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Kwaïdan
Author : Audrey Jeamart
Date : 27 septembre 2005
Kwaïdan regroupe quatre contes fantastiques : Les Cheveux noirs, La Femme des neiges,
Hoichi aux oreilles coupées, et Dans un bol de thé. Chacun de ces contes met en scène à sa
manière l’intrusion du monde de l’au-delà dans le monde réel, en montrant des humains
aux prises avec des événements surnaturels, le plus souvent des esprits. Longtemps
amputée du deuxième conte, cette version intégrale rend enfin hommage à ce grand film de
Kobayashi, qui réalisait là sa première et unique incursion dans le fantastique.
Kwaïdan est un film fantastique, mais il s’agit d’un fantastique qui rôde, qui s’insinue peu à peu
dans l’histoire et dans la vie des personnages. Sans grandiloquence, l’angoisse est surtout créée
par de petites touches de surnaturel, ainsi que de savants jeux de lumières et de couleurs, qui
nous font basculer d’un monde à l’autre, et révèlent la présence des esprits, notamment dans La
Femme des neiges. Le lien entre les vivants et les morts est ainsi constamment interrogé et vient
troubler la normalité qui caractérise le début – et parfois même la plus grande partie – de chaque
conte. Par exemple dans le premier conte, seule sa résolution est fantastique, et vient rompre avec
une narration jusque là classique.
Les esprits, trompeurs, illustrent parfaitement le thème de l’illusion qui traverse tout le film : la
femme jadis aimée semble n’avoir pas changé, Hoïchi croit jouer du luth pour une famille noble
disparue depuis des siècles, et le visage que l’homme voit dans un bol de thé est peut-être une
illusion d’optique ou un esprit malfaisant. À travers ces histoires d’amour et de mort, Kobayashi
dresse aussi un tableau réaliste de quelques défauts humains : la lâcheté, l’ambition, l’égoïsme,
tandis qu’il rend parfois les souffrances des esprits touchantes. Kwaïdan n’est donc pas
simplement la lutte des humains contre des esprits malfaisants, mais une illustration de la condition
humaine, dans ses contradictions et ses nuances.
La grâce de la mise en scène de Kobayashi est extraordinaire. Des cadrages précis, des
mouvements de caméra lents et harmonieux contribuent à créer l’atmosphère si particulière de ce
film de fantômes, revenus hanter les vivants pour d’obscures raisons. Les décors peints
gigantesques, et les reconstitutions en studio, loin de menacer le réalisme du film, le font entrer
dans une sorte d’intemporalité qui explique la force et la beauté que possède encore aujourd’hui
le film. Kwaïdan, qui avait obtenu le Prix Spécial du Jury à Cannes en 1965, est un film aux
dimensions artistiques et philosophiques passionnantes, à découvrir ou à redécouvrir.
Suppléments
– Bande-annonce
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