M. Wybier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762 757
Tableau 1
Séries non compliquées d’injections foraminales cervicales radioguidées
Cyteval et al. [21] :30cas
Vallée et al. [19] :43cas
Bush et Hillier [15] :68cas
Huston et al. [22] : 89 cas consécutifs
Série collégiale de plus de 300 cas en pratique libérale (non publiée)
Série collégiale de l’hôpital Lariboisière de plus de 350 cas (non publiée)
on opacifie l’espace épineural, qui apparaît comme une image
en rail. Enfin, un dérivé cortisoné en suspension (acétate de
prednisolone en France) est injecté.
Plusieurs études ouvertes font état d’un taux de très bons
et bons résultats d’environ 60 % de la population traitée
(Tableau 1)[14–19], avec une amélioration comparable pour
la douleur radiculaire et la douleur cervicale [19]. Bush et
Hillier disent avoir évité un traitement chirurgical à 100 % de
leurs 68 patients [15]. À titre de comparaison, le traitement
chirurgical de la névralgie cervicobrachiale donne 64 à 96 %
de bons résultats selon une revue de la littérature de 1994
[20]. Rappelons aussi que l’évolution naturelle de la névralgie
cervicobrachiale commune se fait vers la guérison dans 80 à
90 % des cas [20], information qu’il est loyal de donner au
patient avant une injection cortisonée dirigée ou traitement chi-
rurgical (Tableau 2). Cependant, le risque d’échec de l’injection
cortisonée est aussi influencé par l’ancienneté de la douleur : il
passe de 40 % pour les douleurs de moins de six mois à 80 %
pour celles de plus de 18 mois [19], ce qui fait évidemment
hésiter à laisser l’évolution naturelle suivre son cours sur un
nombre excessif de mois. De plus, la douleur radiculaire à
traiter est souvent très pénible, son niveau moyen sur une
échelle visuelle analogique étant supérieur à 6 [16,21]. Le lien
de cause à effet entre l’injection cortisonée et l’amélioration
clinique est suggéré par le bref délai qui les sépare, une à deux
semaines [16,19], et l’absence d’amélioration supplémentaire,
passé ce délai initial [19]. On ne sait pas si l’échec d’une
première injection peut être suivi du succès d’une seconde. La
reproduction de la douleur symptomatique au cours du geste
n’a aucune valeur prédictive pour le résultat clinique [19].
Les complications de l’injection cortisonée radioguidée du
foramen cervical sont exceptionnelles. Dans notre série col-
légiale non publiée de 650 cas ambulatoires consécutifs (en
pratique libérale ou hospitalière), aucune complication n’est à
déplorer à ce jour. L’étude prospective des effets secondaires de
Tableau 2
Complications de la chirurgie discale cervicale par voie antérieure [3,28]
Aggravation d’une myélopathie pré-existante : 3,3 %
Contusion médullaire sévère : 1 cas
Hématome (1 %) ou abcès (0,2 %) épidural
Infection locale : 1 %
Blessure d’une racine nerveuse : 1 %
Paralysie du récurrent :1à8%
Syndrome de Claude-Bernard-Horner : 1 %
Insuffisance respiratoire : 1 %
Instabilité intervertébrale : 1 %
Blessure du pharynx (0,2 %) ou de l’œsophage (0,4 %)
Méningite par perforation durale : 0,2 %
l’«injection sélective radioguidée des racines nerveuses cervi-
cales » avec évaluation en insu contre groupe témoin de Huston
et al. ne fait état d’aucune complication traumatique ni isché-
mique dans une série de 89 injections foraminales cervicales
consécutives [22] ; dans cette étude, aucune complication même
mineure n’a été observée dans 91 % des cas ; les désagréments
mineurs du geste sont, à côté du réveil transitoire de la cervi-
calgie et de la radiculalgie, un « étourdissement » (13,5 % des
cas), une nausée (3,4 % des cas), une céphalée non spécifique
(4,5 % des cas). À trois mois, il n’y avait aucune différence
entre le groupe traité et le groupe témoin au regard des évène-
ments indésirables. Dans une série de 134 injections dirigées
d’un foramen cervical entre C3 et T1 comprenant une stimu-
lation mécanique du nerf par l’aiguille destinée à un travail de
corrélation radioanatomique, aucune complication n’est signa-
lée [23]. Le risque d’un malaise vagal transitoire peut atteindre
25 % quand le geste est pratiqué sur un patient vertical [19].
Cependant, les publications sur des complications graves liées
à l’injection dirigée d’un foramen cervical se sont succédées
dans la littérature médicale, principalement anglophone à notre
connaissance, depuis 1999 [8,10–13,24]. Il peut s’agir d’un syn-
drome de l’artère spinale antérieure, par infarctus médullaire
[8,11,24] ou d’un infarctus cérébelleux [10,12,25], entraînant le
décès du patient ou de lourdes séquelles neurologiques. Dans
les deux types d’accidents, les complications s’installent en
24 heures, les premiers signes apparaissant au cours des minutes
qui suivent l’injection, ce qui exclut la mise en cause d’un éven-
tuel effet démyélinisant du dérivé cortisoné ou d’un excipient.
2.2.1. Le syndrome de l’artère spinale antérieure cervicale
Le syndrome de l’artère spinale antérieure cervicale
associe paralysie motrice des quatre membres, insensibilité
thermoalgésique et conservation de la sensibilité propriocep-
tive ; il s’accompagne d’images IRM d’infarctus médullaire
antérieur étendu verticalement en amont du niveau de l’injection
[7] (Fig. 3) et, exceptionnellement, étendu aux cordons médul-
laires postérieurs [26] ; il pourrait être en rapport avec
l’obstruction d’une artère par un embole médicamenteux ; en
effet, les cristaux d’acétate de méthylprednisolone, d’acétonide
de triamcinolone et de dexaméthasone ont un diamètre de plus de
50 (la bétaméthasone a des cristaux de diamètre très inférieur)
et sont susceptibles de phénomènes de coalescence secondaire
à l’origine d’agrégats de plus de 100 pour les deux derniers ;
la taille de ces cristaux ou de leurs agrégats est à comparer au
calibre des artères à destinée spinale : 0,2 à 0,5 mm pour l’artère
spinale antérieure [27], un calibre inférieur pour ses branches
intramédullaires ; de tels agrégats sont donc à même d’obstruer
le réseau artériolaire terminal qui irrigue les cornes ventrales, la
base des cornes dorsales et une grande partie des tractus ven-
trolatéraux de la moelle (Fig. 4). L’embolie médullaire suppose
donc une injection intra-artérielle accidentelle : elle ne concerne
pas l’artère vertébrale, dont la piqûre accidentelle donne des
infarctus non pas médullaires, mais cérébelleux (cf. infra). Le
risque est lié à la piqûre d’une artère inhabituelle située à la par-
tie postérieure du foramen [28], là où, inspirée par les données
anatomiques classiques, la technique du cathétérisme forami-
nal prétend placer l’aiguille d’injection. Il ne s’agit jamais des