Les pratiques commerciales agressives

publicité
Sommaire SOMMAIRE ................................................................................................................................................................ 1 INTRODUCTION ......................................................................................................................................................... 2 Section 1 La nécessité d’une nouvelle moralisation des ventes au consommateur ........................................................... 2 Section 2 L’instauration d’une réglementation homogène au sein de l’Union européenne sur les pratiques commerciales déloyales ....................................................................................................................................................... 6 PARTIE 1 LE NOUVEAU PRINCIPE D’INTERDICTION DES PRATIQUES COMMERCIALES AGRESSIVES ...................................................... 10 Titre 1 Le champ d’application de la règlementation des pratiques commerciales agressives .............................. 10 Chapitre 1 Un champ d’application ratione materiae étendu .............................................................................................. 11 Section 1 Le domaine visé ................................................................................................................................................. 11 Section 2 Le domaine exclu ............................................................................................................................................... 16 Chapitre 2 Un champ d’application ratione personae limité ................................................................................................. 20 Section 1 L’auteur de la pratique ...................................................................................................................................... 20 Section 2 Le destinataire de la pratique ............................................................................................................................ 23 Titre 2 Les éléments constitutifs de l’infraction ...................................................................................................... 31 Chapitre 1 Le caractère agressif d’une pratique commerciale ............................................................................................. 31 Section 1 La définition hybride du caractère agressif ....................................................................................................... 32 Section 2 Les critères d’appréciation du caractère agressif .............................................................................................. 39 Chapitre 2 Les pratiques commerciales réputées agressives ................................................................................................ 43 Section 1 Analyse de la liste des pratiques commerciales réputées agressives ............................................................... 43 Section 2 Portée de la liste des pratiques commerciales réputées agressives ................................................................. 49 PARTIE 2 LA MISE EN ŒUVRE DES PRATIQUES COMMERCIALES AGRESSIVES .................................................................................... 54 Titre 1 Un arsenal répressif lourd ............................................................................................................................ 54 Chapitre 1 La recherche et la constatation des pratiques commerciales agressives ............................................................ 54 Section 1 Les larges pouvoirs d’enquêtes de la DGCCRF .................................................................................................. 55 Section 2 Un contrôle renforcé des pratiques commerciales agressives .......................................................................... 60 Chapitre 2 La répression des pratiques commerciales agressives ......................................................................................... 64 Section 1 La poursuite des pratiques commerciales agressives ....................................................................................... 64 Section 2 Les peines encourues ........................................................................................................................................ 69 Titre 2 Les impacts de la règlementation des pratiques commerciales .................................................................. 75 Chapitre 1 L’étendue de la protection du consommateur contre les pratiques commerciales agressives .......................... 75 Section 1 Une protection sensiblement renforcée pour le consommateur européen ..................................................... 75 Section 2 Une protection relative pour le consommateur français .................................................................................. 80 Chapitre 2 La profonde remise en cause du droit français de la promotion des ventes ....................................................... 86 Section 1 La portée de l’harmonisation maximale effectuée par la directive sur les pratiques commerciales déloyales 87 Section 2 Des répercussions d’une ampleur considérable ................................................................................................ 92 CONCLUSION ........................................................................................................................................................... 98 ANNEXES ................................................................................................................................................................. 99 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................................... 104 TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES ....................................................................................................................... 109 1 Introduction Section 1 La nécessité d’une nouvelle moralisation des ventes au consommateur Pour que l’expression bien connue « la raison du plus fort est toujours la meilleure » de Jean de la Fontaine ne triomphe dans les relations économiques entre un professionnel et un consommateur, il est nécessaire que ces relations soient gouvernées par un principe de loyauté. La notion de loyauté qui imprègne l’ensemble des relations contractuelles entre professionnels et consommateurs est une notion difficile à définir car son contenu demeure incertain, flou et appartient plus au domaine de la morale qu’à celui du droit. Dans sa version traditionnelle, la loyauté peut être définie comme une règle de conduite qui exige des sujets de droit une honnêteté exclusive de toute intention malveillante. Il apparaît qu’en droit de la consommation, ce devoir de loyauté consiste à ne pas traiter le consommateur comme une proie ou un adversaire mais comme un contractant qui doit être informé, renseigné, mis en garde et qui ne doit pas être trompé, abusé, agressé, manipulé et mis en danger. Dès le code d'Hammourabi1, la loyauté des échanges commerciaux apparaît comme un principe sanctionné pénalement. Ceux qui ne fournissent pas une marchandise loyale et marchande encouraient une sanction pénale. On retrouve les mêmes idées à Rome ou dans notre ancien droit. L'utilisation de fausses mesures, de faux poids, la fourniture de marchandises "mixtionnées" sont sanctionnées de peines criminelles2. La loyauté n'apparaît pas directement dans le Code civil de 1804 mais elle est sous-­‐jacente dans les articles consacrés au droit des contrats et notamment à la vente. L'article 1109 du Code civil, consacré notamment au dol et à la violence, définis comme un vice du consentement, serait à lui seul la manifestation de l'importance attachée à la loyauté dans la formation du contrat. Mais il existe aussi le dernier alinéa de l'article 1134, qui exige que les conventions soient exécutées de bonne foi, et l'article 1641, consacré à la garantie des vices cachés. La loyauté constitue, dès cette époque, un principe général du droit des contrats bien que la traduction de ce principe reste difficile dans la réalité concrète. L'évolution des relations commerciales conduira le législateur à préciser cette nécessité du respect de la loyauté dans les contrats, notamment ceux qui sont conclus avec des consommateurs. 1
2
1700 avant J.C. Jousse, Traité de la justice criminelle en France : 1771, T. III, p. 370. 2 La loi du 1er août 1905, dans une disposition devenue aujourd'hui l'article L212-­‐1 du Code de la consommation affirme de manière beaucoup plus claire le principe : « dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs ». Mais cette affirmation ne concerne que les produits, il n'est rien dit de la loyauté des pratiques commerciales. La loi de 1905 sanctionne les fraudes et les falsifications, et non la déloyauté dans les méthodes de vente. Il faudra attendre beaucoup plus longtemps pour que le législateur se préoccupe de la déloyauté dans les techniques de vente ou les méthodes de promotion des ventes, pour des impératifs moraux mais surtout économiques. En France, comme dans la plupart des pays, ce sont les concurrents qui ont été les premiers protégés, en vertu de la théorie de la concurrence déloyale, remontant au XIXe siècle et se fondant sur l’article 1382 du code civil. L’extension de cette préoccupation à la défense des consommateurs est apparue plus tard, dans la lignée des lois du 5 novembre 1953, qui prohibaient le procédé de vente dit « à la boule de neige », et du 2 juillet 1963 sanctionnant la publicité mensongère. Il faudra attendre les années 1970 pour que la loyauté à l'égard des consommateurs soit de plus en plus affirmée dans nos textes, avec les lois du 22 décembre 1972, sur le démarchage, et du 10 janvier 1978, sur le crédit. Précises et assorties de sanctions pénales, les règles issues des grandes lois consuméristes de ces trente dernières années, portant notamment sur les soldes, la publicité, les ventes à perte, le démarchage et les contrats à distance, ont donc permis d’élaborer un cadre juridique très complet, et se sont employées à ce que « la sphère contractuelle ne soit pas une autre jungle où jouerait la loi du plus fort juridiquement, mais devienne un lieu civilisé, c’est-­‐à-­‐dire régi par un minimum de respect mutuel entre les cocontractants »3. Cependant, ce cadre juridique apparait insuffisant dans un contexte de mondialisation et de réalisation du Marché Intérieur, où les relations économiques s’effectuent en dehors des frontières, encouragées ces dernières années par les progrès technologiques. Un cadre juridique de dimension européenne sur la déloyauté des pratiques commerciales devait en effet être créé. Les autorités communautaires ont donc jugé bon d’adopter successivement plusieurs directives sur la publicité trompeuse4, les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux5, les contrats à distance6, la publicité comparative7 et le commerce électronique8. 3
Bénabent A., Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 1997, p. 300. Directive 84/450/CEE, du 10 septembre 1984. 5
Directive 85/577/CEE, du 20 décembre 1985. 6
Directive 97/7/CE, du 20 mai 1997. 7
Directive 97/55/CE, du 6 octobre 1997. 8
Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000. 4
3 Néanmoins, la plupart des directives qui font partie de l'acquis en matière de protection des consommateurs se fondent sur un système prescriptif, plutôt que sur un système de principes. La majorité d'entre elles ne répondent plus tout à fait aux exigences des marchés d'aujourd'hui, caractérisés par une évolution rapide. Ce problème est particulièrement grave étant donné l'importance croissante de la technologie et des services numériques, où d'épineuses questions se posent concernant les droits des utilisateurs, par comparaison aux ventes de biens matériels. De plus, la législation communautaire en matière de protection des consommateurs est fragmentée de deux manières. En premier lieu, les directives actuelles autorisent les États membres à adopter des règles plus strictes dans leur législation nationale, et de nombreux États membres font usage de cette possibilité pour garantir un niveau plus élevé de protection des consommateurs. En second lieu, maintes questions sont abordées de manière contradictoire dans les différentes directives ou sont laissées ouvertes. Il en ressort une règlementation éclatée des pratiques commerciales déloyales entre les 25 Etats membres de l’Union Européenne. Ainsi, certains États membres disposent d'un seul texte législatif comprenant une ou plusieurs clauses générales9, d'autres codifient les dispositions en droit privé ou dans le code civil10, d'autres encore ne possèdent aucun cadre juridique précis mais des règles spécifiques figurant dans divers textes de lois11. Enfin, à l'exception de la publicité, nombres de méthodes de vente, telles que les ventes avec primes, les ventes pyramidales, les loteries et les concours relèvent encore du domaine non harmonisé. Cette disparité induit une insécurité juridique qui incite les entreprises et les consommateurs à se replier sur leur marché national, freinant la réalisation du marché intérieur12. En premier lieu, sans une protection efficace des consommateurs, les pratiques commerciales déloyales minent considérablement leur confiance. D'après une récente enquête Eurobaromètre13, 26 % seulement des consommateurs de l'Union européenne ont acheté des biens et des services auprès d'entreprises établies dans d'autres États membres de l'Union. Si la vente à distance est un phénomène en pleine expansion, seuls 6 % des consommateurs ont procédé à des achats sur l'internet auprès d'entreprises établies à l'étranger. Une des raisons pour lesquelles les consommateurs hésitent à effectuer des achats transfrontaliers est qu'ils ne peuvent être certains que le niveau de protection dont ils bénéficient 9
Notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande et la Suède. Notamment la France, les Pays-­‐Bas et l’Italie. 11
Par exemple, le Royaume-­‐Uni et l’Irlande. 12
SEC (2003) 724, 18 juin 2003 : Evaluation d’impact approfondie sur les pratiques commerciales déloyales. 13
Enquête menée entre février et mars 2006. 10
4 chez eux restera le même s'ils achètent des produits au-­‐delà de leurs frontières. Par exemple, la durée du délai de réflexion pour les achats à distance varie d'un État membre à l'autre, plaçant les consommateurs dans l'incertitude. En effet, dans le cadre d'une autre enquête concernant les achats transfrontaliers en général14, les consommateurs plus réticents à acheter des produits dans un autre pays de l'UE que dans le leur ont été invités à expliquer le pourquoi de leur méfiance. Pour 68 % des ces consommateurs, le moindre niveau de protection des consommateurs assuré par les dispositions législatives constitue un motif de méfiance très important ou relativement important, tandis que 76 % estiment que le manque de confiance dans les vendeurs étrangers et la crainte d'un plus grand risque de fraude ou de tromperie constituent un facteur très important ou relativement important. 71 % pensent que les problèmes sont plus difficiles à résoudre si l'achat a été effectué auprès d'entreprises situées dans d'autres États membres. Pour un nombre encore plus élevé de consommateurs, l'incertitude née de l'ignorance du degré de protection des consommateurs prévu par d'autres pays de l'UE constitue un facteur dissuasif, 79% des personnes interrogées considérant cet élément comme un obstacle important. En second lieu, les entreprises, victimes de distorsions de concurrence et de coûts accrus vu la diversité des contraintes nationales, sont réticentes à avoir des activités transfrontières de marketing et de vente. Ces différences engendrent généralement des frais supplémentaires de mise en conformité pour les entreprises, tels que des frais de conseil juridique, des frais liés à la modification des supports informatifs ou promotionnels ainsi qu'à celle des contrats ou, en cas de non-­‐respect de la réglementation en vigueur, d'éventuels frais de justice. Ce problème est souvent cité par les entreprises comme une des raisons qui les dissuadent d'étendre leurs activités au-­‐delà de leurs frontières. On recense même des cas où les professionnels refusent de vendre à des clients dans d'autres États membres. Selon une récente enquête Eurobaromètre15, 33 % des consommateurs rapportent en effet avoir essuyé un refus de vente de produits ou de services au motif qu'ils ne résidaient pas dans le même pays que le professionnel. En résumé, des obstacles juridiques spécifiques provoqués par la réglementation fragmentée des pratiques commerciales déloyales entraînent des coûts, des complications et de l'insécurité pour les entreprises et un manque de confiance des consommateurs dans les transactions transfrontalières. Cette situation, de son côté, empêche les entreprises de vendre leurs produits aux consommateurs de manière transfrontalière et freine les achats de ces derniers. Les faibles niveaux de transactions transfrontalières qui en résultent limitent le choix offert aux 14
Eurobaromètre standard 57.2 et Flash Eurobaromètre 128 'Public Opinion in Europe: Views on Business-­‐to-­‐
Consumer cross-­‐border trade (Opinion publique en Europe: points de vue concernant le commerce transfrontalier d'entreprise à consommateur), 14 novembre 2002. 15
Enquête menée entre février et mars 2006. 5 consommateurs, réduisent la pression concurrentielle permettant une fixation efficace des prix et représentent une occasion manquée en termes de croissance économique. Les constats de ces insuffisances et problèmes font ressortir la nécessité d’instaurer une véritable règlementation homogène au sein de l’Union Européenne sur les pratiques commerciales déloyales. Section 2 L’instauration d’une réglementation homogène au sein de l’Union européenne sur les pratiques commerciales déloyales C'est en 2001 que s'est imposée l'idée de remédier aux obstacles à une stratégie européenne de commercialisation induits par les divergences nationales en matière de pratiques commerciales, telles la publicité, le marketing ou d'autres communications commerciales16. Après une longue consultation de ses partenaires, associations de consommateurs et organismes regroupant des professionnels, la Commission européenne a en effet ressenti la nécessité de donner aux consommateurs une plus grande confiance dans leur prise de décision commerciale17. Sans doute, un premier pas a-­‐t-­‐il été franchi par le vote du règlement 2006/2004 relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs, visant à lutter contre les professionnels malhonnêtes abusant de la liberté qu'offre le marché intérieur, soit en ciblant des consommateurs vivant dans d'autres pays de l'Union, soit en se plaçant eux-­‐mêmes dans une autre juridiction que leurs clients. Mais ce n'est que le 11 mai 2005 qu'est enfin adopté, sur le fondement de l'article 95 du Traité CE, un texte spécifique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs18. C'est au nom de la régulation du marché que la Commissaire européenne a justifié la directive 2005/29 relative aux pratiques déloyales : « les pratiques déloyales conduisent à l'escroquerie des consommateurs et à la distorsion des marchés concurrentiels. Sur le marché unique européen, il ne peut pas y avoir de place pour les professionnels qui font pression sur les consommateurs, les intimident ou les induisent en erreur... »19. L’objet de cette directive est donc la conciliation de deux impératifs de la politique communautaire longtemps présentés comme antagonistes et se rejoignant finalement pour se compléter. La protection du consommateur, véritable acteur économique, contribue à favoriser l’expansion des activités transfrontalières et le développement du marché intérieur20. 16
Livre vert sur la protection des consommateurs dans l'Union européenne, COM (2001) 531, 2 oct. 2001 ; égal. COM (2002) 289, 11 juin 2002 : « Suivi du livre vert sur la protection des consommateurs dans l'Union européenne ». 17
Proposition Dir. Cons. et Parl. CE, 18 juin 2003, Doc. COM (2003) 356 final. 18
Directive 2005/29, JOUE L. 149, 11 juin 2005. 19
Communiqué de presse Europa, n°IP/07/1915, 12 décembre 2007. 20
Considérant 2 de la directive du 11 mai 2005. 6 Il s’agit de supprimer les derniers obstacles aux libertés de circulation de marchandises et de services et de protéger le consommateur à l’occasion des relations commerciales qu’il est susceptible de nouer avec des professionnels présents sur le marché intérieur. Pour assurer pleinement cet objectif, il fallait réorienter le droit communautaire de la consommation, jugé trop sectoriel, voire lacunaire, vers une harmonisation globale des législations internes. Au lieu de prescrire des normes sectorielles, les institutions communautaires ont, pour la première fois, adopté une directive cadre qui couvre l’ensemble des pratiques commerciales susceptibles d’affecter les droits des consommateurs. Le texte pose ainsi, dans son article 5, une règle générale interdisant les pratiques commerciales déloyales, c’est-­‐à-­‐dire les comportements de professionnels contraires aux exigences de la diligence professionnelle qui altèrent ou sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. Remarquons que le texte ne définit pas de manière positive ce qu'il faut entendre par pratique commerciale loyale. La méthode choisie permet, par conséquent, de ne pas figer les comportements acceptables ou non, les professionnels restant, de ce fait, libres d'inventer de nouvelles pratiques. Aux termes des articles 6 à 9, relèvent des pratiques commerciales déloyales les actions ou omissions trompeuses ainsi que les pratiques agressives, qui se caractérisent par un harcèlement, une contrainte ou une influence injustifiée. Une annexe dresse, en outre, une liste de trente et une pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Il convient de surcroît de souligner que, à la différence des directives antérieures en matière de consommation, la directive 2005/29/CE prescrit une harmonisation intégrale, c’est-­‐à-­‐dire que les États membres sont tenus d’adopter des règles de protection identiques contre les pratiques déloyales, aucune possibilité d’appliquer une législation plus rigoureuse ne leur étant laissée au-­‐
delà de juin 2013. Les grandes nouveautés de la directive du 11 mai 2005 par rapport au droit français concernent, d’une part, la définition des actions et des omissions trompeuses, la directive se révélant sur ce point beaucoup plus large que l’actuel article L121-­‐1 du code de la consommation, relatif à la publicité trompeuse, et, d’autre part, l’interdiction de toute pratique de vente se caractérisant par des méthodes de harcèlement ou par des pressions psychologiques sur le consommateur, le code de la consommation ne reconnaissant jusqu’alors que le délit d’abus de faiblesse21, qui protège seulement les personnes les plus vulnérables. La directive 2005/29/CE devait être transposée avant le 12 juin 2007. Le projet de loi en faveur des consommateurs, présenté sous la législature précédente, envisageait de le faire dans les délais prescrits mais le temps a finalement manqué à son adoption. 21
Articles L122-­‐8 à L122-­‐10 du Code de la consommation. 7 Ce n’est que le 20 décembre 2007, dans le cadre de la procédure d'urgence déclarée, par application de l'article 45 de la Constitution, qu’a été retenue et adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat la loi n°2008-­‐3 du 3 janvier 2008 « pour le développement de la concurrence au service des consommateurs », qui a ainsi transposé dans son article 39 la directive 2005/29/CE. En effet, soucieuse de voir la France abordée sa présidence de l’Union Européenne dans des conditions exemplaires, la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a introduit par la voie d’un amendement. Mais cette transposition à la hâte n’a pas été complète. Ainsi, notamment, la liste prévue par la directive des 31 pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances ne figurait pas dans l’article 39 de la nouvelle loi. Cette apparente négligence de nos instances nationales peut s'expliquer par la circonstance que l'impérieuse nécessité d'une transposition intégrale de la directive dans le dispositif légal français ne se ressentait pas, dans un domaine où le droit français n'avait pas à rougir de ses lacunes et avait même servi de modèle pour l'établissement des normes européennes. Mais cette négligence pouvait exposer la France à être condamnée une nouvelle fois pour mauvaise transposition d’une directive par la CJCE. La loi n°2008-­‐776 de modernisation de l’économie du 4 août 200822 est donc venue modifier et compléter la précédente. En effet, non prévue à l’origine dans le projet, la question des pratiques commerciales déloyales a été réexaminée par les parlementaires grâce à un amendement adopté lors du débat à l’Assemblée nationale, afin de rendre notre législation nationale parfaitement conforme au droit communautaire. Ce nouveau dispositif d’application immédiate peut être utilisé pour qualifier des faits commis et constatés à compter du lendemain de la publication de la loi n°2008-­‐3 du 3 janvier 2008, c’est-­‐à-­‐dire à partir du 5 janvier 2008. En effet, bien que les dispositions de la loi n°2008-­‐776 de modernisation de l’économie du 4 août 2008 soient entrées en vigueur le 5 août 2008, leur application dans le temps ne devrait pas poser de problèmes dans la mesure où ses ajouts ne créent pas de contraintes juridiques nouvelles. Les parlementaires n’ont pas souhaité introduire ces dispositions en bloc dans le Code de la consommation et ont préféré retenir une insertion tenant compte des dispositions préexistantes. L’introduction de ces modifications marque une évolution importante du droit de la consommation en entrainant un réaménagement de la structure du Code de la consommation, et plus précisément au titre II du livre 1er consacré aux pratiques commerciales. Tout d'abord, un chapitre préliminaire y est créé. Intitulé « Pratiques commerciales déloyales », ce chapitre introduit un article nouveau, l’article L120-­‐1, qui contient une définition 22
Articles 83 et 84 de la loi n°2008-­‐776 de modernisation de l’économie du 4 août 2008. 8 de la déloyauté et se borne à proclamer une interdiction de principe non assortie de sanction spécifique. Il précise également que « constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives ». Ensuite, en ce qui concerne le chapitre Ier, parmi les pratiques réglementées qu'il désigne, seule la première, objet de la section 1, est affectée. Au lieu de ne viser que la publicité et contenir, en un seul bloc, les articles L121-­‐1 à L121-­‐15-­‐3, cette section s'intitule désormais : « Pratiques commerciales trompeuses et publicité ». Enfin, le chapitre II fait lui aussi l'objet d'une modification dictée par la volonté de transposition de la directive du 11 mai 2005. C'est ainsi qu'au titre des pratiques commerciales illicites qui y sont décrites, figurent désormais à la section 5 les « pratiques commerciales agressives ». Ces dernières donnent alors lieu à la création d'une nouvelle infraction, visée aux articles L122-­‐11 à L122-­‐15 du Code de la consommation. Est ainsi entendue comme pratique commerciale agressive, selon l’article L122-­‐11 du Code de la consommation, une pratique commerciale, qui, du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent, altèrent ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur, vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur, ou entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur. Considérée comme une catégorie de pratiques commerciales déloyales, sa nouveauté, son étendue et la complexité de sa définition hybride nous conduisent à étudier l’infraction des pratiques commerciales agressives. Quelle est donc cette nouvelle infraction de pratiques commerciales agressives ? Qu’est-­‐ce qui la caractérise ? Quels impacts cette nouvelle incrimination est-­‐elle susceptible d’engendrer sur la protection des consommateurs et le droit de la consommation ? Pour répondre à ces nombreuses questions, il conviendra dans un premier temps d’étudier ce nouveau principe d’interdiction des pratiques commerciales agressives (Partie 1), et dans un second temps de s’attacher à sa mise en œuvre (Partie 2). 9 PARTIE 1 Le nouveau principe d’interdiction des pratiques commerciales agressives Certes, la formule de « ventes agressives » n’est pas nouvelle puisque la doctrine l’employait déjà. Il s’agissait en réalité d’une formule générique englobant des méthodes de vente dans lesquelles le vendeur pesait ou tentait de peser sur le consentement du consommateur23. Mais le principe d’interdiction des pratiques commerciales agressives a fait son apparition dans notre droit depuis l’adoption de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005. En effet, ce principe n’existait pas à proprement parler tant au niveau communautaire qu’au niveau national. Les deux lois transposant cette directive ont ainsi instauré dans notre droit interne une nouvelle infraction générique. Il convient donc de déterminer de façon précise ce nouveau dispositif en analysant successivement son champ d’application (titre 1) et ses éléments constitutifs (titre2). Titre 1 Le champ d’application de la règlementation des pratiques commerciales agressives L’article 3-­‐1 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 précise que la règlementation s’applique « aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, avant, pendant et après une transaction commerciales portant sur un produit ». Il ressort de cet article deux points essentiels pour déterminer le champ d’application de la règlementation. En effet, elle concerne des pratiques commerciales avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit, ce qui dénote un champ d’application ratione materiae étendu (chapitre 1), et des pratiques effectuées par des entreprises vis-­‐à-­‐vis de consommateurs, qui réduit en conséquence son champ d’application ratione personae (chapitre 2). 23
Calais-­‐Auloy J., Les ventes agressives, D. 1970, chr., p. 37. 10 Chapitre 1 Un champ d’application ratione materiae étendu Afin d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs et de favoriser le développement de pratiques commerciales loyales au sein de l’Union Européenne, la directive a instauré une règlementation générale unique interdisant les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs. Pour que ces objectifs soient atteints, le droit communautaire a entendu donner à la règlementation un domaine matériel le plus large possible, en veillant néanmoins à respecter une certaine cohérence avec le droit existant. Dans un premier temps, il conviendra de s’attacher à délimiter le large domaine visé par la directive (section 1), pour ensuite déterminer celui qui est exclut de la règlementation (section2). Section 1 Le domaine visé Selon l’article 3 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, « la présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, (…) avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit ». Ainsi, elle vise des pratiques commerciales (I) en relation directe avec un produit (II). I-­‐
Les pratiques commerciales La notion de pratique commerciale est définie par la directive du 11 mai 2005 à l’article 2 d). Selon celui-­‐ci, il faut entendre par pratique commerciale « « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs ». Cette notion, qui n’existait pas auparavant, vient donc d’être consacrée par le droit communautaire (A), qui la définit de la manière la plus large (B). A-­‐ Une notion nouvelle consacrée par le droit communautaire La notion de pratique commerciale n’est pas définie par la loi. En effet, après avoir posé le principe de l'illicéité des pratiques commerciales déloyales et agressives24, la loi en donne des éléments d'appréciation, mais en revanche, elle ne se soucie pas 24
Article L120-­‐1 et L122-­‐11 du Code de la consommation. 11 de définir les pratiques commerciales. Il y a donc un renvoi implicite à la directive européenne pour déterminer les éléments de définition de ces pratiques commerciales. La directive du 11 mai 2005 précise que « la pratique commerciale des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs est constituée par toute action, omission, conduite, démarche, ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs »25. Une telle définition dans le corps de la directive était nécessaire car cette notion n’existait pas au niveau communautaire et différentes interprétations, reflétant la disparité des cultures existant jusqu’alors, faisaient subsister une certaine insécurité juridique. L’objectif de la directive étant d’harmoniser de façon maximale le droit sur les pratiques commerciales déloyales, il convenait donc d’en préciser la définition, pour que l’application du droit dans les différents Etats membres ne se fasse pas dans des conditions différentes. Bien que le droit communautaire se soit chargé de définir la notion de pratiques commerciales, il était cependant possible d'en définir les contours à partir du Titre II du livre 1er du Code de la consommation. Certes, il ne comporte pas une telle définition, parce que ce n’est pas l’habitude en droit français de procéder ainsi, mais l’énumération des pratiques règlementées dans ce titre du Code de la consommation correspond bien à la définition donnée dans la directive. En effet, le titre de cette partie du Code est « Pratiques commerciales ». Et dans le contenu de ce titre, on rencontre des dispositions relatives à la publicité, aux techniques de vente et à la promotion des ventes.
Il appartiendra à la jurisprudence, au vu de tous ces éléments, de définir ce qu'il faut entendre par pratique commerciale mais il semble que l'on peut affirmer qu'entre la conception européenne de la pratique commerciale et la conception française, il n'y a pas véritablement de différence et considérer que, même si le texte de l'article L120-­‐1 du Code de la consommation et celui de la directive ne correspondent pas mot pour mot, le champ d'application du nouveau chapitre préliminaire du titre second du livre 1er du Code de la consommation est très vaste. B-­‐ Une notion extrêmement large Selon la définition qu’en donne la directive, la pratique commerciale est une notion extrêmement large, puisqu’elle vise « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing ». 25
Article 2 d) de la directive du 11 mai 2005. 12 Les pratiques commerciales sont donc envisagées de manière très large puisqu’elles visent la publicité mais également tous les procédés liés au commerce, c’est-­‐à-­‐dire toute forme d’acte en relation avec la vente ou la fourniture d’un produit. Sont dès lors concernées toutes les méthodes commerciales, classiques comme innovantes, telles que la publicité, les ventes avec primes, les loteries, le démarchage téléphonique et à domicile, les promotions par les prix... La pratique sera considérée comme faisant partie du champ d’application de la règlementation quelque soit le secteur d’activité du professionnel, et quelque soit le support de la pratique. On peut ainsi imaginer par exemple un bon de commande mal rédigé ou contenant des informations inexactes. D’ailleurs, la doctrine ajoute que ces pratiques peuvent se dérouler dans tous lieux, dans un magasin, à domicile et même sur internet. En outre, la directive comporte une annexe 1 à partir de laquelle il est possible de juger de l’étendue de la notion de pratique commerciale. On peut dès lors relever à titre d’exemples quelques unes de ces pratiques : afficher un certificat ou un label de qualité, proposer l’achat de marchandises, utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit, se livrer à des sollicitations personnalisées… On doit prendre dès lors l'expression dans son acception la plus banale, celle d'une manière d'exercer une activité commerciale, à travers, notamment, la publicité, les procédures de négociation et les techniques de vente. A noter que la large définition de la publicité dégagée par la jurisprudence permettait déjà de couvrir de nombreuses pratiques publicitaires et promotionnelles26. Cependant, l’étendue de la notion de pratique commerciale permettra d’appréhender des pratiques nouvelles, nées de progrès technologiques. Néanmoins, il est à « craindre que cette notion ne devienne l'auberge espagnole du droit pénal de la consommation »27, et que désormais, tout soit considéré comme une pratique commerciale. Cette notion semble en effet ne pas répondre à l'exigence de précision qui doit présider à la définition des infractions dans le respect du principe de légalité. À la marge, il y aura sans doute quelques litiges relatifs à l'interprétation, mais on peut sans doute résumer en disant que tout moyen de marketing entre dans le champ d'application. 26
Cass. Crim. 1986 p.2. A. Lepage, Un an de droit pénal de la consommation [mars 2007 -­‐ avril 2008] : Dr. pén. 2008, chron. 4. 27
13 II-­‐
Des pratiques commerciales en relation directe avec un produit Selon l’article 2 d) de la directive, la pratique commerciale, pour entrer dans le champ d’application de la règlementation, doit être « en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs ». Il ressort de cet article une définition extensive du produit (A), ainsi qu’une indifférence quant à la conclusion d’un contrat ou non (B). A-­‐ La définition extensive du produit La pratique commerciale doit, selon l’article 2 d) être en relation directe avec un produit, qu’il convenait également de définir au niveau communautaire pour éviter toutes divergences d’interprétation. Ici, le texte communautaire innove en précisant le vocable de produit. En effet, l’article 2 c) énonce que le produit s’entend comme « tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations », soit tout bien ou service admis dans le commerce juridique, indépendamment de sa qualification juridique. La directive outrepasse donc des distinctions qui étaient jusque là pratiquées, en droit communautaire et en droit interne. Rappelons en effet, que la directive n° 85/374 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, à l'image du droit français, circonscrit ce terme à un bien meuble. En droit français, la définition du produit est difficile à donner car on ne la trouve pas dans les textes. Mais pour les juristes, le produit se définit comme un bien meuble corporel. Ainsi, cette définition exclut l’immeuble en tant que tel, ainsi que les services, ceux-­‐ci n’ayant pas de réalité physique et matérielle. Ainsi, la directive étend au maximum la définition du terme « produit », puisqu’il englobe les immeubles, les services, les droits et les obligations découlant des pratiques commerciales. La loi s’est d’ailleurs mise en conformité avec la directive puisque l’article L120-­‐1 du Code de la consommation dispose qu’une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle altère le comportement économique du consommateur à l’égard d’un bien ou d’un service. 14 B-­‐ L’indifférence de l’existence d’un contrat Le vaste champ d’application de la règlementation se retrouve également sur ce point. En effet, elle s'applique aux « pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, avant, pendant et après une transaction commerciale », sans distinction de l'existence d'un contrat ou non28. Cette définition couvre donc de manière large la notion de pratique commerciale par rapport au moment où s’effectue la transaction : elle couvre le contact avant, pendant et après une transaction commerciale. Ceci s’explique probablement par l’objectif de la directive qui est de redonner confiance aux consommateurs. D’ailleurs, pour un auteur, « les pratiques illicites peuvent s'entendre d'agissements antérieurs à la formation du contrat, comme d'agissements concomitants de celle-­‐ci et même d'agissements qui lui seraient postérieurs et se produiraient en cours d'exécution, voire de procédés qui seraient mis en œuvre en dehors de toute relation contractuelle »29. Cela va beaucoup plus loin que le contrôle traditionnel de l'intégrité du consentement du consommateur lors de la conclusion du contrat. Il ne s'agit pas, comme dans le droit commun du contrat sur les vices du consentement, de savoir si le consommateur n'aurait pas autrement contracté ou contracté à des conditions substantiellement différentes, mais de savoir s'il aurait pris ou non telle ou telle « décision commerciale », c'est-­‐à-­‐dire « toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d'un produit ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s'abstenir d'agir »30. Cette pratique commerciale n'aboutit donc pas nécessairement à un contrat, et il pourra s'agir simplement d'une invitation à pourparlers ou d'une offre. Le texte vise en particulier le démarchage, la publicité et plus généralement toute opération de marketing. La directive a donc vocation à s'appliquer à toute action commerciale dans son sens le plus large. De plus, l’article 2 d) de la directive définit les pratiques commerciales « en relation directe avec la fourniture d’un produit », ce qui signifie que la déloyauté commerciale pourra être constatée à l’occasion de la remise à titre gratuit d’un produit. 28
Article 3 et considérant 13 de la directive du 11 mai 2005. S. Fournier, De la publicité fausse aux pratiques commerciales trompeuses, Droit Pénal n°2, février 2008, étude 4. 30
Article 2 k) de la directive du 11 mai 2005. 29
15 Section 2 Le domaine exclu Malgré un domaine extrêmement large de la règlementation sur les pratiques commerciales déloyales, la directive exclut de son champ d’application certaines pratiques commerciales (I), ainsi que certains domaines relevant déjà d’une législation (II). I-­‐
Exclusion de la règlementation quant à certaines pratiques La règlementation des pratiques commerciales déloyales ne s’applique pas à certaines pratiques mises en œuvre à d’autres fins que celles visant directement à influencer illégitimement les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits (A), ainsi qu’à certaines pratiques commerciales, pour des motifs de bon goût et de bienséance (B). A-­‐ Exclusion des pratiques mises en œuvre à d’autres fins que celles visant directement à influencer illégitimement les décisions commerciales des consommateurs à l’égard des produits Il ressort des dispositions de la directive que quatre pratiques ne rentrent pas dans le champ d’application de la règlementation. Tout d’abord, la directive ne couvre ni n’affecte les législations relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte uniquement aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels. Ainsi, la directive 84/450/CEE relative à la publicité trompeuse continuera de s’appliquer pour les entreprises uniquement, ainsi que la publicité comparative31. De plus, sont exclus les messages « corporate », c’est-­‐à-­‐dire les rapports annuels et messages à destination des investisseurs. L’exclusion est clairement posée par la directive. En effet, selon le considérant 7 de la directive du 11 mai 2005, la règlementation sur les pratiques commerciales ne s’applique pas aux pratiques commerciales mises en œuvre principalement à d’autres fins que celles visant directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits, parmi lesquelles figurent par exemple les communications commerciales destinées aux investisseurs, telles que les rapports annuels et la documentation promotionnelle des entreprises. Ensuite, est également exclu du champ de la règlementation le placement de produits. En effet, en vertu du considérant 6 de la directive, « la présente directive n’affecte pas non plus les 31
Considérant 6 de la directive du 11 mai 2005. 16 pratiques publicitaires et commerciales admises, comme le placement légitime de produits, la différenciation des marques ou les incitations à l’achat, qui peuvent légitimement influencer la perception d’un produit par le consommateur ainsi que son comportement, sans altérer son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause ». Ainsi, cette pratique est exclue parce qu’elle influence légitimement le comportement du consommateur ainsi que la perception qu’il se fait du produit, sans pour autant altérer son aptitude à prendre une décision. Dans tous les cas, cette technique de communication fait l’objet d’un régime spécifique décrit dans la directive « Services de médias audiovisuels32 » et la future loi sur la communication audiovisuelle la transposant. Enfin, la publicité institutionnelle devrait être exclue. En effet, par définition, la publicité institutionnelle n’est pas en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs, exigence imposée par la directive33. La Cour de cassation reconnait la distinction publicité produits/publicité institutionnelle. A titre d’exemple, l’assemblée plénière a exigé la mise en avant d’un service spécifique sur le message publicitaire pour appliquer l’ancien article 121-­‐1 du Code de la consommation34. Par ailleurs, la première chambre civile a établi une distinction entre la publicité dite de notoriété et la publicité qui comporte une offre dans le cadre d’un message pour le crédit à la consommation35. Cependant, les termes de la directive sur les pratiques commerciales déloyales impliquent que les messages faisant allusion aux engagements éthiques et volontaires de l’entreprise sont dans le champ de la règlementation. Or, ces engagements sont souvent mis en avant dans le cadre de la publicité institutionnelle36. D’autre part, la large définition dégagée par la juriprudence française impliquait jusqu’à présent que la publicité institutionnelle, qui promeut d’abord l’entreprise, mais aussi indirectement ses produits ou services, pouvait être sanctionnée sur le fondement de la publicité trompeuse37. Les magistrats pourraient donc être tentés de passer outre le champ délimité par la directive et considérer, comme avant la réforme, que le dispositif est applicable dès lors que le contenu du message en cause est déloyal, trompeur ou agressif, quel que soit le cadre de sa diffusion. 32
Directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007. Article 2 d) et article 3 de la directive du 11 mai 2005. 34
Cass. Plén. 8 juillet 2005. 35
ère
Cass 1 Civ, 21 novembre 2006. 36
Article 6 de la directive du 11 mai 2005. 37
Cass. Crim, 12 décembre 1986 Bull. Crim. n°335. 33
17 B-­‐ Exclusion de certaines pratiques commerciales pour des motifs de bon goût et de bienséance La directive ne s’applique pas aux prescriptions légales concernant le bon goût et la bienséance, qui sont très variables d’un Etat membre à l’autre38. Des pratiques commerciales telles que, par exemple, la sollicitation commerciale dans la rue peuvent être malvenues dans certains Etats membres pour des raisons culturelles. Les Etats membres devraient par conséquent avoir la possibilité de continuer à interdire certaines pratiques commerciales sur leur territoire, conformément au droit communautaire, pour des motifs de bon goût et de bienséance, même lorsque ces pratiques ne restreignent pas la liberté de choix des consommateurs. Il apparait au travers de cette disposition que des pratiques commerciales peuvent être interdite sans considération de leur restriction ou non à la liberté de choix des consommateurs, pour des motifs de bon goût et de bienséance. Il en est ainsi des sollicitations commerciales dans la rue. Cette disposition laisse quelque peu perplexe, les termes « de bon goût ou de bienséance » étant particulièrement subjectifs. Ainsi, les Etats membres pourraient se servir de cette liberté laissée par la directive pour continuer d’interdire avec habileté certaines pratiques commerciales, qui ne seraient pas considérées par la directive comme déloyales, trompeuses ou agressives. De plus, cette faculté laissée aux Etats membres contredit le principe même d’une harmonisation totale et maximale de la règlementation relative aux pratiques commerciales déloyales. Le droit communautaire aurait sûrement du fixer lui-­‐même les pratiques interdites pour des motifs de bon goût ou de bienséance, ou tout du moins en donner une définition, pour que cette exclusion ne fasse pas office de catégorie « fourre tout ». II-­‐
Exclusion de la réglementation au profit d’autres législations La règlementation ne s’applique pas lorsqu’il existe des législations plus spécifiques (A) et ne porte pas en outre atteinte au droit des contrats (B). 38
Considérant 7 de la directive du 11 mai 2005. 18 A-­‐ Exclusion de la réglementation au profit de législations plus spécifiques Tout d’abord, la directive exclut du champ d’application de la règlementation un certain nombre de législations spécifiques. Elle n’apportera en effet pas de protection aux consommateurs lorsqu’il existera une législation sectorielle spécifique à l’échelon communautaire régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales39. Dans ce cas, ce sera en effet la législation sectorielle qui primera. On peut citer à titre d’exemple l’existence d'autres règles communautaires régissant certains aspects spécifiques des pratiques déloyales tels certains devoirs ou certaines modalités d'information40. De plus, l'article 3 écarte ou tempère l’exigence d'harmonisation maximale fixée par la directive pour certains domaines. En effet, la directive s’applique sans préjudice des dispositions communautaires ou nationales relatives à la santé et à la sécurité des produits41. Il doit s'agir de la santé et de la sécurité des consommateurs qui ne doivent pas être altérées par le caractère défectueux des produits. Les Etats membres pourront ainsi instaurer ou maintenir sur leur territoire des mesures de restriction ou d’interdiction de pratiques commerciales pour des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le lieu d’établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l’alcool, le tabac ou les produits pharmaceutiques. S’agissant des services financiers et des biens immobiliers, eu égard à leur complexité et aux graves risques qui leur sont propres, la directive s’applique sans préjudice de la faculté pour les Etats membres d’adopter des mesures qui aillent au-­‐delà des dispositions de la directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs42. B-­‐ Exclusions de la réglementation au profit du droit général des contrats La directive s’applique sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats. En effet, l’article 3-­‐2 de la directive précise que la règlementation s'applique « sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats ». On avouera avoir peine à comprendre exactement ce que cela signifie. 39
Article 3-­‐4 de la directive du 11 mai 2005. Considérant 10 de la directive du 11 mai 2005. 41
Article 3-­‐3 de la directive du 11 mai 2005. 42
Considérant 9 de la directive du 11 mai 2005. 40
19 Cela pourrait vouloir dire, dans une perspective d'harmonisation maximale, que la directive ne vient pas modifier le droit commun du contrat mais que celui-­‐ci n'est pas applicable dès lors qu'on est en présence d'une pratique déloyale. Cette première acception ne semble pas cependant être retenue par les auteurs de la directive. Le considérant 9 précise en effet que la directive « s'applique sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives au droit des contrats ». Il s'évince de ce considérant que le droit des contrats non seulement n'est pas touché mais encore continue de s'appliquer alors même qu'est en cause une pratique commerciale déloyale. Les règles élaborées viendraient donc s'adjoindre aux règles contractuelles existantes, en particulier à celles s'assurant de l'intégrité du consentement du consommateur -­‐ devoir d'information, erreur, dol ou violence -­‐ qu'il s'agisse de règles contractuelles générales, ou de règles propres à un type de contrat. Chapitre 2 Un champ d’application ratione personae limité L’article 3-­‐1 de la directive du 11 mai 2005 précise que la réglementation s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs. Le contrat, qui est conclu ou susceptible d'être conclu, s'inscrit donc dans la catégorie des contrats de consommation, ceux qui sont conclus entre un consommateur et un professionnel. Ne rentrent donc pas dans le champ d’application de cette réglementation les pratiques commerciales faites entre professionnels. Ainsi, les pratiques commerciales concernées sont celles qui émanent d’un professionnel (section 1), et dont le destinataire est le consommateur (section 2), deux notions qu’il s’agit de délimiter. Section 1 L’auteur de la pratique Selon la définition que l’article 2 d) de la directive du 11 mai 2005 donne aux pratiques commerciales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, il s’agit de toute action (…) de la part d’un professionnel. Il convient donc de définir les contours de la notion de professionnel (I) et d’en apprécier la portée (II). I-­‐
La notion de professionnel La directive vise exclusivement les pratiques qui émanent d’un professionnel, celui-­‐ci étant défini comme « toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent dans le cadre de 20 son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel»43. D’après cette définition, le professionnel est donc entendu de manière large tant au niveau de sa qualité (A) que de son secteur d’activité (B). A-­‐ Une qualité élargie aux personnes physiques ou morales Le professionnel est entendu par la directive comme une personne physique ou une personne morale. A première vue, la pratique commerciale agressive ne peut être que le fait d’un professionnel personne physique, puisqu’il est difficile d’imaginer qu’une personne morale puisse effectuer des pressions physiques ou morales à l’égard des consommateurs. Cependant, cette personne physique peut agir soit en son nom propre, pour sa propre entreprise individuelle, soit au nom et pour le compte d’une personne morale, plus particulièrement d’une société, quel que soit sa forme juridique. C’est pourquoi l’article L122-­‐14 du code de la consommation prévoit que les personnes morales peuvent également être considérées comme auteur de l’infraction et encourir les peines prévues au texte. B-­‐ Un secteur d’activité indifférent Les pratiques commerciales réprimées par la directive ne sont pas limitées à celles émanant de personnes ayant le statut de commerçants au sens du Code de commerce44, c’est-­‐à-­‐dire des personnes qui effectuent des actes de commerce et qui sont inscrites au registre du commerce et des sociétés. En effet, l’activité du professionnel peut être commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ce qui étend considérablement le champ d’application des pratiques commerciales. On peut toutefois soulever la question de l’attitude de la Cour de Cassation à l’égard d’un membre d’une profession libérale : bien que cette hypothèse soit prévue par la directive, la Cour de Cassation jugera-­‐t-­‐elle coupable d’une pratique commerciale déloyale voire agressive une personne exerçant une activité libérale ? La réponse est incertaine, mais la jurisprudence a parfois rendu applicables certaines dispositions du Code de la consommation à des médecins ou autres membres de professions libérales. 43
Article 2 b) de la directive du 11 mai 2005. Article L121-­‐1 du Code de commerce 44
21 Par ailleurs, bien que la directive vise tous les secteurs d’activité, certains sont régis par des législations particulières qui prévalent, et qui n’entreront pas dans son champ d’application. On peut citer à titre d’exemple la directive sur l’étiquetage des denrées alimentaires, qui obéit à d’autres dispositions. II-­‐
La portée du principe La directive visant exclusivement les pratiques qui émanent d’un professionnel, la question se pose alors de savoir si, en revanche, le Code de la consommation interdit également les pratiques déloyales émanant d’associations à but non lucratif ou de particuliers. Concernant les premières, il semblerait qu’elles doivent être prises en compte car certaines associations peuvent, même si elles sont à but non lucratif, avoir des pratiques commerciales. Pour les dernières, cela semble possible au vu de la jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation (A), mais la réponse apparaît a priori négative, le cadre réglementaire étant dorénavant différent (B). A-­‐ Pratique émanant d’un particulier : une éventualité La directive ne visant exclusivement que les professionnels qui agissent dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, les particuliers ne sont donc pas susceptibles de commettre cette infraction selon le texte européen. Mais la question est de savoir si les particuliers, lorsqu’ils sont vendeurs ou prestataires, pourront être visés en droit français. Aucune indication n’étant donnée dans les textes, c’est la jurisprudence française qui répondra à cette question. Il n’y a en effet pour le moment aucune décision de jurisprudence qui s’est penchée sur la question depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Cependant, la jurisprudence antérieure a admis, sous l’empire de l’ancien article L121-­‐1 du Code de la consommation, la condamnation pour publicité trompeuse d’un particulier publiant une annonce mensongère45. 45
Cass. Crim., 24 mars 1987 : JCP G 1988, II, 21017, note Heidseick. – CA Paris, 13e ch. A, 9 juill. 1984: Gaz Pal. 1985, 1, jurispr. p.151. – CA Paris, 13e ch. B, 12 déc. 1984: Gaz Pal. 1985, 1, jurispr. p. 184, note Marchi. – Cass. Crim, 27 mars 1996 : RJDA 10/96 n°1276. 22 Ainsi, passer une petite annonce dans le journal ou sur EBay pourrait être considéré comme une pratique commerciale susceptible d’être condamnable au titre des pratiques commerciales déloyales et agressives si la jurisprudence interprétait la nouvelle loi dans ce sens. Cependant, cette éventualité semble compromise devant la réglementation actuelle. B-­‐ Pratique émanant d’un particulier : une possibilité a priori exclue Bien que la jurisprudence antérieure ait admis que l’auteur d’une telle infraction pût être un particulier, cette interprétation semble aujourd’hui fort peu probable. L’interprétation extensive de la jurisprudence était en effet permise par une rédaction très générale de l’article L121-­‐1 ancien du Code de la consommation, et la directive relative à la publicité mensongère ne faisait pas obstacle au maintien par les Etats membres de dispositions visant à assurer une protection plus étendue des consommateurs. Le contexte actuel est tout à fait différent puisque, d’une part, la directive sur les pratiques commerciales déloyales a précisément pour objet la suppression des disparités de législation adoptées par les Etats membres dans cette matière, qui induisent des distorsions de concurrence et qui constituent des entraves à la libre circulation des marchandises et des services. D’autre part, la loi qui a été adoptée le 3 janvier 2008 ne vise pas n’importe quelles pratiques mais strictement celles qui revêtent un caractère commercial46. Ainsi, a priori, la loi devrait remettre en cause la possibilité pour un particulier de commettre le délit de pratique déloyale ou agressive. Section 2 Le destinataire de la pratique L’article 3-­‐1 de la directive de 2005 énonce que sont concernées les pratiques commerciales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs. L’article L120-­‐1 du Code de la consommation apporte, conformément à la directive, un élément important d’appréciation générale sur le consommateur visé par le texte européen. En effet, il s’agit du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui peut être entendu comme un consommateur moyen (I). Cependant, l’appréciation se fera différemment lorsque la pratique est ciblée vers un groupe de consommateurs particuliers ou vulnérables (II). 46
En ce sens : La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, INC Hebdo n°1463 du 17 février 2008. 23 I-­‐
Principe : le consommateur moyen L’appréciation du caractère déloyal ou agressif d’une pratique commerciale se fait par référence au consommateur moyen. Il s’agit donc de déterminer et d’apprécier les notions de consommateur (A) et de consommateur moyen (B). A-­‐ Définition du consommateur La notion de consommateur est un critère essentiel de rattachement du domaine d'application du droit de la consommation, qui repose sur la qualité de la personne qui agit ou qui contracte. La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « consommateur ». Mais selon la directive du 11 mai 2005, le consommateur s’entend comme « toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » 47. Il ressort de cette définition deux éléments essentiels pour caractériser le consommateur : le consommateur est une personne physique (1), entendu de façon stricte (2). 1. Le consommateur personne physique La définition apportée par la directive pourrait être qualifiée de standard car elle apparaît également dans d’autres directives relatives à la protection des consommateurs48. En effet, la directive maintient le cap adopté depuis déjà plusieurs années puisque le droit communautaire exclut de la notion de consommateur les personnes morales. Une personne morale ne pouvant pas être assimilée à un consommateur implique que les entreprises ne sont pas couvertes par la présente directive, qui ne se limite qu’aux transactions commerciales entre entreprises et consommateur personne physique. Cette exclusion est constante dans les directives récentes, sachant que la CJCE ne cesse de prôner une définition étroite du consommateur49. 47
Article 2 a) de la directive du 11 mai 2005. Par exemple : Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats, JO, L95 du 21 avril 1993, p.29. Directive 98/6/CE relative à la protection des consommateurs en matière des prix des produits offerts aux consommateurs, JO, L 80 du 18 mars 1998, p. 27. Directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur, JO, L 178 du 17 juillet 2000, p.1. 49
M. Luby, La notion de consommateur en droit communautaire : une commode inconstance, Contrats, conc., consom., 2000, Chron. 1, spéc. n° 9 et s. 48
24 Il s’agit d’une définition restrictive par rapport à certains droits nationaux qui considèrent que le consommateur peut être une personne physique ou morale, comme c’est le cas en Grèce par exemple. La Cour de Cassation française, elle aussi, à l’instar d’autres juges suprêmes nationaux, résiste à une telle approche, n’hésitant pas à appliquer la législation sur les clauses abusives aux personnes morales50, estimant que le droit positif français peut étendre le champ d’application d’une loi transposant une directive. Des organisations de petites entreprises avaient d’ailleurs prôné sans succès devant la Commission qu’il convenait d’accorder la même protection aux PME qu’aux consommateurs51. La doctrine avait également défendu cette idée qu’il existe des professionnels de toutes sortes, « des puissants et des humbles, des sachants et des ignorants »52. Malgré cette résistance, il semble a priori que la jurisprudence future suivra cette définition en excluant de la notion de consommateur les personnes morales, la directive étant maximale et cette possibilité n’étant pas prévue dans la loi pour les pratiques commerciales agressives. De plus, on voit mal comment une personne morale pourrait être victime de pratiques commerciales agressives. Dans le cas d’une personne morale, il faut nécessairement passer par l’intermédiaire d’une personne physique dirigeant ou membre de la personne morale. On en revient alors à la question de savoir si ce dirigeant ou ce membre agit dans le cadre de son activité d’entreprise. 2. Le consommateur stricto sensu Selon la directive, le consommateur est une personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Le consommateur est donc, d’après cette définition prise a contrario, la personne qui agit pour ses besoins personnels et familiaux. Le droit communautaire semble en effet favorable à une interprétation restrictive de la notion de consommateur fondée davantage sur un critère reposant sur la finalité du contrat de consommation que sur la qualité de consommateur : « ce n'est pas la situation personnelle du sujet qui importe, mais sa position dans un contrat déterminé, en rapport avec la portée et la finalité de celui-­‐ci »53. Là encore, il est à noter une certaine divergence avec la jurisprudence française. En effet, le consommateur est défini comme la personne physique qui ne passe pas un contrat dans un but professionnel ou qui contracte « sans rapport direct » avec sa profession. 50
ère
En ce sens : Cass. 1 Civ., 15 mars 2005 : Juris-­‐Data n°2005-­‐027573 SEC (2003) 724, 18 juin 2003 : « Evaluation d'impact approfondie sur la directive (...) relative aux pratiques commerciales déloyales », p.36. 52
J. Mestre, RTD civ. 1987, p.95. 53
CJCE, 3 juill 1997, aff. C-­‐269/95, F. Benincasa 51
25 C'est pourquoi les juges sont partagés sur l'extension des règles protectrices issues du droit de la consommation à des professionnels sortant de leur spécialité et se retrouvant aussi incompétents et vulnérables que n'importe quel consommateur54. La jurisprudence a d’ailleurs été particulièrement accueillante à l'égard du professionnel profane en matière de lutte contre les clauses abusives. Les juges sont ainsi divisés entre la prise en compte d'un critère « fonctionnaliste », la finalité professionnelle ou non du contrat conclu, et un critère « personnaliste », l'incompétence ou non du professionnel sortant de sa spécialité. Malgré une coïncidence entre la position de la jurisprudence française et le droit communautaire sur la plupart des décisions en ce qui concerne l’exclusion des contrats conclus dans le cadre de l’activité professionnelle, une certaine imprécision et un certain éclatement de la notion sont dès lors à craindre, d'autant que l'appréciation de l'existence du critère du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond. D’autant plus que la réglementation sur les pratiques commerciales trompeuses vise expressément les professionnels comme destinataires de la pratique55, la loi française s’étant affranchie de la définition imposée par la directive. B-­‐ Définition du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé Pour apprécier une pratique commerciale déloyale et donc agressive, est pris comme référence le comportement du consommateur moyen. Si celui-­‐ci n’est pas défini à l’article 2 de la directive, cette définition auparavant prévue dans la proposition de directive ayant été supprimée afin de ne pas confiner cette notion dans une acception statique, il s’agit du consommateur « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques »56. Conformément à l’esprit de la directive, l’article L120-­‐1 du Code de la consommation vise le « consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ». Ainsi, il convient d’appréhender l’analyse (1) et la portée (2) de cette définition. 54
En ce sens : CJCE, 20 janv. 2005, aff. C-­‐464/01, Gruber : Contrats, conc. consom. 2005, comm. 100, 2e espèce, obs. G. Raymond. -­‐ Cass. 1re civ., 27 sept. 2005 et CA Aix-­‐en-­‐Provence, 16 mars 2005 : Juris-­‐Data n° 2005-­‐277661 ; Contrats, conc. consom. 2005, comm. 215. 55
Article L121-­‐1 III du Code de la consommation. 56
Considérant 18 de la directive du 11 mai 2005. 26 1. Analyse Selon le 18e considérant de la directive, la notion de consommateur moyen n’est pas une notion statistique. Les juridictions et les autorités nationales doivent s’en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la CJCE57, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné ; en d’autres termes, le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques, et selon le bien ou le service considéré. La loi s’accorde avec l’esprit de la directive et celui de la jurisprudence communautaire en visant explicitement le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et reprend, en quelque sorte, une circulaire du ministre de la justice du 1er octobre 1974 qui indiquait : « l'appréciation de la publicité mensongère doit être faite au regard de la psychologie du consommateur moyen »58. L’article L120-­‐1 du Code de la consommation renvoie également à une jurisprudence déjà ancienne qui tendait à ne pas protéger la sottise et à limiter le champ d'application de la publicité trompeuse. En effet, à l'occasion de la publicité trompeuse, la jurisprudence des juges du fond a fait apparaître la notion de consommateur moyen. On trouve cette référence au consommateur moyen dans plusieurs décisions dont certaines sont déjà anciennes et ont été validées par la Cour de Cassation59. Ainsi, les notions de consommateur « moyennement avisé60 », « normalement intelligent et attentif61 », « d’attention moyenne62 », « dans un état de vigilance normale63 » ont été régulièrement utilisées par les tribunaux. Le consommateur moyen est doté d'un minimum de sens critique64 et ne se laisse pas abuser par une publicité hyperbolique65, « le consommateur d’attention moyenne ne pouvant se dispenser du moindre effort d’attention ou de réflexion66 ». Ainsi, certaines personnes particulièrement naïves peuvent avoir été trompées par une pratique commerciale et pourtant la pratique déloyale ne sera pas constituée parce que, si la victime avait été moins naïve ou plus 57
CJCE Yves Rocher du 18 mai 1993, aff. C-­‐126/91 ; CJCE Verband Sozialer Wettbewerb du 2 févr. 1994, aff. C-­‐315/92 ; CJCE Langguth du 29 juin 1995, aff. C-­‐456/93, Rec. p. I-­‐1737 (C-­‐315/92) ; CJCE Gut Springheide du 16 juill. 1998, aff. C-­‐
210/96. CJCE, 22 nov. 2001, aff. C-­‐541/99, Cape et Idealservice, rec. CJCE, I, p. 9079, points 15 à 17. 58
D. 1975, législ. p. 52. 59
Cass. crim., 5 sept 1981 : Bull. crim. 1981, n° 661. -­‐ Cass. crim., 22 déc. 1986 : D. 1987, p. 287. -­‐ Cass. 1re civ., 11 mars 1997 : JurisData n° 1997-­‐001127 ; Contrats, conc. consom. 1997, comm. 89. 60
Cass. Crim, 5 sept 81. 61
CA Versailles, 17 mai 1978. 62
Cass. Crim, 5 avril 1990. 63
CA Paris, 24 sept 2003. 64
T. corr. Metz, 27 mai 1982 : Gaz. Pal. 1983, 1, jurispr. p. 79. 65
CA Paris, 4 mai 2006 : Gaz. Pal. 2006, 2, somm. p. 4166. -­‐ Cass. crim., 5 avr. 1990 : JCP E 1991, I, 2. -­‐ CA Paris, 12 avr. 1983 : Gaz. Pal. 1983, 1, jurispr. p. 341. -­‐ TGI Paris, 22 juin 1983 : Gaz. Pal. 1983, 1, jurispr. p. 343. 66
Cass. Crim, 15 déc 1992. – Cass. Crim, 21 mai 1984. 27 attentive, elle n'aurait pas été trompée. Mais, dans certaines décisions, le consommateur moyen apparaît particulièrement doué67. Il semble donc que la formule utilisée dans l'article L. 120-­‐1 ramène vers des qualités moyennes : le consommateur doit être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. De telles qualités conduisent à évoquer le bon père de famille. Le bon père de famille, ce personnage prudent et diligent que l'on rencontre en droit civil à propos de l'administration des biens, est un être avisé et attentif, comme le dit le texte, qui ne se laisse pas prendre au piège de la déloyauté. La loi n'entend donc pas protéger la naïveté ou la sottise. Cependant, le bon père de famille, très mal défini, ne peut être un standard d'appréciation en la matière. Cette expression n'est qu'une manière de renvoyer à l'appréciation des juges. Il appartiendra donc au juge d'apprécier le degré d'inattention du consommateur eu égard à la pratique commerciale utilisée. On peut imaginer par exemple que certains messages publicitaires, relatifs à des loteries rédigés de manière particulièrement habile, pourront entrer dans la catégorie des pratiques commerciales déloyales68. 2. Portée La référence au consommateur moyen permet de trouver un juste compromis entre la protection des consommateurs et la liberté des entreprises. De plus, en visant explicitement le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, la loi limite les divergences de jurisprudence que l’on pouvait observer auparavant concernant l’appréciation du consommateur. En effet, bien que la majorité de la jurisprudence aille dans ce sens, nombre de juges du fond s’éloignaient de la notion tracée par la CJCE et s’en remettaient à un consommateur vulnérable ou à un observateur distrait. Cette définition du consommateur pourrait de surcroît harmoniser les législations nationales ainsi que les interprétations des tribunaux qui apprécient très différemment les consommateurs pouvant bénéficier de la protection communautaire69. En effet, la référence au consommateur moyen permet de ne pas multiplier les abords possibles. De plus, bien que la directive cite la propre faculté de jugement des juridictions et autorités nationales, c’est sous couvert du contentieux de la Cour de justice. Or, souvent, la CJCE élude la répartition des compétences entre elle et les tribunaux nationaux, tendant à procéder à la qualification des faits et à imposer ses solutions. 67
CA Paris, 25e ch. A, 16 nov. 2007 : JurisData n° 2007-­‐346627 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 55. Pour une illustration récente, CA Aix-­‐en-­‐Provence, 11 oct. 2007 : JurisData n° 2007-­‐348579 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 52 69
Arrêt de la Cour de cassation belge, 12 octobre 2000, qui fait référence au consommateur le moins averti, sans esprit critique, ne pouvant déceler les pièges, les outrances ou les silences trompeurs. 68
28 Néanmoins, cette appréciation objective du comportement du consommateur restreint considérablement le champ d’application ratione personae de la réglementation, ce qui ne va pas dans le sens d’un niveau de protection élevé du consommateur. En effet, le consommateur devra démontrer que la mesure était bien déloyale ou agressive, non pas objectivement uniquement, c’est-­‐à-­‐dire la déloyauté de la pratique, non pas subjectivement uniquement, à son égard et compte tenu de ses capacités, mais au regard du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse. Les juges du fond devront en effet déterminer si la déloyauté de la pratique commerciale était susceptible d'influencer négativement le comportement économique des consommateurs en général et non pas du consommateur qui se prétend victime. On est donc loin de l'interprétation subjective des vices du consentement en droit civil et, sans doute, une plus grande sévérité apparaîtra. Cette appréciation objective ne remet cependant pas en cause les dispositions particulières destinées à protéger les personnes particulièrement vulnérables, comme l'abus de faiblesse. De plus, cette appréciation du consommateur peut être modulée lorsque la pratique vise une catégorie ou un groupe de consommateurs particuliers. II-­‐
Exception : une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables L’appréciation objective du consommateur peut conduire à une appréciation uniforme alors que le public visé par la pratique commerciale n'est pas toujours le même. Ainsi, la directive avait prévu également, pour protéger tous les consommateurs, « des dispositions visant à empêcher l’exploitation de consommateurs dont les caractéristiques les rendent particulièrement vulnérables aux pratiques commerciales déloyales70 ». La loi n° 2008-­‐3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs n’avait pas intégré cette possibilité. Tirant les conséquences des difficultés que présentait l’appréciation du consommateur moyen lorsque des catégories particulières de consommateurs, notamment des personnes particulièrement vulnérables, étaient concernées, l’article 83 de la loi n° 2008-­‐776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie est venu ajouter un second alinéa à l’article L120-­‐1 du Code de la consommation. Dès lors, « le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe ». 70
Article 5 paragraphe 3 et considérant 18 de la directive du 11 mai 2005. 29 Après s’être penché sur l’étude de la définition de la catégorie particulière de consommateurs et du groupe de consommateurs vulnérables (A), il conviendra de s’attacher aux conséquences que cette définition emporte (B). A-­‐ La définition L’appréciation générale et purement objective de la notion de consommateur moyen est tempérée lorsque la pratique commerciale est destinée à des groupes particuliers de personnes. En effet, certains consommateurs ne sont pas susceptibles d'être classés dans la catégorie du consommateur moyen. C’est pourquoi l’article L120-­‐1 II du Code de la consommation apprécie différemment le comportement du consommateur en présence d’« une catégorie particulière de consommateurs et d’un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité ». Ainsi, une pratique ciblée vers un groupe déterminé de personnes s’apprécie par rapport à la capacité moyenne de discernement de ce groupe, c’est-­‐à-­‐dire par rapport au niveau moyen de compréhension des personnes se trouvant dans la même situation . Par exemple, si une publicité s’adresse à des adolescents, son caractère déloyal s’appréciera au regard de la capacité moyenne de discernement des seuls adolescents et non de tous les consommateurs. Dans l’hypothèse où la pratique vise un public particulièrement vulnérable, en raison d’une infirmité mentale ou physique, de son âge ou de sa crédulité, il y a lieu également d’évaluer les conséquences au regard du membre moyen du groupe. On peut citer comme exemples de personnes vulnérables les enfants, les personnes âgées, les personnes sans emploi, les personnes malades, en état de grossesse, ne maîtrisant pas la langue française, endettées. De manière moins probable, les personnes de condition modeste particulièrement vulnérables, les investisseurs aux moyens modestes, les personnes peu fortunées et en général mal armées pour se défendre. Tous ces éléments relatifs à une situation de vulnérabilité particulière du consommateur peuvent d’ailleurs constituer des circonstances aggravantes à l’infraction commise. B-­‐ Conséquences Cet ajout relativise la notion de consommateur moyen, ou plus exactement incite à définir un consommateur moyen par catégorie de personnes. L’appréciation se faisant en effet in concreto, la notion de consommateur vulnérable pourra changer suivant la pratique commerciale considérée, en raison de l’âge du consommateur, de son infirmité physique ou mentale, de sa maladie, de sa crédulité… 30 Du coup, des difficultés d’appréciation sont à prévoir, tant pour les professionnels que pour les juges. En effet, il s’agira pour les professionnels, si possible en amont, d’identifier si la pratique commerciale est destinée à une catégorie de personnes ou à un groupe particulier et de modifier si nécessaire la pratique en conséquence, en fonction de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe identifié, ce qui ne sera pas une tâche facile. Par ailleurs, il s’agira pour les juges de faire preuve d’une certaine capacité d’adaptation, tant les hypothèses pourraient se révéler multiples. La subjectivité réapparaît en effet. Certes, l'appréciation ne doit pas être purement subjective, mais le juge devra tenir compte du cas particulier. Pour que la pratique commerciale soit considérée comme déloyale, il faudra que la déloyauté soit en partie cachée. Titre 2 Les éléments constitutifs de l’infraction Pour qu’une pratique commerciale soit susceptible d’être prohibée et sanctionnée sur la base des articles L122-­‐11 et suivants du Code de la consommation, il est nécessaire qu’elle revête un caractère agressif (chapitre 1). Cependant, certaines pratiques commerciales sont réputées agressives en elles-­‐mêmes, indépendamment de la démonstration de celui-­‐ci (chapitre 2). Chapitre 1 Le caractère agressif d’une pratique commerciale La définition du caractère agressif d’une pratique commerciale a été dégagée par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Elle a en effet introduit l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation, qui définit une pratique commerciale agressive par la réunion de deux conditions cumulatives (section 1). Cependant, depuis la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et conformément au droit communautaire71, des éléments doivent en outre être pris en considération pour apprécier ce caractère agressif (section 2). 71
Article 9 de la directive du 11 mai 2005. 31 Section 1 La définition hybride du caractère agressif Selon l'article 8 de la directive no 2005/29/CE du 11 mai 2005, la pratique commerciale « est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d'altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ». L'agressivité de la pratique commerciale découle donc des moyens utilisés, la directive faisant référence au harcèlement, à la contrainte et à la force physique. Et ces moyens altèrent ou sont susceptibles d'altérer la liberté de choix ou de conduite du consommateur. Aux termes de l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation, « une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent : 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ; 2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ; 3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur ». Très logiquement, puisqu'il s'agit d'une transposition, le législateur reprend certains termes de la directive. Il conserve également la structure de cette notion de pratiques commerciales agressives et donne une définition hybride assimilant les procédés et les effets de ces procédés : certains moyens doivent en effet avoir été utilisés (I) et doivent produire ou être susceptibles de produire certains effets (II) sur le consommateur. I-­‐
Les procédés : pressions exercées sur le consommateur Selon l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation, une pratique commerciale agressive est caractérisée par la pression exercée sur le consommateur afin de le faire céder ou d’orienter ses choix. Ces pressions peuvent s’exercer selon deux modalités différentes et alternatives : l’agressivité résultera en effet de sollicitations répétées et insistantes (A) ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale (B). 32 A-­‐ Les sollicitations répétées et insistantes Pour définir l’agressivité d’une pratique commerciale, l’article L122-­‐11 du Code de la consommation fait référence à des sollicitations répétées et insistantes alors que la directive du 11 mai 2005 vise quant à elle le harcèlement. La directive étant maximale, la question se pose alors de savoir si le texte français est conforme avec le texte communautaire. Malgré l’emploi de deux termes différents, il parait incontestable que le texte français soit conforme avec la définition communautaire de l’infraction, le harcèlement se manifestant nécessairement par des sollicitations répétées et insistantes. Mais ni dans la directive, ni dans la loi, ne sont définis les termes de harcèlement et de sollicitations répétées et insistantes. La sollicitation n'est pas véritablement un terme juridique mais il a été utilisé en droit civil pour définir négativement l'offre de contrat. La sollicitation apparaît alors comme un moyen de faire connaître l'existence d'un produit ou d'un service sans qu'il y ait de plus amples indications. La sollicitation veut simplement porter à la connaissance d'une personne l'existence du produit ou du service et la possibilité de se le procurer. Ce n'est donc pas la simple sollicitation qui est visée par l'article L122-­‐11 du Code de la consommation. Ce qui est constitutif de l'infraction, c'est la répétition de la sollicitation, l'insistance avec laquelle le sollicitant cherche à convaincre le sollicité de conclure le contrat qu'il lui propose. Une sollicitation unique est donc insuffisante pour caractériser d’agressive une pratique commerciale. La comparaison peut être faite avec le harcèlement que le Code pénal prend en compte dans les articles 222-­‐33 pour le harcèlement sexuel et 222-­‐33-­‐2 pour le harcèlement moral. D’ailleurs, on peut penser que la directive introduit dans notre droit une nouvelle notion de harcèlement. Désormais à coté du harcèlement sexuel ou du harcèlement moral, apparaît le harcèlement commercial. On pourrait donc dire que l'infraction ne pourra être commise par sollicitation que, si par une action répétée à bref délai, un professionnel cherche à amener un consommateur à conclure un contrat. On peut penser par exemple aux démarchages à domicile répétés à plusieurs jours d'intervalles ou encore au harcèlement téléphonique, aux messages électroniques, aux courriers nombreux, ou à l'intervention successive dans un magasin de plusieurs vendeurs pour arracher la vente. Bien que la loi ne le précise pas, il s'agit de sollicitations personnalisées, commises individuellement à l'encontre d'un ou plusieurs consommateurs. Ainsi, le simple harcèlement publicitaire ne pourra être considéré comme constituant une réelle pression sur le futur client 33 comme portant atteinte à la libre détermination des consommateurs et ainsi caractériser une pratique agressive, au sens de l'article L 122-­‐1172. B-­‐ La contrainte Pour caractériser l’infraction, l’article L122-­‐11 du Code de la consommation évoque comme autre pression possible exercée sur le consommateur la contrainte. L'usage d'une contrainte physique ou morale renvoie directement à la contrainte des articles 1111 et suivants du Code civil. En effet, la loi nouvelle considère comme agressive des pratiques commerciales qui, antérieurement, tombaient sous le coup des articles 1111 et suivants du Code civil. Elle érige donc en infraction ce qui, jusque là, était seulement un vice du consentement. Par ailleurs, la répression de la contrainte est plus étendue puisqu’à la différence des sollicitations répétées et insistantes, une simple contrainte constitue un procédé agressif. Celle-­‐ci revêt deux formes, la contrainte physique (1) et la contrainte morale (2). 1. La contrainte physique La contrainte physique, bien que sans doute assez rare dans le cadre des relations professionnels-­‐consommateurs, peut être utilisée comme élément constituant la pratique agressive. Il peut en être ainsi d’un professionnel qui obligerait le consommateur physiquement à apposer une signature dans le but de l’amener à contracter. Il peut en être également de certaines méthodes de vente qui consistent à faire durer plusieurs heures le processus de négociation du prix ou des conditions de la vente et à « retenir » le client en magasin jusqu'à ce qu'il accepte la vente. 2. La contrainte morale La contrainte est ici plus large que ne l'est la violence dans le Code civil. En effet, cette contrainte peut se manifester par un chantage, mais il est aussi possible d'utiliser les peurs, les angoisses, les craintes, l’intimidation, la menace, ou la faiblesse, notamment économique, d'une personne pour l'amener à contracter. La jurisprudence de droit civil fournit déjà des exemples en ce domaine73. Le texte nouveau ne vise pas la crainte révérencielle qui, aux termes de l'article 1114 du Code civil, exclut l'existence d'un vice du consentement. Il faut en conclure que le législateur n'a pas voulu traiter différemment cette crainte révérencielle des autres contraintes morales et que, quel que soit l'auteur, sous réserve d’être un professionnel, l'infraction peut être commise dès lors que le consentement de la victime a été altéré. 72
Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 du 29 janvier 2009. TI Aulnay-­‐sous-­‐Bois, 15 oct. 1987 : Gaz. Pal. 1988, 2, somm. p. 282. -­‐ CA Reims, 15 févr. 2001 : JurisData n° 2001-­‐
154214 ; Contrats, conc. consom. 2002, comm. 37. 73
34 De plus, constitue également un procédé agressif l’exploitation de circonstances particulières par un professionnel en connaissance de cause74. Ainsi, le professionnel qui exploite l'état de nécessité résultant de circonstances auxquelles il est étranger serait coupable de ce nouveau délit. A titre d’exemple, un réparateur qui profiterait d'une situation d'urgence, rendant son intervention rapide nécessaire, pour pratiquer des tarifs excessifs pourrait se rendre coupable de pratiques commerciales agressives. Par ailleurs, la définition de la pratique commerciale agressive peut paraître plus étroite que celle de la directive. En effet, outre le harcèlement ou la contrainte, cette dernière vise aussi « l’influence injustifiée », définie comme « l’utilisation d’une position de force vis-­‐à-­‐vis du consommateur de manière à faire pression sur celui-­‐ci, même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à pendre une décision en connaissance de cause soit limitée de façon significative »75. Cette notion nouvelle paraît pouvoir tout contenir des atteintes à la liberté. Pour savoir ce qui et justifié et ce qui ne l’est pas, on pourrait renvoyer à la distinction classique entre le « dolus bonus » et le « dolus malus ». Mais sûrement pour échapper aux problèmes de définition et d’interprétation de cette notion, le législateur n’a pas souhaité l’inclure dans l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation. Peut-­‐être peut-­‐on considérer « l’influence injustifiée » comme faisant partie de la contrainte morale visée par le texte français. Si tel n’est pas le cas, le législateur pourrait se le voir reprocher par la Commission européenne ou par la CJCE. II-­‐
Les effets des procédés En vertu de l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation, pour que l'infraction soit constituée, il ne suffit pas qu'il y ait exercice d'une contrainte ou de sollicitations répétées et insistantes. En effet, la pression exercée sur le consommateur doit avoir pour conséquence d'altérer sa liberté de choix, en amont de la conclusion du contrat, ou de vicier son consentement au moment de la conclusion du contrat, ou d'entraver l'exercice de ses droits contractuels après que le contrat a été conclu, ce qui est conforme aux prescriptions de la directive76. Cette infraction, recouvre donc un champ d’application très large, qui va de la négociation du contrat jusqu’à son exécution, en passant par sa conclusion. Il ressort de ces constatations que la pression doit entraîner des effets sur le consentement du consommateur (A) et sur l’exercice de ses droits contractuels (B). 74
Article L122-­‐11 II 3° du Code de la consommation et article 9 e) de la directive du 11 mai 2005. Article 2 j) de la directive du 11 mai 2005. 76
Article 3-­‐1 de la directive du 11 mai 2005 : la présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises…avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. 75
35 A-­‐ Les effets sur le consentement du consommateur Selon l’article L122-­‐11 I du Code de la consommation, la pression exercée sur le consommateur doit altérer ou être de nature à altérer de manière significative la liberté de choix du consommateur ou doit vicier ou être de nature à vicier le consentement du consommateur. Cet article transpose les termes de l’article 8 de la directive, qui parle quant à elle de « liberté de choix ou de conduite ». L’altération de la liberté de choix du consommateur et le vice de son consentement sont deux notions qui paraissent similaires, puisqu’elles signifient simplement que le consentement du consommateur n'a été ni libre, ni éclairé. Elles se distinguent en réalité uniquement quant à leur stade contractuel. La première notion se retrouve au stade précontractuel, au moment de la négociation, alors que la seconde intervient au moment de la conclusion du contrat77. En premier lieu, l’altération de la liberté de choix du consommateur ne doit pas faire entendre uniquement que le consommateur avait le choix entre deux ou plusieurs produits, deux ou plusieurs professionnels. Elle doit surtout suggérer que le consommateur avait le choix de contracter ou de ne pas contracter. De plus, la directive, comme l’article L122-­‐11, précise qu’elle doit être significative. Le texte vise là l’influence notable que doit avoir la pratique agressive sur le choix du consommateur quant à la conclusion d’un contrat, à son objet, à son prix et à son contenu. Une précision qui crée plus de difficultés qu'elle n'en résout. En effet, on comprend tout à fait que toute altération de la liberté de choix du consommateur ne soit pas apte à légitimer l'intervention du droit pénal. Mais cela amènera un certain arbitraire du juge dans l’appréciation du seuil significatif. En second lieu, la notion de vice du consentement du consommateur, très proche de la précédente et que l’on retrouve dans le code civil comme condition de formation des contrats, vise l’absence de consentement libre et éclairé de la part du consommateur. La directive rapproche ces deux notions en définissant la pratique agressive comme celle qui « amène ou est susceptible d’amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ». La décision commerciale s’entend d’ailleurs comme « toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit ». Elle vise ainsi le consommateur contraint de contracter et celui qui a consenti sous la pression à des conditions différentes de celles qu’il souhaitait. 77
Philippe Conte, Brèves observations à propos de l’incrimination des pratiques commerciales agressives, Droit pénal n°2, Février 2008, p. 7. 36 En clair, le consommateur, s’il n’avait pas été victime de pression n'aurait pas acheté ou aurait acheté à des conditions différentes. En définitive, la pratique commerciale agressive doit avoir une influence déterminante sur la décision d’achat du consommateur, celui-­‐ci n'ayant pas donné son consentement en toute liberté dans la mesure où il a fait l'objet de pressions telles qu'il ne pouvait plus se décider de manière sereine. Cependant, il n’est pas nécessaire que cette pratique ait abouti à un engagement contractuel. L’emploi d’une pratique ayant seulement pour objet ou étant de nature à faire contracter des consommateurs à des conditions notablement différentes de leur volonté initiale ou en l’absence d’un consentement libre et éclairé de leur part, pourra constituer une infraction au sens de l’article L122-­‐11 du Code de la consommation. Cette double nature, matérielle et formelle, pourrait soulever à son tour des difficultés. En effet, dans le cas où la pratique commerciale considérée aura altéré la liberté de choix du consommateur ou vicié son consentement, l’appréciation se fera, en fonction de la qualité de la victime, par référence au consommateur moyen ou par référence à la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe de consommateurs particuliers ou vulnérables. Au contraire, lorsque la pratique commerciale aura été simplement de nature à altérer la liberté de choix ou à vicier le consentement du consommateur, il faudra sûrement que le ministère public établisse son aptitude à produire de telles conséquences par référence à un consommateur abstrait. Un même comportement sera donc apprécié différemment, de manière concrète ou abstraite, selon que son auteur aura su provoquer ou non le résultat auquel il aspirait, ce qui paraît peu satisfaisant. B-­‐ Les effets sur l’exercice des droits contractuels du consommateur Ce troisième cas ne figure pas dans l’article 8 de la directive mais pouvait être considéré à l’époque de la loi n° 2008-­‐3 du 3 janvier 2008 comme une transposition de l’article 9 d) de la directive décrivant les critères d’appréciation de l’agressivité : « tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ». Ce cas se retrouve désormais aux deux paragraphes de l’article L122-­‐
11 puisque l’article 9 a finalement été transposé à l’identique dans sa globalité par la loi de modernisation de l’économie. Ce dernier cas envisage l'hypothèse dans laquelle la pratique commerciale aurait pour conséquence d'entraver l'exercice de ses droits contractuels par un consommateur, et a fortiori légal. Il est vrai qu'a priori ce cas n'est pas directement associé à une pratique commerciale agressive, puisque, mise à part la contrainte, l’entrave ne peut résulter de sollicitations répétées et insistantes. Et pourtant cette disposition montre que le législateur n'a pas voulu se limiter à la 37 phase précontractuelle ou concomitante à la conclusion du contrat. Il a aussi voulu étendre le champ d'application de l'article L. 122-­‐11 à la phase post-­‐contractuelle, conformément à l’esprit de la directive78. Cependant, le législateur n'envisage pas l'inexécution des obligations contractuelles puisqu'il incrimine l'entrave, de la part du professionnel, dans l'exercice des droits du consommateur. On peut alors envisager les mesures d'intimidations qu'un professionnel peut faire peser sur un consommateur : l'empêcher de faire jouer la résolution du contrat, en se prévalant de la nécessité d'un préavis qui n'aurait pas été convenu entre les parties, ne pas livrer la chose dans un certain délai, l'empêcher de faire jouer une garantie en le menaçant d'une action qu'il sait exclue ou vouée à l'échec, refuser d’échanger ou d’obtenir la réparation de la chose alors que cette possibilité était prévue dans le contrat, éviter une action en justice, entraver l’exercice d’un droit de rétractation, ou décourager le consommateur de demander les indemnisations auxquelles il a droit, et notamment l’indemnisation au titre d’un contrat d’assurance. Ainsi par exemple, toute pratique consistant à accélérer le processus de la vente, et notamment la perception d'un acompte le jour de la commande et une livraison le jour même pour une vente réalisée à domicile, alors que le client bénéficie d'un délai de réflexion pourra être qualifiée de pratique commerciale agressive si le client a été victime de pressions ou de résistances de la part du professionnel. La preuve sera cependant certainement très difficile à rapporter. En effet, contrairement aux effets sur le consentement du consommateur, l’entrave à l’exercice des droits contractuels du consommateur doit quant à elle avoir été effectivement réalisée. L’entrave, qui doit ainsi être effective, devra être démontrée à partir d’éléments matériels tels que des courriers, des exigences du professionnel compliquant ou interdisant au consommateur d’exercer ses droits… En définitive, bien que l'hypothèse de l'entrave à l'exercice des droits contractuels effraie quelque peu par son apparente ampleur, le délit étant intentionnel, seule la faute civile dolosive est incriminée. De plus, il s'agit de réprimer non pas l'inexécution d’une quelconque obligation de la part du professionnel, mais l'entrave qu'il apporte à l'exercice par son client de ses propres droits, ce qui est sensiblement plus restrictif, et distingue l’incrimination de la responsabilité civile contractuelle. 78
Article 3-­‐1 de la directive du 11 mai 2005 : la présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises…avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. 38 Section 2 Les critères d’appréciation du caractère agressif Des pratiques peuvent s’avérer agressives par sollicitations insistantes et répétées ou par l’usage d’une contrainte physique ou morale. Encore ne faut-­‐il pas les confondre avec des pratiques de marketing licites. Afin d’éviter que toute action commerciale persuasive ne tombe sous le coup de l’incrimination, deux dispositifs ont été mis en place. L’article L122-­‐11 I du Code de la consommation instaure en effet un critère d’appréciation : « une pratique commerciale est agressive (…) compte tenu des circonstances qui l’entourent ». Quant à lui, l’article L122-­‐11 II du Code de la consommation établit une liste d’éléments qu’il faudra prendre en considération pour apprécier le caractère agressif d’une pratique commerciale. Il fournit ainsi au juge un faisceau d’indices à prendre en considération qu’il convient d’analyser (I) avant d’en apprécier la portée (II). I-­‐
Analyse des critères d’appréciation Certaines pratiques commerciales sont à la frontière entre les pratiques agressives et les pratiques de marketing licites. C’est pourquoi, l’article 9 de la directive prévoit des critères, que le législateur a transposé à l’identique avec la loi n° 2008-­‐776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, afin de déterminer quand une pratique est agressive et ainsi établir une différenciation entre ces pratiques. Cette transposition à l’identique amène d’ailleurs quelques confusions quant aux termes employés par le législateur : l’article L122-­‐11 II du Code de la consommation fait en effet référence « au harcèlement, à la contrainte, y compris à la force physique, ou à une influence injustifiée » alors que le premier paragraphe envisage « les sollicitations répétées ou l’usage de la contrainte physique ou morale ». Cette confusion est donc susceptible d’amener des difficultés dans l’appréhension de ces différents termes par le juge, à moins qu’il ne considère que le harcèlement équivaille aux sollicitations répétées et insistantes et que la contrainte morale recouvre l’hypothèse de l’influence injustifiée, notion nouvelle et obscure. Il ressort de l’article L122-­‐11 II du Code de la consommation deux sortes de critères, certains relatifs à la forme et aux moyens attachés à la pratique (A), d’autres relatifs à l’état du consommateur (B). 39 A-­‐ Des critères relatifs à la forme et aux moyens attachés à la pratique Quatre critères sont listés comme éléments à prendre en considération à l’article L122-­‐11 II : « Le moment, l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ». Ce sont des éléments indispensables pour l’établissement d’un procès-­‐verbal mais qui peuvent également revêtir parfois une importance particulière pour caractériser la pratique. En effet, le juge appréciera plus facilement le caractère agressif d’une pratique commerciale qui sera faite à une heure tardive ou à un endroit inhabituel pour une vente. De même, la pratique agressive sera plus facile à caractériser si celle-­‐ci est persistante, c’est-­‐à-­‐dire si elle est fréquemment renouvelée. « Le recours à la menace physique ou verbale ». Cette circonstance se déduit de la définition des pratiques commerciales agressives, qui envisage la contrainte physique ou morale. Ce critère pourrait donc paraître redondant, mais il signifie en réalité que même en l’absence de preuves matérielles, tous les éléments relatifs à l’utilisation de la violence, même verbale, devront être relatés dans la procédure. Cette hypothèse laisse donc envisager un certain arbitraire du juge. « Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel au consommateur souhaitant faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ». Ce critère renvoie à l’article L122-­‐11 I 3° du Code de la consommation, qui indique qu’une pratique commerciale est agressive lorsqu’elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur. Cet élément ne parait donc pas indispensable, étant déjà envisagé dans la définition de l’infraction. Cependant, il précise un point essentiel : pour que la pratique soit condamnable, il est nécessaire que l’obstacle non contractuel soit important ou disproportionné. Ainsi, la pratique ne sera pas susceptible de sanctions si tel n’est pas le cas. Cependant, la question se pose de savoir quel obstacle non contractuel sera considéré par le juge comme important ou disproportionné. « Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ». Ce critère renvoie à la notion, bien connue en droit français de menace légitime et illégitime. Il peut s’agir par exemple de menaces d’action en justice non fondée. Cet élément pourrait permettre de sanctionner des méthodes peu scrupuleuses utilisées par certains organismes de recouvrement de créances. B-­‐ Un critère relatif à l’état du consommateur L’article L122-­‐11 II du Code de la consommation introduit un élément relatif à l’état du consommateur. Il s’agit de « l'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ». 40 Cette formulation rappelle la prohibition du démarchage funéraire, infraction punie par l’article L2223-­‐33 du Code général des collectivités territoriales. Cette instrumentalisation commerciale de la souffrance, de la maladie ou de la détresse d’autrui est désormais, à travers l’article L122-­‐11, réprimée très clairement et de la manière la plus large possible. Tel peut être le cas, par exemple, d’un réparateur à domicile qui profiterait d’une situation d’urgence telle qu’une fuite d’eau, une chaudière en panne en plein hiver, pour convaincre le client de la nécessité de changer des éléments coûteux ou de refaire une installation complète, alors qu’une réparation à moindre coût était possible. La difficulté pour le consommateur sera de déceler que le produit n’était pas adapté à ses besoins et de prouver que le professionnel a agit en connaissance de cause. Il est à noter que cette circonstance est déjà visée au titre de l’abus de faiblesse. II-­‐
Portée des critères d’appréciation Ces critères sont essentiels car ils permettent au juge de pouvoir retenir plus facilement le caractère agressif d’une pratique commerciale, ou au contraire de l’écarter, grâce à une appréciation subjective. Servant à qualifier une infraction pénale, ces éléments devront néanmoins être interprétés strictement. Après avoir constaté l’obligation de recourir à ces éléments (A), il conviendra de préciser que ces critères demeurent insuffisants (B). A-­‐ Des critères d’appréciation obligatoires La forme indicative utilisée dans l’article L122-­‐11 II, qui dispose que « les éléments suivants sont pris en considération », laisse penser que le recours à ces critères est un passage obligé pour les magistrats. En effet, l’indicatif a en législation valeur d’impératif. Ce caractère obligatoire paraît nécessaire pour distinguer les pratiques commerciales agressives des pratiques commerciales persuasives mais pourtant licites. L’infraction de pratique commerciale agressive doit en effet révéler le caractère manifestement abusif du harcèlement ou de la contrainte exercée par le professionnel sur le consommateur au regard de ces éléments. Ainsi, la simple volonté de tromper le client, l’utilisation d’arguments de vente fallacieux, tel que le « boniment du marchand » ou le « bagout du vendeur » ou encore l’inexécution de la part du professionnel de ses obligations, ne pourront suffire à la caractériser. Par ailleurs, se pose la question de savoir si cette liste est exhaustive. L’absence du terme « notamment » lorsqu’il est fait référence à ces éléments laisse penser que cette liste est 41 exhaustive, et qu’il ne sera pas possible de se fonder sur d’autres critères. Cependant, l’administration considère quant à elle, dans sa note de service n°2009-­‐07 du 29 janvier 2009 relative aux pratiques commerciales déloyales, que les éléments qui précisent les circonstances qui entourent la pratique ne sont pas exhaustifs, et qu’il sera donc possible de prendre en considération d’autres critères d’appréciation du caractère agressif d’une pratique commerciale. En l’absence de précision claire sur l’intention du législateur à ce propos, la réponse appartiendra aux tribunaux. B-­‐ Des critères jugés insuffisants Cette infraction emprunte beaucoup au droit des contrats, notamment à la théorie du vice du consentement aux termes de laquelle l’altération du consentement du consommateur doit résulter d’une contrainte de la part du professionnel. Pour les pratiques commerciales agressives, comme en matière de vice du consentement, l’accent est porté sur la manière dont le contrat a été formé, sur les circonstances contraignantes imposées par le professionnel, beaucoup plus que sur la teneur du contrat. Cependant, même si le caractère agressif de la pratique et l’évaluation de ses conséquences sur la décision de contracter du consommateur sont les seuls éléments constitutifs de l’infraction, ces éléments qui précisent les circonstances peuvent ne pas être suffisants pour caractériser la pratique commerciale d’agressive. Il est donc vivement recommandé par l’administration d’en apprécier l’ampleur en s’attachant au contenu du contrat lui-­‐même79. L’objet du contrat, la nature, le montant de celui-­‐ci peuvent venir confirmer la pratique commerciale agressive ou en être, à tout le moins, une circonstance aggravante. Il peut en être ainsi de contrats de vente très onéreux alors que les moyens de la personne harcelée ne lui permettent pas un tel achat, de contrats pour la vente de biens inutilisables pour l’acheteur, telle qu’une voiture pour une personne n’ayant pas le permis de conduire, une cuisine équipée à une personne ne possédant pas de bien immobilier, ou de contrats inadaptés aux besoins du consommateur. 79
Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 du 29 janvier 2009. 42 Chapitre 2 Les pratiques commerciales réputées agressives La loi n° 2008-­‐776 du 4 août 2008 complète le dispositif relatif aux pratiques commerciales agressives en introduisant l’article L122-­‐11-­‐1 dans le Code de la consommation, qui reprend à l’identique une énumération de huit pratiques commerciales réputées agressives figurant à l’annexe I de la directive européenne. Cette disposition répute, et donc prédétermine comme agressive, toute une série de comportements, précisément et spécialement explicités par le législateur. Il s’agit d’analyser cette liste de pratiques commerciales réputées agressives (section 1), pour ensuite s’attacher à la portée de cette liste (section 2). Section 1 Analyse de la liste des pratiques commerciales réputées agressives Au titre de l’article L122-­‐11-­‐1 de Code de la consommation, sont réputées agressives au sens de l'article L. 122-­‐11 les pratiques commerciales qui ont pour objet : 1° « De donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un contrat n'ait été conclu » Cette disposition nouvelle entre en concurrence directe avec une infraction solidement implantée dans notre droit français. En effet, ce comportement décrit ne va pas sans rappeler une autre incrimination connue, l'abus de faiblesse. Ainsi, l’article L122-­‐8 du Code de la consommation sanctionne d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement « quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ». A titre d’exemple, la chambre criminelle a pu condamner en vertu de l'article L122-­‐8 du code de la consommation le professionnel qui avait organisé une excursion dans le seul but de convaincre les participants, âgés pour la plupart et enfermés dans un restaurant, d'acheter des textiles censés soulager des rhumatismes à un prix très élevé80. 80
er
Crim. 1 février 2000, n° 99-­‐84.378 , Bull. crim. n° 52, D. 2000. 198, obs. Rondey, RTD com. 2000. 741, obs. Bouloc, Dr. pénal 2000, comm. 59, obs. Robert, CCC 2001, comm. 14, obs. Raymond. 43 Toutefois, on remarquera que si le comportement du professionnel est le même dans les deux infractions, la victime, elle, est appréhendée bien plus largement dans la nouvelle infraction. Toute personne peut être victime des nouvelles pratiques commerciales agressives, alors que seules les personnes vulnérables sont protégées par l'infraction d'abus de faiblesse. En effet, le nouvel article L122-­‐11-­‐1, 1° protège tout individu victime de ces « séquestrations commerciales », sans que la démonstration d'un quelconque état de faiblesse soit requise. La nouvelle disposition double et complète celle de l'article L122-­‐8 du Code de la consommation. Dès lors, le risque de concours existe bien, mais en raison de la distorsion importante entre les peines, l'abus de faiblesse étant assorti d'une peine d'emprisonnement bien plus importante, une répartition entre les deux textes peut s’effectuer sans doute sans problème. 2° « D'effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si la législation nationale l'y autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle » Ici, ce n'est plus le consommateur qui est enfermé par le professionnel à l'extérieur de chez lui, mais le professionnel qui s'impose chez le consommateur. Il est également possible de s'interroger sur l'autonomie de cette disposition avec celles relatives à l’abus de faiblesse, mais surtout celles relatives au démarchage à domicile. En effet, les articles L121-­‐21 et suivants du Code de la consommation protègent le consommateur contre les intrusions non souhaitées du professionnel dont la présence envahissante assure une pression sur le client. Ainsi, en vertu de l’article L121-­‐21 du Code de la consommation, « quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-­‐vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services », sans respecter le formalisme contractuel imposé par la loi est puni d’un emprisonnement d’un an et/ou de 3750 euros d’amendes. Toutefois, la nouvelle disposition est plus large. En effet, les textes relatifs au démarchage à domicile et à l'abus de faiblesse ne sont applicables que lorsque le consommateur veut se défaire d'un contrat qui lui a été « extorqué ». L'article L121-­‐11-­‐1, 2°, lui, permet une sanction du simple comportement envahissant, au-­‐delà de la conclusion d'un quelconque contrat. Le seul fait pour le professionnel de s'imposer au domicile du consommateur, de refuser de le quitter, même s'il ne parvient pas à lui vendre quelque chose ou à lui faire signer un contrat, est en soi répréhensible pénalement. 44 3° « De se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance » ; Cette disposition novatrice est heureuse. Les consommateurs sont aujourd'hui continuellement envahis par des documents publicitaires non souhaités, des spams qui saturent les boîtes mails, et des coups de téléphones commerciaux qui confinent au harcèlement, voire à l'agression. Le domicile, qui devrait être un lieu d'intimité, de repos, devient un terrain de chasse pour le professionnel. Il existe déjà deux dispositions permettant de limiter un tel comportement. En effet, le démarchage par ces moyens de communication à distance est soumis soit au consentement préalable de la personne démarchée81, soit au respect de son inscription sur un registre d'opposition82. Mais dans les deux cas, la sanction n’apparaît pas très dissuasive, puisque ces deux textes répriment le comportement par une contravention de 4ème classe, où l’amende est de 750 euros par infraction constatée. Il convenait donc que ces pratiques tombent de nouveau sous le coup de la loi pénale, mais avec des peines d’emprisonnement et d’amendes qui dissuadent enfin les professionnels de commettre de tels actes. Les associations de consommateurs auront donc les moyens juridiques de faire condamner les professionnels qui agressent véritablement le consommateur qui souhaite, chez lui, enfin un peu de tranquillité. 4° « D'obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce consommateur d'exercer ses droits contractuels » Classée comme « agressive », cette pratique illicite, et inadmissible, paraît toutefois peu à sa place au sein de l'article L122-­‐11-­‐1 puisque, loin « d'agresser », de harceler ou de contraindre le consommateur, le professionnel tente ici de se défausser de ses obligations, notamment en « faisant le mort ». C'est cette inaction, ou bien les réponses trop exigeantes et les conditions impossibles à remplir pour le consommateur lorsque ce dernier sollicite l'exécution des obligations du professionnel, qui est sanctionnée. Le législateur a ici tout simplement entendu donner un volet pénal à l'inexécution et à la mauvaise exécution contractuelle d'un contrat d'assurance. Le texte aurait gagné à être intégré au 81
Article L34-­‐5 du Code des postes et communication électroniques qui interdit la prospection en ligne sans accord préalable de la personne visée. 82
Article R10-­‐1 du Code des postes et communications électroniques qui protège les données personnelles. 45 sein d'une partie clairement affichée comme telle : sanctions pénales des inexécutions ou mauvaises exécutions contractuelles en matière d'assurance. 5° « Dans une publicité, d'inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité » La publicité télévisuelle est déjà réglementée sur ce point. En effet, les sociétés de télévision doivent veiller à ce que la publicité n'incite pas les mineurs à l'achat d'un produit ou d'un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité, ou les inciter directement à persuader leurs parents ou des tiers d'acheter les produits ou services concernés83. Cette interdiction est assortie d’une sanction pénale84-­‐ 75000 euros d’amendes -­‐ et de sanctions administratives du CSA, notamment d’amendes. Cependant, cette interdiction ne vise que les publicités télévisuelles, tandis que la nouvelle disposition vise toute publicité, qui se définit, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, comme « tout moyen d’information destiné à permettre aux clients potentiels de se faire une opinion sur les caractéristiques des produits et des services qui lui sont proposés ». Cette notion est donc très large et peut recouvrir tous moyens, tous supports, tout mode de transmission d’un message publicitaire. On peut citer à titre d’exemple des affiches, des étiquettes, un encart dans la presse…La nouvelle disposition permettra donc d’incriminer beaucoup plus largement ce type de comportement que l’ancienne. Toutefois, cette pratique commerciale agressive nous laisse quelque peu perplexe en raison de l'imprécision de l'incrimination. Quelle publicité n'incite pas à acheter, en usant notamment de la cible privilégiée de notre société de consommation, l'enfant Roi ? Toute publicité portant sur des céréales, des jouets, voire des voitures, utilise l'enfant comme vecteur entre le produit et la cible, le consommateur. Comment déterminer ce qu'est une incitation « directe » et une incitation qui ne l'est pas ? À partir de ce texte flou, à l'heure actuelle, la quasi-­‐totalité des marques et annonceurs pourraient se faire condamner. 6° « D'exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu'il s'agit d'un produit de substitution fourni conformément à l'article L121-­‐20-­‐3 » La lecture de cette disposition conduit à s'interroger sur son autonomie au regard de l'infraction d'envoi forcé ou de vente sans commande préalable, qui est pénalement et civilement sanctionnée. 83
Article 7 du Décret 92-­‐280 du 27 mars 1992. Article 78 de la loi de 1986. 84
46 En effet, selon l'article L122-­‐3 du Code de la consommation, la fourniture de biens ou de services sans commande préalable du consommateur est interdite lorsqu'elle fait l'objet d'une demande de paiement. Autrement dit, le professionnel philanthrope qui enverrait des cadeaux ne pourrait en revanche être poursuivi. Le texte ajoute qu'aucune obligation ne peut être mise à la charge du consommateur qui reçoit un bien ou une prestation de service en violation de cette interdiction. L’article R635-­‐2 du Code pénal, qui réprime l’article L122-­‐3 par renvoi de l’article R122-­‐1 ajoute que « le fait d'adresser à une personne, sans demande préalable de celle-­‐ci, un objet quelconque accompagné d'une correspondance indiquant que cet objet peut être accepté contre versement d'un prix fixé ou renvoyé à son expéditeur, même si ce renvoi peut être fait sans frais pour le destinataire, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe », c’est-­‐à-­‐
dire de 1500 euros d’amendes par infraction constatée. En outre, il peut être demandé la restitution des sommes, qui produisent intérêt au taux légal. De surcroît, une jurisprudence récente, mais antérieure à l’intégration dans notre droit de l’article L122-­‐11-­‐1, interdit à la société Cdiscount de présélectionner d’office des commandes complémentaires à la commande passée par un consommateur, dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 1000 euros par infraction constatée 85. Les deux infractions entrent directement en concurrence car le délit de l'article L122-­‐11-­‐1 6° semble n'être qu'une copie de la contravention de l'article L122-­‐3. Ce texte paraît répéter les dispositions relatives aux envois forcés ou vente sans commande préalable. La nouvelle disposition prévoit néanmoins une exception : l'article L121-­‐20-­‐3 du Code de la consommation qui est relatif aux obligations du vendeur en cas de vente à distance, prévoit que le fournisseur peut fournir un bien ou un service d'une qualité et d'un prix équivalents, à condition cependant que la possibilité en ait été prévue préalablement à la conclusion du contrat ou dans le contrat, lorsque le produit ou service n'est pas disponible à la vente. La distorsion entre les sanctions conduira sans doute les magistrats à privilégier le nouveau délit, réprimé par deux ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende. 7° « D'informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés » ; L'infraction, proche des menaces contre les personnes et contre les biens prévues par le code pénal,86 sanctionne une pression illicite contre le consommateur, destiné à ravir son 85
TGI Bordeaux, 11 mars 2008, UFC Que Choisir/Cdiscount. Article 222-­‐17 et s., 322-­‐12, R. 634-­‐1 et R. 631-­‐1. 86
47 consentement par le biais de la peur que le professionnel provoque chez lui. Cette disposition fait allusion au chantage affectif que le professionnel fait au consommateur. Cette hypothèse, bien que très pointue, peut également être appréhendée par les dispositions relatives à l’abus de faiblesse et par la violence du Code civil, vice du consentement. 8° « De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait : -­‐ soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ; -­‐ soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût ». Auparavant, l'organisateur d'une loterie commerciale qui donnait l'impression à un consommateur qu'il avait gagné un lot alors qu'en fait il n'en était rien, se rendait coupable de publicité trompeuse, délit puni de sanctions moins lourdes que celles prévues en cas de pratique commerciale agressive. Le caractère trompeur des documents porteurs de la loterie était apprécié en fonction des qualités de discernement du consommateur moyen87. Cette solution devrait perdurer puisque le caractère déloyal d'une pratique commerciale s'apprécie au regard du « consommateur normalement informé et raisonnablement attentif ». En revanche, la responsabilité civile de l'organisateur est inchangée : celui qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer88. Par ailleurs, les loteries commerciales nécessitant une participation financière du joueur, qu'elles soient avec pré ou post-­‐tirage, sont interdites et pénalement sanctionnées ; l'auteur d'une loterie illicite encourt un emprisonnement de deux ans et une amende de 30 000 €89. De plus, concernant les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, elles ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni dépense sous quelque forme que ce soit90. A défaut, l'auteur de cette loterie encoure une amende de 37500 euros91. Enfin, l’article L121-­‐37 du Code de la consommation précise que les documents présentant l'opération publicitaire doivent comporter un inventaire lisible des lots mis en jeu, précisant, pour 87
Cass. crim. 28-­‐5-­‐1997 : Bull. crim. n° 211. Cass. ch. mixte 6 septembre 2002 n° 212 : RJDA 12/02 n° 1332. 89
Article 2 de la Loi du 21 mai 1836. 90
Article L121-­‐36 du Code de la consommation. 91
Article L121-­‐41 du Code de la consommation. 88
48 chacun d'eux, leur nature, leur nombre exact et leur valeur commerciale, sous peine de la même sanction. La lecture de cette nouvelle disposition, bien qu’ayant l’avantage de compléter l’arsenal juridique existant, soulève cependant quelques interrogations. En effet, classé comme pratique commerciale « agressive », ce comportement ressemble plutôt à une pratique commerciale trompeuse. En effet, rien dans la description du comportement du professionnel ne rappelle les notions de harcèlement, de contrainte, d'agression propre à ce délit. Au contraire, le professionnel cherche à induire le consommateur en erreur, comportement typique des pratiques commerciales trompeuses. D'ailleurs, cette forme du délit ne va pas sans rappeler l'infraction décrite au 18° de l'article L121-­‐1-­‐192 du Code de la consommation. Ce texte punit de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 € d'amende le fait d'affirmer, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable. Le nouveau dispositif issu de la loi LME du 4 août 2008, précisant tant les pratiques commerciales trompeuses que les pratiques commerciales agressives, aurait peut-­‐être gagné en cohérence et précision en regroupant ces deux comportements au sein d'un même paragraphe, inséré à l'article L121-­‐1-­‐1. Section 2 Portée de la liste des pratiques commerciales réputées agressives La liste instituée par l’article L122-­‐11-­‐1 du Code de la consommation amène une plus grande protection au consommateur en consacrant une présomption d’agressivité pour certaines pratiques commerciales (I). Néanmoins, ce mécanisme semble comporter de multiples imperfections (II). I-­‐
Un mécanisme jugé protecteur par la consécration d’une présomption d’agressivité Il ressort de l’article L122-­‐11-­‐1 du Code de la consommation une liste de huit pratiques réputées agressives. Cette présomption d’agressivité entraîne que les indices, pas plus que les éléments constitutifs dégagés par l’article L122-­‐11 du Code de la consommation, n’ont à être pris en compte en présence de l’une des pratiques réputées agressives par l’article L122-­‐11-­‐1 du Code de la consommation. La preuve s’en trouve donc facilitée. 92
Sont réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet « d’affirmer, dans le cadre d’une pratique commerciale, qu’un concours est organisé ou qu’un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable ». 49 Cependant, il convient de se pencher sur la nature de cette présomption. En effet, s’il apparait nettement dans la directive que cette présomption est irréfragable (A), tel ne semble pas être le cas en droit interne (B). A-­‐ Une présomption irréfragable consacrée par le droit communautaire L'établissement de listes par le droit communautaire poursuit traditionnellement un objectif de protection de la partie faible, en tentant de prévenir les atteintes et en en facilitant l'établissement une fois celles-­‐ci commises. La liste est un instrument privilégié car elle permet également, au coté des clauses standards de principe, d’éliminer, lorsque celle-­‐ci est noire, ou de diminuer, lorsque celle-­‐ci est grise, les appréciations judiciaires nationales et d’unifier les solutions. A titre d’exemple, cette méthode de liste a déjà été utilisée avec succès en droit communautaire de la concurrence à propos des ententes et clauses particulières, dites noires, dans les contrats de distribution93. Pareillement, en droit communautaire de la consommation, la directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, vise, en annexe, un certain nombre de clauses prohibées94. Dans ce souci de protection du consommateur et d’harmonisation des législations nationales, la directive du 11 mai 2005 établit une liste noire de pratiques commerciales agressives et consacre ainsi une présomption irréfragable d’agressivité pour ces huit pratiques. Le mécanisme mis en place par les articles 5 à 9 se complète en effet d’un renvoi à l’annexe I de la directive, dressant une liste de pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, sans qu’il soit nécessaire d’en connaître leurs effets sur le consommateur. Ces pratiques, strictement énumérées, échappent donc à l’appréciation du juge. En effet, le professionnel ne pourra se décharger de sa responsabilité pénale et ainsi échapper aux sanctions prévues en apportant la preuve du caractère non agressif de la pratique commerciale litigieuse. Il suffira que le consommateur prouve l’existence de la pratique pour que le professionnel en cause se trouve sanctionné. Cette présomption irréfragable ne ressort cependant pas aussi nettement de l’article L122-­‐
11-­‐1 du Code de la consommation. 93
Par exemple, Règl. Cons. CE n° 1400/2002, 31 juill. 2002, JOCE 1er août, n° L 203, p.30 pour le secteur automobile. Directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, JOCE 21 avr. 1993, n° L 95, p. 29. 94
50 B-­‐ Une présomption irréfragable remise en cause par le droit interne A la différence de la directive, le code français de la consommation ne précise pas que les listes de comportements stigmatisés le sont au titre de pratiques « interdites en toutes circonstances ». Il annonce en effet simplement une liste de pratiques « réputées » agressives. De la sorte, le caractère « noir » de la liste n'apparaît pas clairement et pourrait se trouvait nuancé par une appréciation des juges français. En effet, pour que l'infraction soit considérée comme constituée, le consommateur devra rapporter la preuve de l'utilisation d'une telle pratique. Mais la pratique étant simplement présumée agressive, l'auteur aura la possibilité de se décharger en rapportant la preuve que le caractère agressif n'existait pas compte tenu des circonstances de la cause. La directive étant maximale, cette liberté avec la substance du texte transposé pourrait valoir à la France des ennuis communautaires et entraîner sa condamnation. A l’avenir, il serait donc souhaitable que le législateur apporte une précision sur cette question. II-­‐
Un mécanisme jugé imparfait Cette liste de huit pratiques commerciales agressives fait ressortir des dispositions qui sont incohérentes avec la définition même du caractère agressif de ces pratiques (A), mais surtout amène des questions quant à son articulation avec les infractions existantes (B). A-­‐ Des dispositions incohérentes Malgré sa longueur, la lecture de l’article L122-­‐11-­‐1 ne permet pas de clarifier le concept et les formes des pratiques commerciales agressives. Bien au contraire, l'analyse de la disposition conduit à s'interroger sur la cohérence de cette législation quelque peu « fourre-­‐tout ». En premier lieu, loin de présenter huit formes « d'agressions » du consommateur, le législateur réprime à ce titre des comportements qui visiblement sont très éloignés de sa propre définition des pratiques commerciales agressives, telle qu’elle est énoncée à l’article L122-­‐11 du Code de la consommation. Ainsi qu’il l’a été exposé précédemment, le 4° sanctionne un comportement qui est loin d'être agressif puisqu’il consiste à rester inerte et silencieux, et le 8° sanctionne un comportement qui, pour plus de cohérence, aurait dû être classé comme trompeur. En second lieu, cette liste ne recouvre pas des hypothèses d’égale qualité. Ainsi, s’il est parfaitement naturel d’interdire per se des pratiques telles que l’envoi forcé, il est possible de 51 douter de la nécessité de sanctionner aussi sévèrement le fait pour un professionnel d’informer explicitement le consommateur que s’il n’achète pas le produit ou le service, l’emploi ou les moyens d’existence du professionnel seront menacés. Dans l’avenir, il serait donc souhaitable de modifier cette disposition afin de gommer ces diverses imperfections. Cependant, cette liste constitue une liste fermée de pratiques commerciales réputées agressives, qui ne pourra être modifiée qu’au travers d’une révision de la directive95. B-­‐ Des dispositions en concurrence directe avec les infractions existantes Certaines des dispositions nouvelles vont entrer en concurrence directe avec des infractions solidement implantées dans le code de la consommation, telles que l'abus de faiblesse, certaines formes illicites de démarchage ou encore les envois forcés, qui les vident donc de leur substance. Une législation d'ensemble unique serait préférable à cette dispersion de textes répressifs très voisins, d’autant que le législateur ne précise pas comment les différentes dispositions doivent s’articuler entre elles. En effet, on peut se poser la question de savoir si l’infraction générique qu’est l’infraction de pratiques commerciales agressive s’applique en présence d’une infraction spéciale. Des éléments en faveur d’une application alternative existent. En effet, selon le rapport législatif de la Commission des lois, il apparait que, à la suite de l’adoption de l’amendement 8, le rapporteur pour avis et le président de la Commission des lois ont pris connaissance d’observations formulées par le Conseil d’Etat dans son avis sur le projet de loi en faveur des consommateurs. Ces observations les ont conduits à rechercher un dispositif alternatif qui tienne davantage compte des notions juridiques déjà existantes dans notre droit de la consommation, telles le délit d’abus de faiblesse. De plus, l’exposé des motifs de l’amendement Pancher précise que « le présent amendement, qui a vocation à se substituer à celui adopté par la commission des lois, ne superpose pas les qualifications juridiques requises par le droit communautaire aux concepts actuellement en vigueur, mais il les insère de manière plus harmonieuse et cohérente dans notre droit ». Cependant, en raison du principe d’harmonisation maximale de la directive, la Commission européenne exige des Etats membres qu’il transpose à l’identique les termes de la directive et 95
Article 5-­‐5 et considérant 17de la directive du 11 mai 2005. 52 supprime tous les textes redondants. Tel n’est pas le cas en droit français puisque le législateur a intégré la liste des pratiques commerciales déloyales en omettant de réaliser le travail de « screening » destiné à identifier les textes de droit national redondants devant faire l’objet d’une suppression. De plus, le parlement européen vient de prendre une résolution appelant les Etats membres à réaliser ce travail de « screening » et de suppression dans leur législation96. Une application alternative, pas plus qu’une application cumulative des infractions existantes avec l’infraction de pratiques commerciales agressives ne semblent donc envisageables. Dans l’attente d’une action éventuelle du législateur sur cette question, il parait prudent de se fonder uniquement sur les nouvelles dispositions régissant les pratiques commerciales agressives. 96
Résolution du 13 janvier 2009 – 2008/2114 (INI). 53 Partie 2 La mise en œuvre des pratiques commerciales agressives Afin d’assurer le développement de pratiques commerciales loyales et donc de supprimer autant que faire se peut les pratiques commerciales agressives, le législateur a assorti la règlementation d’un arsenal répressif lourd qu’il s’agit d’étudier (titre 1), avant de se pencher sur les impacts de cette règlementation (titre 2). Titre 1 Un arsenal répressif lourd Dans le but d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, il convenait d’une part que l’infraction de pratique commerciale agressive soit recherchée et constatée de manière effective (chapitre 1) et d’autre part qu’elle soit réprimée lourdement (chapitre 2). Chapitre 1 La recherche et la constatation des pratiques commerciales agressives Les pratiques commerciales agressives, sont considérées comme particulièrement graves et comme portant atteinte aux intérêts des consommateurs. Pour lutter contre de telles pratiques, le législateur a mis en place plusieurs mécanismes efficaces visant à faciliter la recherche et la constatation de l’existence de ces pratiques, afin que cette infraction difficile à établir ne reste pas lettre morte. En effet, les infractions aux règles de concurrence et à une large part des règles de protection des consommateurs peuvent être recherchées et constatées selon une procédure particulière mise en place par l'ordonnance 86-­‐1243 du 1er décembre 1986 et désormais exposée aux articles L450-­‐1 et suivants du Code de commerce. Ainsi, cette procédure confère aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de larges pouvoirs pour rechercher et constater l’infraction de pratiques commerciales agressives (section 1). D’autres dispositions permettent en outre un contrôle renforcé de ces pratiques (section 2). 54 Section 1 Les larges pouvoirs d’enquêtes de la DGCCRF Selon l’article L141-­‐1 du Code de la consommation97, la procédure prévue par les articles L450-­‐1 à L450-­‐4, L450-­‐7, L450-­‐8, L470-­‐1 et L470-­‐5 du Code de commerce est applicable à la recherche et à la constatation des infractions visées par certaines dispositions du code de la consommation, et notamment des pratiques commerciales agressives98. La législation française s’est donc mise en conformité avec les prescriptions formulées par la directive. En effet, elle invitait les Etats membres à veiller à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales99. Ainsi, même si le juge d’instruction peut procéder aux enquêtes selon les règles de droit commun, les fonctionnaires de la DGCCRF sont également compétents pour procéder à la recherche et à la constatation des pratiques commerciales agressives sur l'ensemble du territoire national100, par le biais de larges pouvoirs d’enquêtes. L’étendue de leurs pouvoirs variant selon la gravité de l’infraction recherchée, ceux-­‐ci sont donc particulièrement renforcés concernant les pratiques commerciales agressives. En effet, les agents de la DGCCRF se voient confier la possibilité, à coté d’enquêtes simples (I), de procéder à des enquêtes beaucoup plus lourdes (II), telles que des perquisitions et des saisies sur autorisation judiciaire. I-­‐
Pouvoirs d’enquêtes simples Selon l’article L450-­‐3 du Code de commerce , « les agents mentionnés à l'article L. 450-­‐1 peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel, demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en obtenir ou prendre copie par tous moyens et sur tous supports, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications. Ils peuvent demander à l'autorité dont ils dépendent de désigner un expert pour procéder à toute expertise contradictoire nécessaire ». Il ressort de cette disposition deux prérogatives essentielles permettant d’établir plus facilement l’existence d’une pratique commerciale agressive : un droit d’accès et de demande de communication de documents (A) et la désignation possible d’un expert (B). 97
Article modifié par l’article 39 de la loi n°2008-­‐3 du 3 janvier 2008. Article L141-­‐1 I 3° du Code de la consommation. 99
Article 11-­‐1 de la directive du 11 mai 2005. 100
Article L450-­‐1 III du Code de commerce, sur renvoi de l’article L141-­‐1 I et II du Code de la consommation. 98
55 A-­‐ Droit d’accès et de demande de communication de documents Tout d’abord, les agents de la DGCCRF ont la liberté d’accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel. Les agents peuvent intervenir sur rendez-­‐vous ou de manière inopinée101. Cette dernière précision permet d’éviter que le professionnel n’organise la venue des agents, et ainsi leur subtilise certains documents. Les agents ont également la faculté de demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels, telles que des commandes ou instructions de vente. Cette possibilité permettra d’établir plus facilement certaines pratiques commerciales agressives, telles que la pratique qui consiste à se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par télécopieurs ou courriers électroniques ou celle de l’envoi forcé, des traces matérielles pouvant exister. Néanmoins, cette faculté ne permettra pas de prouver l’existence de pratiques plus pernicieuses, tel que donner au consommateur l’impression qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu. Ces documents doivent être remis immédiatement, faute de quoi leur détenteur s'expose à des sanctions pénales. En effet, l'opposition à l'action des agents, « de quelque façon que ce soit », est punie d'une amende de 7 500 € et d'un emprisonnement de six mois102. De surcroît, le détenteur des documents ne pourra pas opposer le secret professionnel aux agents agissant dans le cadre de leurs pouvoirs d’enquête103. La communication des documents n’est subordonnée à aucune condition restrictive ni aucun délai au profit des détenteurs. Ces derniers ne peuvent donc pas prétendre solliciter au préalable l'accord d'une tierce personne concernée par ces documents104. De même, un prétendu droit de grève ne saurait être opposé aux demandes des agents de l'administration105. Le professionnel a donc peu de chance de se soustraire à ses obligations. Ensuite, les agents ont la possibilité d’obtenir ou prendre copie de ces documents par tous moyens et sur tous supports, y compris par voie électronique. Les pièces ainsi obtenues en copie doivent être recueillies par procès-­‐verbal afin de justifier l'origine licite de cette communication et de permettre de contrôler que les agents n'ont pas excédé les limites de l'article L450-­‐3 du Code de commerce106. Enfin, les agents peuvent recueillir des renseignements et justifications soit sur place, soit sur convocation. Les déclarations doivent être recueillies par un procès-­‐verbal pour pouvoir être 101
Décision du Conseil de la Concurrence n° 95-­‐D-­‐83 du 12 décembre 1995. Article L450-­‐8 du Code de commerce. 103
Article L141-­‐1 IV du Code de la consommation. 104
Cass. crim. 9-­‐7-­‐1975 : Bull. crim. p. 508. 105
Cass. crim. 10-­‐7-­‐1978 : Bull. crim. p. 598 ; Cass. crim. 3-­‐11-­‐1981 : D. 1982 IR p. 107. 106
Conseil de la Concurrence. 22-­‐6-­‐2005 n° 05-­‐D-­‐32. 102
56 utilisées dans la procédure. Le refus de fournir des renseignements et la communication de renseignements inexacts sont pénalement sanctionnés, au titre de l’entrave à l’action des agents107. Les agents ont toute latitude pour entendre les professionnels des entreprises. Ainsi, ils n'ont pas l'obligation d'interroger plusieurs fois les personnes qu'ils ont entendues, ni de les confronter avec les auteurs des déclarations les mettant en cause ou encore de recueillir leurs observations sur les pièces appréhendées chez des tiers108. L'assistance d'un avocat est acceptée par la DGCCRF, à condition qu'elle ne perturbe pas le bon déroulement de l'enquête. Par exemple, l'avocat ne peut pas valablement se substituer au responsable de l'entreprise entendu ou modifier les déclarations faites à l'agent. B-­‐ La désignation d’un expert Les agents peuvent demander à l'autorité dont ils dépendent de désigner un expert pour procéder à toute expertise contradictoire nécessaire, telles qu’une analyse de marchés ou une étude de documents109. On voit cependant mal ce qui pourrait nécessiter une expertise concernant les pratiques commerciales agressives. II-­‐
Des pouvoirs d’enquêtes lourdes Les agents de la DGCCRF ont également le pouvoir, relativement aux pratiques commerciales agressives, de procéder à des perquisitions et saisies de documents, qui ne peuvent être effectuées que dans le cadre d'enquêtes sous contrôle judiciaire réglementées par l'article L450-­‐4 du Code de commerce. Une enquête simple n'est pas un préalable obligatoire à la demande d'une enquête sous contrôle judiciaire110. En revanche, le fait que des investigations aient été entreprises dans le cadre d'enquêtes simples, sur le fondement de l'article L 450-­‐3 du même code n'interdit pas de solliciter une autorisation judiciaire pour poursuivre les investigations avec les pouvoirs de l'article L450-­‐
4111. La procédure de l’article L450-­‐4 du Code de commerce permet à la DGCCRF de faire toutes perquisitions et saisies de documents utiles (A), qui néanmoins auront été au préalable accordées par une autorisation judiciaire (B). 107
Article L450-­‐8 du Code de commerce. CA Paris 26-­‐1-­‐1999 : BOCC du 16-­‐2-­‐1999. 109
Article L450-­‐3 du Code de commerce. 110
Cass. crim. 10-­‐9-­‐2003 : RJF 2/04 n° 150. 111
Cass. crim. 6-­‐10-­‐2004 n° 03-­‐85.707. 108
57 A-­‐ Les perquisitions et saisies de documents Par délégation du ministre de l’économie112 et sur autorisation judiciaire, les agents de la DGCCRF ont le pouvoir d’effectuer des visites et saisies de documents et de tout support d'information, tels que disques durs, dans les locaux professionnels et les locaux d'habitation. A la différence de l’enquête simple, cette procédure permet d’obtenir toutes informations utiles dans n’importe quel lieu, et pas seulement dans les locaux professionnels. Cela parait utile pour maximiser les chances de constater l’infraction de pratiques commerciales agressives. La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées113. L'ordonnance du juge est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-­‐verbal. Elle doit être effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. Les agents peuvent en outre procéder au cours de la visite à des auditions de l'occupant des lieux ou de son représentant en vue de recueillir les informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête. Le pouvoir des agents va encore plus loin puisque, dans le cadre de ces visites, ils peuvent procéder à la pose de scellés sur tous locaux commerciaux, documents et supports d'information dans la limite de la durée de la visite de ces locaux114. La pose de scellés a pour objet d'éviter que des documents ne disparaissent entre plusieurs journées consécutives d'inspection. La Commission européenne considère cependant que les scellés ne doivent pas être apposés par ses agents plus de soixante-­‐douze heures115. Sans doute cette limite est-­‐elle également respectée par les enquêteurs nationaux. Le professionnel devra se conformer à toute cette procédure puisque l’article L450-­‐8 du Code de commerce sanctionne d’un emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 7500 euros le fait pour quiconque de s'opposer, de quelque façon que ce soit, à l'exercice des fonctions des agents. Seuls les documents couverts par le secret professionnel seront insaisissables. Il en est ainsi de toute correspondance échangée entre la personne en cause et son avocat116. D’ailleurs, les obstacles mis aux fonctions d'enquêteurs agissant en exécution d'une ordonnance autorisant des perquisitions et saisies ne peuvent être légitimés par la prétendue illégalité de l'ordonnance du juge car les enquêteurs sont alors réputés agir dans les conditions 112
Cass. com. 17-­‐11-­‐1998 : RJDA 3/99 n° 346. Article L450-­‐4, al. 3 du Code de commerce. 114
Article L450-­‐4, al. 1 du Code de commerce. 115
Considérant 25 du Règlement 1/2003. 116
Cass. com. 20-­‐10-­‐1998 : RJF 1/99 n° 47. 113
58 prévues par la loi. Ces irrégularités pourraient seulement permettre aux intéressés de contester la validité de la procédure suivie contre eux117. Toutefois, si les intéressés contestent le déroulement des opérations de visite ou de saisie, elles peuvent faire l'objet d'un recours. B-­‐ La nécessité d’une autorisation judiciaire Ces enquêtes sont soumises à autorisation judiciaire. Cette autorisation est accordée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter118. Le juge doit vérifier le bien-­‐fondé de la demande d'autorisation qui lui est présentée par l'administration et rédiger son ordonnance de telle sorte que la cour d'appel, puis éventuellement la Cour de cassation, soient en mesure de contrôler si cette vérification a été faite119. La demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Le juge autorisant une visite domiciliaire ne peut se référer qu'aux documents produits par l'administration détenus par celle-­‐ci. L'ordonnance d'autorisation doit préciser un certain nombre d’information pour être valable : son champ d'application de droit et de fait120, l’identification expresse du lieu où la visite est autorisée, la désignation des agents de la DGCCRF habilités à effectuer des visites et saisies121, la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix122 et l’indication des voies et délais de recours dont dispose l'occupant des lieux ou son représentant123. L’autorisation judiciaire semble, au vu de tous ces éléments très encadrée. Mais si la demande est accordée par le juge, les perquisitions, saisies et mise sous scellés paraissent d’excellents procédés pour établir et constater au mieux des pratiques qui, au vu de leurs éléments constitutifs, s’avèrent très difficiles à démontrer. 117
Cass. crim. 25-­‐2-­‐1992 : RJDA 10/92 n° 932. Article L450-­‐4, al. 1 du Code de commerce. 119
Article L450-­‐4, al 2 du Code de commerce et Cass. ch. mixte 15-­‐12-­‐1988 : D. 1989 p. 189. 120
Cass. ch. mixte 15-­‐12-­‐1988 : RJF 3/89 n° 328, 1e et 2e espèces. 121
Cass. com. 6-­‐3-­‐1990 : Bull. civ. IV p. 41 n° 61. 122
C. com. art. L 450-­‐4, al. 5 modifié par l'ordonnance 2008-­‐1161 du 13-­‐11-­‐2008. 123
C. com. art. R 450-­‐2, al. 1 nouveau, issu du décret 2009-­‐139 du 10-­‐2-­‐2009. 118
59 Section 2 Un contrôle renforcé des pratiques commerciales agressives La protection du consommateur peut, parallèlement aux larges pouvoirs d’enquêtes de la DGCCRF, être renforcée par un contrôle étendu des pratiques commerciales déloyales et donc agressives. En effet, la loi du 3 janvier 2008 a consacré l’article L141-­‐4 du Code de la consommation qui permet au juge d’exercer un contrôle accru sur les dispositions du Code de la consommation (I). En outre, la directive du 11 mai 2005 encourage la reconnaissance par les droits nationaux d’un rôle essentiel laissé aux organismes professionnels dans la lutte contre les pratiques commerciales déloyales (II). I-­‐
Un contrôle accru du juge Parallèlement au rôle essentiel que le juge tient dans un procès, et notamment celui d’interprétation ou d’appréciation des faits, celui-­‐ci a désormais le pouvoir de soulever d’office toutes les dispositions du Code de la consommation dans les litiges nés de son application. En effet, pour garantir un meilleur équilibre dans les relations entre professionnels et consommateurs, celui-­‐ci a été consacré par la loi (A). Espérons que ce contrôle sera effectivement appliqué (B). A-­‐ Un contrôle consacré L’article 34 de la loi du 3 janvier 2008 introduit dans le code de la consommation l’article L141-­‐4 relatif au pouvoir du juge. Désormais, « le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ». Cet article fait suite à plusieurs critiques, tant de praticiens et spécialistes du droit de la consommation que des juges. En effet, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans le cadre du contentieux du crédit à la consommation124, le juge ne pouvait pas soulever d’office les dispositions relevant de l’ordre public de protection. Celles-­‐ci pouvaient seulement être soulevées par la personne que la mesure protège. Selon ces critiques, cette jurisprudence n’appliquait pas les dispositions du code de procédure civile qui fixent les pouvoirs du juge dans le cadre du procès civil. En effet, selon l’article 12, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit 124
Cass. civ. I, 15 février 2000, Bull n°14 ; Cass. civ I, 16 mars 2004, pourvoi n°99-­‐17955. 60 donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». De plus, la jurisprudence de la Cour de cassation n’apparaissait pas conforme à la position dégagée par la CJCE à l’occasion de questions préjudicielles sur l’application des directives sur les clauses abusives et le crédit à la consommation. A titre d’exemple, la CJCE a considéré que, pour parvenir à une bonne application des textes protecteurs des consommateurs, le juge devait disposer de la faculté de se saisir d’office de moyens tirés de la violation de ces règles de protection, notamment en raison de la méconnaissance de celles-­‐ci par le consommateur, partie à l’instance125. Par ailleurs, cette disposition vient à point car elle a été adoptée au moment où, par un arrêt du 21 décembre 2007, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché par la négative la question de savoir si le juge, en matière civile, est ou non tenu de relever d’office un moyen de droit et de statuer au regard d’un fondement juridique non invoqué par les parties126. B-­‐ Un contrôle effectif ? Cette disposition est une avancée attendue depuis fort longtemps pour garantir l’effectivité du droit de la consommation, au tout du moins celle du code. Comme dit lors des débats parlementaires, « cela ne fera pas gagner un particulier qui est dans son tort, mais cela évitera de faire perdre un particulier qui a le droit pour lui ». Les enjeux de ce texte sont donc importants. En effet, le consommateur qui saisit un juge est souvent dans une position plus faible que son adversaire professionnel représenté par un avocat. Il y a donc un déséquilibre dans la connaissance des règles protectrices du droit de la consommation, et le soulevé d’office est un moyen de rétablir cet équilibre. La réglementation sur les pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives étant complexe et entrant en concours avec d’autres dispositions bien établies en droit interne, ce texte pourrait ainsi être exploité par le juge pour permettre au consommateur victime de telles pratiques de se fonder sur la bonne disposition, et ainsi avoir une chance de gagner à l’occasion d’un procès. Cependant, il est difficile d’évaluer l’impact de cette disposition. En effet, les juges disposaient déjà de ce pouvoir concernant les dispositions du Code de la consommation jugées d’ordre public de direction, mais ne l’utilisaient que très rarement. 125
CJCE, 27 juin 2000, Oceano Grupo Editorial et Salvat Editores, aff. C-­‐240/98 à C-­‐244/98, Rec.CJCE 2000, I, p. 4941. Cass. Plén., 21 décembre 2007, pourvoi n°06-­‐11343. 126
61 Espérons donc que cette mesure qui laisse la faculté au juge de soulever d’office, sans lui en faire obligation, sera effectivement appliquée pour contribuer ainsi au renforcement de l’effectivité du droit de la consommation. A noter que cette disposition a été appliquée pour la première fois par la Cour d’appel de Paris en matière de crédit à la consommation dans l’arrêt du 6 mars 2008 SA MCS et associés c/T. Cette décision a d’ailleurs précisé que la disposition était d’application immédiate. II-­‐
Le rôle des organismes professionnels Les organismes professionnels peuvent aussi participer à la protection des consommateurs par l’élaboration de codes de conduite, encouragés par la directive (A). Il apparaît néanmoins que le droit interne reste très timide quant au rôle à accorder à cette faculté (B). A-­‐ Un rôle encouragé par la directive Les codes de conduite, ingrédients de l'autorégulation, forment « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre et qui définissent le comportement des professionnels qui s'engagent à être liés par lui en ce qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs d'activité »127. Les codes de conduite sont des règles internes à une profession, élaborées à l’initiative d’un groupe de professionnels dans le but de mieux protéger les consommateurs contre des pratiques déloyales. Ces règles complètent les dispositions législatives des Etats membres et en aucun cas n’excluent ou ne remplacent les voies de recours judiciaires ou administratives. Ces codes, à l'origine non obligatoires, animés par les principes de subsidiarité et de démocratie, évoluent en règles respectées compte tenu de leur capacité d'adhésion. Sur le terrain consumériste, la Chambre de commerce de Paris décrit « un atout commercial (...) dans la confiance des transactions », alors que le Livre vert évoque « un complément potentiellement utile à la réglementation », surtout dans le secteur de la publicité128. L’élaboration de codes de conduite dans les différents milieux professionnels doit donc être vivement encouragée car il s’agit pour le consommateur d’une garantie supplémentaire de la protection de ses intérêts. 127
Article 2 f) de la directive du 11 mai 2005. COM(2001) 531 ; SEC (2003), 724. 128
62 Aussi, la directive n° 2005/29 réserve une place importante aux codes de conduite en affirmant qu' « il convient de prévoir un rôle pour les codes de conduite »129, et en appuyant « le recours » à ceux-­‐ci130. Elle encourage les mécanismes d’autorégulation professionnelle en permettant que les organismes chargés de l’élaboration de ces codes interviennent dans le contrôle des pratiques commerciales déloyales, qui pourra être préventif ou répressif. En effet, des mesures sont possibles contre les responsables des codes131 si le code lui-­‐
même promeut le non respect des exigences légales. Le non respect des dispositions de ces codes peut également engendrer des conséquences juridiques pour les professionnels qui les violent. Selon la directive, un manquement aux obligations existant en vertu du code peut être qualifié de déloyal et par conséquent être interdit. Mais ces mesures ne sont que des prescriptions et il est grandement insisté sur le caractère volontaire des codes de conduite. B-­‐ Un rôle timide en droit interne Il semble que les deux lois relatives aux pratiques commerciales déloyales ne transposent pas complètement la directive 2005/29. En effet, la loi ne reprend pas l’incitation en faveur des codes de conduite, ce qui, à la vérité, n’étonne pas trop dans un pays où cette pratique existe, certes, mais de manière très timide. Il existe en effet des codes de déontologie professionnelle, publiés par décret, pour certaines professions libérales, telles qu’architectes, chirurgiens-­‐dentistes, commissaires au compte, sages-­‐
femmes, pharmaciens, médecins, et pour la police nationale, mais ce sont des professions qui ne se livrent pas à des pratiques commerciales. Les codes de déontologies professionnelles n’existent pas pour les professions commerciales. Il existe néanmoins pour certaines professions, des textes n'ayant pas fait l'objet de publication officielle, mais qui néanmoins sont intitulés Code. Il en est ainsi pour le Code de déontologie de la fédération de la vente directe ou le Code professionnel de la vente à distance établi par la fédération des entreprises des ventes à distance ou le Code de déontologie du marketing téléphonique. Il existe aussi des codes de bonnes conduites, élaborés sous l'égide d'instances professionnelles. On pense en particulier aux règles établies par le Bureau de vérification de la publicité. Mais tous ces codes de déontologie ne concernent pas en particulier les pratiques commerciales déloyales. Ainsi, bien qu’un contrôle sur les pratiques commerciales déloyales par 129
Considérant 20 de la directive du 11 mai 2005. Article 10 de la directive du 11 mai 2005. 131
Article 2 g) de la directive du 11 mai 2005 : « toute entité, y compris un professionnel ou groupe de professionnels, responsable de l’élaboration et de la révision d’un code de conduite et/ou de la surveillance du respect de ce code par ceux qui se sont engagés à être liés par lui ». 130
63 des organismes de professionnels soit encouragé, celui-­‐ci fait défaut, pour l’heure, en droit interne. Cependant, il paraît nécessaire que ces codes soient élaborés au niveau communautaire, ce qui n’a pas été mentionné par la directive. Comme ils ont un champ d’application limité au territoire d’un Etat membre, ils pourraient en effet créer une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur ce qui est peu probable avec des codes de conduite communautaires. De plus, les codes à l’échelon communautaire pourraient avoir une valeur ajoutée pour les professionnels car ils permettraient à ceux-­‐ci de se conformer aux obligations qui découlent de la directive. Bien que ce ne soit pas le cas pour l’instant, l’autorégulation professionnelle pourrait donc connaître une efficacité certaine, dans la mesure où les codes seraient élaborés au niveau communautaire, et dans la mesure où serait prévue une possibilité de sanction réelle des signataires en cas de violation des prescriptions déontologiques ainsi établies. Chapitre 2 La répression des pratiques commerciales agressives Le législateur, en vue d’assurer une protection élevée des consommateurs, a instauré des mécanismes permettant une poursuite étendue et renforcée des pratiques commerciales agressives (section 1), ainsi que des peines extrêmement lourdes (section2). Section 1 La poursuite des pratiques commerciales agressives La poursuite des pratiques commerciales agressives est renforcée par des pouvoirs d’injonction et de saisine que peut mettre en œuvre la DGCCRF (I). Par ailleurs, il est prévu que l’action en justice contre les pratiques agressives soit ouverte au pus grand nombre (II). I-­‐
Les pouvoirs d’injonction et de saisine de la DGCCRF Bien que l’article L141-­‐1 du Code de la consommation confère aux agents de la DGCCRF des pouvoirs d’injonction et de saisine en matière de pratiques commerciales agressives, qui ont été renforcés depuis la loi n°2007-­‐1774 du 17 décembre 2007 (A), ces pouvoirs ne s’avèrent pas adaptés à l’infraction de pratiques commerciales agressives (B). 64 A-­‐ Des pouvoirs d’injonction et de saisine étendus Au titre de l’article L141-­‐1 du Code de la consommation, deux pouvoirs sont conférés aux agents de la DGCCRF dans le but de faciliter la poursuite des infractions, et notamment celle de pratique commerciale agressive. D’une part, les agents « peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite »132. Les agents de la DGCCRF peuvent donc utiliser leur pouvoir d’injonction en matière de pratiques commerciales agressives aux fins de faire cesser un agissement illicite de la part du professionnel, l’hypothèse de la clause illicite n’intéressant pas cette infraction. Cette prérogative est essentielle puisqu’elle peut permettre une cessation directe de l’agissement illicite, sans passer par le juge. Cependant, une procédure contradictoire doit précéder cette injonction, quel que soit le but poursuivi par celle-­‐ci. L’intéressé doit en effet pouvoir être à même de faire valoir son point de vue sur les faits qui lui sont reprochés. D’autre part, les agents de la DGCCRF peuvent, après en avoir avisé le procureur de la République, saisir la juridiction civile afin que celle-­‐ci ordonne, au besoin sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements à des obligations contractuelles ou aux agissements illicites découlant des dispositions couvertes par le champ d’application de l’article L141-­‐1 du Code de la consommation133. Mais ces prérogatives qui sont pourtant efficaces pour un bon nombre d’infractions s’avèrent inadaptées pour l’infraction de pratique commerciale agressive. B-­‐ Des pouvoirs d’injonction et de saisine inadaptés à l’infraction de pratique commerciale agressive L’administration considère que ces pouvoirs d’injonction ne sont pas réellement adaptés à l’infraction de pratique commerciale agressive134. En effet, la pratique pourra être appréciée en considération de la victime, lorsque celle-­‐ci relèvera d’un groupe de consommateurs particuliers ou vulnérables. Une pratique commerciale qui est agressive pour les uns ne le sera donc pas forcément pour les autres. Il paraît donc difficile pour les agents de la DGCCRF, au vu de ces éléments, d’enjoindre au professionnel de cesser un agissement qui ne sera illicite qu’en fonction des personnes auxquelles il s’adresse. 132
Article L141-­‐1 V du Code de la consommation. Article L141-­‐1 VI du Code de la consommation. 134
Note de service n°2009-­‐07 du 29 janvier 2009. 133
65 De plus, la pratique peut être le fait d’un acte isolé, telle qu’une contrainte physique ou morale. Ainsi, la pratique agressive sera une infraction instantanée, qui aura déjà été commise lorsqu’elle sera rapportée. Enjoindre le professionnel de cesser la pratique aura peu de sens dans ce cas, de même que faire prononcer la cessation de la pratique par une juridiction civile n’en aura pas davantage. Cette faculté d’injonction ou de saisine dont bénéficient les agents de la DGCCRF sera donc mise en œuvre dans des cas très restreints, où l’infraction perdurera dans le temps. Tel sera par exemple le cas de la pratique commerciale réputée agressive qui consiste dans une publicité, à inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d’autres adultes de leur acheter le produit faisant l’objet de la publicité135. Pourtant, la directive invitait elle-­‐même les Etats membres à conférer aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques « même en l’absence de preuve d’une perte ou d’un préjudice réels, ou d’une intention ou d’une négligence de la part du professionnel » 136. II-­‐
L’action en justice contre les pratiques commerciales agressives La pratique commerciale agressive étant une infraction pénale, elle pourra être poursuivie par deux voies d’action (A). Cette action sera d’ailleurs largement ouverte à toutes personnes qui auront un intérêt à agir (B). A-­‐ Une double voie d’action Une pratique commerciale agressive peut donner lieu à deux types d'action. En effet, le demandeur aura le choix entre la voie pénale (1) ou la voie civile (2) en fonction de l'objectif qu’il poursuit. 1. La voie pénale La voie pénale est ouverte lorsque seront réunis, avec une quasi-­‐certitude, les éléments constitutifs de l'infraction et lorsque le demandeur souhaitera aboutir à une condamnation pénale. 135
Article L122-­‐11-­‐1 5° du Code de la consommation. Article 11-­‐2 de la directive du 11 mai 2005. 136
66 L'action publique repose sur les articles L122-­‐11 et L122-­‐12 du Code de la consommation. Le premier de ces textes définit en effet les éléments constitutifs de l'infraction, le second déterminant quelles sont les peines encourues par l'auteur. La mise en mouvement de l’action publique pourra se faire par le ministère public ou par une personne privée. Le ministère public peut en effet agir par application de l’article 31 du Code de procédure pénale. Les procès-­‐verbaux dressés par les agents verbalisateurs sont transmis au procureur de la République qui peut décider le classement pur et simple s'il estime que l'infraction n'est pas établie ou conclure à des poursuites judiciaires. La victime peut citer directement l'auteur du délit devant le tribunal correctionnel137. Mais elle peut aussi mettre en mouvement l'action publique devant le juge d'instruction en portant plainte et en se constituant partie civile. Les personnes qui souhaitent déposer une plainte avec constitution de partie civile en matière délictuelle doivent, dans un premier temps, déposer une plainte devant le procureur de la République ou un service de police judiciaire. Le procureur de la République peut alors procéder à une enquête préliminaire qui lui permettra d'évaluer la pertinence d'un éventuel engagement de poursuites. 2. La voie civile La voie civile sera utilisée par celui qui, victime de la pratique commerciale agressive, ne cherche pas nécessairement à obtenir une sanction pénale contre l'auteur mais souhaite être dédommagé du préjudice qu'il subit. L'action ne pourra être engagée en référé ou au fond que si le demandeur démontre l’existence d’un intérêt pour agir, c’est-­‐à-­‐dire l’existence d’un préjudice. Elle est engagée en référé lorsque, selon les articles 808 et 809 du Code de procédure civile, il y a urgence à faire cesser la pratique litigieuse. Il faudra alors démontrer l'existence d'un intérêt direct et personnel à agir138. Surtout, il faudra apporter la preuve d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite139. Il sera aussi possible d'agir au fond, soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, soit sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il sera nécessaire de démontrer l'existence des éléments nécessaires à la mise en œuvre de la responsabilité civile. L'action sera alors engagée devant la juridiction compétente ratione materiae. 137
Cass. crim. 2-­‐12-­‐1980 : Gaz. Pal. 1981 p. 355 note Fourgoux. Cass. 1re civ., 13 juin 1978 : JCP G 1978, IV, p. 256. 139
Cass. com., 22 juill. 1986 : JCP E 1987, II, 14901, note Gavalda et Lucas de Leyssac ; D. 1986, jurispr. p. 436, note G. Cas ; Rev. huiss. 1987, p. 626, note Lescaillon. 138
67 B-­‐ Une action largement ouverte L’action en justice contre les pratiques commerciales agressives est ouverte à toutes personnes ayant un intérêt légitime à lutter contre les pratiques commerciales déloyales140. Dès lors, pourront agir tant au pénal qu’au civil les consommateurs, les concurrents et les associations de consommateurs. Au pénal, le consommateur isolé trouve son droit d'action dans l'article 2 du Code de procédure pénale qui dispose que « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Il convient de noter que la directive du 11 mai 2005 privilégie des moyens d’actions collectifs. En effet, on peut remarquer l’absence de prérogative particulière ou d’action spécifique conférée au consommateur, victime d’une pratique déloyale. La directive s’adresse en effet davantage aux professionnels eux-­‐mêmes et, en France, aux associations de consommateurs. La constitution de partie civile n'est possible que si le plaignant justifie d'un préjudice actuel, personnel et direct141. Ainsi, une association de consommateurs, même non agréée, peut valablement se constituer partie civile en cas de préjudice direct à l'intérêt collectif des consommateurs dès lors que cet intérêt collectif entre dans son objet social142. Par ailleurs, les associations de consommateurs agréées peuvent se porter partie civile même en cas de préjudice indirect car la loi le leur permet. En vertu de l'article L421-­‐1 du Code de la consommation, elles pourront en effet mettre en œuvre l'action publique au nom de l'intérêt collectif des consommateurs pour obtenir réparation de tout acte ayant causé un « préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ». La faculté d’action en justice des associations de consommateurs a d’ailleurs été reconnue par l’article 11 de la directive du 11 mai 2005, qui leur donne un rôle fondamental. En effet, elles se voient reconnaître le droit de faire valoir un intérêt légitime pour engager une action contre des pratiques commerciales déloyales ou de dénoncer telle ou telle pratique devant une autorité administrative compétente. En outre, il semble qu’un concurrent, victime d'un préjudice causé par une pratique commerciale agressive envers un consommateur, puisse également se porter partie civile. La directive prévoit, en effet, le cas où de telles actions sont intentées par un concurrent du professionnel agissant de manière déloyale143. Les pratiques commerciales déloyales entre 140
Article 11-­‐1 al2 de la directive du 11 mai 2005. Article 2 du Code de procédure pénale. 142
Cass. crim. 12-­‐9-­‐2006 n° 05-­‐86.958 : Bull. crim. n° 217 ; voir n° 2600. 143
Article 11-­‐1 al2 et considérant 8 de la directive du 11 mai 2005. 141
68 professionnels n’entrant pas dans le champ d’action de la directive, cela sous-­‐entend que le concurrent ne pourra saisir la justice que lorsqu’une pratique aura été faite à l’encontre d’un consommateur, et non pas en son encontre. Enfin, la chambre criminelle de la Cour de cassation144, a déclaré que l'action civile peut être exercée par un syndicat professionnel de producteurs industriels ou commerçants, conformément à l'article L. 411-­‐11 du Code du travail, lorsque les faits commis par le prévenu portent atteinte aux conditions normales de la concurrence, et portent préjudice à l'ensemble de la profession qui respecte les obligations légales. On peut penser que, ce qui était admis hier pour la publicité de nature à induire en erreur, sera transposable pour la pratique commerciale agressive. Au civil, le consommateur, le professionnel et l’association de consommateurs ne pourront agir que s’ils démontrent l’existence d’un intérêt pour agir, c’est-­‐à-­‐dire l’existence d’un préjudice. L'action civile des associations se heurte à l'obstacle traditionnel de la qualité pour agir. Mais l'article L421-­‐2 du Code de la consommation permet aux associations de demander à la juridiction civile d'ordonner au défendeur, le cas échéant sous astreinte, de faire cesser la pratique illicite, ce qui peut être interprété comme une admission large de l'action des associations. Il faudra que l'association démontre soit un préjudice personnel, soit une atteinte à l'intérêt qu'elle défend s'il s'agit d'une association spécialisée, soit, pour les associations de consommateurs, une atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs. Les associations de consommateurs pourront également agir en représentation conjointe145. Section 2 Les peines encourues La directive se contente de poser le principe d’interdiction des pratiques commerciales déloyales, elle ne prévoit nulle sanction de cette déloyauté. En effet, Le législateur communautaire abandonne aux États membres la détermination des sanctions applicables en la matière, à la condition qu’elles soient effectives, proportionnées et dissuasives146. Le législateur étant libre du choix des sanctions, il a saisi l’occasion d’assortir les classiques sanctions pénales (I) d’une sanction civile : la nullité du contrat (II). 144
Cass. crim., 13 mars 1979 : JCP G 1979, IV, p. 179. Article L422-­‐1 du Code de la consommation. 146
Article 13 de la directive du 11 mai 2005. 145
69 I-­‐
Les sanctions pénales Malgré l’air du temps, la sanction réservée par le Code de la consommation aux pratiques déloyales est essentiellement pénale. En effet, à un moment où le gouvernement exprime la volonté de dépénaliser, la loi du 3 janvier 2008 a introduit une nouvelle incrimination, tendant à sanctionner les pratiques commerciales agressives, conformément aux impératifs posés par la directive du 11 mai 2005. Car, même si certaines infractions ne sont pas très fréquemment mises en œuvre, la présence des textes répressifs est de nature à dissuader de les commettre. De plus, le recours à la sanction pénale paraît indispensable, dès lors que la sécurité ou la santé des consommateurs est en jeu. Il en est de même en cas de pratiques commerciales frauduleuses, agressives ou abusives. Le législateur, dans cette optique de protection élevé du consommateur, a donc prévu de sanctionner les pratiques commerciales agressives par des peines principales lourdes (A) mais également par des peines complémentaires (B). A-­‐ Les peines principales En cas d'infraction pénale, les poursuites peuvent être engagées soit contre la personne physique auteur de l'infraction telle que le chef d'une entreprise individuelle, soit contre une personne morale, en cas d'infraction commise pour son compte par son organe ou représentant. Depuis le 31 décembre 2005, les personnes morales peuvent en effet être déclarées pénalement responsables de toute infraction commise pour leur compte par leurs organes ou représentants, quel que soit le texte à l'origine de la poursuite147. Et cette responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits »148. La pratique commerciale agressive étant une infraction intentionnelle, les poursuites seront donc en principe engagées à la fois contre la personne physique et contre la personne morale. L’article L122-­‐12 du Code de la consommation dispose que « le fait de mettre en œuvre une pratique commerciale agressive est puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 150 000 euros au plus ». Le montant s’élèvera à 750 000 euros en cas de responsabilité pénale de la personne morale. En effet, « le taux maximum de l'amende applicable aux personnes 147
Article 121-­‐2, al. 1 du Code pénal. Article L 121-­‐2, al. 3 du Code pénal. 148
70 morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction »149. Au vu de ces sanctions particulièrement lourdes, on peut légitimement s’interroger sur la conformité de cette solution avec la directive, étant rappelé que le droit communautaire veille à l’effectivité, à la proportionnalité et au caractère dissuasif des sanctions. Les peines des pratiques commerciales trompeuses, paraissent quant à elles, nettement plus proportionnelles150. Toutefois, l’amende peut être également très importante puisqu’elle pourra être portée à 50% des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit. On notera que, confrontée au silence du texte, la tentative de ce délit n’est pas punissable. Cependant, il convient de pondérer cette affirmation en analysant la nature juridique de l’infraction. Elle est matérielle lorsqu’elle altère la liberté de choix du consommateur, qu’elle vicie le consentement ou qu’elle entrave l’exercice de ses droits contractuels. Elle est formelle si elle est de nature à altérer la liberté de choix du consommateur ou à vicier son consentement. Dans ces derniers cas, c’est-­‐à-­‐dire dans le cadre de l’infraction formelle, la répression peut intervenir assez rapidement dans le cheminement infractionnel puisque l’infraction formelle se définit souvent comme une tentative érigée en infraction consommée151. B-­‐ Les peines complémentaires Les peines complémentaires sont des sanctions secondaires qui suivent les sanctions principales, mais dont les effets peuvent être plus importants. La sanction complémentaire, à la différence de la sanction accessoire, est prévue par la loi. Les peines complémentaires sont prévues de manière distincte, selon que la pratique agressive sera effectuée par une personne physique (1) ou par une personne morale (2). 1. Les peines appliquées aux personnes physiques En vertu de l’article L122-­‐13 du Code de la consommation : « Les personnes physiques coupables du délit prévu à l'article L. 122-­‐12 encourent une interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une activité commerciale ». Cette sanction est extrêmement lourde pour un professionnel. En effet, la personne sera interdite d’exercer une activité commerciale de manière directe ou indirecte pendant une durée qui n’est pas négligeable. Elle démontre bien la volonté du législateur de lutter contre les 149
Article 131-­‐38 du Code pénal. Article L213-­‐1 sur renvoi de L121-­‐6 du Code de la consommation : emprisonnement de 2 ans et amende de 37500 euros. 151
e
Pradel J., Droit pénal général, 16 éd. Cujas 2007, n°398. 150
71 pratiques commerciales agressives. On ignore encore si cette peine sera effectivement appliquée, ou si elle n’existe que pour dissuader les professionnels de commettre de telles pratiques. Par ailleurs, toutes les pratiques commerciales agressives n’ayant pas la même intensité, cette sanction paraît excessivement dure pour certaines, notamment la pratique qui consiste à « informer explicitement le consommateur que s’il n’achète pas le produit ou le service, l’emploi ou les moyens d’existence du professionnel seront menacés ». Enfin, il est à noter que cette peine complémentaire appliquée aux personnes physiques est bien plus lourde que les peines complémentaires appliquées aux personnes commettant des pratiques commerciales trompeuses. Cela dénote peut-­‐être une hiérarchie entre ces deux pratiques, la pratique agressive s’avérant plus grave que la pratique trompeuse. 2. Les peines appliquées aux personnes morales Au titre de l’article L122-­‐14 du Code de la consommation : « Les personnes morales coupables du délit prévu à l'article L. 122-­‐12 encourent les peines mentionnées à l'article 131-­‐39 du code pénal ». L’article L122-­‐14 renvoie donc à l’article 131-­‐39 du Code pénal qui envisage onze peines susceptibles d’être prononcées à l’encontre des personnes morales qui auraient commis l’infraction de pratique commerciale agressive. Certaines paraissent néanmoins plus appropriées que d’autres. En effet, les 1°, 10° et 11° de l’article 139-­‐1 du Code pénal ne seront pas applicables concernant les pratiques commerciales agressives152. Ainsi, pourront être prononcées les peines suivantes, la plupart ayant de lourdes conséquences sur l’activité de la personne morale : « 2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ; 3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ; 4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; 5° L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ; 152
Article 139-­‐1 du Code pénal : 1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ; 10° La confiscation de l'animal ayant été utilisé pour commettre l'infraction ou à l'encontre duquel l'infraction a été commise ; 11° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de détenir un animal ». 72 6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ; 7° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ; 8° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ; 9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-­‐ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ; » II-­‐
La sanction civile : la nullité du contrat La victime d’une infraction pénale en matière de réglementation économique peut engager une action civile afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi. Elle pourra donc obtenir des dommages et intérêts évalués en fonction de son préjudice. Parallèlement, le législateur instaure, en complément des sanctions pénales prévues, la possibilité d’obtenir la nullité du contrat conclu à la suite de la mise en œuvre d’une pratique commerciale agressive. Si cette sanction apparaît classique concernant un vice de formation du contrat (A), elle est totalement nouvelle concernant son exécution (B). A-­‐ Une sanction classique d’un vice de formation du contrat L’article L122-­‐15 du Code de la consommation dispose que « lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-­‐ci est nul et de nul effet ». Cette sanction ne couvre pas toutes les hypothèses puisqu’il convient de rappeler qu’une pratique commerciale peut très bien être sanctionnée sur la base de l’article L122-­‐11 du Code de la consommation sans qu’il y ait eu conclusion d’un contrat153. Mais dès lors qu’un contrat a été conclu suite à une pratique commerciale agressive, celui-­‐ci sera nul et de nul effet. Cette annulation pouvait déjà être obtenue sur le fondement des dispositions du Code civil relatives aux vices du consentement. Mais l’annulation sur le fondement de la violence154 n’était 153
Considérant 13 de la directive du 11 mai 2005. Article 1109 du Code civil. 154
73 pas retenue fréquemment, dans la mesure où cette sanction n’était pas automatique et dans la mesure où elle n’était pas facilement démontrée. Au contraire, l’annulation du contrat sur la base de l’article L122-­‐15 sera facilement retenue, puisqu’il s'agit d'une nullité de plein droit consécutive à la reconnaissance, par la juridiction répressive, de l'existence de l'infraction, peu importe le quantum de la peine. Le consommateur victime n'aura donc pas besoin de saisir la juridiction civile pour demander la nullité du contrat qui aurait pu être conclu à la suite de la pratique commerciale agressive. Cette sanction est à saluer, car elle vient codifier une solution jurisprudentielle permettant d’assurer une certaine cohérence entre les différentes branches du droit privé. En effet, la condamnation pénale du caractère trompeur d’une communication ne permettait pas de considérer que les engagements souscrits par ce biais étaient de ce fait, nuls. La Cour de cassation semblait toutefois avoir atténué ce cloisonnement, en estimant que si la violation des dispositions d’ordre public entraînait des sanctions pénales, elle emportait également, en vertu de l’article 6 du Code civil, nullité du contrat de vente155. B-­‐ Une sanction nouvelle d’une entrave à l’exécution du contrat L’article L122-­‐15 du Code de la consommation qui dispose que « lorsqu'une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d'un contrat, celui-­‐ci est nul et de nul effet » est très favorable au consommateur. En effet, puisqu’une pratique peut être agressive lorsqu’elle entrave l’exercice de ses droits contractuels, il en résulte que la nullité a également vocation à sanctionner une pression commise lors de son exécution, et non plus seulement lors de sa formation. C’est bien le signe que le législateur, en droit de la consommation, s’affranchit des distinctions traditionnelles. Cependant, cette nullité du contrat et de son effet n’est curieusement pas prévue pour les pratiques commerciales trompeuses. A contrario, la transaction possible avec la DGCCRF, après accord du procureur de la république, prévue pour les pratiques commerciales trompeuses n’est pas prévue pour les pratiques commerciales agressives156. Les dispositions ainsi établies sur le plan pénal en matière de pratiques commerciales déloyales ne semblent donc pas très homogènes. 155
Cass. 1re civ.,7 déc. 2004, no 01-­‐11.823, Bull. civ. I, no 303. Article L141-­‐2 du Code de la consommation. 156
74 Titre 2 Les impacts de la règlementation des pratiques commerciales La nouvelle réglementation instaurée par la directive n°2005/29/CE pose dans un premier temps la question de l’étendue de la protection qu’elle confère aux consommateurs contre les pratiques commerciales agressives (chapitre 1). Dans un second temps, il convient d’étudier les impacts que cette réglementation a eu ou peut avoir sur notre droit de la promotion des ventes (chapitre 2). Chapitre 1 L’étendue de la protection du consommateur contre les pratiques commerciales agressives Bien que la protection du consommateur européen contre les pratiques commerciales agressives s’en trouve sensiblement renforcée (section 1), il apparait qu’elle soit beaucoup plus relative concernant le consommateur français (section 2). Section 1 Une protection sensiblement renforcée pour le consommateur européen Le consommateur européen bénéficie désormais en principe d’une protection harmonisée de niveau élevé et égal dans tous les pays membres (I), protection qui est renforcée par la mise en place d’un réseau communautaire (II). I-­‐
Une protection harmonisée de niveau élevé et égal En vertu de l’article 1er de la directive n°2005/29/CE, l’objectif de celle-­‐ci est de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, règlementaires et administratives des Etats membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ». Bien que l’objectif affiché soit clair, c’est-­‐à-­‐dire rapprocher les législations nationales pour assurer un niveau élevé de protection des consommateurs (A), il apparait que cet objectif d’harmonisation conférant une protection de niveau élevé et égale puisse être quelque peu remis en cause (B). 75 A-­‐ Une protection de principe L’harmonisation maximale de la directive permet le rapprochement des législations nationales de tous les Etats membres de l’Union européenne. L’établissement de règles uniformes supprime les divergences de fond que les Etats membres entretenaient quant aux pratiques considérées comme déloyales ou quant à la référence au consommateur moyen. En effet, la législation belge interdisait par exemple la mention, dans la publicité, de tests comparatifs effectués par des associations de consommateurs. En revanche, dans d'autres États membres, tels que l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie, cette pratique était considérée comme légale tant que les informations données aux consommateurs étaient véridiques, complètes et loyales. De plus, en Allemagne, certaines pratiques étaient jugées déloyales parce qu'elles exerçaient une pression morale sur les consommateurs. Par exemple, un tribunal allemand avait récemment condamné une brasserie qui avait promis dans ses publicités de financer la conservation d'un mètre carré de forêt tropicale africaine pour chaque caisse de bière vendue157. Une divergence avec les autres législations, puisqu’il était extrêmement peu probable que beaucoup d'autres États membres considèrent cette pratique comme une pression à caractère déloyal. Enfin, si tous les États membres appliquaient des normes plus strictes à la publicité s'adressant aux enfants, on constatait d'importantes divergences quant à l'approche adoptée. Par exemple, le tribunal de commerce finlandais a interdit une publicité radiophonique pour une chaîne de restauration rapide, dans laquelle un enfant demandait à sa mère de lui acheter un menu "hamburger" emballé dans un jouet en forme de bateau en plastique158. Si cette affaire pouvait être jugée de manière similaire par l'autorité antitrust italienne159, plusieurs autres États membres comme l'Autriche, la Belgique et l'Allemagne appliquaient des normes moins restrictives à la publicité s'adressant aux enfants ou à l'utilisation d'enfants dans la publicité. Par conséquent, l’affaire sur laquelle le tribunal de commerce finlandais s'était prononcé aurait probablement été jugée d'une autre façon dans ces pays. Par ailleurs, différents consommateurs de référence étaient utilisés pour juger d'une pratique commerciale. En effet, bien que la CJCE utilise, dans ses arrêts, la notion de « consommateur moyen », qui est « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », les tribunaux nationaux n'appliquaient pas toujours la notion de « consommateur moyen » développée par la Cour. 157
Oberlandesgericht Hamm, arrêt du 12 novembre 2002 – Krombacher. MT 1987:13. Le tribunal du commerce a jugé qu'un enfant ne devait pas occuper une position centrale dans une publicité où l'enfant conseille à un adulte d'acheter un produit commercialisé. 159
Autorità per la concorrenza ed il mercato, décision n° 5755 du 5 mars 1998 – Norad. 158
76 Par exemple, dans l'affaire Saint-­‐Brice160, la Cour de cassation belge s'était référée au consommateur le moins averti qui, sans esprit critique vis-­‐à-­‐vis de ce qui lui est présenté, ne peut déceler les pièges, les outrances ou les silences trompeurs. Dans la récente affaire de publicité pour un scanner161, la plus haute juridiction allemande décrivait le « consommateur moyen » comme un « observateur distrait » dans certaines situations, en se référant à la notion de consommateur de référence précédemment utilisée dans la jurisprudence allemande. Cette situation entraînait une insécurité et une complexité notables sur le plan juridique, lesquelles constituaient un frein aux activités transfrontalières à la fois pour les entreprises et les consommateurs. Dorénavant, toutes ces notions sont harmonisées de façon maximale, et aucune divergence sur le fond n’est tolérée. Ainsi, l’harmonisation des règles nationales en matière de pratiques commerciales déloyales devrait permettre au consommateur européen de bénéficier d'une protection, de niveau élevé et égal, dans tous les pays de la Communauté, qu'il achète un produit chez un professionnel local ou qu'il le fasse sur le site Internet d'un commerçant établi dans un pays tiers de la Communauté. Parallèlement, la pression concurrentielle intracommunautaire devrait augmenter. Les professionnels malhonnêtes auront, quant à eux, moins d'opportunités de profiter des divergences nationales régnant jusqu'ici dans le domaine de la protection du consommateur. Ceci aurait des conséquences très bénéfiques pour le Marché intérieur, comme le laissait présager un sondage Eurobaromètre162 : 38% des entreprises prévoyaient en effet d'augmenter leur budget de publicité et de commercialisation transfrontalières à la suite d'une harmonisation. Une telle politique répond, également, à un besoin de croissance au sein du marché intérieur, la Commission rappelant que l'abolition des frontières a créé, depuis 1992, 2,5 millions d'emplois et 877 milliards d'euros de richesse. Cette méthode de construction du Marché intérieur a cependant ses limites, car il est impossible d’harmoniser l’ensemble des législations nationales. B-­‐ Une protection pouvant être remise en cause Une protection de niveau élevée et égale dans tous les Etats membres peut être remise en cause à deux titres au moins. 160
Cour de cassation Belge, arrêt du 12 octobre 2000 (Saint-­‐Brice S.A. contre État belge). Bundesgerichtshof, arrêt du 20 décembre 2001 -­‐ I ZR 215/98. 162
Sondage quantitatif Eurobaromètre 57.2. 161
77 Tout d’abord, la directive engage les Etats membres à déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales et à mettre tout en œuvre pour en assurer l’exécution163. La directive se contente donc de poser le principe d’interdiction des pratiques commerciales déloyales, mais ne prévoit nulle sanction de cette déloyauté. Le législateur communautaire abandonne aux États membres la détermination des sanctions applicables en la matière, à la condition qu’elles soient effectives, proportionnées et dissuasives164. Le législateur communautaire manque sans doute ici une occasion. L’absence d’unité du régime des sanctions applicables à la violation des dispositions de la présente directive conduit à la remise en cause du principe même d’une harmonisation totale de la matière. Il est en effet constant que les États membres ne prônent pas une identique sévérité à l’égard de la déloyauté des professionnels. Le droit français de la consommation est, sur le plan des sanctions, l’un des plus rigoureux en Europe puisqu’il reste dans une large mesure inspiré du droit pénal. Une disparité importante perdure donc puisque les Etats membres ont la possibilité de prévoir des sanctions civiles ou des sanctions pénales, voire d’adopter un régime mixte. Les consommateurs ne seront en conséquence pas traités de la même manière dans tous les Etats membres, certains donnant par exemple la possibilité d’une remise en cause du contrat conclu à la suite de pratiques commerciales agressives, d’autres non. Il est certain qu’un régime de sanction défini par la directive aurait été préférable. Ensuite, l’harmonisation ne sera pas totale avant longtemps. En effet, en vertu de l’article 3-­‐
5 de la directive, les États membres ont, pendant une durée de six ans à compter du 12 juin 2007, date limite pour la transposition de la présente directive, la faculté de continuer à appliquer les dispositions nationales intéressant la matière et pour lesquelles il existe des directives d’harmonisation minimale. Pour autant, cette disposition, en raison de son champ restreint, ne devrait pas remettre en cause l’application de la directive et de son principe. En effet, elle n’aurait vocation à s’appliquer qu’à la condition stricte que les mesures nationales soient « essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être proportionnées à cet objectif à atteindre », ainsi que l’exige le texte. A noter que le gouvernement français n’a pas fait jouer la possibilité de notification offerte par l’article 3 afin de pouvoir conserver certains textes nationaux plus protecteurs que la directive. 163
Article 13 et considérant 22 de la directive du 11 mai 2005. Article 13 de la directive du 11 mai 2005. 164
78 II-­‐
Une protection renforcée par la mise en place d’un réseau communautaire Pour garantir l'efficacité d'une telle législation harmonisée, il doit être instauré un contrôle efficace permettant la protection du consommateur dans les transactions transfrontalières. Un contrôle paraît d’autant plus essentiel que l’essor des transactions transfrontalières, joint aux facilités d’accès à l’Internet, multiplie les escroqueries. Sont recensés le piratage de modems, les fausses tombolas, les services de voyance, les envois forcés, le marketing trompeur...165 Or, en parallèle, les freins aux échanges d’information et à la coopération enrayent le succès des actions en justice. D’ailleurs, selon une enquête sur les comportements de consommation publiée par la Commission en 2002, les consommateurs européens doutent d’être bien protégés dans l’ensemble de l’Europe166. A cet égard, l’article 16 de la directive du 11 mai 2005 se réfère au règlement n° 2006/2004 du 27 octobre 2004167 qui étoffe la coopération communautaire en érigeant un réseau entre États membres. Ce règlement relatif à la mise en place d'un réseau d'autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs, contribuent, de façon complémentaire, à la bonne application de ce corps de règles. En effet, ce texte vise à empêcher les professionnels peu scrupuleux, agissant à travers les frontières, d’échapper aux autorités chargées de faire respecter la loi, soit en ciblant des consommateurs vivant dans d’autres pays de l’Union, soit en se plaçant eux-­‐mêmes dans une autre juridiction que leurs clients. Pour ce faire, il traque les obstacles actuels aux échanges d’informations et à la coopération, et donne aux autorités compétentes des Etats membres168 le pouvoir de demander et d’obtenir une intervention de leurs homologues des autres États membres. « Les États membres doivent collaborer pour éliminer les escrocs ; notre réseau communautaire d’application des lois leur en donne les moyens » affirme D. Byrne, alors en charge de la santé et de la protection des consommateurs. Chacun d’entre eux jouit sur le sol national, dans les conditions du droit national, d’un pouvoir d’investigation, de contrôle, voire de cessation ou de sanction. Le réseau permet un échange d’informations volontaire et confidentiel ; il coordonne les mesures d’enquête et d’exécution en cas d’une infraction portant préjudice à des consommateurs dans plus de deux États membres ; il a un rôle d’alerte si une telle infraction risque de se produire. 165
COM(2003) 443, 18 juill. 2003. http://europa.eu.int/comm/consumers. 167
Règlement n° 2006/2004/CE du 27 octobre 2004, JOUE 9 déc., n° L 364, p. 1. 168
En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. 166
79 Le règlement n° 2006/2004/CE est donc centré sur l’« assistance mutuelle » faite de droits et d’obligations réciproques. Chacune des autorités publiques investies par les droits internes peut requérir un appui auprès des autres points du réseau pour enquêter sur des infractions au droit de la consommation, pour trouver des informations et traquer les auteurs d’actes frauduleux. Doit s’ensuivre, selon la Commission européenne, une coopération aussi « facile et fluide » qu’avec les autres autorités de leurs propres pays. En échange, chaque autorité requérante qui serait sollicitée est à son tour tenue d’apporter une assistance. Ainsi, des réseaux se tissent non seulement entre ceux qui créent le droit mais aussi entre ceux qui le mettent en œuvre, faisant que la nouvelle approche ravivée par le Livre vert retrouve une certaine vigueur. Section 2 Une protection relative pour le consommateur français Bien que la protection induite par la réglementation des pratiques commerciales agressives s’avérait nécessaire (I), celle-­‐ci est toutefois d’une grande complexité (II). I-­‐
Une protection nécessaire La règlementation des pratiques commerciales agressives est la bienvenue puisque le droit préexistant était insuffisant (A). De plus, la protection du caractère libre du consentement qui était auparavant éclatée devient désormais autonome (B). A-­‐ Les insuffisances du droit préexistant Jusqu'ici, le comportement déloyal du professionnel ne pouvait être poursuivi que dans le cadre de la concurrence déloyale par un autre professionnel, le consommateur ne pouvant agir pour sa part que par le biais des dispositions spécifiques du droit de la consommation ou à travers le droit commun des obligations. Plus particulièrement, des dispositions générales concernant toutes les pratiques commerciales, et d’autres plus spécifiques, tendent à prendre en considération les pratiques commerciales agressives. Mais ces diverses dispositions ont été jugées insuffisantes pour sanctionner ce type de comportement. Tout d’abord, le comportement agressif peut être sanctionné en droit civil. En effet, en droit civil, le consentement est un élément fondamental du contrat, un des quatre piliers de sa formation avec la capacité, l'objet et la cause. Le code civil protège donc le caractère libre et 80 éclairé de celui-­‐ci, à travers les vices du consentement : le caractère libre l'est par le vice de violence, et le caractère éclairé par ceux d'erreur et de dol. Sans vouloir reprendre ici toute la notion de violence prévue dans les articles 1111 et suivants du Code civil, il apparaît que la définition qu'en donne ces textes est assez large. Selon l'article 1112, elle doit être de nature à faire impression sur une personne raisonnable et elle peut être exercée non seulement contre le contractant mais aussi sur son conjoint, ses ascendants ou descendants. En revanche, la jurisprudence en donne une interprétation relativement restreinte. On sait en effet que la jurisprudence a eu tendance à n'admettre la violence que de manière assez restrictive jusqu'à ce que soit admise assez récemment la contrainte économique169. Mais même dans ce domaine, le comportement agressif n’est sanctionné que très rarement, la jurisprudence souhaitant concilier l’impératif de justice contractuelle à celui de liberté contractuelle. De plus, pour sanctionner ce type de comportement, il ne suffit pas qu’il soit de nature à vicier le consentement de la personne, il est nécessaire qu’il soit effectif. Rapporter la preuve de l’existence de cette contrainte soulève donc de nombreuses difficultés. En outre, cette contrainte ne peut remettre en cause le contrat que lors de sa formation. Toutes pressions exercées à la suite de la formation du contrat ne sont en effet pas susceptibles d’être sanctionnées à ce titre. Ces articles du Code civil n'ont donc été pratiquement pas appliqués en droit de la consommation en raison du peu d’intérêt en jeu. Cette protection civile a ainsi été jugée insuffisante par le législateur qui a estimé nécessaire de pénaliser certains comportements déloyaux et de renforcer la protection pénale du consentement du consommateur. Toutefois, là encore, des lacunes subsistent. En effet, le législateur est venu protéger le consommateur par la prise en compte de l’abus de faiblesse, au départ circonscrit à l’hypothèse du démarchage à domicile, mais par la suite étendu au point d'avoir aujourd'hui deux textes qui ne se recoupent pas complètement, l'un en droit pénal, l'autre en droit de la consommation. En effet, l’article L122-­‐8 du Code de la consommation dispose que « quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure 169
Cass. 1re civ., 30 mai 2000 : JurisData n° 2000-­‐002309 ; Bull. civ. 2000, 1, n° 169 ; D. 2000, p. 879, note Chazal ; JCP G 2001, II, 10461, note Loiseau ; Contrats, conc. consom. 2000, comm. 142, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2000, obs. Mestre et Fages. 81 d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ». L’article 223-­‐15-­‐2 du Code pénal dispose quant à lui qu’« est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Mais si ces dispositions sont générales quant aux actions visées, elles sont particulières aux personnes particulièrement vulnérables telles que définies dans ces articles. De plus, ces dispositions ne prévoient pas la nullité de la convention comme sanction. La protection du caractère libre du consentement du consommateur n’est donc ici pas encore totale. Enfin, des dispositions plus particulières à telle ou telle pratique commerciale peuvent être envisagées, mais celles-­‐ci restent très spécifiques et ne permettent pas une protection d’ensemble. C'est d'abord le cas de tous les contrats dans lesquels le droit français accorde un droit de repentir ou de rétractation comme le démarchage à domicile, la vente à distance, les contrats d'assurance, le crédit à la consommation. Mais c'est aussi le cas de certains procédés de vente interdits ou réglementés en droit français comme la vente à la boule de neige, la vente multiniveaux, la vente à but caritatif, la vente sans commande préalable, les actions d'officine de recouvrement de dettes ou encore les offres de services faites à l'occasion ou en prévision d'obsèques170. B-­‐ Une protection désormais souple et autonome C’est la modification du droit de la consommation la plus importante de ces dernières années qui intervient avec les dispositions relatives aux pratiques commerciales déloyales et agressives. Sans en modifier radicalement l’esprit, l’article L122-­‐11 du Code de la consommation a permis de corriger un certain nombre de lacunes du modèle normatif français applicable aux pratiques commerciales agressives. 170
Article L2223-­‐33 du Code des collectivités territoriales. 82 Tout d’abord, le droit français de la consommation se révélait être un droit inadapté aux évolutions des méthodes de marketing. Posant des règles fixes, il rendait délicate l’appréhension de nouvelles techniques de promotions et de commercialisation. Cette disposition a le mérite de poser un cadre marqué d’une souplesse certaine qui, intervenant comme une norme de comportement, permet l’adaptation aux évolutions des techniques et procédés commerciaux. En effet, bien que l’article L122-­‐11-­‐1 du Code de la consommation fixe une liste de huit pratiques commerciales réputées agressives, d’autres pratiques peuvent être considérées comme agressives dès lors qu’elles correspondent aux critères exposés à l’article L122-­‐11 du Code de la consommation. Les inconvénients d’une réglementation des pratiques commerciales trop statique et facilement contournable sont ainsi évités. Ensuite, l’interdiction des pratiques agressives est plus étendue que les infractions préexistantes et il est désormais plus facile de sanctionner les comportements déviants des professionnels. En effet, elle est plus large que la notion de violence du Code civil, puisque la pratique agressive ne suppose pas que le consentement soit vicié. Il suffit que le comportement du professionnel soit « de nature » à vicier le consentement. De plus, l’interdiction n’est pas limitée aux relations précontractuelles car sont également visées par la loi l’altération de la liberté de choix et l’entrave à l’exercice des droits contractuels. La loi instaure donc la possibilité pour le consommateur de pénaliser toutes les étapes de sa relation contractuelle avec le professionnel. Enfin, le droit de la consommation renforce la protection du consommateur, en prévoyant une sanction pénale très lourde qui dissuadera le professionnel de commettre de telles pratiques, et une sanction civile permettant la nullité automatique d’un contrat dès lors que la pratique « aboutit à la conclusion » de celui-­‐ci. De plus, cette nouvelle disposition permet, à la différence de l’abus de faiblesse, de sanctionner les comportements agressifs des professionnels à l’égard de tous les consommateurs, tout en appréciant différemment les consommateurs vulnérables, et même ceux n’aboutissant pas à la conclusion d’un contrat. Enfin, avant l'entrée en vigueur des lois relatives aux pratiques commerciales déloyales, la protection du consommateur contre de telles pratiques ne faisait pas l'objet, en droit français, d'une réglementation autonome. Il est donc remédié à l’amoncellement de réglementations trop spécifiques qui obscurcissaient la matière et ne permettait pas au consommateur de se rendre compte de l’étendue de ses droits. Cette disposition amènera en outre une simplification du droit de la consommation dans ce domaine, puisque, bien que l’infraction nouvelle se recoupe pour l’instant avec d’autres notions, ces dernières sont vouées à être supprimées en raison du principe d’harmonisation maximale. 83 II-­‐
Une protection complexe Pour l’heure, la législation visant à lutter contre les pratiques commerciales agressives est, en l’absence de précisions du législateur, une protection complexe. En premier lieu, on a du mal à délimiter clairement les contours de l’infraction de pratiques commerciales agressives avec celle de pratiques commerciales déloyales. Selon l’article L120-­‐1 I du Code de la consommation, une pratique commerciale est déloyale « lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ». L’article L120-­‐1 II du Code de la consommation, qui transpose à l’identique l’article 5 alinéa 4 de la directive, précise que « constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L121-­‐1 et L121-­‐1-­‐1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L122-­‐11 et L122-­‐11-­‐1 du Code de la consommation ». Il apparaît donc que la pratique commerciale agressive soit une catégorie de pratiques commerciales déloyales. Mais une distinction est faite sans que l’on sache vraiment si ces différentes qualifications sont autonomes ou si elles doivent toujours s’apprécier en fonction des critères généraux retenus pour les pratiques déloyales. Selon l’administration171, l’article L120-­‐1 est une clause générale de même type que celle de L221-­‐1 du Code de la consommation posant le principe de l’obligation générale de sécurité. Selon elle, cet article pose en effet le principe général de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales dont il fixe les caractéristiques de base. Celles-­‐ci servent donc d’élément matériel aux infractions qualifiées de pratiques commerciales trompeuses ou agressives, qui constituent deux formes de pratiques déloyales. Cependant, cette analyse est contredite par l’alinéa 2 de l’article L120-­‐1 lui-­‐même. En effet, cette disposition ne peut pas constituer un simple guide d’interprétation décrivant la déloyauté caractérisant les pratiques trompeuses ou agressives car, conformément à la directive, les pratiques commerciales déloyales existent en tant que telles en dehors des pratiques trompeuses et agressives. Néanmoins, elle ne constitue pas non plus une nouvelle infraction pénale autonome permettant de sanctionner des pratiques ni trompeuses, ni agressives mais présentant un caractère déloyal. En effet, les critères d’incrimination de l’article L120-­‐1 du Code de la consommation ne sont pas suffisamment précis pour qu’ils soient assortis de sanctions pénales, ce que n’a d’ailleurs pas prévu la loi. 171
Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 sur les pratiques commerciales déloyales. 84 Pourtant, l'article L141-­‐1 du Code de la consommation précise que les infractions prévues au chapitre préliminaire sont recherchées et constatées dans les conditions fixées aux articles L450-­‐1 à L450-­‐4 du Code de commerce. Sans pour autant en être sûr, il semblerait dès lors que cet article édicte un principe général qui a vocation à n’être utilisé en tant que tel pour relever une pratique commerciale déloyale que dans l’hypothèse où celle-­‐ci ne pourrait être qualifiée ni de trompeuse, ni d’agressive. Elle peut donc être assimilée à une nouvelle interdiction délictuelle pouvant être invoquée devant les juridictions civiles par toute personne intéressée, la déloyauté caractérisant la faute. En second lieu, outre les incohérences que l’on peut relever au sein même de la liste des pratiques commerciales réputées agressives, une autre imprécision surgit quant à la preuve de l’élément matériel de l’infraction. D’une part, la présomption irréfragable dégagée par la directive pour la liste des huit pratiques commerciales réputées agressives n’est pas précisée en droit interne. Dès lors, la question est de savoir si le professionnel pourra se décharger de sa responsabilité pénale en rapportant la preuve que sa pratique n’était pas agressive. D’autre part, si en droit commun, il est clair que la charge de la preuve incombe au demandeur, c’est-­‐à-­‐dire au consommateur, celle-­‐ci est remise en question par la directive. En effet, le considérant 21 de la directive énonce que « bien que la charge de la preuve doive être déterminée conformément à la législation nationale, il convient que les tribunaux et les autorités administratives soient habilités à exiger des professionnels qu’ils fournissent des preuves sur l’exactitude de leurs allégations factuelles ». En l’absence de précision dans les textes nationaux, la preuve paraît donc être partagée entre le consommateur et le professionnel, mais rien n’est moins sûr. En dernier lieu, le phénomène de superposition des différentes notions protégeant un caractère libre du consentement du consommateur avec la nouvelle infraction ne contribue pas à la clarté du cadre juridique applicable aux rapports contractuels entre professionnels et consommateurs. 85 Chapitre 2 La profonde remise en cause du droit français de la promotion des ventes Il convient de rappeler que l’on distingue habituellement deux types de directives. D’une part, les directives communautaires qui se focalisent sur des points essentiels et ne visent qu’à une harmonisation « minimale », au-­‐delà ou en dehors de laquelle les États membres restent libres de se montrer plus draconiens, et d’autre part, celles qui effectuent une harmonisation dite « complète » ou « maximale », en établissant des règles détaillées et en empêchant les États membres de maintenir et d’adopter des règles nationales qui contiennent un niveau de protection du consommateur plus ou moins élevé. La directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 procède quant à elle à une harmonisation maximale, plusieurs éléments présents dans la directive le laissant percevoir. Le considérant 11 de la directive précise en effet que le rapprochement des dispositions nationales assuré par la directive doit créer « un niveau commun élevé de protection des consommateurs ». Le considérant 12 énonce quant à lui que « les consommateurs et les professionnels pourront ainsi s’appuyer sur un cadre réglementaire unique fondé sur un concept juridique clairement défini réglementant tous les aspects des pratiques commerciales déloyales au sein de l’Union européenne ». En outre, les considérants 14 et 15 précisent expressément que la directive tend à une harmonisation « complète » ou « totale ». Enfin et surtout, l’article 4 de la directive prévoit que « les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel cette directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur ». Autrement dit, la directive n’a pas pour seul objectif de protéger le consommateur européen, elle vise également à contribuer au bon fonctionnement du marché communautaire. Récemment, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) est venue préciser et clarifier la portée de l’harmonisation maximale effectuée par la directive sur les pratiques commerciales déloyales (section 1), précisions qui entrainent des répercussions d’une ampleur considérable (section 2). 86 Section 1 La portée de l’harmonisation maximale effectuée par la directive sur les pratiques commerciales déloyales Ce texte communautaire, dont les répercussions sur les droits nationaux étaient encore mal perçues, a récemment fait l'objet d'un arrêt retentissant rendu par la CJCE, qui est venu en préciser la portée (I). Elle été confirmée par la suite par la jurisprudence française (II). I-­‐
Une portée clarifiée par la jurisprudence communautaire L’article L120-­‐1 du Code de la consommation, qui édicte une interdiction générale des pratiques commerciales déloyales, figure sous le chapitre préliminaire du titre II du livre Ier du Code de la consommation. La question pouvait se poser des conséquences de cet emplacement. Cela signifiait-­‐t-­‐il simplement que les pratiques commerciales déjà visées par ce titre étaient, lorsqu'elles sont illicites, présumées déloyales ou fallait-­‐il considérer que les éléments qui définissent la pratique commerciale déloyale doivent désormais être pris en compte pour déterminer si les délits énumérés dans le titre II étaient constitués ? L'administration, qui considérait pour sa part que les critères posés par l'article L 120-­‐1, I ne concernaient que les pratiques commerciales trompeuses et agressives, vient d’être contredite par un arrêt récent de la CJCE, qui vient préciser la portée de l’harmonisation maximale effectuée par la directive. En effet, par deux ordonnances successives de mai et juin 2007, le tribunal de commerce d'Anvers, saisi de deux affaires172, a posé une question préjudicielle à la CJCE au titre de l'article 234 du Traité CE, à savoir : la directive n° 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales et l'article 49 du Traité CE s'opposent-­‐ils à une disposition nationale prévoyant une interdiction de principe des offres conjointes ? En l'espèce, étaient visés les articles 54 et suivants de la loi belge interdisant, sauf certaines exceptions, les offres conjointes faites par un vendeur à un consommateur, qui en droit français, correspondent à la pratique de vente subordonnée que l'on retrouve sous l'article L122-­‐1 du Code de la consommation, et celle de vente avec primes, réprimée sur le fondement de l'article L121-­‐35 du Code de la consommation. Pour répondre à cette question soulevée par la juridiction belge, la Cour de justice a, par un arrêt préjudiciel rendu en date du 23 avril 2009173, suivit un raisonnement méthodique en plusieurs étapes. 172
Affaires C-­‐261/07 et C-­‐299/07. CJCE, 23 avr. 2009, aff. jtes C-­‐261/07 et C-­‐299/07, VTM-­‐VAB NV c/ Total Belgium NV et Galatea BVBA c/ Sanoma Magazines Belgium NV JOUE n° C 199, 25 août 2007. 173
87 Tout d’abord, la Cour entreprend de déterminer si les offres conjointes, objet de l’interdiction litigieuse, constituent des pratiques commerciales au sens de la directive et sont, dès lors, soumises aux prescriptions édictées par cette dernière. À cet égard, la Cour relève que l’article 2 d) de la directive définit, en utilisant une formulation particulièrement large, la notion de pratique commerciale comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ». Après analyse, la Cour confirme que les offres conjointes « constituent des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-­‐ci » et qu’elles constituent donc bien des « pratiques commerciales » au sens de la directive174. En second lieu, la Cour de justice relève que les États membres ne peuvent pas adopter de mesures plus restrictives que celles définies par ladite directive, cette dernière ayant procédé à une harmonisation « complète » à l'échelon communautaire, des règles régissant les pratiques commerciales déloyales. En troisième lieu, la CJCE observe que la directive du 11 mai 2005 contient une annexe I établissant une liste exhaustive de trente et une pratiques commerciales qui sont réputées déloyales en toutes circonstances. La Cour précise qu’il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans faire l’objet d’une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive, lesquels énoncent les critères permettant de déterminer si une pratique présente un caractère déloyal ou non. Relevant alors que les offres conjointes ne font pas partie de cette « liste noire » de pratiques systématiquement interdites, la Cour en déduit qu’il ne peut être établi une présomption d’illégalité en ce qui les concerne. Autrement dit, la Cour considère qu’il ne peut y avoir d’interdiction générale de ces offres, lesquelles ne pourraient être sanctionnées que s’il est vérifié, au regard du contexte factuel de chaque espèce, qu’elles ont un caractère déloyal, ce qui résulte du contenu et de l’économie générale des dispositions de la directive. En dernier lieu, la Cour considère qu'il importe peu que la législation en cause prévoie des exceptions à la prohibition des offres conjointes, et que ces exceptions ne sauraient, par leur nature « limitée et prédéfinie », se substituer à l'analyse nécessaire « du caractère déloyal » de la pratique en cause. 174
Points 69 et 70 des conclusions de Madame l’avocat général Verica Trstenjak, présentées le 21 octobre 2008. 88 Eu égard à ces considérations, la Cour en conclut que : « la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans les litiges au principal, qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur ». Il résulte de l’arrêt du 23 avril 2009 que la législation belge relative aux offres conjointes est contraire au droit communautaire et que l’État Belge devra revoir et donc adapter en profondeur ses dispositions légales applicables à la protection des consommateurs. A noter que la CJCE est actuellement saisie d’un autre recours préjudiciel relatif à la compatibilité avec la directive du maintien des dispositions nationales allemandes sur les loteries interdisant les loteries payantes175. Cet arrêt étant un arrêt d’interprétation, les règles dégagées par CJCE pouvaient être directement reprises dans d’autres affaires, y compris à l’occasion de contentieux nés et constitués avant cette date. C’est ce qu’a fait récemment la Cour d’appel de Paris. II-­‐
Une portée confirmée par la jurisprudence française L’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 a déjà reçu application dans l’ordre interne français. En effet, appliquant les principes dégagés par la CJCE, la cour d'appel de Paris vient de juger que l'article L 122-­‐1 du Code de la consommation relatif à l'interdiction des ventes subordonnées est incompatible avec le régime institué par la directive (A), ce qui a pour conséquence d’entrainer la disparition dans notre droit de l’interdiction générale et préventive des offres subordonnées (B). A-­‐ L’incompatibilité de la règlementation des offres subordonnées avec le droit communautaire La Cour d’appel de Paris a statué le 14 mai dernier 176 dans la brûlante affaire qui opposait France Telecom et sa filiale Orange à Free et SFR, lesquels reprochaient à l’opérateur historique de contraindre les personnes désireuses de profiter de la chaîne « Orange Sport » à contracter un abonnement « Triple play », ce qui aurait constitué une violation de l’article L122-­‐1 du Code de la consommation et, partant, un acte de concurrence déloyale. Le 23 février dernier, le Tribunal de commerce de Paris, estimant que cette pratique constituait bien une vente subordonnée au sens de l’article L122-­‐1 du Code de la consommation, a 175
Aff. C-­‐304/08 : Demande de décision préjudicielle présentée par le Bundesgerichtshof (Allemagne) le 9 juillet 2008 -­‐ Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs eV / Plus Warenhandelsgesellschaft mbH. 176
CA Paris, 14 mai 2009, France Télécom c/ Free et a., RG n° 09/03660. 89 fait injonction sous astreinte à France Telecom de cesser de subordonner l’accès à la chaîne « Orange Sport » à un abonnement Internet haut débit177. Dans le cadre de l’appel de ce jugement, France Telecom ne s’était pas privée de soulever la solution dégagée par la CJCE. Partant, la Cour d’appel de Paris s’est attachée à interpréter méticuleusement l’article L122-­‐1 du Code de la consommation à la lumière de l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009. Ainsi, après avoir observé que l’offre subordonnée ne figurait pas parmi les pratiques énumérées à l’annexe I de la directive du 11 mai 2005, la Cour d’appel de Paris a considéré que l’article L122-­‐1 du Code de la consommation, qui pose un principe d’interdiction des ventes subordonnées, se heurtait au régime institué par la directive, puisqu'il interdit, de manière générale et préventive, les offres subordonnées indépendamment de toute vérification de leur caractère déloyal au regard des critères posés aux articles 5 à 9 de la directive. La Cour a estimé que dans ces conditions, il lui revenait d’évaluer le caractère déloyal des offres subordonnées, compte tenu des circonstances de l’espèce au regard des critères posés aux articles 5 à 9 de la directive. La Cour s’est alors prêtée à une analyse circonstanciée de l’espèce, laquelle a abouti à la constatation que la pratique d’offre subordonnée mise en œuvre par France Telecom n’était constitutive ni d’une pratique commerciale trompeuse au sens des articles 6 et 7 de la directive, ni d’une pratique commerciale agressive au sens des articles 8 et 9 du même texte, ni d’une pratique commerciale déloyale, au sens de l’article 5 de la directive. En effet, il avait été soutenu que l'offre de France Télécom était trompeuse car le site internet d'Orange avait mis en avant le coût modique de la souscription à la chaîne, en tant qu'option payante, sans attirer l'attention du consommateur sur la nécessité de souscrire un abonnement ADSL chez Orange et sur le coût de cet abonnement. La Cour a rejeté cet argument au motif que le seul élément à son appui se limitait à un écran sur lequel s'affichait la possibilité de souscrire à l'option Orange Foot pour six euros par mois, assortie de la précision que « pour profiter de l'option Orange Foot, il est nécessaire d'être client de la télévision d'Orange ». Or cet élément ne permettait pas de caractériser une pratique commerciale trompeuse susceptible d'induire en erreur « un consommateur moyen », au sens des articles 6 ou 7 de la directive. L'offre de France Télécom ne pouvait pas non plus être considérée comme étant une pratique commerciale agressive, au sens des articles 8 et 9 de la directive. En particulier, le seul fait que le consommateur dût souscrire un abonnement ADSL Orange pour obtenir l'accès à la chaîne Orange Sports n'était pas une « contrainte » au sens de l'article 8. En effet, dans le cadre de la concurrence qu'ils se livrent, tous les fournisseurs d'accès s'efforcent d'enrichir le contenu de leurs offres pour les rendre plus attractives par la mise en place de services innovants ou 177
T. Com. Paris, 23 févr. 2009, no RG : J2008006957. 90 l'acquisition de droits exclusifs sur des contenus audiovisuels, cinématographiques ou sportifs événementiels. Il résulte nécessairement de cette configuration du marché que « le consommateur moyen qui s'apprête à souscrire un abonnement ADSL se détermine, précisément, en considération des services qui y sont associés et, partant, des capacités de différenciation de ces dernières par rapport aux offres concurrentes ». Dans ces conditions, « il ne saurait être considéré que le fait que l'accès à la chaîne Orange Sports soit associé exclusivement à l'offre ADSL d'Orange altère de façon significative sa liberté de choix à l'égard des offres ADSL, bien au contraire, l'essentiel au sens de la directive étant qu'il soit libre de ne pas y souscrire, ce qui n'est pas contesté en l'espèce ». Enfin, aucun élément précis ne démontrait que l'offre d'Orange était contraire à la diligence professionnelle. La Cour en a ainsi conclu qu’il ne pouvait être fait grief à France Telecom et Orange d’avoir enfreint l’article L122-­‐1 du Code de la consommation, tel qu’interprété à la lumière de la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 et elle a, en conséquence, infirmé le jugement du Tribunal de Paris. B-­‐ La disparition de l’interdiction générale et préventive des offres subordonnées Les enseignements de cette décision sont considérables puisqu’il semble en résulter que les ventes subordonnées deviennent, en pratique, licites, à condition qu’elles ne soient pas constitutives d’une pratique commerciale trompeuse, agressive, ou à défaut, déloyale. Autrement dit, le principe posé par l’article L122-­‐1 du Code de la consommation se trouve, pour ainsi dire, inversé. Reste néanmoins à savoir si la Cour de cassation suivra cette analyse, étant précisé que la décision de la Cour d’appel de Paris a fait l’objet d’un pourvoi. Dans l’attente d’une prise de position de la Cour de cassation, toute poursuite engagée sur le seul fondement de l’article L122-­‐1 du Code de la consommation risque aujourd’hui d’être rejetée et les demandeurs seraient bien inspirés de se fonder également sur les dispositions des articles L120-­‐1 et suivants du même Code transposant la directive n° 2005/29/CE. Ce risque s’est d’ailleurs d’ores et déjà concrétisé dans une affaire opposant l’association UFC Que Choisir à Auchan France devant le Tribunal de grande instance de Bobigny, s’agissant d’ordinateurs vendus avec un système d’exploitation préinstallé. Le Tribunal a, en effet, par un jugement en date du 15 mai 2009, débouté l’UFC Que Choisir au motif que sa « demande formulée en raison de la violation de l’article L122-­‐1 du Code de la consommation ne saurait 91 aboutir en raison du caractère contraire des dispositions édictées par ce texte au regard de la directive 2005/49 »178. Interprété à la lumière de la directive 2005/29, l'article L122-­‐1 du Code de la consommation se trouve donc vidé de sa substance. Il en résulte que, même si cet article figure toujours au Code de la consommation, les ventes subordonnées doivent désormais pouvoir être librement organisées, à condition qu'elles ne soient pas constitutives d'une pratique commerciale trompeuse ou agressive, au sens des articles L121-­‐1 et L122-­‐11 du même Code transposant la directive 2005/29. Il est en effet fort peu probable que toute poursuite engagée sur le fondement de l'article L122-­‐1 aboutisse. Section 2 Des répercussions d’une ampleur considérable Cette décision est très importante car elle confirme que l'interdiction interne des ventes subordonnées n'est pas conforme au droit communautaire. Mais elle atteste également du véritable bouleversement qui vient de frapper notre droit français de la promotion des ventes (I). Ce bouleversement du droit aura forcément des répercussions sur la pratique des entreprises (II). I-­‐
Répercussions en droit interne La solution retenue par l’arrêt de la CJCE a vocation à viser toutes les règlementations domestiques propres à chaque État membre, en particulier la France, posant des interdictions générales et préventives de certaines formes de promotion des ventes (A). De surcroit, cette solution amène quelques incertitudes sur la loi de transposition elle-­‐même (B). A-­‐ Une solution transposable pour d’autres pratiques commerciales interdites per se En tout état de cause, la réglementation relative aux ventes liées pourrait ne pas être la seule à subir les conséquences évidentes induites par l’arrêt du 23 avril 2009 de la CJCE dont il résulte que toute pratique pouvant être qualifiée de « pratique commerciale » au sens de la directive ne peut être interdite per se que si elle est expressément visée dans l’annexe I de ladite directive. 178
TGI Bobigny, 15 mai 2009, UFC Que Choisir c/ Auchan France. 92 Ainsi, dans la mesure où une pratique ne figure pas sur cette « liste noire », elle ne pourrait être présumée illégale en tant que telle, mais seulement si elle devait s’avérer déloyale au sens de la directive, en prenant en compte les circonstances spécifiques du cas d’espèce. Force est de constater que la vente avec prime, qui constitue sans aucun doute une « pratique commerciale », ne fait pas partie des trente et une pratiques énumérées par l’annexe I de la directive. De là à en déduire que l’interdiction contenue dans l’article L121-­‐35 du Code de la consommation est contraire au droit communautaire, il n’y a qu’un pas que l’on pourrait facilement franchir et que certains franchiront demain. On peut également s’interroger sur une éventuelle remise en question de l’article L121-­‐36 du Code de la consommation relatif aux loteries publicitaires par voie d’écrit, lesquelles pourraient bien être qualifiées de « pratiques commerciales » au sens de la directive. Toutefois, la trente et unième pratique visée par l’annexe I de la directive comme étant réputée déloyale pourrait correspondre à certaines loteries. Par ailleurs, qu’en est-­‐il de l’arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur ayant récemment abrogé et remplacé l’arrêté 77-­‐105/P ? Certes, cette réglementation a davantage pour objectif de régir la façon de présenter les annonces de prix que de les interdire, mais il n’en demeure pas moins que les annonces ne respectant pas ses préceptes sont sanctionnées en tant que telles. Se pose également la question d’une éventuelle remise en cause de l’article L442-­‐2 du Code de commerce, lequel pose un principe d’interdiction générale de la revente à perte, même s’il est assorti de quelques exceptions. En conclusion et eu égard à la notion de « pratique commerciale » définie de façon extrêmement large par la directive, les impacts de l’arrêt du 23 avril 2009 et de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 mai 2009 pourraient s’avérer considérables et ce, de façon imminente. La décision de la cour d'appel de Paris est en effet susceptible d'entraîner un bouleversement du droit de la promotion des ventes, désormais soumis non plus à des dispositions diverses et restrictives, mais à l'interdiction générale des pratiques commerciales déloyales. B-­‐ Incertitudes quant à la loi de transposition elle-­‐même Il existe une autre source d’incertitude, qui porte sur la loi de transposition de la directive. En effet, si la directive sur les pratiques commerciales déloyales a bien été transposée, en France, par la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et par la loi de 93 modernisation de l'économie, il ressort cependant de l'analyse de ces textes quelques divergences avec la directive, dont une particulièrement importante. En effet, contrairement à la directive qui ne vise que les pratiques commerciales à destination des consommateurs, le législateur français a souhaité rendre applicable la disposition sur les pratiques commerciales trompeuses aux relations entre professionnels179. Le législateur a agit ainsi pour ne pas remettre en cause la jurisprudence française et l’a donc confortée en l’inscrivant dans la loi180. Selon le législateur, cette application aux professionnels ne semble pas être contraire au droit européen puisque la directive 2006/114/CE du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative reste applicable aux relations entre professionnels. Or, cette directive prévoit une définition du caractère trompeur des messages publicitaires très proche de celle de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Cependant, en raison de l’harmonisation maximale qui découle de la directive, confirmée par la jurisprudence communautaire, il existe un risque que la France soit poursuivie, au détour d'un éventuel renvoi en question préjudicielle par une juridiction française devant la Cour de justice, pour transposition incorrecte de la directive n° 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales. En effet, comme l'avocat général l'a rappelé, notamment dans ses conclusions de l'affaire VTB-­‐VAB, l'harmonisation totale d'une directive empêche les États membres d'instaurer, mais également de maintenir des règles plus strictes. Il résulte de ce qui précède que de nombreuses dispositions, inscrites dans notre droit de la consommation, ne sont à l'abri, ni d'une réforme réglementaire ou législative, ni d'un recours en question préjudicielle devant la Cour de justice, ni de nouvelles décisions en interprétation conforme d'une directive, à l'instar de celles récemment rendues par les deux juridictions françaises précitées. En d'autres termes, si la France ne modifie pas, rapidement, ses dispositions relatives au droit de la consommation, elle pourrait de nouveau se voir adresser un avis motivé par la Commission européenne pour manquement à ses obligations communautaires. 179
Article L121-­‐1 III du Code de la consommation. En ce sens, Cass. Com 2 octobre 1980 ou CA de Versailles 2 décembre 2004. 180
94 II-­‐
Répercussions sur la pratique des entreprises Ce bouleversement du droit de la promotion des ventes amène une nouvelle liberté au profit des professionnels (A), ce qui entraine un abaissement de la protection du consommateur (B). A-­‐ Une nouvelle liberté au bénéfice des professionnels Il semble que la CJCE ait signé l’arrêt de mort quasi immédiat de toute une série d’interdictions posées par les législations nationales et notamment la loi française. Un véritable bouleversement qui invite toute personne concernée à connaître parfaitement ce nouveau droit harmonisé de la promotion des ventes, afin de tirer profit de la nouvelle liberté qui leur est donnée par un texte dont l'économie est délibérément libérale. En effet, si le risque demeure d’être poursuivi pour avoir mis en œuvre une promotion contraire à la règlementation nationale, en accordant, par exemple, un objet prime dont la valeur dépasse les limites fixées par l’article R121-­‐8 du Code de la consommation ou en conditionnant, dans le cadre d’une vente liée, l’accès à une chaine de sport à la souscription d’une offre ADSL, le risque d’être condamné est sensiblement réduit. Ainsi, toutes ces pratiques étant a priori licites, le professionnel ne devra se reporter qu’aux critères posés par l’article L121-­‐1 du Code de la consommation afin de vérifier l’éventuel caractère trompeur de sa pratique commerciale ou à ceux de l’article L122-­‐11 du Code de la consommation pour vérifier son éventuel caractère agressif. A noter que les deux décisions françaises du 14 et 15 mai 2009 ont pour l’instant rejeté le caractère trompeur ou agressif des pratiques qui étaient visées, ce qui laisse présager de beaux jours pour les professionnels, sans une éventuelle remise en cause par la Cour de cassation. En effet, il apparait que les pratiques de ventes subordonnées ne soient pas plus trompeuses qu’agressives, et que leur caractère déloyal ne soit pas facilement démontrable. Les autres pratiques susceptibles d’être remises en cause pourraient également suivre le même chemin. Les professionnels devront par contre être particulièrement vigilants en ce qui concerne les 31 pratiques réputées déloyales en toutes circonstances, qui restent dorénavant les seules pratiques commerciales interdites per se dans notre droit de la consommation. 95 B-­‐ Un abaissement de la protection du consommateur On pourrait s'interroger sur la pertinence, voire l'intérêt pour le consommateur, du processus « d'harmonisation complète » engagé au niveau européen en matière de droit de la consommation. En effet, comment les institutions européennes peuvent-­‐elles expliquer les multiples condamnations d'États membres ou la remise en cause de leur législation au motif que leurs dispositions internes assurent un degré plus élevé de protection des consommateurs que celui prévu par les directives d'harmonisation totale, alors que l'objectif poursuivi et clairement affiché de ces institutions est précisément le renforcement des droits des consommateurs européens ? L’article 1er indique en effet que « l’objectif de la directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs ». Le considérant 5 rappelle également cet objectif en précisant qu’il faut établir, à l’échelon communautaire, « des règles uniformes qui assurent un niveau élevé de protection des consommateurs ». La Commissaire européenne à la protection des consommateurs a elle-­‐même déclaré dans un discours : « my job is to be a Consumer watchdog and I take it very seriously. I watch the market from a consumer point of view and fight for consumers’ interests »181. Cependant, la finalité de réguler le marché prévaut dans la directive. Un double objectif est certes affiché : d’une part, satisfaire les impératifs du marché intérieur et le droit de la libre circulation qu’il implique, d’autre part, protéger les consommateurs. Et partant, sont à la fois cités les articles 153, paragraphes 1 et 3 point a) du traité, ayant pour objet de réaliser un niveau élevé de protection des consommateurs, et 95, fondement d’un espace unifié182. Mais si la Commission a accepté, à la demande du Parlement européen, que l’article 153 soit introduit dans le texte définitif, elle rappelle que l’article 95 est la bonne base juridique183. La lutte contre les pratiques commerciales déloyales est dite mise en place pour « favoriser l’expansion des activités transfrontières »184, et il s’agit avant tout de rassurer le consommateur pour influer sur ses décisions commerciales, et favoriser ainsi le commerce au niveau communautaire. Ainsi, la protection du consommateur est abaissée pour répondre à la finalité de réguler le Marché Intérieur. Le CESE, dans son avis sur la proposition de directive, avait d’ailleurs craint que la proposition n’aboutisse à une diminution du niveau de protection des consommateurs dans les 181
« Contract Rights Directive -­‐ Brussels, 8 oct. 2008 » : SPEECH/08/507. Considérant 1 de la directive du 11 mai 2005. 183
COM (2004) 753, 16 novembre 2004, p. 3. 184
Considérant 2 de la directive du 11 mai 2005. 182
96 Etats membres et considérait qu’il serait difficile d’expliquer aux citoyens que l’Union européenne cherche à baisser le niveau de protection existant. Il considérait dès lors souhaitable l’insertion dans la proposition d’une clause « standstill » garantissant qu’il n’y aura pas de régression dans les niveaux de protection actuels, ce qui n’a pas été fait185. Ce n’est d’ailleurs que le début de l’abaissement de la protection du consommateur, la directive 2005/29 n’étant que le commencement d’un long processus d’harmonisation maximale et complète du droit communautaire. En effet, dans le cadre de sa communication sur la « stratégie communautaire en matière de politique des consommateurs pour la période 2007-­‐2013 »186, la Commission européenne a adopté, le 8 octobre 2008, une proposition de directive relative aux droits des consommateurs187, au terme d'un long processus relatif à la révision de l'acquis communautaire. Cette proposition de directive, dite « horizontale », procède d'une part à la consolidation et à la modernisation188 de quatre directives en matière de protection des consommateurs189, et d'autre part, au renforcement, à l'échelle européenne, des droits contractuels des consommateurs. Pour ce faire, la proposition de directive horizontale s'écarte du principe d'harmonisation « minimale » observé dans les quatre directives existantes, et qui, jusqu'alors, permettait aux États membres de maintenir ou d'adopter des dispositions plus strictes que celles établies par ces directives, pour adopter une approche d'harmonisation complète. La Commission européenne justifie cette approche par le fait qu'« au fil des années, les États membres ont ajouté aux exigences minimales posées par les quatre directives des règles de manière non concertée transformant les législations relatives aux droits contractuels des consommateurs en une mosaïque de vingt-­‐sept corpus de règles divergentes »190. 185
COM (2003) 356 final – 2003/0134 (COD). Commission CE au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen, Communic. (COM (2007) 99 final. 187
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (COM(2008) 614 final). 188
La proposition de directive horizontale prend en compte, notamment, les enchères en ligne ou encore le commerce mobile, autrement appelé « m-­‐commerce ». 189
Il s'agit de la directive n° 85/577 du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, de la directive n° 97/7 du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance et de la directive n° 99/44 du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. 190
Communiqué de presse, 8 oct. 2008 : « Protection des consommateurs : la Commission propose d'accorder de nouveaux droits aux acheteurs à l'échelle de l'Union » (IP/08/1474). 186
97 Conclusion Le contrat de consommation n’est certainement pas une entité isolée du monde extérieur insensible à la crise économique et financière. Cela ne peut que pousser le professionnel aux abois ou prisonnier d’objectifs économiques à atteindre à se transformer en véritable prédateur. Ainsi, dans ce contexte très fragile, l’adoption d’une réglementation relative aux pratiques commerciales déloyales paraît d’un grand secours pour la protection du consommateur. Ce nouveau dispositif semble augmenter de manière significative la protection du consommateur français en élargissant le champ de la publicité trompeuse à toutes les pratiques commerciales ayant un caractère trompeur et en créant l’infraction de pratiques commerciales agressives. Ces textes ont en effet un champ très large, puisqu’ils sont applicables à toutes les relations commerciales liées à la promotion ou la vente d’un produit entre professionnels et consommateurs portant sur tous types de produits ou services, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations. De plus, la souplesse de la méthode employée est remarquable. En effet, établir un cadre par l’énoncé d’un principe général tout en lui joignant un certain nombre de prescriptions plus précises est exclusif d’insécurité juridique. Parallèlement, une place centrale est faite au juge dans l’application du principe, qui est le véritable gardien des pratiques commerciales déloyales. Cependant, les difficultés soulignées pour cerner les contours des différentes incriminations, ainsi que le risque de cumuls de qualification laissent augurer un contentieux épineux. Il appartiendra donc au législateur de gommer ces imperfections et d’apporter les précisions nécessaires lors, pourquoi pas, de la refonte du Code de la consommation. De plus et surtout, il ressort de la méthode d’harmonisation effectuée par la directive un bouleversement total du droit de la consommation, qui laisse paradoxalement présager un affaiblissement de la protection du consommateur français dans le domaine de la promotion des ventes. Cette directive sur les pratiques commerciales déloyales constitue pourtant une étape importante et nécessaire dans la construction du droit communautaire de la consommation. D’ailleurs, il ne s’agit là que d’une deuxième étape avant une uniformisation du droit de la consommation dans l’Union européenne. 98 Annexes -­‐
-­‐
Les Guides Juridiques, Direction Juridique de l’Union des annonceurs, Guide de lecture des Pratiques commerciales déloyales, Avril 2009. INC hebdo, La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, n° 1463, 11-­‐17 février 2008. -­‐
INC hebdo, La loi de modernisation de l’économie, n° 1490, 6-­‐12 octobre 2008. -­‐
Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 sur les pratiques commerciales déloyales. 99 ! Les Guides Juridiques, Direction Juridique de l’Union des annonceurs, Guide de lecture des Pratiques commerciales déloyales, Avril 2009. 100 ! INC hebdo, La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, n° 1463, 11-­‐17 février 2008. 101 ! INC hebdo, La loi de modernisation de l’économie, n° 1490, 6-­‐12 octobre 2008 102 ! Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 sur les pratiques commerciales déloyales 103 Bibliographie ! Ouvrages généraux -
Francis Lefebvre, Pratiques commerciales déloyales, Mémento Concurrence consommation 2009-­‐2010, n°48000 à 49945. Edition 2009. -
Les pratiques commerciales agressives, Lamy Droit Pénal des Affaires 2009, p.1190 et s. -
La notion de consommateur, Lamy Droit Economique 2005, n°5041. -
Nouvelles règles de la LME en matière de pratiques commerciales déloyales, Lamy Droit des affaires 2008/31, p. 71. -
Coralie Ambroise-­‐Castérot, Consommation – mai 2009. Répertoire de droit pénal et de procédure pénale. -
Code de la consommation Dalloz : articles L120-­‐1, L122-­‐11 à L122-­‐15, L141-­‐1, L141-­‐4. -
Code du commerce Dalloz : articles L450-­‐1 à L450-­‐4, L450-­‐7, L450-­‐8, L470-­‐1 et L470-­‐4 -
Code pénal Dalloz : articles 131-­‐38 et 131-­‐39. ! Ouvrages spéciaux -
Les Guides Juridiques, Direction Juridique de l’Union des annonceurs, Guide de lecture des Pratiques commerciales déloyales, Avril 2009. -
Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 sur les pratiques commerciales déloyales, www.circulaires.gouv.fr. -
INC hebdo, La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, n° 1463, 11-­‐17 février 2008. -
INC hebdo, La loi de modernisation de l’économie, n° 1490, 6-­‐12 octobre 2008. -
Panyota Boussis, La protection des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales, université libre de Bruxelles, institut d’études européennes, année 2005-­‐2006. ceeudeco.googlepages.com/pratiques_commerciales.pdf 104 ! Articles de revue -
Francis Lefebvre, Pratiques commerciales trompeuses ou agressives. BRDA 10/09 paru le 31 mai 2009 Edition 2009. -
Francis Lefebvre, Commentaires sur la loi de modernisation de l’économie : mesures en droit de la consommation, BRDA 18/08 paru le 30 septembre 2008. Edition 2009. -
Francis Lefebvre, Commentaires sur la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, BRDA 2/08 paru le 31 janvier 2008. Edition 2009. -
Eric Bazin, L’exigence de loyauté dans les contrats de consommation. Revue Lamy Droit des affaires 2008/31. -
Jean-­‐Pierre Pizzio, Le marché intérieur des consommateurs, le droit de la consommation d’origine communautaire et son application dans les Etats membres de l’Union Européenne. Revue Lamy Droit des affaires 2008/33. -
Patrice Bouteiller, Démarchage et autres pratiques commerciales. Revue Lamy Droit des affaires 2008/30, p. 75. -
Coralie Anadon, Pratiques commerciales déloyales : transposition et liste noire, Revue Lamy Droit des affaires 2008/23, p. 44. -
Jacob Berrebi, Commentaire de la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, Lamy Droit du Contrat 2005/19, no 765, chronique. -
Marc Bruschi, La loi n°2008-­‐3 du 3 janvier 2008 et l’amélioration de la protection des consommateurs, Revue Lamy Droit des affaires 2008/24, p. 51. -
Marc Bruschi, LME et renforcement de la protection des consommateurs : série noire pour entreprises blanches, Lamy Droit Economique 2009, chronique. -
Brigitte Brom, Les dispositions pénales de la loi de modernisation de l’économie, Lamy Droit Pénal des Affaires 2008. -
Ronan David, La protection communautaire des consommateurs dans les échanges transfrontaliers, Lamy Droit Economique 2003. -
Cédric Montfort, Loyauté des pratiques commerciales : concurrents, agissez en cessation !, Revue Lamy Droit des affaires 2008/23, p. 53. -
Monique Luby, Haro sur les professionnels malhonnêtes abusant de la liberté qu’offre le marché intérieur !, Revue Lamy Droit Civil, 2005/17, n°718. 105 -
Jean-­‐Christophe Grall, La CJCE précise la portée de l’harmonisation complète effectuée par la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, Lamy Droit Economique 2009, chronique. -
Haritini Matsopoulou, Un premier regard sur la dépénalisation de la vie des affaires, Recueil Dalloz 2008 p.864. -
Elise Poillot et Natacha Sauphanor-­‐Brouillaud, Droit de la consommation janvier 2008 -­‐ décembre 2008, Recueil Dalloz 2009, n°6, p.393. -
Etienne Petit, Validation des Offres triple play d’orange : confirmation de la fin de l’interdiction des ventes subordonnées, Recueil Dalloz 2009 p.1475. -
Judith Rochfeld, Protection du consommateur : Pratiques commerciales déloyales ou trompeuses, RTD Civ. 2008 p.732. -
Pauline Remy-­‐Corlay, La directive 2005/29 CE sur les pratiques déloyales, directive d’harmonisation maximale, RTD Civ. 2005 p.746. -
Monique Luby, Protection des consommateurs : publicité et communications commerciales, RTD Com. 2005 p.631. -
Coralie Ambroise-­‐Castérot, Les nouvelles pratiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, Actualité Juridique Pénal 2009 p. 22. -
Guy Raymond, Pratiques commerciales déloyales et agressives, JurisClasseur Concurrence – Consommation, 15 novembre 2008. -
Pascal Wilhelm et Lila Ferchiche, Le sort des ventes subordonnées et des ventes avec primes en droit français de la consommation, après l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009, Contrats Concurrence Consommation n°7, juillet 2009, étude 8. -
Philippe Conte, Brèves observations à propos de l’incrimination des pratiques commerciales agressives, Droit pénal n°2, Février 2008, p. 7. -
Jacques Larrieu, Un an de concurrence déloyale, Propriété industrielle n°6, juin 2009, chronique 5. -
Laurent Leveneur, Un peu de concurrence, beaucoup de droit de la consommation.-­‐ A propos de la loi n° 2008-­‐3 du 3 janvier 2008, La semaine juridique Edition Générale n°5, 30 janvier 2008, act 69. -
Guy Raymond, Transposition de la directive 2005/29/CE, Contrats Concurrence Consommation n°2 février 2008, comm. 53. -
Olivier de Mattos, Publication de la loi Chatel, Cahiers de droit de l’entreprise n°1, janvier 2008, act.21. 106 -
Yves Picod, Réflexions sur la refonte du Code de la consommation, Contrats Concurrence Consommation n°12, Décembre 2008, étud 12. -
Guy Raymond, LME : modification du Code de la consommation, Contrats Concurrence Consommation n°8, Aout 2008, comm.214. -
INFOREG (service d’information règlementaire aux entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris), Les pratiques commerciales déloyales, Cahiers de Droit de l’Entreprise n°1, Janvier 2008, p. 57. -
Guy Raymond, Les modifications au droit de la consommation apportées par la loi n°2008-­‐3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°12, 20 mars 2008, 1383. -
Communiqué CE, Consommateurs : de nouvelles dispositions européennes pour lutter contre la publicité trompeuse et les pratiques de vente agressives, Contrats Concurrence Consommation n°1, Janvier 2008. -
Michel Cannarsa, La réforme des pratiques commerciales déloyales par la loi Chatel.-­‐ Le droit commun à la rencontre du droit de la consommation, La semaine juridique Edition Générale n°36, 3 Septembre 2008, I 180. -
Guy Raymond, Incidences possibles de la transposition de la directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 sur le droit français de la consommation, Contrats Concurrence Consommation n°1, Janvier 2006, p. 5. -
Monique Luby, La directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales : une illustration de la nouvelle approche prônée par la Commission Européenne, Europe, 2005, chronique 10. -
Stéphanie Fournier, De la publicité fausse aux pratiques commerciales trompeuses : Droit Pénal n°2, février 2008, étude 4. ! Notes de jurisprudence -
CJCE 23 avril 2009 aff. 261/07, 299/07, le ch. VTB-­‐VAB NV c/ Total Belgium NV la conformité de l’interdiction des ventes avec prime et des ventes liées remise en cause : 6 mai 2009. -
Arrêt CA Paris du 14 mai 2009, France Télécom c/ Free et a., RG n° 09-­‐03660. -
TGI de Bobigny, 15 mai 2009, aff. n°06/14817, UFC Que choisir c/ Auchan France. -
Francis Lefebvre, La fin de l’interdiction des ventes jumelées, BRDA 11/09 paru le 15 juin 2009. Edition 2009. 107 Francis Lefebvre, Interdiction des ventes jumelées ou avec prime : CJCE 23 avril 2009 aff.261/07, 299/07, le ch. VTB-­‐VAB NV c/ Total Belgium NV. Edition 2009. ! Textes de référence " Lois -
Article 39 de la loi n° 2008-­‐3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. -
Articles 83 et 84 de la loi n° 2008-­‐776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. -
Directive 2005/29 du Parlement Européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales vis-­‐à-­‐vis des consommateurs, JOUE n°L149, 11 juin 2005. " Documents européens -
Document de travail des services de la Commission, Evaluation d’impact approfondie sur la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs dans le marché intérieur, SEC(2003) 724 final, 18 juin 03. -
Avis du Comité Economique et Social sur le « Livre vert sur la protection des consommateurs dans l’Union Européenne », COM(2001) 531 final, 2002/C125/01. -
Avis du Comité Economique et Social Européen sur la « proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs », COM(2003) 356 final, 2004/C108/17. -
Proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-­‐à-­‐vis des consommateurs dans le marché intérieur, COM(2003) 356 final, 18 juin 2003. -
Question écrite n°19783 de M. Louis Souvet concernant la transposition de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales, JO Sénat du 13/10/2005, p 2597. -
Livre vert sur « la protection des consommateurs dans l’Union Européenne », 2 oct 2001, Com (2001) 531 final. -
Suivi du livre vert sur « la protection des consommateurs dans l’Union Européenne », COM(2002) 289 final. -
Livre vert du 8 février 2007 sur « la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs », 2007/C61/01. 108 Table analytique des matières SOMMAIRE ................................................................................................................................................................ 1 INTRODUCTION ......................................................................................................................................................... 2 Section 1 La nécessité d’une nouvelle moralisation des ventes au consommateur ........................................................... 2 Section 2 L’instauration d’une réglementation homogène au sein de l’Union européenne sur les pratiques commerciales déloyales ....................................................................................................................................................... 6 PARTIE 1 LE NOUVEAU PRINCIPE D’INTERDICTION DES PRATIQUES COMMERCIALES AGRESSIVES ...................................................... 10 Titre 1 Le champ d’application de la règlementation des pratiques commerciales agressives .............................. 10 Chapitre 1 Un champ d’application ratione materiae étendu .............................................................................................. 11 Section 1 Le domaine visé ................................................................................................................................................. 11 I-­‐ Les pratiques commerciales ................................................................................................................................ 11 A-­‐ Une notion nouvelle consacrée par le droit communautaire ......................................................................... 11 B-­‐ Une notion extrêmement large ...................................................................................................................... 12 II-­‐ Des pratiques commerciales en relation directe avec un produit ....................................................................... 14 A-­‐ La définition extensive du produit .................................................................................................................. 14 B-­‐ L’indifférence de l’existence d’un contrat ...................................................................................................... 15 Section 2 Le domaine exclu ............................................................................................................................................... 16 I-­‐ Exclusion de la règlementation quant à certaines pratiques .............................................................................. 16 A-­‐ Exclusion des pratiques mises en œuvre à d’autres fins que celles visant directement à influencer illégitimement les décisions commerciales des consommateurs à l’égard des produits ......................................... 16 B-­‐ Exclusion de certaines pratiques commerciales pour des motifs de bon goût et de bienséance .................. 18 II-­‐ Exclusion de la réglementation au profit d’autres législations ........................................................................... 18 A-­‐ Exclusion de la réglementation au profit de législations plus spécifiques ..................................................... 19 B-­‐ Exclusions de la réglementation au profit du droit général des contrats ....................................................... 19 Chapitre 2 Un champ d’application ratione personae limité ................................................................................................. 20 Section 1 L’auteur de la pratique ...................................................................................................................................... 20 I-­‐ La notion de professionnel .................................................................................................................................. 20 A-­‐ Une qualité élargie aux personnes physiques ou morales ............................................................................. 21 B-­‐ Un secteur d’activité indifférent ..................................................................................................................... 21 II-­‐ La portée du principe .......................................................................................................................................... 22 A-­‐ Pratique émanant d’un particulier : une éventualité ..................................................................................... 22 B-­‐ Pratique émanant d’un particulier : une possibilité a priori exclue ............................................................... 23 Section 2 Le destinataire de la pratique ............................................................................................................................ 23 I-­‐ Principe : le consommateur moyen ..................................................................................................................... 24 A-­‐ Définition du consommateur .......................................................................................................................... 24 B-­‐ Définition du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé .......................... 26 II-­‐ Exception : une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables ....... 29 A-­‐ La définition .................................................................................................................................................... 30 B-­‐ Conséquences ................................................................................................................................................. 30 Titre 2 Les éléments constitutifs de l’infraction ...................................................................................................... 31 Chapitre 1 Le caractère agressif d’une pratique commerciale ............................................................................................. 31 Section 1 La définition hybride du caractère agressif ....................................................................................................... 32 I-­‐ Les procédés : pressions exercées sur le consommateur .................................................................................... 32 A-­‐ Les sollicitations répétées et insistantes ........................................................................................................ 33 B-­‐ La contrainte ................................................................................................................................................... 34 II-­‐ Les effets des procédés ....................................................................................................................................... 35 A-­‐ Les effets sur le consentement du consommateur ........................................................................................ 36 B-­‐ Les effets sur l’exercice des droits contractuels du consommateur .............................................................. 37 Section 2 Les critères d’appréciation du caractère agressif .............................................................................................. 39 I-­‐ Analyse des critères d’appréciation .................................................................................................................... 39 109 A-­‐ B-­‐ Des critères relatifs à la forme et aux moyens attachés à la pratique ............................................................ 40 Un critère relatif à l’état du consommateur ................................................................................................... 40 II-­‐ Portée des critères d’appréciation ...................................................................................................................... 41 A-­‐ Des critères d’appréciation obligatoires ......................................................................................................... 41 B-­‐ Des critères jugés insuffisants ........................................................................................................................ 42 Chapitre 2 Les pratiques commerciales réputées agressives ................................................................................................ 43 Section 1 Analyse de la liste des pratiques commerciales réputées agressives ............................................................... 43 Section 2 Portée de la liste des pratiques commerciales réputées agressives ................................................................. 49 I-­‐ Un mécanisme jugé protecteur par la consécration d’une présomption d’agressivité ...................................... 49 A-­‐ Une présomption irréfragable consacrée par le droit communautaire ......................................................... 50 B-­‐ Une présomption irréfragable remise en cause par le droit interne .............................................................. 51 II-­‐ Un mécanisme jugé imparfait ............................................................................................................................. 51 A-­‐ Des dispositions incohérentes ........................................................................................................................ 51 B-­‐ Des dispositions en concurrence directe avec les infractions existantes ....................................................... 52 PARTIE 2 LA MISE EN ŒUVRE DES PRATIQUES COMMERCIALES AGRESSIVES .................................................................................... 54 Titre 1 Un arsenal répressif lourd ............................................................................................................................ 54 Chapitre 1 La recherche et la constatation des pratiques commerciales agressives ............................................................ 54 Section 1 Les larges pouvoirs d’enquêtes de la DGCCRF .................................................................................................. 55 I-­‐ Pouvoirs d’enquêtes simples ............................................................................................................................... 55 A-­‐ Droit d’accès et de demande de communication de documents ................................................................... 56 B-­‐ La désignation d’un expert ............................................................................................................................. 57 II-­‐ Des pouvoirs d’enquêtes lourdes ........................................................................................................................ 57 A-­‐ Les perquisitions et saisies de documents ...................................................................................................... 58 B-­‐ La nécessité d’une autorisation judiciaire ...................................................................................................... 59 Section 2 Un contrôle renforcé des pratiques commerciales agressives .......................................................................... 60 I-­‐ Un contrôle accru du juge ................................................................................................................................... 60 A-­‐ Un contrôle consacré ...................................................................................................................................... 60 B-­‐ Un contrôle effectif ? ...................................................................................................................................... 61 II-­‐ Le rôle des organismes professionnels ................................................................................................................ 62 A-­‐ Un rôle encouragé par la directive ................................................................................................................. 62 B-­‐ Un rôle timide en droit interne ...................................................................................................................... 63 Chapitre 2 La répression des pratiques commerciales agressives ......................................................................................... 64 Section 1 La poursuite des pratiques commerciales agressives ....................................................................................... 64 I-­‐ Les pouvoirs d’injonction et de saisine de la DGCCRF ......................................................................................... 64 A-­‐ Des pouvoirs d’injonction et de saisine étendus ............................................................................................ 65 B-­‐ Des pouvoirs d’injonction et de saisine inadaptés à l’infraction de pratique commerciale agressive ........... 65 II-­‐ L’action en justice contre les pratiques commerciales agressives ...................................................................... 66 A-­‐ Une double voie d’action ................................................................................................................................ 66 B-­‐ Une action largement ouverte ....................................................................................................................... 68 Section 2 Les peines encourues ........................................................................................................................................ 69 I-­‐ Les sanctions pénales .......................................................................................................................................... 70 A-­‐ Les peines principales ..................................................................................................................................... 70 B-­‐ Les peines complémentaires .......................................................................................................................... 71 II-­‐ La sanction civile : la nullité du contrat ............................................................................................................... 73 A-­‐ Une sanction classique d’un vice de formation du contrat ............................................................................ 73 B-­‐ Une sanction nouvelle d’une entrave à l’exécution du contrat ...................................................................... 74 Titre 2 Les impacts de la règlementation des pratiques commerciales .................................................................. 75 Chapitre 1 L’étendue de la protection du consommateur contre les pratiques commerciales agressives .......................... 75 Section 1 Une protection sensiblement renforcée pour le consommateur européen ..................................................... 75 I-­‐ Une protection harmonisée de niveau élevé et égal .......................................................................................... 75 A-­‐ Une protection de principe ............................................................................................................................ 76 B-­‐ Une protection pouvant être remise en cause ............................................................................................... 77 II-­‐ Une protection renforcée par la mise en place d’un réseau communautaire .................................................... 79 Section 2 Une protection relative pour le consommateur français .................................................................................. 80 I-­‐ Une protection nécessaire .................................................................................................................................. 80 110 A-­‐ B-­‐ Les insuffisances du droit préexistant ............................................................................................................ 80 Une protection désormais souple et autonome ............................................................................................. 82 II-­‐ Une protection complexe .................................................................................................................................... 84 Chapitre 2 La profonde remise en cause du droit français de la promotion des ventes ....................................................... 86 Section 1 La portée de l’harmonisation maximale effectuée par la directive sur les pratiques commerciales déloyales 87 I-­‐ Une portée clarifiée par la jurisprudence communautaire ................................................................................. 87 II-­‐ Une portée confirmée par la jurisprudence française ......................................................................................... 89 A-­‐ L’incompatibilité de la règlementation des offres subordonnées avec le droit communautaire .................. 89 B-­‐ La disparition de l’interdiction générale et préventive des offres subordonnées .......................................... 91 Section 2 Des répercussions d’une ampleur considérable ................................................................................................ 92 I-­‐ Répercussions en droit interne ........................................................................................................................... 92 A-­‐ Une solution transposable pour d’autres pratiques commerciales interdites per se .................................... 92 B-­‐ Incertitudes quant à la loi de transposition elle-­‐même .................................................................................. 93 II-­‐ Répercussions sur la pratique des entreprises .................................................................................................... 95 A-­‐ Une nouvelle liberté au bénéfice des professionnels ..................................................................................... 95 B-­‐ Un abaissement de la protection du consommateur ..................................................................................... 96 CONCLUSION ........................................................................................................................................................... 98 ANNEXES ................................................................................................................................................................. 99 ! Les Guides Juridiques, Direction Juridique de l’Union des annonceurs, Guide de lecture des Pratiques commerciales déloyales, Avril 2009. .................................................................................................................. 100 ! INC hebdo, La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, n° 1463, 11-­‐17 février 2008. .................................................................................................. 101 ! INC hebdo, La loi de modernisation de l’économie, n° 1490, 6-­‐12 octobre 2008 ....................................... 102 ! Note de service de la DGCCRF n°2009-­‐07 sur les pratiques commerciales déloyales ................................. 103 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................................... 104 ! ! ! ! ! Ouvrages généraux ..................................................................................................................................... 104 Ouvrages spéciaux ...................................................................................................................................... 104 Articles de revue ......................................................................................................................................... 105 Notes de jurisprudence ............................................................................................................................... 107 Textes de référence .................................................................................................................................... 108 TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES ....................................................................................................................... 109 111 
Téléchargement