Université de Strasbourg MPC Mathématiques L3 (S5) P. Guillot, bureau 314, [email protected] §4 – Systèmes d’équations différentielles Le polynôme caractéristique de A est X 2 − 12X + 35 = (X − 7)(X − 5), les valeurs propres sont 5 et 7, donc A est diagonalisable. On cherche les vecteurs propres, et on trouve qu’en posant 2 11 P = 1 5 Définitions On étudie les équations différentielles de la forme Y 0 (t) = AY (t) + B(t) (E) où A est une matrice n × n, et Y : I → Cn (avec I intervalle de R). On a donc 0 y1 (t) y1 (t) y20 (t) y2 (t) Y (t) = . et Y 0 (t) = . . .. .. yn (t) alors P AP = 7 0 0 5 = D. Si on pose donc Q = P −1 , et −5y1 + 11y2 z1 (t) Z(t) = QY (t) = = , y1 − 2y2 z2 (t) yn0 (t) alors Z satisfait l’équation Z 0 (t) = DZ(t). On est donc ramené à 0 z1 (t) = 7z1 (t) z20 (t) = 5z2 (t) L’équation homogène associée est Y 0 (t) = AY (t) −1 (H) Comme d’habitude, les solutions de (H) forment un espace vectoriel ; si Y0 est une solution particulière de (E), alors toutes les solutions de (E) sont de la forme Y0 + Y avec Y solution de (H). On va surtout regarder des équations homogènes dans le cours. On sait bien faire ça : on a z1 (t) = λ1 e7t et z2 (t) = λ2 e5t . Pour finir, Y (t) = P Z(t), donc y1 (t) = 2 λ1 e7 t + 11 λ2 e5 t y2 (t) = λ1 e7 t + 5 λ2 e5 t Exemple. (2) Parfois la matrice A n’est pas diagonalisable. Par exemple y1 (t) = y1 (t) + y2 (t) y2 (t) = −y1 (t) + 3y2 (t) Résolution en pratique L’idée générale pour résoudre Y 0 (t) = AY (t) est très simple, et on l’a d’ailleurs déjà vue dans le cours précédent sur un exemple : – On cherche une matrice Q telle que D = QAQ−1 soit simple, par exemple diagonale ; – On remarque que Dans ce cas le polynôme caractéristique est (X − 2)2 , et on voit facilement que A n’est pas diagonalisable. Par contre, admettons que l’on ait remarqué (en général ce sera une indication du texte de l’exercice...) qu’en posant 1 3 P = 1 4 Y 0 (t) = AY (t) ⇐⇒ (QY )0 (t) = D(QY )(t) . On pose Z(t) = QY (t), on cherche donc à résoudre Z 0 (t) = DZ(t). – Si D est suffisamment simple, alors on est ramené à résoudre plusieurs équations différentielles linéaires d’ordre 1 (avec des fonctions I → C, c’est-à-dire qu’on s’est ramené à n = 1). On sait complètement résoudre ces équations. – Ayant trouvé une solution Z(t), on récupère Y (t) puisque Y (t) = Q−1 Z(t). alors P −1 AP = 2 0 1 2 = D. On fait le même “changement de fonction inconnue”, à savoir Z(t) = QY (t) (avec Q = P −1 ), et on doit résoudre 0 z1 (t) = 2z1 (t) + z2 (t) z20 (t) = 2z20 (t) Voilà qui fait encore partie des équations que l’on sait résoudre. La deuxième donne z2 (t) = λ2 e2t , et en injectant dans la première équation on voit que z1 satisfait Exemple. (1) Résoudre 0 y1 (t) = −15y1 (t) + 44y2 (t) y20 (t) = −10y1 (t) + 27y2 (t) z10 (t) = 2z1 (t) + λ2 e2t . On résout ça par la méthode habituelle (y compris la variation de la constante puisqu’il y a maintenant un second membre !). On trouve facilement C’est Y 0 (t) = AY (t) avec −15 44 y1 (t) A= et Y (t) = . −10 27 y2 (t) z1 (t) = (λ1 + λ2 t)e2t . 1 Proposition 1. Finalement Y (t) = P Z(t) et donc y1 (t) = (λ1 + 3λ2 + λ2 t)e2t y2 (t) = (λ1 + 4λ2 + λ2 t)e2t 1. exp(0) = Id (la matrice identité) 2. Si AB = BA (attention !), alors eA+B = eA eB . 3. Si A = P −1 BP alors eA = P −1 eB P . 4. Soit F (t) = etA , pour t ∈ R. Alors F 0 (t) = AF (t). Etude qualitative La propriété (4) est bien sûr celle qui nous intéresse, du point de vue des équations différentielles. Pour “voir” pourquoi ça fonctionne, autorisons nous à traiter la somme infinie comme une somme normale. On obtient : P∞ d tn An d tA dt (e ) = Pn=0 dt n! n ∞ n−1 A = n=1 nt n! n−1 P ∞ A = A n=1 tn−1 (n−1)! tA = Ae . On va maintenant donner une formule “générale” pour les solutions de Y 0 (t) = AY (t) (et même de Y 0 (t) = AY (t) + B avec B un vecteur constant). En pratique, connaı̂tre cette formule n’est pas plus efficace que connaı̂tre la méthode ci-dessus. Par contre c’est utile pour faire une étude “qualitative” : par exemple on va calculer la dimension de l’espace des solutions. Pour n = 1 on sait tout résoudre grâce à l’exponentielle, et l’outil dont nous avons besoin maintenant est l’exponentielle de matrice. Le théorème principal Rappels sur l’exponentielle Théorème 2. Les solutions de l’équation différentielle Y 0 (t) = AY (t) sont les fonctions de la forme Admettons que l’on ait défini l’exponentielle comme la réciproque du logarithme (et le logarithme comme une primitive de x1 ). Depuis la formule de Taylor, on sait que, pour x ∈ R, on a Y (t) = etA C0 , où C0 est un vecteur colonne n × 1 constant. Les solutions de Y 0 (t) = AY (t) + B lorsque A est inversible sont les fonctions de la forme Y (t) = etA C0 − A−1 B . +∞ n N X X x xn x e = = lim . N →+∞ n! n! n=0 n=0 Pour un nombre complexe z, la seule définition de son exponentielle que l’on ait est Démonstration. C’est la même que pour n = 1 ! En effet, si Y satisfait Y 0 (t) = AY (t), alors on regarde F (t) = e−tA Y (t). On dérive, on voit que F 0 (t) = 0, donc F est constante : F (t) = C0 , et c’est bon. Pour la deuxième partie, il s’agit juste d’observer que la fonction constante t 7→ −A−1 B est solution particulière. +∞ n X z e = . n! n=0 z Il faut bien alors démontrer que la limite existe pour s’assurer que ez a un sens : vous l’avez normalement fait en 1ère année. Exemple. Reprenons l’exemple (1). Puisque tA = P −1 diag(7t, 5t)P , on a 7t 7t e 0 2e 11e5t tA −1 e =P P = P −1 . 0 e5t e7t 5e5t Au passage, c’est comme ça que l’on donne une vraie définition du cosinus et du sinus : on pose cos(θ) = Re(eiθ ) et sin(θ) = Im(eiθ ). Exponentielle de matrice Soit A une matrice m × m. On pose exp(A) = eA = (Comme précédemment, on n’a pas besoin de calculer P −1 .) On a donc Y (t) = etA C0 = M (t)P −1 C0, en notant M (t) la λ 1 matrice ci-dessus. En écrivant P −1 C0 = , on retrouve λ2 bien le même résultat. +∞ X An . n! n=0 Il faut démontrer que la limite existe pour que ceci ait un sens. Donnons l’idée dans le cas où A est diagonalisable : comme on a montré que toute matrice pouvait être approchée par des matrices diagonalisables, ça rend le résultat crédible (sans constituer une preuve complète). Si donc A = P −1 DP avec D = diag(λ1 , . . . , λm ), on a n A = P −1 diag(λn1 , . . . , λnm )P , et P PN An N Dn −1 = P P n=0 n! n=0 n! n P PN λn λ N = P −1 diag( n=0 n!1 , . . . , n=0 n!m )P On observe au passage que, C0 étant un vecteur quelconque, le vecteur P −1 C0 peut lui aussi être n’importe quel élément de R2 , et on peut aussi bien travailler avec lui (donc avec λ1 et λ2 ) plutôt que de calculer P −1 et de donner un nom aux coordonnées de C0 .) On constate avec amertume que cette nouvelle approche ne simplifie pas du tout les calculs. Par contre, l’expression compacte du théorème permet de faire des remarques qualitatives. Faisons la plus simple de toutes : Corollaire 3. L’espace vectoriel des solutions de Y 0 (t) = AY (t) est de dimension n (où A est de taille n × n). Puisque l’exponentielle réelle (“normale”) converge, on voit que cette dernière expression converge vers P −1 λ1 diag(e , . . . , e λm Démonstration. Soit S cet espace des solutions. L’application linéaire Cn → S qui envoie C0 sur la solution etA C0 est un isomorphisme. (Son inverse envoie une solution Y sur Y (0).) Donc dim S = dim Cn = n. A )P = e . Voyons les propriétés de base : 2 Exercices Dans le cours précédent on a vu comment résoudre (Eφ ) lorsque les racines de φ sont distinctes. Dans ce problème on traite le cas général. (1) (a) Soit y une fonction, et soit z(t) = ty(t). Montrer que z (n) (t) = ty (n) (t) + ny (n−1) . (b) Soit φ0 la dérivée du polynôme φ. Montrer que si y est solution à la fois de (Eφ ) et de (Eφ0 ), alors z est solution de (Eφ ). (c) Supposons que φ ait la factorisation suivante : Correction de l’exercice 2, semaine 2 : Les valeurs propres sont 1, 0, −1, des vecteurs propres possibles sont par exemple (6, −12, 11), (1, −2, 2), (0, 1, −1) respectivement. Ainsi en posant 6 1 0 0 −1 −1 1 on a P −1 = 1 6 6 , P = −12 −2 11 2 −1 2 1 0 et 1 P −1 AP = 0 0 0 0 0 0 0 . −1 φ(x) = (x − λ1 )m1 · · · (x − λk )mk . Soit yij (t) = ti eλj t pour 0 ≤ i < mj . Montrer que yij est solution de (Eφ ). Indication : λj est racine de φ, de φ0 , de φ00 , . . . et de (mj −1) ... φ (2) En reprenant le cours de la semaine 3, montrer que résoudre l’équation (Eφ ) revient à résoudre une équation de la forme Y 0 (t) = AY (t) où A est une matrice carrée de taille n+1 (si φ est de degré n + 1). En déduire que l’espace vectoriel des solutions de (Eφ ) est de dimension n + 1. (3) Il reste à montrer que les fonctions yij sont linéairement indépendantes. (a) Montrer que c’est le cas lorsque k = 1 (c’est-à-dire lorsque φ(x) = (x − λ1 )n+1 ). (b) Soient P1 , P2 , . . . , Ps et Q des polynômes, et soient µ1 , . . . , µS des constantes. On suppose que pour tout t ∈ R on a L’expression donnée pour An dans le texte de l’exercice est correcte, sauf pour n = 0 enquel cas A0 = Id. Exercice 1. Résoudre 0 x (t) = −6y(t) − 6z(t) y 0 (t) = −2x(t) + 11y(t) + 12z(t) 0 z (t) = 2x(t) − 10y(t) − 11z(t) C’est la matrice A ci-dessus... Exercice 2. Résoudre 0 x t) = −2x(t) − 3y(t) y 0 (t) = x(t) + y(t) Quelles sont les solutions à valeurs dans R ? Exercice 3. Résoudre 0 y1 (t) 5 y20 (t) = 0 y30 (t) 0 1 5 0 0 y1 (t) 1 · y2 (t) 5 y3 (t) P1 (t)eµ1 t + P2 (t)eµ2 t · · · + Ps (t)eµs t = Q(t) . Ne pas chercher à simplifier la matrice : ça ne marchera pas... Montrer que tous les polynômes sont nuls. Indication : on voit que Q doit être solution d’une certaine équation différentielle (Eψ ) où ψ ressemble beaucoup à φ, les µi remplaçant les λi ; comme Q est un polynôme, ceci entraı̂ne Q = 0 pour des raisons très simples de degré. Ensuite en divisant par eµs t on est ramené à s − 1 au lieu de s, et on peut faire une récurrence. Dans le (a) on a traité le cas s = 1. (c) Conclure. Problème. Pour chaque polynôme φ(x) = αn+1 xn+1 + αn xn + . . . α0 on considère l’équation différentielle (Eφ ) : αn+1 y (n+1) (t) + αn y (n) (t) + . . . α0 = 0 . http://www-irma.u-strasbg.fr/~guillot/teaching.html 3