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Cape et Poignard
Author : Eva Markovits
Date : 4 août 2015
Combinant film d’espionnage, film de propagande antinazi et drame amoureux, Cape et Poignard,
film quelque peu oublié de la filmographie de Fritz Lang, est décevant dans son ensemble mais
contient quelques beaux passages. Interrompant sa collaboration psychanalytique avec Joan
Bennett qui avait donné naissance aux géniaux La Femme au portrait (1944) et La Rue rouge
(1945), Fritz Lang retourne au film noir au message pacifiste, fin de la guerre et tensions
émergentes entre les blocs Ouest et Est obligent. À l’instar de Chasse à l’homme (1941) qui
ressort également en salles, Les bourreaux meurent aussi (1943) ou encore Espions sur la Tamise
(1944).
Antinuke
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Alvah Jesper, professeur de physique, est chargé par les
services secrets américains d’enquêter sur l’état des recherches allemandes sur l’arme
atomique. Envoyé en Suisse, il a pour mission de retrouver Katerin Lodor, une collègue allemande
qui a refusé de travailler avec les nazis. Sa mission l’amène jusqu’en Italie où il rencontre la belle
Gina, résistante italienne meurtrie par la guerre.
La construction du film est assez bancale, valsant entre intrigue d’espionnage assez convenue et
histoire d’amour émouvante mais n’en valorisant aucune. Regards en coin, suspense, pièges
divers et variés, soutenus par la musique en « mickeymousing » [1] de Max Steiner, constituent
certains des ingrédients de la recette du film d’espionnage auxquels Lang ne déroge
malheureusement pas ici. Néanmoins, fait rare à l’époque et qui rehausse l’intérêt du film, Cape et
Poignard est un des premiers à afficher aussi ouvertement son scepticisme vis-à-vis de la bombe
atomique.
Quelques trop rares détails scénaristiques (une astuce narrative amenée par l’apparition d’un
chat, une séquence nostalgique dans un manège) font dévier intelligemment la narration de sa
trajectoire rectiligne, atténuée également par la caractérisation des deux personnages principaux.
Bien que le personnage de Gary Cooper endosse rapidement le rôle de l’homme protecteur et
viril, il est d’abord novice et maladroit et apporte une touche plus humaine au film ; tout comme le
personnage de Gina, interprété avec une grande sensibilité par la belle Lilli Palmer et qui évoque le
quotidien terrible des populations occupées.
Cape et d’épée
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En contrepoint de certaines séquences trop bavardes, Lang déploie comme à son habitude sa
caméra discrète et élégante, jouant de la géométrisation des décors, de l’omniprésence de miroirs
– qui décline le thème du dédoublement – et d’un noir et blanc contrasté. Mais la séquence la plus
marquante du film est la scène d’un meurtre sur fond d’orgue de Barbarie, servie par un montage
efficace et cru, agrémenté de gros plans sur les visages en lutte, et préfigurant, vingt ans plus tôt,
la séquence agonisante du meurtre de dix minutes du Rideau déchiré de Hitchcock. Elle se clôt par
l’apparition d’un ballon rebondissant sur des escaliers, symbole de la mort et clin d’œil espiègle à
son M le maudit.
À noter que le film a été censuré et modifié : expédiée, la fin à la Casablanca du film, toutes hélices
dehors, ressemble à une énième fin de film de propagande, bon qu’à soutenir le moral des
troupes. Selon Lotte Eisner dans son ouvrage consacré à Lang, ce dernier avait prévu une fin
grandiose avec la découverte dans les montagnes du laboratoire scientifique des nazis ainsi que
d’un camp jonché de cadavres de travailleurs assassinés par les nazis. Cette fin, plus forte, aurait
été la raison pour laquelle Lang fit le film. Mais le studio de Jack Warner n’allait certainement pas
laisser passer une fin aussi menaçante et sombre (les scénaristes du film, Ring Lardner Jr et Albert
Maltz furent d’ailleurs « blacklistés » par la HUAC de McCarthy un an après la sortie du film). On
ne peut que regretter de n’avoir pas vu cette œuvre sous son vrai jour.
Notes
1. [1] Le « mickeymousing » désigne une technique de musique de film qui consiste à illustrer
par la musique chaque événement et émotion dans un film.
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