B. Duquesnoy, J.-F. Catanzariti / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 733–736 735
dans l’artère vertébrale avec répercussion au niveau du tronc
cérébral, mais aussi des problèmes médicolégaux, des phéno-
mènes d’anxiété [21]. La cause la plus fréquente reste quand
même le déficit proprioceptif cervical aggravé, voire déclenché
par une immobilisation systématique, notamment par minerve
[6].
4. Clinique
La symptomatologie exprimée est peu spécifique, d’où la dif-
ficulté du diagnostic. Il est essentiel d’insister sur l’obligation
de réaliser des explorations ORL, neurologiques et vasculaires.
Le vertige cervical restant un diagnostic d’élimination.
Il survient le plus souvent après 60 ans sous forme
d’instabilité le matin au réveil ou lors de la mobilisation de la
tête et du tronc. Il est en général calmé par un appui manuel ou
par une immobilisation par collier cervical. C’est d’ailleurs le
plus souvent que les patients contrôlent leur transfert de fac¸on
empirique. C’est exceptionnellement un vertige rotatoire vrai
sans élément cochléaire ou neurovégétatif [6].
Ce vertige cervical est le plus souvent associé à une souf-
france du rachis cervical supérieur douleur, raideur, signe de
dérangement intervertébral mineur ou de souffrance articulaire
postérieure. L’anesthésie des masses musculaires diminue très
souvent de fac¸on transitoire, les sensations vertigineuses [2].
À l’examen, on a même décrit un nystagmus cervical par
interférence de la proprioception cervicale sur le système ves-
tibulaire. Celui-ci est déclenché par la rotation du tronc quand
la tête est maintenue. Cependant, la discrimination de ce test
est faible puisqu’il est présent chez 10 % des sujets sains et
10 % des patients vestibulaires et 35 % des malades victimes
d’entorse cervicale. Très souvent, tout cela s’inscrit dans un
contexte d’anxiété, décompensée ou provoquée par le vertige
et entretenu à son tour par les contractures cervicales qu’elle
entraîne un véritable cercle vicieux [2,6].
L’examen clinique se terminera par des tests ophtalmolo-
giques simples à la recherche d’une parésie ou d’une paresse
d’un muscle oculomoteur. Le test de convergence lente de Baron
est le cover test, une attitude vicieuse de la tête lors du regard
de face binoculaire. Des anomalies de ces tests amèneraient à
pratiquer un bilan orthoptique et/ou ophtalmologique.
On ne manquera pas de terminer l’examen par la recherche
d’un syndrome algofonctionnel de l’appareil mandicateur et
articulé dentaire (Sadam). Cet examen comprend première-
ment le test de déconnexion dentaire de Meersmann Bonnier.
L’introduction entre les gencives d’un plan de morsure de
5 mm, par exemple une compresse, provoque une interrup-
tion transitoire des informations trijéminales et réduit les
troubles de l’équilibre. Le test du piétinement de Fukuda
(marche sur place les yeux fermés) va permettre de retrou-
ver une anomalie posturale dans l’espace. On peut pratiquer
ce test avant et après le test de déconnexion dentaire. En
cas de signes évocateurs d’un trouble de l’articulé dentaire,
douleurs de la mâchoire, signes de claquement, contrac-
tures musculaires palpables, signes de bruxisme retrouvés à
l’interrogatoire, test de Fukuda amélioré après le test de décon-
nexion dentaire, recherche d’anomalies occlusales, un bilan
orthodontique doit être pratiqué par un spécialiste compé-
tent.
5. Examen paraclinique
Il n’existe aucun examen spécifique authentifiant le vertige
cervical. On note parfois des lésions dégénératives arthrosiques
sur les radiographies standard. Un bilan vasculaire par doppler
paraît essentiel pour éliminer un ralentissement notable du flux
sanguin artériel.
6. Traitement
Le facteur étiologique proprioceptif musculaire dans sa
fonction de stabilisation cervicocéphalique représente la base
essentielle. Les immobilisations par collier cervical doivent être
limitées. On privilégiera de ce fait le collier souple à porter
préférentiellement la nuit.
Les manipulations sont à réaliser avec grande précaution
[22,23]. En effet, leur utilisation ne semble pas toujours logique.
Il sera parfois difficile de distinguer les causes purement proprio-
ceptives des atteintes vasculaires. Enfin, sur un plan purement
médicolégal, il sera toujours difficile de faire la part d’une
aggravation d’un vertige après manipulations et les experts
médicojudiciaires semblent opposés en général à la pratique de
ces manipulations.
En revanche, la rééducation prend tous son sens. Revel et
al. [24] ont bien montré la nécessité de casser le découplage
oculocervical. La base essentielle est de replacer en alerte mul-
tidirectionnelle les unités et sous-unités fonctionnelles de la
musculature péricervicale sans se préoccuper de l’organisation
anatomique. Cela représente la base de la reprogrammation ocu-
locervicale. Cette technique comprend deux phases principales :
le découplage oculocervical, puis une participation cervicale par
travail de mobilisation passive et active du cou avec des lunettes
fovéales qui éliminent la vision périphérique. On peut remplacer
ces lunettes fovéales par une lorgnette en papier. On y associera
systématiquement le travail respiratoire
Références
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tation habituelle en médecine de ville et aspects concrets de la prise en
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