Chapitre 14 : Dérivation
ECE3 Lycée Carnot
4 mars 2011
1 Définitions et formulaire
1.1 Aspect graphique
L’idée cachée derrière le calcul de dérivées, que vous utilisez déjà depuis plusieurs années pour étudier
les variations de fonctions, est en gros le suivant : les seules fonctions dont le sens de variation est
réellement facile à déterminer sont les fonctions affines, pour lesquelles il est simplement donné par
le signe du coefficient directeur de la droite représentant la fonction affine. Pour des fonctions plus
complexes, on va donc chercher à se ramener au cas d’une droite en cherchant, pour chaque point
de la courbe, la droite « la plus proche » de la courbe autour de ce point. C’est ainsi qu’est née la
notion de tangente, à laquelle celle de dérivée est intimement liée. Plus précisément :
Définition 1. Soit fune fonction définie sur un intervalle Iet xI, le taux d’accroissement
de fen xest la fonction définie par τx(h) = f(x+h)f(x)
h.
Remarque 1.Le taux d’accroissement n’est pas défini en 0. Pour h6= 0,τx(h)représente le coefficient
directeur de la droite passant par les points d’abscisse xet x+hde la courbe représentative de f
(droite noire dans le graphique ci-dessous, où x= 1 et h= 1.5).
0 1 2 3 4−1−2−3−4 0
1
2
3
−1
−2
−3
Définition 2. Une fonction fest dérivable en xsi son taux d’accroissement en xadmet une
limite quand htend vers 0. On appelle alors nombre dérivé de fen xcette limite et on la note
f(x) = lim
h0
f(x+h)f(x)
h.
Remarque 2.En reprenant l’interprétation géométrique précédente, la droite tracée se rapproche
quand htend vers 0de la tangente à la courbe représentative de fau point de la courbe d’abscisse
a. Le nombre dérivé de fen xest donc le coefficient directeur de cette tangente, tracée en vert sur
le graphique.
1
Remarque 3.Pour des raisons pratiques, on aura parfois besoin pour certains calculs d’une définition
légèrement différente du nombre dérivé : f(x) = lim
yx
f(y)f(x)
yx, qui est équivalente à la précédénte
(en posant h=yx, on se ramène en effet à notre première définition).
Exemples :
Considérons f(x) = x2et calculons à l’aide de cette définition la dérivée (ou plutôt pour
l’instant le nombre dérivé au point d’abscisse x) de f. Le taux d’accroissement de la fonction
carré en xvaut τx(h) = (x+h)2x2
h=x2+ 2hx +h21
h= 2x+h. Ce taux d’accroissement
a une limite égale à 2xquand htend vers 0, donc fest dérivable en xet f(x) = 2x(ce qui
correspond bien à la formule que vous connaissez).
Considérons à présent g(x) = x, le taux d’accroissement de gen xvaut τx(h) = x+hx
h=
(x+hx)(x+h+x)
h(x+h+x)=x+hx
h(x+h+x)=1
x+h+x. Si x6= 0, ce taux d’ac-
croissement a pour limite 1
2x, ce qui correspond une nouvelle fois à une formule bien connue.
Par contre, lim
h0τ0(h) = +, ce qui prouve que la fonction racine carrée n’est pas dérivable en
0. On a tout de même une interprétation graphique intéressante dans ce cas : la courbe repré-
sentative de la fonction racine carrée admet en son point d’abscisse 0une tangente verticale.
Définition 3. La fonction fest dérivable à gauche en xsi son taux d’accroissement admet une
limite quand htend vers 0. On note alors f
g(x) = lim
h0
f(x+h)f(x)
h. De même, fest dérivable
à droite en xsi τx(h)admet une limite en 0+et on note f
d(x) = lim
h0+
f(x+h)f(x)
h.
Remarque 4.La fonction fest dérivable en xsi et seulement si elle y est dérivable à gauche et à
droite et que f
d(x) = f
g(x).
Définition 4. Dans le cas où f
g(x)6=f
d(x)(ou si une seule des deux limites existe) on dit que
la courbe de fadmet une (ou deux) demi-tangente à droite ou à gauche. Si τx(h)admet une
limite infinie en 0+ou en 0, on dit que la courbe de fadmet une demi-tangente verticale au point
d’abscisse x.
Exemple : Considérons f(x) = |x|et x= 0. On a donc τ0(h) = |h|
h. Si h > 0,τ0(h) = h
h= 1, donc
fd(0) = 1 ; mais si h < 0,τ0(h) = h
h=1, donc fg(h) = 1. La fonction valeur absolue n’est
donc pas dérivable en 0, mais y admet à gauche une demi-tangente d’équation y=x, et à droite
une demi-tangente d’équation y=x(qui sont d’ailleurs confondues avec la courbe).
Définition 5. Une fonction fest dérivable sur un intervalle Isi elle est dérivable en tout point
de I. On appelle alors fonction dérivée de fla fonction f:x7→ f(x).
Proposition 1. Soit fune fonction dérivable en a, alors l’équation de la tangente à la courbe
représentative de fen aest y=f(a)(xa) + f(a).
Démonstration. La tangente est une droite de coefficient directeur f(a)donc son équation peut se
mettre sous la forme y=f(a)x+b, avec bR. Pour déterminer b, il suffit de constater que le point
(a;f(a)) appartient à la tangente (qui coupe Cfen ce point), donc on doit avoir f(a) = af (a) + b,
soit b=f(a)af (a). L’équation est donc y=f(a)x+f(a)f(a)a=f(a)(xa) + f(a).
Proposition 2. Si une fonction fest dérivable en x, alors fest continue en x.
Remarque 5.La réciproque est fausse ! Par exemple la fonction valeur absolue est continue sur R
mais pas dérivable en 0.
2
Démonstration. Si fest dérivable en x, on sait que lim
h0
f(x+h)f(x)
h=f(x). Autrement dit,
f(x+h)f(x)
h=
0f(x)+o(1). En multipliant tout par h, on obtient f(x+h)f(x) = hf (x)+o(h).
Comme lim
h0f(x) + hf (x) + o(h) = f(x), on a donc lim
h0f(x+h) = f(x), ce qui prouve que fest
continue en x.
Définition 6. On appelle développement limité à l’ordre 1de fen al’égalité f(x+h) =
0
f(x) + hf (x) + o(h).
Remarque 6.Cette égalité signifie simplement que, lorsque hest proche de 0,f(x+h)peut être
approché par f(x) + hf (x), qui n’est autre que la valeur prise par la tangente au point d’abscisse
x+h. On parle d’ordre 1car on approche fpar une fonction qui est un polynome de degré 1. On
peut généraliser cette notion en approchant la fonction fpar un polynome de degré 2,3ou plus
(mais il faut alors que fsoit deux, trois fois dérivable, etc). On parle alors de développement limité
à l’ordre 2,3, etc., notion que vous étudierez plus intensivement l’an prochain.
1.2 Opérations
Proposition 3. Soient fet gdeux fonctions dérivables en x. Alors f+gest dérivable en xet
(f+g)(x) = f(x) + g(x).
Démonstration. En effet, le taux d’accroissement de f+gen xvaut
τx(h) = f(x+h) + g(x+h)f(x)g(x)
h=f(x+h)f(x)
h+g(x+h)g(x)
h. Autrement dit,
c’est la somme des taux d’accroissements de fet de gen x. Sa limite existe donc et est égale à la
somme des limites de ces taux d’accroissement, c’est-à-dire que lim
h0τx(h) = f(x) + g(x), d’où la
formule.
Proposition 4. Soient fet gdeux fonction dérivables en x, alors f g est dérivable en xet (f g)(x) =
f(x)g(x) + f(x)g(x).
Démonstration. Calculons le taux d’accroissement de la fonction f g en x:
τx(h) = f(x+h)g(x+h)f(x)g(x)
h=f(x+h)g(x+h)f(x)g(x+h) + f(x)g(x+h)f(x)g(x)
h=
g(x+h)f(x+h)f(x)
h+f(x)g(x+h)g(x)
h. Le premier terme a pour limite g(x)f(x)quand h
tend vers 0(la fonction gétant dérivable donc continue, g(x+h)tend vers g(x)et le reste est le
taux d’accroissement de fen x), et le second a pour limite f(x)g(x)puisqu’on reconnait le taux
d’accroissement de g. On obtient donc bien la formule attendue.
Exemple : La fonction x7→ xln xest définie et dérivable sur R
+et a pour dérivée ln x+x×1
x=
ln x+ 1. Ce résultat nous sera surtout utile dans l’autre sens : on en déduit qu’une primitive de la
fonction ln est la fonction x7→ xln xx.
Proposition 5. Soit gune fonction dérivable en x, et ne s’annulant pas en x, alors 1
gest dérivable
en xet 1
g
(x) = g(x)
g(x)2. Si fest une autre fonction dérivable en x, alors f
gest dérivable en xet
f
g
(x) = f(x)g(x)f(x)g(x)
g(x)2.
Démonstration. Le taux d’accroissement de 1
gen xvaut τa(x) =
1
g(x+h)1
g(x)
h. Il n’est défini que si
g(x+h)6= 0, mais on admettra que, si g(x)6= 0 (c’est une des hypothèses de la proposition) et gest
continue, alors gne s’annule pas au voisinage de x. On peut alors réduire au même dénominateur :
3
τx(h) = 1
g(x+h)g(x)
g(x)g(x+h)
h. On reconnait à droite l’opposé du taux d’accroissement de
g, qui tend donc vers g(a), et le dénominateur à gauche tend vers g(x)2car gest dérivable donc
continue en a.
La deuxième formule s’obtient en appliquant simplement la formule de dérivation d’un produit à f
et 1
g:f
g
(x) = f(x)×1
g(x)f(x)×g(x)
g(x)2=f(x)g(x)f(x)g(x)
g(x)2.
Exemple : La formule de dérivation du quotient est notamment très utile pour dériver les fonctions
rationnelles, par exemple f(x) = 2x+ 3
x2+ 1 est définie et dérivable sur R, et
f(x) = 2(x2+ 1) 2x(2x+ 3)
(x2+ 1)2=2x26x+ 2
(x2+ 1)2.
Proposition 6. Soit fune fonction dérivable et bijective sur un intervalle I, à valeurs dans J. Alors
f1est dérivable en tout point yJtel que f(f1(y)) 6= 0, et dans ce cas (f1)(y) = 1
f(f1(y)).
Remarque 7.Les images des valeurs où la dérivée de fs’annule, qui sont donc les points où la
fonction réciproque n’est pas dérivable, correspondant en fait à des endroits où la courbe de f1
admet des tangentes verticales (ce qui se comprend graphiquement puisqu’une tangente horizontale
pour fdevient après symétrie par rapport à la droite d’équation y=xune tangente verticale pour
f1).
Démonstration. Soit yJet x=f1(y). La taux d’accroissement de f1en yest τy(h) =
f1(y+h)f1(y)
h=f1(y+h)x
h. La fonction fétant bijective de Isur J,y+hadmet un
unique antécédent bsur I. On a donc f(b) = y+het par ailleurs f(x) = y, donc h= (y+h)y=
f(b)f(x)et τy(h) = bx
f(b)f(x). En posant h=bx, on a τy(h) = h
f(x+h)f(x), avec h
qui tend vers 0quand htend vers 0car la fonction f1est continue, donc b=f1(y+h)tend vers
f1(y) = x. On reconnait donc la limite quand htend vers 0de l’inverse du taux d’accroissement
de fen x. Si f(x)6= 0, on a donc lim
h0τy(h) = 1
f(x)=1
f(f1(y)). Si f(x) = 0, la limite de τy(h)
est infinie, on a donc une tangente verticale.
Proposition 7. Soient fet gdeux fonction dérivables respectivement en xet en f(x), alors la
composée gfest dérivable en xet (gf)(x) = f(x).(g(f(x)).
Démonstration. L’idée est de séparer le taux d’accroissement de gfpour faire apparaitre ceux de
get de fde la façon suivante : gf(y)gf(x)
yx=gf(y)gf(x)
f(y)f(x)×f(y)f(x)
yx. Le premier
quotient est le taux d’accroissement de gen f(x), il converge donc vers g(f(x)). Le second est le
taux d’accroissement de fen x, qui converge vers x. On en déduit la formule.
Il y a en fait un (gros) problème, c’est que le premier dénominateur à droite peut très bien s’annuler
(quand f(y) = f(x)) et (contrairement à ce qui se passait pour l’inverse) cela peut se produire aussi
près de xque voulu. Une autre façon (correcte, celle-ci) de prouver cette propriété est de passer
par les développements limités à l’ordre 1. On sait que f(x+h) =
0f(x) + hf (x) + o(h), et que
g(y+k) =
0g(y) + kg(y) + o(k). On en déduit que gf(x+h) = g(f(x) + hf (x) + o(h)). En
prenant y=f(x)et k=hf (x) + o(h)(ce qui tend bien vers 0quand htend vers 0), on a donc
gf(x+h) = g(f(x)) + (hf (x) + o(h))g(f(x)) + o(hf (x) + o(h)) = gf(x) + hf (x)gf(x) + o(h)
(tout les termes restants sont effectivement négligeables devant h). Comme on sait par ailleurs
que gf(x+h) = gf(x) + h(gf)(x) + o(h), une simple identification donne (gf)(x) =
f(x)gf(x).
4
Exemples : La fonction x7→ (2x+ 3)3est dérivable sur Ret a pour dérivée 2×3(2x+ 3)2=
6×(2x+ 3)2.
La fonction x7→ ex2+2x4est dérivable sur Ret a pour dérivée 2(x+ 1)ex2+2x4.
Remarque 8.Les dérivées de composées que nous utiliserons le plus souvent sont les suivantes (u
étant une fonction dérivable quelconque) :
(eu)=ueu.
(ln u)=u
u
(un)=nuun1
(u)=u
2u
1.3 Dérivées de fonctions usuelles
Les quelques dérivées classiques sur lesquelles il ne faut vraiment pas hésiter :
fonction dérivée Dfcondition
xnnxn1Rou RnZ
ln x1
xR
+
exexR
xaaxa1R
+aR
Pour la première ligne, le domaine de définition et de dérivabilité est Rsi n < 0, et Rsi n < 0.
Démonstration. Commençons par traiter par récurrence le cas des puissances entières positives. No-
tons fn(x) = xn, et prouvons par récurrence la propriété Pn:fnest dérivable et f
n(x) = nxn1.
Pour n= 1,f1(x) = x, le taux d’accroissement de fen xest τx(h) = x+hx
h= 1, donc fest
dérivable en tout point et f(x) = 1, ce qui correspond bien à la formule et prouve P1. Supposons
désormais Pnvraie, on remarque alors que fn+1 =f1×fn, donc fn+1 est dérivable comme produit de
fonctions dérivables, et en utilisant la formule de dérivation du produit et l’hypothèse de récurrence,
f
n+1(x) = fn(x) + f1(x)f
n(x) = xn+x×nxn1=xn+nxn= (n+ 1)xn, ce qui prouve Pn+1 et
achève la récurrence.
On en déduit ensuite les dérivées des puissances entières négatives en utilisant la formule de dérivation
d’un inverse. Soit p < 0et fp(x) = xp=1
xp, avec p > 0. On a donc f
p(x) = (p)xp1
(xp)2=pxp1,
ce qui est bien la formule annoncée. Un petit exemple pour la route : la dérivée de 1
x4est 4
x5.
Pour les dérivées de l’exponentielle et du logarithme, nous manquons d’une définition réellement
rigoureuse de ces deux fonctions. On pourrait calculer la dérivée de l’une en fonction de celle de
l’autre en utilisant la formule de dérivation d’une réciproque, mais nous nous contenterons de les
admettre.
Enfin, pour les puissances quelconques, constatons que xa=ealn x, dont la dérivée vaut a
xealn x=
a
xxa=axa1.
2 Dérivées successives ; convexité
2.1 Fonctions de classe Cket Dk
Définition 7. Une fonction est de classe Dnsur un intervalle Isi elle est nfois dérivable sur I.
On note alors f(n)sa dérivée n-ème (et on continue bien sûr à noter f,f′′ et f′′′ pour les premières
dérivées). Elle est de classe Cnsur Isi de plus f(n)est continue sur I. On dit plus simplement que
fest Dnou Cnsur I.
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