École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Variables aléatoires
Chapitre 13
Variables aléatoires
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 18 février 2011
Introduction
Présentation et objectifs
La plupart du temps, le résultat exact d’une expérience aléatoire importe moins qu’un
aspect de celui-ci : score total d’un lancer de dés plutôt que les scores individuels et
différenciés de chaque dé, taille d’une personne plutôt que son identité complète, etc. La
notion qui à un objet de l’ensemble fondamental d’une expérience aléatoire associe une
qualité correspond exactement, dans le langage ensembliste, à la notion d’application.
Comme un espace probabilisable est muni d’une structure supplémentaire (la tribu), on
est amené à définir une condition technique de compatibilité des applications considérées
avec cette structure. C’est la notion de variable aléatoire.
On commence donc dans ce chapitre par présenter cette notion de variable aléatoire
en toute généralité, ainsi que les concepts généraux de lois de probabilité et de fonction
de répartition qui y sont rattachés, avant de se restreindre au cas des variables aléatoires
discrètes, le cas continu étant relégué au chapitre suivant.
Pour les variables aléatoires discrètes, on définit les notions d’espérance et de variance,
avant de s’intéresser aux cas des variables aléatoires admettant des lois discrètes clas-
siques : loi de Bernoulli, binômiale, de Poisson, géométrique, binômiale négative, hypergéo-
métrique. Pour chacune d’elles, on donne des exemples classiques d’expériences aléatoires
conduisant à des variables aléatoires admettant la loi étudiée.
Prérequis:
Chapitres 7, 12
Variables aléatoires (terminale)
Suites:
Chapitres 14, 15
Statistique inductive (1ère année)
Optimisation
Mathématiques financières et sciences « molles »
1 Variable aléatoire
Soient (Ω,T, P )un espace probabilisé et (E, S)un espace probabilisable (la plupart
du temps, ce sera R— ou une partie de R— muni de sa tribu borélienne).
1.1 Définitions
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Définition 1
On appelle variable aléatoire sur à valeurs dans Etoute application X: Ω
Etelle que
A∈ S, X1(A) T .
On dit parfois que Xest une application mesurable.
Lorsque l’ensemble des valeurs prises par X, c’est-à-dire X(Ω), est discret (i.e. fini
ou dénombrable), on dit que la variable aléatoire Xest discrète.
Si Test la tribu totale de , quelles sont les variables aléatoires sur ?
Montrer que si est lui-même discret, alors toute variable aléatoire sur est
discrète.
La plupart du temps, pour une variable aléatoire Xdiscrète, on choisit pour Eune
partie de N(plus rarement Z) munie de sa tribu totale.
La condition de mesurabilité dans la définition 1 est peu importante dans la pratique.
Le cas discret ne pose pas de réelle difficulté comme on vient de le voir, et les autres cas
pratiques sont en général couverts par la proposition suivante. Il est en fait relativement
difficile de trouver des applications non mesurables.
Proposition 1
Si et Esont des parties de R(munis de leurs tribus boréliennes) et si X: Ω E
est une application continue par morceaux, alors Xest une variable aléatoire.
L’une des notions les plus importantes associées à une variable aléatoire est celle de
loi de probabilité.
Proposition 2
Soit X: Ω Eune variable aléatoire. L’application
PX:S [0,1]
A7−PX1(A)
est une mesure de probabilité sur E. On l’appelle loi de probabilité de la variable
aléatoire X.
Prouver cette proposition en vérifiant les axiomes de Kolmogorov pour PX.
Notation
Pour tout évènement A∈ S, l’évènement X1(A)est noté {XA}et PX(A)est noté
P(XA).
Cette notation est adaptée dans le cas d’évènements Ade type particulier. Par
exemple, lorsque A={a}, on note {X=a}(lire «Xprend la valeur a») et P(X=a)
(«probabilité que Xprenne la valeur a»). Lorsque ERet A= [a, b], on note
{a6X6b}et P(a6X6b),etc.
2
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Montrer que si Xest une variable aléatoire discrète, la donnée des probabilités
P(X=a)pour tous les aX(Ω) détermine entièrement la loi de probabilité
de X.
Déterminer la loi de probabilité de la variable aléatoire donnant le score to-
tal d’un lancer de deux dés équilibrés (présenter le résultat sous forme d’un
tableau). Tracer le diagramme en bâtons correspondant.
Lorsque la variable aléatoire n’est pas discrète, il n’est pas suffisant de connaître les
probabilités des évènements élémentaires associés à X. La tribu borélienne de Rétant
engendrée par les intervalles du type ]− ∞, a]aR, on est amené à introduire
la notion de fonction de répartition pour les variables aléatoires à valeurs réelles (plus
simplement appelées variables aléatoires réelles sur ).
1.2 Fonction de répartition
On considère une variable aléatoire réelle Xsur .
Définition 2
La fonction de répartition de Xest la fonction
FX:R[0,1]
x7−P(X6x).
Déterminer entièrement la fonction de répartition de la variable aléatoire don-
nant le score d’un lancer de deux dés et tracer son graphe. Quelles sont les
valeurs de FX(x)pour x < 2? Pour x>12 ?
Proposition 3
(1) La fonction FXest croissante :
a, b R,(a < b) =(FX(a)6FX(b)).
(2) On a lim
+FX= 1 et lim
−∞ FX= 0.
(3) En tout point de Rla fonction FXest continue à droite.
La croissance de FXest-elle stricte en général ?
Que signifie exactement la propriété (3) ?
La fonction FXest-elle continue à gauche en général ?
Démontrer la propriété (1) de manière élémentaire.
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Chapitre 13 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Proposition 4
Pour tous a, b Rtels que a < b, on a
(1) P(a<X6b) = FX(b)FX(a).
(2) P(x<a) = lim
a
FX=FX(a)P(X=a).
Démontrer cette proposition en introduisant des partitions bien choisies.
À l’aide de la propriété (2) de la proposition 4 et de la propriété (3) de la
proposition 3, démontrer que, pour tout aR, la fonction FXest continue en
asi et seulement si P(X=a) = 0. Vérifier cette propriété dans le cas de la
fonction de répartition du score d’un lancer de deux dés.
Corollaire 5
La fonction FXest continue par morceaux sur R.
Montrer qu’il s’agit d’une conséquence immédiate des deux propositions précé-
dentes.
2 Variables aléatoires discrètes
2.1 Définitions, exemples
On reprend dans le cas où E=Rla définition donnée précédemment.
Définition 3
Une variable aléatoire réelle est dite discrète si X(Ω) est une partie discrète de R,
i.e. une partie finie ou dénombrable de R. On peut alors écrire
X(Ω) = {xn, n N}
où, par convention et lorsque c’est possible, la numérotation des xna été choisie de
telle sorte que la suite (xn)nNsoit strictement croissante :
x0< x1<··· < xn<···
Remarques
1. Petite digression topologique : cette notion de partie discrète de Rest différente de
la notion de partie discrète en topologie. La topologie définit un ensemble discret
comme un ensemble ne comportant aucun point d’accumulation, i.e. dans lequel
tout point est isolé (ou encore tel que la topologie induite soit discrète : toute
partie est à la fois un ouvert et un fermé). Par exemple, l’ensemble
A={0} ∪ 1
n, n N
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est discret en ce sens qu’il est dénombrable ; il n’est cependant pas topologique-
ment discret car 0n’est pas isolé : il est la limite d’une suite de A\ {0}.
Ce type de cas problématique sera évité dans le cadre des variables aléa-
toires en composant par une fonction appropriée. Par exemple, si X(Ω) =
{0} ∪ n1
n, n No,Xest discrète au sens de la définition 3 mais X(Ω) n’est
pas topologiquement discret. On peut toutefois, par exemple, considérer la va-
riable aléatoire Y=1
X+1 dont l’ensemble des valeurs possibles est N, qui est
dénombrable et topologiquement discret. Bien sûr ce changement de « variable »
fausse les calculs d’espérance et autres grandeurs caractéristiques.
2. On observera que, sur ce dernier exemple, il n’est pas possible de numéroter les
valeurs de Xpar ordre croissant.
3. Bien sûr on adaptera la convention indiquée dans la définition 3 si X(Ω) est
finie (la suite (xn)est alors une famille finie) ou si, pour des raisons pratiques,
la numérotation est légèrement différente (ne commençant pas à 0, par demi-
entier, etc.). Cette adaptation doit également se faire sur les formules générales
qui seront énoncées plus loin.
La loi de probabilité d’une variable aléatoire Xdiscrète est donc définie par les nombres
pn=P(X=xn)pour tout nN. Si X(Ω) est fini, on présente souvent la loi de probabilité
sous la forme d’un tableau à deux lignes : les xnet les pncorrespondants (cf. le lancer de
deux dés pris en exemple précédemment).
Proposition 6
Avec les notations précédentes, la série X
n>0
pnconverge et sa somme vaut 1.
Démontrer cette proposition.
Quelle est la constante Cpour une variable aléatoire Xtelle que X(Ω) = N
et, pour tout nN,P(X=n) = C
n2? Représenter le diagramme en bâtons
correspondant et donner l’allure de la fonction de répartition FX. Cette loi de
probabilité se nomme loi zéta de paramètre 2, et on note Xζ(2).
Proposition 7
La fonction de répartition d’une variable aléatoire discrète Xest une fonction en
escalier dont les discontinuités se situent aux points xn, de hauteur égale à pn.
Observer la conformité de cet énoncé dans le cas du lancer de deux dés étudié
précédemment.
Démontrer cette proposition à l’aide de la proposition 4 et de l’exercice qui la
suit.
2.2 Espérance
Soit Xune variable aléatoire discrète ; on reprend les notations xnet pnprécédentes.
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