Collège des Saints Cœurs Examen 2, juin 2010
Sioufi Classe : 6
e
Durée : 120 minutes
Nom :…………………… N : …
Français
« Cochon ! Vilain cochon ! »
La voix provenait d’une maison entourée d’un muret, derrière lequel on pouvait apercevoir, entre des carrés de
salades, des cages à lapins pauvrement bricolées et du linge qui séchait. Quelques poules picoraient çà et là. Un
grand chien d’allure sympathique se promenait dans la cour en flairant parmi les volailles, que sa présence ne
troublait guère.
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La porte de la maison s’ouvrit et un garçon en sortit, portant une bassine. Ses cheveux roux en désordre
retombaient n’importe comment sur son museau, parsemé de taches de rousseurs. De sa culotte trop grande
émergeaient des jambes maigres, aux genoux cagneux1, terminées par de grosses bottines à boutons. Crottées,
ces bottines. Très crottées. Et vraiment mal en point.
« Dégoûtant ! Petite salissure ! » continuait la voix derrière lui. ١٠
Une femme en tablier apparut à son tour. Elle semblait furibonde2 et restait sur le seuil, à invectiver
rageusement3 son fils :
« Surtout, pose-la bien en vue ! Il faut que tous les voisins défilent devant, pour ta confusion ! »
Le rouquin obéit, la mine renfrognée4. Puis la mère s’éclipsa et il resta seul, à côté de sa bassine, à ruminer5.
« Salut mon pote, dit Doudou, s’avançant vers lui. T’as des ennuis ? »
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L’autre leva la tête, le regarda d’un air ahuri, ainsi qu’Adi qui l’accompagnait. On dirait qu’il n’avait jamais
vu de Noirs.
Guillaume s’approcha à son tour.
« Ils ont une drôle de couleur, tes amis ! » dit le rouquin.
Le grand rire de Doudou lui répondit :
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« Eh-oui !-On-a-tous-des-couleurs-ééétranges :-j’suis-noir-Guillaume-est-blanc-et-toi-t’es-oooorange.
La-nature,-son-truc,-c’est-la-variété,-c’est–pour-ça-qu’l’arc-en-ciel-a-été-inveeen-té ! »
Le rouquin réfléchit un instant, puis tendit la main aux trois autres. L’argument de Doudou l’avait convaincu.
« Mme Lepic m’appelle « Poil de Carotte », dit-il.
‐ Qui est Mme Lepic ? demanda Guillaume.
٢٥
‐ Ma mère. Elle me trouve laid parce que je suis roux.
‐ Bienvenue au club des teints difficiles à porter ! » pouffa Adi, l’œil débordant de malice.
Ces dernières paroles achevèrent de dérider Poil de Carotte.
« Vous, vous me plaisez ! déclara-t-il. Vous n’êtes pas comme mon frère et ma sœur, qui se moquent tout le
temps de moi, et qui n’arrêtent pas de me faire des misères ! »
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Avec enthousiasme, il tendit la main à ses nouveaux amis. Ce geste un peu vif fit tomber quelque chose de sa
poche. Quelque chose de vert, de poisseux, en forme de croissant.
« C’est quoi ce machin ? »
Poil de Carotte rougit.
« Une écorce de melon », avoua-t-il.
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Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour s’assurer que personne ne le voyait et, baissant le ton :
« Maman ne veut pas me donner de melon à table parce que c’est difficile à couper en cinq. Alors elle prétend
que je n’aime pas ça et je n’ose pas la contredire. En réalité j’en raffole. Alors quand elle m’envoie porter les
déchets aux lapins, je vole les rognures que les autres ont mal raclées et où il reste encore un peu de rose, et je
les lèche. »
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Il regarda son trophée avec gourmandise, y passa un coup de langue furtif, et le refourra bien vite dans sa poche.
« J’en ai jamais goûté d’aussi sucré ! » apprécia-t-il.
Depuis un bon moment déjà, Guillaume était intrigué par le contenu de la cuvette.
« Qu’est-ce qu’il y a, là-dedans ? »
Toute la joie de Poil de Carotte s’effaça de son visage.
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« Des poux », répondit-il, lugubre. 1/4