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Author : Arnaud Hée
Date : 11 mars 2008
À n’en pas douter, le Libano-Austro-Français Patric Chiha parle de lui-même et des siens
dans cette œuvre originale et teintée d’étrangeté. Il met au point un dispositif littéraire, un
monologue débité par un interprète habité, mais aussi une grande rigueur
cinématographique qui mérite un détour vers ce moyen-métrage.
Une voiture chemine sur une route montagneuse faite de virages, de zigzags et de lacets. Les
cadrages, fixes et précis, laissent entrer et sortir le véhicule de chaque plan. La photographie,
remarquable pour les extérieurs, souligne la tonalité verte d’un paysage aussi bucolique
qu’étouffant. La forme de la voirie, pour le moins contraire à la ligne droite, fait écho aux origines
de Fouad (Alain Libolt), le personnage principal d’une soixantaine d’années, passées par bien
des détours, tout comme celles du cinéaste âgé quant à lui de 32 ans. Il s’agit donc de l’histoire
d’un homme d’affaire d’origine libanaise installé en France et venu pour un rendez-vous
professionnel sur les terres autrichiennes, la Styrie, de son enfance. Il est flanqué de Jacques, son
jeune assistant. Dans cet environnement connu, tout n’est pourtant que désorientation. Cartes,
plans et pancartes n’y font rien. Comme le souligne le personnage : on ne reconnaît pas un
endroit qui n’a pas changé, et ce ne sont pas les montagnes que l’on bombarde…
Le dispositif filmique s’avère particulier et assez complexe. On peut néanmoins le résumer
simplement : Fouad est parole, Jacques est un corps. C’est en effet l’écrit qui a ici précédé
l’image puisque le film est né du monologue, écrit «~de manière impulsive~» selon Patric Chiha,
que prononce l’homme d’affaire. Ce dernier est donc une voix-in, une sorte de narrateur intérieur
proche de la logorrhée et frôlant sans cesse le regard caméra. En tant que présence corporelle son
assistant est un réceptacle relatif et ambigu puisque ce n’est pas véritablement à lui que Fouad
s’adresse. Car c’est à lui-même qu’il parle, tentant que recoller les morceaux d’une existence
éclatée. Mais au-delà, plus que la recherche d’une identité introuvable, c’est peut-être avant tout
un père absent qui est interpellé.
Home est basé sur le déplacement mais se situe bien loin des codes du road movie. Car si les
corps sont bien en mouvement, c’est avant tout le verbe qui assure le transport dans le temps et
l’espace. Il faut rendre ici hommage à Alain Libolt, comédien principalement visible au théâtre
(Patrice Chéreau, Roger Planchon…), qui fait merveille pour rendre cette monomanie à la fois
mélancolique et drolatique, ceci grâce à sa science de la diction et du rythme. Par l’intermédiaire
de son personnage, Patric Chiha fait s’entrechoquer le présent et le passé, et surtout la béance
qui les sépare. Cette Autriche que Fouad éreinte en restituant l’odeur âcre de l’après deuxième
guerre mondiale, pays que le personnage a fuit alors avec sa mère pour rejoindre son pays
d’origine. Surgit donc aussi un Liban idéal : prospère, tolérant, cosmopolite et pacifique. Les mots
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sur cette terre rêvée sont accompagnés d’images, celles-ci tournées en super-8 pourraient bien
être issues d’archives familiales. Dans ce film au présupposé très littéraire, qui a cependant le bon
goût de ne point oublier l’image et la mise en scène, il est donc avant tout question non d’histoire
mais d’affect, donc de mémoire. Fouad ne dit-il pas : «~je me rappelle… j’imagine…~»
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