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Sakuran
Author : Laurine Estrade
Date : 19 août 2008
Prenez l’histoire d’un manga à succès, résumez-la en 1h30 de narration en respectant
autant que possible le schéma dramaturgique (trois actes…), ajoutez une mise en image de
qualité avec de splendides décors et costumes, et cerise sur le gâteau : choisissez l’actrice
tendance, vous obtenez le film Sakuran. Film ? Oui, mais est-ce pour autant du cinéma ?
Il est curieux de remarquer que les arguments marketing pour faire valoir Sakuran tissent peu de
liens autour de l’œuvre, et ressemblent davantage à des portraits promotionnels de personnalités
nippones à la mode. D’un côté, on nous vante les mérites de sa réalisatrice Mika Ninagawa,
artiste contemporaine, célèbre pour ses photographies maintes fois primées, qui avec Sakuran
s’invite au cinéma après ses multiples travaux dans la publicité. Ensuite, c’est la bande son qui
est mise en avant : et c’est le glorieux Shiina Ringo, qui enchérit une musique pop en décalage
avec l’époque diégétique de Sakuran. Et enfin, en haut de l’affiche rayonne Anna Tsuchiya,
mannequin, chanteuse, et …actrice depuis son rôle dans le remarqué Taste of Tea|critique du film
The Taste of Tea. Le célèbre et le populaire, voilà le réel dénominateur commun à ceux qui
ensemble (?) ont enfanté Sakuran. C’est un peu comme nous vendre Sakuran avant de l’avoir vu,
en nous attestant que les artistes géniaux engendrent un film génial. Mais l’épaisseur de leurs
revues de presse étouffe l’existence du film.
Ce mélo « punchy », c’est l’histoire de la caractérielle mais néanmoins sensible Kiyoha,
condamnée à devenir une grande courtisane : une oiran. Historiquement, ces prostituées de haut
rang vivaient dans le quartier de Yoshiwara d’Edo, l’actuel Tokyo. Elles étaient privées de leur
liberté, et condamnées à écouler leurs jours dans leurs « maisons closes-prisons ». Le film rend
effectivement compte de la thématique de l’enfermement : une destinée de femme, qui personnifie
plus largement toute la condition humaine, cette dernière étant métaphorisée par l’image du
poisson rouge prisonnier de son bocal. Un résumé grossier, à l’instar du traitement élémentaire
dans le film de ce propos universel.
On regrette que la dimension historique ne soit que prétexte à la création de décors et de
costumes flamboyants apportant une touche fantaisiste qui devrait satisfaire les amateurs d’un
Japon fantasmé dans lequel geisha rime davantage avec sensualité et érotisme plutôt
qu’esclavagisme. La servitude et la soumission sont lavées par la beauté des décors et les
minauderies de la protagoniste. Avec à sa tête une réalisatrice japonaise (à la différence du
désastreux Mémoires d’une geisha|critique du film Mémoires d’une geisha, réalisé par Rob
Marshall), on s’attendait à une lecture plus authentique voire féministe de ces pages de l’Histoire.
Il faudra donc se contenter d’une représentation pittoresque et idéalisée, qui fait de Kiyoha une
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Amélie Poulain nippone, aussi touchante qu’irréelle. Une fiction sucrée, servie par une image
composée avec style et brio ; mais tachée par une mise en scène sans audace de forme. Le
médium cinéma n’est que la mise en valeur de l’art photographique de Mika Ninagawa. Le
cinéma, ce n’est pas de la publicité. Avec un tel sujet et un talent sans conteste, on espérait
connaître la démonstration du « courage de filmer ».
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