Shanghai Belleville

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Shanghai Belleville
Author : Nicolas Journet
Date : 29 décembre 2015
Shanghai Belleville est de ces films qui posent question sur la manière d’en rendre compte. Si
l’on parle du projet initial, soutenu par de nombreux organismes prestigieux (la Cinéfondation, le
CNC avec à la clef l’avance sur recettes…), on ne peut trouver que des qualités au premier longmétrage de Show-Chun Lee, repérée pour ses courts métrages documentaires, dont l’assez
fascinant Ma vie est mon vidéo-clip préféré.
Beau projet
Voilà un film qui va traiter d’une communauté chinoise peu visible dans le cinéma hexagonal, qui
s’appuie sur une connaissance précise de l’immigration clandestine car Show-Chun Lee en a fait
le cœur de ses études universitaires, et qui s’attache à rajouter une touche d’onirisme dans ce qui
aurait pu être un traitement purement social de son sujet. Si l’on ajoute à ces premiers points la
volonté de faire apparaître à l’écran un mélange d’acteurs professionnels et non-professionnels
pour aller là encore vers un mélange antinaturaliste, Shanghai Belleville aurait tout du long
métrage à voir en cette fin d’année, car s’extrayant volontiers de la norme du cinéma d’auteur
hexagonal.
Sauf que le résultat à l’écran est assez éloigné des intentions de départ, ou souligne combien
elles n’étaient que des vœux pieux finalement très théoriques. Le film n’est pas sans réussite. La
photographique de Thierry Arbogast – très vidéo art contemporain – est magnifique. La musique
n’est pas mal non plus. Et certaines prestations d’acteurs néophytes sont étonnantes. Anthony
Pho séduit, avec son physique athlétique d’acteur coréen, et une fragilité latente qui ne demande
qu’à surgir. En prostituée expérimentée et blasée, Carole Lo, sociologue de profession, est
bluffante, tenant la dragée haute à Jacques Boudet dans leurs quelques séquences en commun.
Incohérences et clichés
Pour le reste, le film ne trouve jamais sa cohérence, ne faisant qu’additionner des petites
scénettes, plus ou moins réussies, éclatant certes le point de vue sur l’émigration clandestine
mais bloquant toute capacité de s’attacher réellement aux personnages, par trop de distanciation,
par trop de maniérisme là où devaient se situer les élans poétiques.
Étrangement, Shanghai Belleville n’est jamais loin du cliché. En jouant de la représentation du
Chinois à l’écran, en additionnant les figures obligatoires (le mafieux en costume blanc, la
prostituée en nuisette, le jeune homme adepte des arts martiaux, les geeks informatiques aux
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visages peints…), Show-Chun Lee disserte autour de la notion de représentation, mais reste
toujours avec un pas de recul, avec son regard d’anthropologue qui n’a pas vraiment sa place
derrière une caméra. L’allusion téléphonée à Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss est par
exemple d’une maladresse sans nom.
À vouloir jouer sur la distanciation, en permanence, avec un recours systématique à un burlesque
appuyé, Shanghai Belleville crée littéralement de la distance et échoue aux endroits mêmes où il
voulait réussir. Se voulant choral, il est en fait fourre-tout. Visant l’abstraction, le récit se révèle
d’une linéarité confondante. Les personnages sont tous «bouclés» en fin de parcours : l’un repart
en Chine, un autre sombre dans l’alcool et la folie, une fille prend symboliquement la place de sa
mère… Et quand l’écran se rallume, on se rend compte qu’on n’a rien appris sur la communauté
chinoise de Paris qu’on ne savait déjà.
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