Cours de Géométrie affine et euclidienne pour l`agrégation

Cours de Géométrie affine et euclidienne pour l’agrégation
Pierre Bousquet
2009/2010
En guise de motivation bassement scolaire, voici ce qu’affirme le rapport de jury 2005, et que répète
celui de 2006, au sujet des leçons de géométrie.“Elles n’ont eu que peu de succès comme souvent : c’est
un tort. (...) Pour certains candidats, il serait plus profitable de travailler des leçons de géométrie, même
à un niveau élémentaire, plutôt que de choisir des sujets d’algèbre générale qu’ils ne maîtrisent pas.
Avertissement : ce qui suit n’est nullement original. Je me suis inspiré de l’excellent livre : Géomé-
trie de Michèle Audin. J’ai également emprunté certains passages au 4ème tome de la série de livres
d’Arnaudiès et Fraysse, et au Mathématiques générales pour l’agrégation de Tauvel. Conseil : utilisez
votre de bouquin de 1er cycle/prépa préféré!
Dans tout ce cours, le corps de base est Ret tous les Respaces vectoriels considérés sont de di-
mension finie. (En fait, le langage introduit et toutes les propriétés algébriques, lorsqu’on ne divise pas
par 2, restent vrais lorsqu’on remplace Rpar un corps commutatif quelconque, mais pas les propriétés
particulières à Rque sont : l’orientation, la convexité ou la topologie).
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Chapitre 1
Géométrie affine
1.1 Espaces affines
Définition 1 Soit Eun Respace vectoriel. On dit qu’un ensemble non vide Eest un espace affine sur
Es’il existe une action fidèle et transitive du groupe additif de Esur E.
En termes plus explicites, il existe une application (t, x)E× E 7→ t+x∈ E qui est une
action : t, t0E, x∈ E, x + (t+t0) = (x+t) + t0(le signe +a deux significations différentes
ici : il désigne soit l’action de groupe, soit la loi additive pour le groupe additif de E) et x+0 = x,
transitive : il n’y a qu’une orbite, c’est-à-dire : x, x0∈ E,il existe tEtel que x0=x+t,
fidèle : si tEvérifie x+t=xpour tout x∈ E,alors t= 0.
En toute rigueur, c’est le triplet constitué de E,de Eet de l’action précédente qu’on devrait appeler
espace affine. On dit que Eest l’espace directeur de E.Les éléments de Esont appelés les points.
La dimension de Eest par définition la dimension de E. Si dimE= 1,on parle de droite affine. Si
dimE= 2,on parle de plan affine.
Dans toute la suite, la lettre Edésigne un espace affine de direction Eet de dimension n.
Proposition 1 Pour tout x∈ E,l’application ξx:tE7→ x+t∈ E est bijective.
Preuve : On fixe x∈ E.L’application ξxest surjective, par transitivité de l’action de Esur E.Soient
maintenant t1, t2Etels que x+t1=x+t2.Alors
x+ (t1t2) = (x+t1)+(t2) = (x+t2)+(t2) = x+ (t2t2) = x+ 0 = x.
Il suffit donc de montrer que pour tout x∈ E, t E, si x+t=x, alors t= 0.On utilise la fidélité de
l’action. Soit y∈ E.Montrons que y+t=yce qui permettra de conclure puisque yest arbitraire. Par
transitivité, il existe uEtel que y=x+u. On a
y+t= (x+u) + t=x+ (u+t) = x+ (t+u) = (x+t) + u=x+u=y.
Ainsi, pour tout x, y ∈ E,il existe un unique vecteur tEtel que x+t=y. On le note t=yx
ou encore t=
xy.
Exercice 1 Montrer que
{xy, x, y ∈ E} =E.
Preuve : L’inclusion est évidente. Réciproquement, soit tE. Il existe y∈ E.Soit x:= y+t. Alors
t=xyce qui conclut la preuve.
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Pour tout x∈ E,la bijection précédente permet de transporter sur Eune structure d’espace vectoriel
en posant
ξx(t) + ξx(u):=ξx(t+u), λξx(u):=ξx(λu).
La structure d’espace vectoriel ainsi obtenue sur Eest la structure d’origine x. Le point xde l’espace
affine Eest le vecteur nul de l’espace vectoriel d’origine x.
Exercice 2 1) Montrer la formule de Chasles : pour tout x, y, z ∈ E,on a
yx =
yz +
zx.
Généraliser à un nombre fini de points.
2) Montrer la règle du parallélogramme : si
xy =
x0y0,alors
yy0=
xx0.On dit alors que xyy0x0
est un parallélogramme.
Exemples d’espaces affines
Exemple 1 Tout espace vectoriel Eest canoniquement muni d’une structure d’espace affine d’espace
directeur E, où l’action est donnée par la loi +de E. Plus généralement, si x0E, on peut définir sur
Ela structure d’espace affine
(t, x)E×E7→ x0+x+t.
Exercice 3 1) Montrer que l’ensemble des solutions d’un système d’équations linéaires à second
membre nul est un espace vectoriel. Si les seconds membres ne sont pas nuls et qu’il existe une
solution, c’est un espace affine.
2) Montrer que l’ensemble des solutions d’une équation différentielle linéaire homogène est un
espace vectoriel. Si le second membre est non nul, c’est un espace affine (ce qu’on formule souvent
en disant que toute solution de l’équation est la somme d’une solution de l’équation homogène et
d’une solution particulière).
Exemple 2 Si Fest un sous-espace vectoriel de E, et x∈ E,alors l’ensemble x+F:= {x+t, t
F} ⊂ E est naturellement muni d’une structure d’espace affine de direction F.
Preuve : On considère l’application (u, z)F×(x+F)7→ z+uobtenue par restriction à partir de
l’action de groupe de Esur E.C’est une action du groupe additif de Fsur x+F. Il n’y a qu’une orbite,
à savoir x+F. Ainsi l’action est transitive. Enfin, si tFvérifie x+u+t=x+upour tout uF,
alors t= 0, ce qui suffit à montrer que l’action est fidèle.
Définition 2 Un sous-ensemble non vide F ⊂ E est un sous-espace affine de Es’il existe x∈ E et un
sous-espace vectoriel Fde Etel que F=x+F.
On définit de manière évidente les notions de dimension et de direction de sous-espaces affines.
Exemple 3 Les sous-espaces affines d’un espace vectoriel Esont les u+FuEet Fest un sous-
espace vectoriel de E. Les sous-espaces vectoriels de Esont donc les sous-espaces affines contenant
0.
Définition 3 Soit A E une partie non vide. On définit Aff(A)comme l’intersection de tous les
sous-espaces affines contenant A.
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C’est un sous-espace affine, de direction V ect(ba, b A)pour tout aA. En effet, pour tout
aA, l’ensemble a+V ect(ba, b A)est un sous-espace affine qui contient A, et qui est contenu
dans tout sous-espace affine contenant A.
Définition 4 On dit que deux sous-espaces affines Fet Gde directions Fet Gsont parallèles si FG
ou GF.
On en déduit immédiatement que
Deux droites parallèles à une même troisième sont parallèles entre elles.
Etant donné un point xet une droite affine , il existe une unique droite 0parallèle à passant
par x.
1.2 Applications affines
On fixe deux espaces affines Eet Fde direction Eet F.
Définition 5 On dit que T:E → F est une application affine s’il existe f∈ L(E, F )telle que
T(y)T(x) = f(yx),x, y ∈ E.(1.1)
Comme E={yx, x, y ∈ E},l’application linéaire définie par (1.1) est nécessairement unique.
On l’appelle partie linéaire de T.
On notera A(E,F)l’ensemble des applications affines de Edans F.Lorsque F=R,on parle de
fonction affine.
Exercice 4 Montrer qu’une application T:E → F est affine si et seulement si il existe f∈ L(E, F )et
x∈ E, y ∈ F tels que
T(z) = y+f(zx),z∈ E.
Exercice 5 1) Montrer que la composée de deux applications affines est affine.
2) Montrer qu’une application affine est injective/surjective si et seulement si sa partie linéaire est
injective/surjective.
3) L’inverse d’une bijection affine est affine.
Preuve : 1) Soient φ:E → F,et ψ:F → G deux applications affines, de partie linéaire fet g. Alors
pour tout x, y E,
ψφ(y)ψφ(x) = ψ(φ(y)) ψ(φ(x)) = g(φ(y)φ(x))
=g(f(yx)) = gf(yx)
donc ψφest affine de partie linéaire gf.
2) Soit φ:E → F une application affine de partie linéaire f. Fixons x∈ E.Alors il existe y∈ F
tels que
φ=y+f(· − x) = ξyfζx
ξy(t) = y+tet ζx(z) = zx. Comme ζx:E Eest bijective (sa réciproque n’est autre que
ξx) ainsi que ξy:F→ F,le résultat en découle.
3) Avec les notations précédentes,
φ1= (ζx)1f1(ξy)1=ξxf1ζy
est bien une application affine par composition (où on voit Eet Fcomme des espaces affines).
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