique, ses coefficients diagonaux sont nuls puisque
ai,i =ai,i.
Proposition 6 Soit A= (ai,j )une matrice de Mn,p(K). On appelle transposée de A, notée tAla
matrice de Mp,n(K), dont les coefficients sont les symétriques de ceux de Apar rapport à la diagonale,
c’est-à-dire tA= (aj,i). La transposée vérifie les propriétés suivantes :
elle est linéaire et involutive (c’est-à-dire A∈ Mn,p(K),t(tA) = A). C’est en particulier une
symétrie de Mn(K).
(A, B)∈ Mn,p(K)× Mp,q (K),t(AB) = tBtA.
Remarque : si on note φ:Mn(K)→ Mn(K) l’endomorphisme qui à une matrice associe sa trans-
posée, on a Ker(φid) = {M∈ Mn(K)|tM=M}=Sn(K) l’ensemble des matrices symétriques et
Ker(φ+ id) = {M∈ Mn(K)|tM=M}=An(K) l’ensemble des matrices antisymétriques. Cela
montre Sn(K) et Sn(K) sont des sous-espaces vectoriels de Mn(K). Ils sont de plus supplémenatires,
car φétant une symétrie, on a
Mn(K) = Ker(φid) Ker(φ+ id) = Sn(K)⊕ An(K).
2.4 Produits de matrices triangulaires et de matrices blocs
On sait que le produit de matrices diagonales est encore une matrice diagonale. On peut généraliser
aux matrices triangulaires supérieures et inférieures.
Proposition 7 Une matrice A= (ai,j )de Mn(K)est dite triangulaire supérieure (resp. inférieure)
si ses coefficients en-dessous (resp. au-dessus) de la diagonale sont nuls, c’est-à-dire
(i, j)J1, nK2,(i > j ai,j = 0) (resp. i < j ai,j = 0).
Le produit de deux matrices triangulaires supérieures de Mn(K)(resp. triangulaires inférieures)
est encore une matrice triangulaire supérieure (resp. triangulaire inférieure).
Proposition 8 (Produits de matrices blocs) On considère les matrices M=A B
C D et N=
AB
CD, où A, A, B, B, C, Cet D, Dsont des matrices vérifiant :
Le nombre de colonnes de Aet Cest égal au nombre de lignes de Aet B
Le nombre de colonnes de Bet Dest égal au nombre de lignes de Cet D
On a alors l’égalité
MN = AA+BCAB+BD
CA+DCCB+DD!
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !