Pharmacologie du monoxyde d’azote NO I. Le NO (nitric oxyde) A. Découverte: Pr Furchgott (Prix Nobel 1998) - Le NO est une petite molécule de localisation ubiquitaire. - Son rôle, extrêmement important, est appliqué en Pharmacologie. - Jusqu’aux années 80, le NO était connu uniquement comme un polluant des gaz d’échappement. - Mais des travaux réalisés dans le laboratoire d’un pharmacologue anglais, le Pr Furchgott, ont permis de mettre en évidence les effets physiologiques du NO. - Ces travaux étaient initialement orientés sur l’étude des effets pharmacologiques de l’Ach au niveau des vaisseaux. Ce professeur avait sous sa direction un étudiant polonais qui était chargé de la réalisation des manipulations. - Furchgott constata que l’injection d’Ach sur les vaisseaux parfois provoquait une vasodilatation, parfois ne provoquait rien du tout. - L’explication de ce phénomène est en fait que, l’étudiant polonais, ayant une fâcheuse tendance à abuser de la bouteille, parfois réalisait bien ses expériences en respectant l’intégrité de l’endothélium vasculaire, et parfois, encore ivre, dégradait l’endothélium. - Ceci a permis de conclure que, lorsque l’endothélium est respecté, il libère un médiateur responsable de vasodilatation après ajout d’Ach, alors que lorsqu’il se trouve lésé, il ne libère plus de substance vasodilatatrice. - Ce médiateur intracellulaire, d’abord appelé EDRF, fut secondairement définit comme le NO : cette découverte lui valut le Prix Nobel. B. Rôle physiologique 1. Rôles du NO - dans la transmission nerveuse dans les mécanismes inflammatoires dans les réponses immunitaires dans la mort cellulaire par apoptose c’est également un puissant relaxant de : La fibre musculaire lisse vasculaire des artères (dont l’artère pulmonaire) et des veines. La fibre musculaire lisse non vasculaire. 2. Mécanisme d’action du NO - L’Ach et d’autres neurotransmetteurs vont activer un récepteur sur la cellule endothéliale. - Ceci va activer l’arginine qui va alors libérer du NO. Le NO va alors activer la guanylate cyclase d’une fibre musculaire lisse qui transforme le GTP en GMPc. - Le GMPc est alors responsable de la relaxation de la fibre. Ach (et autres neurotransmetteurs) Récepteur Cellule endothéliale Arginine NO NO FML NO GMPc GTP Guanylate cyclase RELAXATION II. Les médicaments NOmimétiques : puissants vasodilatateurs A. Le NO médicament - Il s’agit d’un gaz médical, le NO médical®, qui ne s’injecte évidemment pas par voie orale du fait de sa nature gazeuse. - C’est un puissant vasodilatateur pulmonaire utilisé lors du Syndrome de détresse respiratoire aiguë chez le nouveau-né ou chez l’adulte. Cependant, le premier traitement à effectuer lors d’un tel syndrome est plutôt l’assistance respiratoire ou l’oxygénothérapie. B. Les dérivés nitrés : donneurs indirects de NO 1. Les anti-angoreux - Les anti-angoreux sont utilisés dans l’angine de poitrine. - Il s’agit de dérivés de l’acide nitrique, dont la formule générale est R-O-NO2 - Le chef de file de ces dérivés nitrés est la Trinitroglycérine (connue comme étant un explosif) encore appelée la Trinitrine. a. Physiopathologie de l’insuffisance coronaire La circulation coronaire est une circulation musculaire, c’est-à-dire qu’elle est : - en activité permanente - caractérisée par l’intensité de son débit qui représente 5% du débit cardiaque ( ce débit n’est donc pas proportionnel au poids de l’organe puisque la masse du cœur représente 0,5% du poids du corps) Importance des phénomènes d’extraction d’O2 par le myocarde - le muscle squelettique prélève 22% de l’O2 artériel alors que le myocarde en prélève 60 à 70% - La différence artério-veineuse en O2 au niveau du cœur est la plus grande de l’organisme. La teneur en O2 du sang veineux coronaire est donc la plus faible de l’organisme. - Le myocarde est donc le plus gros consommateur d’O2 de l’organisme La régulation du débit coronaire - identique à celle du cerveau - il s’agit d’un processus autonome qui ne dépend pas de l’orthosympathique, autorégulé en fonction du climat local : toute majoration des besoins entraîne une libération de facteurs, tels que l’adénosine responsable de vasodilatation. Tout ceci permet de maintenir l’équilibre entre : - Les apports en O2 (débit) Les besoins en O2 (travail cardiaque) Le rapport apports / besoins varie dans 2 circonstances : - l’exercice physique le travail cardiaque Le débit proportionnellement par libération de métabolites vasodilatateurs (adénosine, …) besoins et apports - l’angor les besoins les apports par inadaptation du débit coronaire, à la suite soit de la lésion d’athérosclérose, soit de l’incapacité du cœur à élever son débit 3 affirmations : → le myocarde de l’angineux consomme trop d’O2 → l’irrigation sanguine est insuffisante et cette inadaptation entraîne la douleur angineuse → stimule le système orthosympathique par réflexe. b. Trinitrine - Nitrés à action rapide : crise d’angor Utilisés depuis 125 ans, il s’agit de médicaments que l’on prescrit dans la crise d’angor. Rôle de la trinitrine - La trinitrine est un relaxant des fibres musculaires : Vasculaires surtout un effet de vasodilatation veineuse d’où : du retour veineux responsable d’une… du débit cardiaque et donc… de la conso en O2 effet de vasodilatation artérielle classique accessoire, non responsable de l’effet principal Non vasculaires (bronchiques, digestives…) : il n’existe aucune application thérapeutique L’effet vasodilatateur veineux est donc responsable de : du retour veineux : diminution de la pré-charge des résistances périphériques : diminution de la post-charge Ceci permet donc une régularisation du bilan en O2, malgré la tachycardie réflexe due à la vasodilatation - La trinitrine est aussi responsable de la redistribution du sang, des zones saines vers les zones ischémiques. Mécanisme d’action de la trinitrine et des dérivés nitrés R-O-NO2 FML vasculaire NO2- (ion nitrite) NO Radical thiol SH R-SNO (nitrosothiol) GTP GMPc RELAXATION Pharmacocinétique - - La trinitrine est prise par voie sublinguale ceci permet d’éviter l’effet de premier passage hépatique lors de ce passage hépatique, le médicament est métabolisé : la trinitrine est détruite à 100% par le foie lors du premier passage lorsque la trinitrine est prise par voie sublinguale, elle passe directement dans la veine jugulaire interne, et donc dans la circulation générale. La trinitrine a une action rapide : en 1 à 2 min Mais cet effet est de relative courte durée : 20 min Les effets indésirables de la trinitrine - Céphalées : dues à la vasodilatation méningée Tachycardie : antagonise l’effet coronarien Hypotension orthostatique : mais dans l’urgence de l’angor, cela a peu d’importance Tolérance : décrite depuis 1888 chez les travailleurs des usines d’explosifs qui extrayaient de la trinitroglycérine (trinitrine) en début de semaine, ces travailleurs étaient victimes de céphalées, qui diminuaient ensuite au fil de la semaine ceci met bien en évidence la tolérance à la trinitrine : diminution des effets au fur et à mesure de la poursuite du traitement si on réalise une perfusion de trinitrine, l’effet vasodilatateur s’estompe en quelques dizaines de minutes s’explique par la consommation du radical thiol SH et donc épuisement des stocks intracellulaires en SH : le NO ne peut donc plus se transformer en nitrosothiol. - Dépendance - syndrome de sevrage : ce sont les symptômes qui apparaissent à l’arrêt du médicament : à l’arrêt du travail, pendant les week-end ou les vacances, les travailleurs présentaient des douleurs angineuses ou même des infarctus. Indications de la trinitrine Traitement de la crise d’angor - prise de trinitrine par voie sublingual et en position assise si possible ( le sang stagne alors en périphérie et potentialise l’effet vasodilatateur périphérique de la trinitrine) - la trinitrine fait cesser les douleurs angineuses en quelques minutes : il s’agit d’un traitement symptomatique uniquement - la trinitrine est un « antalgique spécifique » : elle est antalgique uniquement dans la douleur angineuse Dans l’insuffisance cardiaque aiguë - on utilise des vasodilatateurs dans l’insuffisance cardiaque aiguë (on utilise les inhibiteurs de l’enzyme de conversion dans l’insuffisance cardiaque chronique) c. Dérivés nitrés à action prolongée : traitement de fond de l’angor Le but est de prolonger en traitement de fond l’effet remarquable de la trinitrine en phase aiguë de l’angor Dérivés nitrés par voie orale : isosorbide, dinitrate - Risordan LP®, Isosorbide LP®, Monicor LP® - Cependant, leur efficacité clinique n’a pas été démontrée et ils donnent lieu au phénomène de tolérance - leur biodisponibilité est faible du fait de leur dégradation par le foie - il s’agit donc de placebos : à ne pas prescrire ! Dérivés nitrés par voie transdermique - il s’agit de timbres cutanés, de patch transdermiques de trinitrine utilisés en prévention de la crise d’angor - Cordipatch®, Diafusor®, Corditrine®, Nitriderm TTS®, Trinipatch® - Leur efficacité est démontrée sur la diminution de la crise d’angor, mais pas sur la survenue de l’infarctus ! - On ne garde les patchs que 12h : il faut les enlever la nuit (difficile à faire appliquer chez les personnes âgées car ont des troubles de mémoire et on peur de ne plus être protégées si elles enlèvent leur patch) d. Les autres anti-angoreux - Les dérivés nitrés action sur le pôle besoins : les besoins action faible sur le pôle apports : effet vasodilatateur, agissent peu sur les coronaires. - Les β-bloquants cardio-tranquillisants mettent le cœur à l’abri de l’agression sympathique les besoins en le débit cardiaque - Les anti-calciques action sur les 2 pôles les besoins par l’effet veino-dilatateur et accessoirement par leurs effets coronaro-dilatateurs Médicaments de fond L’association dérivés nitrés / β-bloquants possible L’association dérivés nitrés/ anti-calciques également possible 2. Les Poppers - Il s’agit de nitrites - Chef de file : nitrite d’amile - Le Popper, acheté dans les sex-shop, se retrouve surtout dans les milieux homosexuels pour ses effets euphorisants agréables (dégage en effet des odeurs agréables) - Il s’agit d’une substance que l’on « snif » et qui se transforme ensuite en NO. - Il est donc responsable des effets du NO : vasodilatation dans toutes ses caractéristiques - Effet indésirable : la méthémoglobinémie le NO se fixe à l’Hb qui se transforme alors en MetHb incapable de véhiculer l’O2 il existe donc un risque de cyanose qui ne se corrige qu’avec l’injection de bleu de méthylène (piégeur de NO). 3. Les vasodilatateurs a. Vasodilatateurs artériels et veineux : nitroprussiate de sodium ou Nitriate - Utilisés dans les urgences hypertensives b. Vasodilatateurs à activité principale dans les corps caverneux : « -afil » - Lors de l’activité sexuelle, il y a une libération de NO dans les corps caverneux . Ceci active le GMPc responsable de la vasodilatation pénienne et donc de l’érection. Ces effets ne s’observent que lors de l’activité sexuelle : ils ne provoquent pas d’érection dans des conditions de base - Ce sont des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 qui dégrade la GMPc : ils favorisent donc la vasodilatation. - Ces vasodilatateurs prennent les noms de : sidenafil Viagra® vardenafil Levitra® tadalafil Cialis® - Indication médicale : troubles pathologiques de l’érection - Cependant, du fait de l’absence de sélectivité d’action, on assiste à une vasodilatation générale et donc à un risque d’hypotension Interactions médicamenteuses, ne jamais associer : Viagra à d’autres hypotenseurs (autres dérivés nitrés) Viagra et poppers Viagra et anti-hypertenseurs risque d’infarctus du myocarde - Effets indésirables du Viagra : risque cardio-vasculaire céphalées hypotension bouffées de chaleur troubles de la vision des couleurs, en particuliers des bleus et des roses au niveau de la rétine, la vision des couleurs est réglée par la phosphodiestérase de type 6 il y a donc inhibition de cette enzyme : sélectivité et spécificité relatives !