Groupe des permutations d’un ensemble fini. Applications. Par Nicolas Lanchier 1 1. Groupe symétrique. Définition 1.1 On appelle groupe symétrique d’indice n le groupe, noté Sn , des permutations de E = { 1, 2, . . . n }. Proposition 1.2 Le groupe Sn est d’ordre n ! Théorème 1.3 (Cayley) Si G est un groupe fini de cardinal n alors G est isomorphe à un sousgroupe du groupe symétrique Sn . [6], Sect. 1.4 Définition 1.4 On appelle cycle d’ordre k toute permutation σ = ( a1 , a2 , . . . ak ) ∈ Sn , telle que pour tout 1 ≤ i ≤ k, σ(ai ) = ai+1 , l’indice étant pris modulo k, et telle que pour tout a 6∈ { a1 , a2 , . . . ak }, σ(a) = a. [6], Sect. 1.0 Définition 1.5 On appelle transposition tout cycle d’ordre k = 2. [6], Sect. 1.0 Théorème 1.6 Toute permutation σ ∈ Sn se décompose de façon unique en produit de cycles disjoints, le nombre de ces cycles étant égal au nombre de σ-orbites distinctes dans E. [6], Sect. 1.4 Application 1.7 Le nombre N de façons de colorier un cube avec k couleurs distinctes est donné par 1 (k 6 + 3k 4 + 12k 3 + 8k 2 ) N = 24 [5], Sect. 4.3 Théorème 1.8 Le groupe Sn est engendré par les transpositions. [6], Sect. 1.1 2. Groupe alterné. Définition 2.1 On appelle signature l’application ε : Sn −→ { −1 , +1 } définie par ε(σ) = (−1)n−k où k désigne le nombre de σ-orbites dans E. [1], Sect. 3.2 Définition 2.2 Une permutation σ est dite paire si ε(σ) = 1, impaire sinon. Proposition 2.3 Si σ est un cycle d’ordre k alors ε(σ) = (−1)k+1 . En particulier, si τ est une transposition ε(τ ) = −1. Proposition 2.4 Pour tout σ ∈ Sn ε(σ) = Y 1≤i<j≤n σ(j) − σ(i) j−i [4], Sect. 1.2 1 Tout usage commercial, en partie ou en totalité, de ce document est soumis à l’autorisation explicite de l’auteur. Définition 2.5 On appelle groupe alterné d’indice n le groupe, noté An , des permutations paires, i.e. An = Ker(ε). [6], Sect. 1.0 Théorème 2.6 Pour n ≥ 3, les 3-cycles engendrent An . [6], Sect. 1.1 Théorème 2.7 Pour n ≥ 5, le groupe alterné An est simple, i.e. n’admet pas de sous-groupe distingué non trivial. [6], Sect. 1.8 3. Application à la théorie de Galois. Définition 3.1 Le groupe de Galois d’une extension de corps K ⊂ L, noté Gal(L | K), est le groupe des K-automorphismes de L, i.e. des automorphismes σ : L −→ L tels que pour tout x ∈ K, σ(x) = x. [2], Sect. 8.5 Définition 3.2 Le groupe de Galois d’un polynôme P ∈ K[X] est le groupe Gal(L | K) où L est le corps de décomposition de P sur K. [2], Sect. 8.5 Proposition 3.3 Soient P ∈ K[X] un polynôme, G son groupe de Galois et E l’ensemble de ses racines. Alors G s’identifie à un sous-groupe du groupe symétrique S(E). [3], Ex 4.16 Preuve. Soient σ ∈ G et x ∈ E. Puisque σ laisse les éléments de K invariants, P (σ(x)) = an [σ(x)]n + · · · + a1 σ(x) + a0 = σ(an xn + · · · + a1 x + a0 ) = σ(P (x)) = σ(0) = 0. En particulier, σ(E) ⊂ E. Comme de plus σ est bijectif (en tant qu’automorphisme), il permute les racines de P . Ceci nous permet de considérer l’application ψ : G −→ S(E) qui à un élément σ ∈ G associe sa restriction à E. Pour conclure, il suffit de montrer que ψ est un monomorphisme. Le fait que ψ soit un morphisme de groupes est trivial. Pour établir l’injectivité, supposons que ψ(σ) = idE . En remarquant que le corps de décomposition de P est le K-espace vectoriel L engendré par les xi avec x ∈ E et i = 1, 2, . . . , n − 1, il est facile de conclure que σ est l’automorphisme identité. Il en résulte que ψ est injective d’où le résultat. Définition 3.4 Un groupe fini G est dit résoluble s’il existe une suite finie G0 , G1 , . . . , Gr de sous-groupes de G, appelée suite de résolubilité, telle que 1. {e} = Gr ⊂ Gr−1 ⊂ · · · ⊂ G0 = G. 2. Gi+1 est distingué dans Gi pour tout 0 ≤ i ≤ r − 1. 3. Gi /Gi+1 est un groupe commutatif pour tout 0 ≤ i ≤ r − 1. De façon équivalente, un groupe G est résoluble s’il existe un entier s tel que Ds (G) = {e}, où l’ensemble D(G) désigne le groupe engendré par les commutateurs de G, i.e. les éléments [x, y] = x−1 · y −1 · x · y pour tous x et y dans G. [2], Ch. 11 Lemme 3.5 Le groupe symétrique Sn n’est pas résoluble pour n ≥ 5. Preuve. Soient (a1 , a2 , a3 ) un 3-cycle de Sn , a4 et a5 deux éléments de {1, 2, . . . , n} distincts de a1 , a2 et a3 . Comme [(a1 , a3 , a4 ), (a2 , a3 , a5 )] = (a1 , a3 , a4 )−1 · (a2 , a3 , a5 )−1 · (a1 , a3 , a4 ) · (a2 , a3 , a5 ) = (a1 , a2 , a3 ), chacun des 3-cycles appartient à D(Sn ). Par ailleurs, l’ensemble des 3-cycles engendre An de sorte que An ⊂ Ds (Sn ) pour tout entier s ≥ 0. En particulier, Sn n’est pas résoluble. Définition 3.6 Une extension K ⊂ L est radicale s’il existe une tour de corps K0 , K1 , . . . , Kr , appelée tour radicale, telle que 1. K = K0 ⊂ K1 ⊂ · · · ⊂ Kr = L ; 2. Pour tout 1 ≤ i ≤ r, il existe ai ∈ Ki et ni ≥ 1 tels que Ki = Ki−1 [ai ] et ani i ∈ Ki−1 . Un polynôme P de K[X] est dit résoluble par radicaux s’il existe une extension radicale L ⊂ K contenant le corps de décomposition de P sur K. [2], Ch. 12 Théorème 3.7 (Galois) Si un polynôme P est résoluble par radicaux alors son groupe de Galois est résoluble. [2], Ch. 12 Preuve. Voir la leçon 104. Théorème 3.8 Le polynôme P (X) = X 5 − 10X + 5 considéré comme polynôme à coefficients dans Q n’est pas résoluble par radicaux. [2], Sect. 12.3 Preuve. D’après le théorème 3.7 et le lemme 3.5, il suffit de montrer que le groupe de Galois du polynôme P est isomorphe à S5 . Notons G le groupe de Galois de P et N son corps de décomposition. D’après la proposition 3.3, nous savons déjà que G est isomorphe à un sous-groupe de S5 . Par ailleurs, une étude de fonction montre que P admet trois racines réelles distinctes x1 , x2 , x3 et deux racines complexes conjuguées z et z̄. Tout d’abord, la conjugaison sur C induit un élément σ1 dans G échangeant z et z̄ et fixant les trois autres racines : σ1 s’identifie à une transposition de S5 . De plus, le polynôme P étant irréductible d’après le critère d’Eisenstein, chacune de ses racines est algébrique sur Q de degré 5. En particulier, [N : Q ] = [N : Q (x1 )] · [ Q (x1 ) : Q ] est un multiple de 5. Il en est de même, en vertu du théorème de correspondance de Galois, de l’ordre de G puisque l’extension Q ⊂ N est normale. On obtient donc, par application du théorème de Cauchy, l’existence d’un élément σ2 ∈ G d’ordre 5 qui s’identifie à un 5-cycle de S5 . Or, une transposition et un 5-cycle suffisent à engendrer S5 . Donc G est isomorphe à S5 . Références [1] Josette Calais. Eléments de théorie des groupes. Puf, 1998. [2] Jean-Pierre Escofier. Théorie de Galois, cours et exercices corrigés. Dunod, 1997. [3] Hervé Francinou, Serge Gianella. Exercices de mathématiques pour l’agrégation, algèbre 1. Masson, 1995. [4] Xavier Gourdon. Les maths en tête. Algèbre. Ellipses, 1994. [5] Eric Lehman. Mathématiques pour l’étudiant de première année. Algèbre et géométrie. Belin, 1984. [6] Daniel Perrin. Cours d’algèbre. Ellipses, 1996.