250 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 5 - mai 2012
// Nat Med
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre
(hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand
(hôpital Saint-Antoine, Paris)
Résistance au cétuximab :
dunouveau du côté
durécepteur de l’EGF !
> Montagut C, Dalmases A, Bellosillo B et al. Identification of a
mutation in the extracellular domain of the Epidermal Growth
Factor Receptor conferring cetuximab resistance in colorectal
cancer. Nat Med 2012;18:221-3.
L
es mutations du gène KRAS au niveau des
codons12 et13 ont clairement été identifi ées
dans le cancer colorectal métastatique comme des
marqueurs de résistance aux anticorps anti-EGFR
(cétuximab et panitumumab), de telle sorte que
leur présence au niveau tumoral contre-indique
d’emblée l’utilisation de ces thérapies. Cependant,
même chez les patients à KRAS sauvage répon-
deurs aux anti-EGFR, l’apparition d’une résistance
secondaire est observée fréquemment. Les méca-
nismes impliqués dans cette résistance acquise
n’ont jamais été explorés. Le but de cette étude
publiée dans
Nature Medicine
par une équipe
barcelonaise était d’identifier des marqueurs
susceptibles d’expliquer l’apparition d’une telle
résistance au cétuximab.
Des clones cellulaires résistants au cétuximab…
mais sensibles au panitumumab !
Les auteurs de cette étude ont mis au point
3clones cellulaires de cancer colorectal résistants
au cétuximab, dérivés de la lignée DiFi (phéno-
type KRAS/BRAF/PI3K sauvage avec amplifi cation
du gène EGFR), habituellement très sensible au
cétuximab et ayant acquis une résistance secon-
daire à cet anticorps après 5mois de traitement.
Les auteurs ont ensuite vérifi é que la prolifération,
l’apoptose et l’activation d’ERK (voie RAS/MAPK)
et d’AKT (voie PI3K/mTOR/AKT) via l’activation
de l’EGFR étaient intactes dans ces clones résis-
tants, dénommés DCR (
DiFi-derived Cetuximab-
Resistant
).
Les clones DCR restaient, tout comme les cellules
parentales DiFi, sensibles au géfi nitib (inhibiteur
de tyrosine kinase d’EGFR), ce qui suggère qu’ils
restent dépendants de l’EGFR pour leur croissance
et leur survie. Les auteurs ont eu effectivement la
surprise d’observer que ces clones résistants au
cétuximab restaient sensibles au panitumumab.
Une mutation du gène EGFR bloquant spécifi -
quement la fi xation du cétuximab sur sa partie
extramembranaire
Ces observations ont conduit à l’hypothèse selon
laquelle une modifi cation de l’EGFR au niveau
de son site de fi xation spécifi que au cétuximab
pouvait être survenue au niveau tumoral et expli-
quer la résistance à cet anticorps. Après vérifi -
cation de l’absence de mutations de KRAS, BRAF
et PI3K, le séquençage de l’ADN tumoral a révélé
la présence d’une mutation faux-sens (S492S)
dans la région codante du gène EGFR (au niveau
de la partie extramembranaire) dans les 3clones
DCR, cette mutation n’étant pas retrouvée dans
la lignée cellulaire parentale DiFi. Les auteurs ont
pu ensuite vérifi er dans la lignée fi broblastique
NIH 3T3 que la mutation S492R d’EGFR conférait
bien une résistance au cétuximab sans altérer la
sensibilité au panitumumab alors que la lignée
EGFR sauvage restait sensible aux 2anticorps
anti-EGFR. L’analyse en cytométrie de flux a
montré que le cétuximab et le panitumumab se
fi xaient bien à l’EGFR sauvage alors que seul le
panitumumab était capable de se fi xer à l’EGFR
muté S492R.
Hypothèse confi rmée chez l’homme ?
Aucune mutation S492R n’a été détectée dans une
série de 156tumeurs de patients ayant un cancer
colorectal métastatique naïfs de tout traitement
(chimiothérapie ou thérapie ciblée). Enrevanche,
l’analyse de biopsies tumorales avant et après
traitement chez 10patients ayant présenté une
progression tumorale sous cétuximab après une
réponse initiale a révélé l’apparition d’une muta-
tion S492R de EGFR chez 2patients. Un de ces
2patients (l’autre étant décédé entre-temps) a
pu recevoir du panitumumab et a présenté une
réponse objective (>50 %) à ce deuxième anti-
EGFR.
Cette mutation S492R acquise du gène EGFR
modifierait donc la conformation du domaine
extracellulaire du récepteur, empêchant ainsi
spécifiquement la fixation du cétuximab, mais
pas celle du panitumumab. C’est la première fois
qu’un facteur moléculaire expliquant une réponse
dissociée au cétuximab et au panitumumab est
mis en évidence et offre un rationnel au bénéfi ce
potentiel du panitumumab chez des patients ayant
progressé sous cétuximab. Cela reste bien sûr à
démontrer à plus grande échelle.
A. Lièvre,
hôpital Ambroise-Paré,
Boulogne-Billancourt.
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Merck
Serono.