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Le Prénom
Author : Benoît Smith
Date : 24 avril 2012
Le tandem de scénaristes Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière contribue de manière
assidue au cinéma populaire français à gros budget, dans des genres divers: comédies de genre
(Les Parrains, Les Dents de la nuit), seulement comiques (La Jungle, RTT) ou seulement de genre
(L’Immortel), fantasy d’animation (Renaissance, The Prodigies)… Cependant, ici à la mise en scène
pour l’adaptation de leur propre pièce de théâtre à succès (dont ils reprennent les têtes d’affiche
sauf une remplacée par Charles Berling), ils remettent bien vite à plat le fonds de commerce qui
sous-tend leurs CV chargés de produits «branchés»: une pâle conformité à un certain académisme
national, où la technique professionnelle de l’image se contente de servir la soupe à l’aplomb du
verbe.
On ne peut pas dire que Delaporte et La Patellière se distinguent dans l’art du jeu de massacre
théâtral filmé. Leur mise en scène de l’espace et des confrontations se résume aux champscontrechamps et aux symétries dans les plans. Et pour se persuader plus encore que ce qu’ils
font relève du cinéma, ils ne trouvent rien de mieux que d’insérer des plans-vignettes pour
contourner le huis clos en plusieurs occasions: flash-backs morcelés, visualisation des
anticipations de certains personnages, et même illustration comique d’une voix off inaugurale qui
n’existe de toute évidence que pour l’amour de son verbe. D’ailleurs, il ne reste d’espoir pour le
film que celui-là: la qualité des mots, servis par des comédiens heureux d’en user. Sur ce dernier
point, pas de problème: les acteurs sont au rendez-vous, apparemment heureux d’être là, de
s’invectiver et de gesticuler comme sur les planches, et même Patrick Bruel jubile si visiblement
dans le rôle du fauteur de troubles aimant se faire détester qu’on pourrait lui conseiller
d’abandonner le cinéma pour le théâtre.
Débandade en trois actes
Concernant les mots, cependant, le scénario du jeu de massacre annoncé fait l’effet d’une
baudruche qui se dégonflerait en trois étapes. Cela commence comme une satire socio-politique
clé en mains: un soir, un couple de professeurs parisiens «bobo» invite à dîner un ami musicien
d’orchestre effarant de neutralité (oserait-on dire «centriste»?), ainsi que le frère de l’épouse, lui
typé UMP cynique et décomplexé roulant en 4×4 – pardon: en SUV –, par ailleurs bientôt père
d’un garçon. À l’inévitable «et vous allez l’appeler comment?», sa réponse jette un énorme pavé
dans la mare, déchaînant un tollé sur un fond à vrai dire plutôt tendu et qui eût mérité d’être
exploité de façon moins grossière: celui des rapports supposément complexés et bien distincts des
pensées de gauche et de droite vis-à-vis de l’histoire et de la culture. Le festival de cris qui
s’ensuit ne va évidemment pas cesser de s’auto-alimenter pour le reste de la soirée. Mais
progressivement, la pièce – pardon: le film – va abandonner le sous-texte politique qu’il ne pouvait
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visiblement faire tenir sur la longueur, pour se reporter sur l’exploitation toute en verve de toute la
bassesse verbale dont vos proches peuvent faire preuve à votre égard, sans autre arrière-pensée
que la jouissance par les auteurs de leur propre méchanceté projetée chez des simulacres de leurs
semblables.
C’est dans cette partie que Le Prénom est le plus à son aise, dans le pur théâtre de boulevard et
son lot d’échanges de tirs verbaux aux projectiles perçants, là où il est le plus proche – sans
espérer l’égaler – de son modèle véritable: Le Dîner de cons de Francis Véber. Mais même cette
veine-là semble se tarir trop vite pour les deux auteurs, qui ne prolongent le carnage dans sa
dernière ligne droite que par un coup de théâtre scénaristique où un événement révélé pèse sur
les échanges, suppléant au défoulement des caractères. L’émotion ainsi artificiellement introduite
dans l’intrigue sert, on le constate rapidement, de transition vers la fin du film, retour de la voix off
dont la verve auto-satisfaite désamorce tout enjeu, surtout pirouette d’apaisement où tout ce qui
précède est minimisé et banalisé. Comme si Delaporte et La Patellière avaient craint d’assumer
jusqu’à la dernière minute le plaisir boulevardier dans lequel ils se sont auparavant joyeusement
vautrés.
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