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Compactification d’espaces de repr´
esentations
de groupes de type fini.
Anne Parreau
Abstract Let
Γ
be a finitely generated group and Gbe a noncompact semisimple
connected real Lie group with finite center. We consider the space X(
Γ
,G)of con-
jugacy classes of semisimple representations of
Γ
into G, which is the maximal Haus-
dorff quotient of Hom(
Γ
,G)/G. We define the translation vector of gG, with value
in a Weyl chamber, as a natural refinement of the translation length of gin the sym-
metric space associated with G. We construct a compactification of X(
Γ
,G), in-
duced by the marked translation vector spectrum, generalizing Thurston’s compacti-
fication of the Teichm¨
uller space. We show that the boundary points are projectivized
marked translation vector spectra of actions of
Γ
on affine buildings with no global
fixed point. An analoguous result holds for any reductive group Gover a local field.
Keywords Moduli spaces of representations ·Higher teichm¨
uller theory ·Reductive
groups ·Symmetric spaces ·Euclidean buildings ·Asymptotic cones
1 Introduction
Espaces de repr´
esentations. Soit
Γ
un groupe infini de type fini. Soit Gun groupe de
Lie semisimple r´
eel, connexe, non compact, de centre fini. On s’int´
eresse `
a l’espace
R(
Γ
,G) = Hom(
Γ
,G)des repr´
esentations de
Γ
dans G, muni de la topologie de
la convergence simple et de l’action de Gpar conjugaison. L’espace topologique
quotient R(
Γ
,G)/Gn’´
etant pas s´
epar´
e, on le remplace par son plus gros quotient
s´
epar´
eX(
Γ
,G) = R(
Γ
,G)G, que l’on peut d´
ecrire de la mani`
ere suivante (voir
section 5.1, et [Par5]).
On consid`
ere l’action de Gpar isom´
etries sur son espace sym´
etrique (sans facteur
compact) Xassoci´
e. On note
Xle bord `
a l’infini de X. Une repr´
esentation
ρ
:
Γ
Gest dite compl`
etement r´
eductible (cr) si pour tout
α
Xfix´
e par
ρ
, il existe
β
Xfix´
e par
ρ
et oppos´
e`
a
α
(ie. joint `
a
α
par une g´
eod´
esique dans X). Cette
avec le soutien de l’ANR Repsurf : ANR-06-BLAN-0311
Institut Fourier, Universit´
e Grenoble I et CNRS, BP 74, 38402 Saint-Martin-d’H`
eres cedex, France.
2 Anne Parreau
propri´
et´
e g´
eom´
etrique (introduite par J.P Serre [Serre]) est ´
equivalente aux notions
alg´
ebriques classiques de r´
eductivit´
e ou semisimplicit´
e.
L’espace X(
Γ
,G)s’identifie alors naturellement au sous-espace Rcr(
Γ
,G)/Gde
R(
Γ
,G)/Gform´
e par les classes de repr´
esentations cr. Cet espace est consid´
er´
e de
mani`
ere classique dans la litt´
erature. Il est l´
eg`
erement “plus gros” que le quotient
alg´
ebro-g´
eom´
etrique usuel (voir section 5.1).
On s’int´
eresse aussi plus sp´
ecialement au sous-espace Xfd(
Γ
,G)de X(
Γ
,G)
form´
e des classes de repr´
esentations fid`
eles et discr`
etes.
Quelques exemples. Si
Γ
est le groupe fondamental d’une surface
Σ
connexe orien-
t´
ee ferm´
ee, de genre g2, et G=PSL2(R), alors Xest le plan hyperbolique H2, et
l’espace de Teichm¨
uller Tdes structures hyperboliques (marqu´
ees) sur
Σ
s’iden-
tifie naturellement `
a l’une des composantes connexes de X(
Γ
,G), incluse dans
Xfd(
Γ
,G).
Si
Γ
=
π
1(
Σ
)et G=PSLn(R), alors d’apr`
es [Hit] et [Lab] la composante de Hit-
chin de l’espace des modules de G-fibr´
es plats sur
Σ
est une composante connexe de
X(
Γ
,G), incluse dans Xfd(
Γ
,G), et c’est une cellule de dimension (2g2)dimG.
Pour n=3 Goldman et Cho¨
ı ont montr´
e dans [ChGo] qu’elle s’identifie `
a l’espace
des structures projectives r´
eelles convexes (marqu´
ees) sur la surface
Σ
.
Par contre, si
Γ
est un r´
eseau irr´
eductible d’un groupe de Lie Hsemisimple r´
eel,
connexe, sans facteurs compacts, de centre fini, avec rang(H)2, le th´
eor`
eme de
super-rigidit´
e de Margulis [Mar] entraˆ
ıne que l’espace X(
Γ
,SLn(C)) est fini pour
tout n(voir aussi [Bass]).
Les r´
eseaux des groupes de Lie r´
eels semisimples (connexes, sans facteurs com-
pacts, de centre fini) Hde rang 1 non localement isomorphes `
a PSL2(R)(comme
SO0(n,1)pour n3) n’ont pas de d´
eformations non triviales en des r´
eseaux dans
Hpar les r´
esultats de rigidit´
e de Mostow [Mos]. Par contre ils ont dans certains cas
de riches espaces de d´
eformations fid`
eles et discr`
etes dans d’autres groupes G, cor-
respondant par exemple aux structures conformes (G=SO0(n+1,1)) et projectives
r´
eelles (G=PGLn+1(R)) marqu´
ees sur une vari´
et´
eMde groupe fondamental
Γ
(voir
par exemple [JoMi]).
Objectif. W. Thurston a construit une compactification de l’espace de Teichm¨
uller
(voir par exemple [FLP]). Plus g´
en´
eralement, Morgan et Shalen (voir [MoSh], [Mor],
[Chi]) puis Bestvina [Bes] et Paulin [Pau1], ont g´
en´
eralis´
e la compactification de
Thurston pour Xfd(
Γ
,G)avec G=SO0(n,1). Les points du bord proviennent d’ac-
tions de
Γ
sur des arbres r´
eels,`
a “petits” (i.e. virtuellement cycliques) stabilisateurs
d’arˆ
etes. L’un des outils fondamentaux est le spectre marqu´
e des longueurs.
Le but de ce travail est de g´
en´
eraliser cette compactification pour Gde rang
sup´
erieur ou ´
egal `
a 2. La possibilit´
e d’une telle compactification a ´
et´
e envisag´
ee aupa-
ravant par de nombreuses personnes (Gromov, Paulin [Pau2], Kleiner-Leeb, ...). En
rang sup´
erieur ou ´
egal `
a 2, il convient de remplacer les arbres r´
eels par une cat´
egorie
plus g´
en´
erale d’espaces m´
etriques, les immeubles affines, ou encore euclidiens. Ex-
pliquons maintenant plus en d´
etail le r´
esultat pr´
esent´
e dans cet article.
Pour compactifier X(
Γ
,G), on introduit (en section 4) un raffinement de la no-
tion de longueur de translation, le vecteur de translation. On se fixe une chambre de
Compactification d’espaces de repr´
esentations 3
Weyl ferm´
ee Cde X. On consid`
ere la projection naturelle
δ
:X×XC, qui raffine
la distance usuelle. Le vecteur de translation v(g)Cde gGest l’unique vecteur
de longueur minimale dans l’adh´
erence de {
δ
(x,gx),xX}. Alg´
ebriquement, c’est
la “projection de Jordan” de g[Ben]. Pour G=SLn(R), cet invariant de conjugaison
est ´
egal `
a la suite d´
ecroissante des logarithmes des modules des valeurs propres de g.
On consid`
ere l’application suivante
V:X(
Γ
,G)C
Γ
[
ρ
]7→ v
ρ
.
Soit PC
Γ
le projectifi´
e de C
Γ
, c’est-`
a-dire l’espace topologique quotient de C
Γ
{0}
par multiplication dans R
+, et P:C
Γ
{0} −PC
Γ
la projection canonique. On
d´
emontre alors le th´
eor`
eme suivant (voir th´
eor`
eme 5.2 pour un ´
enonc´
e plus pr´
ecis).
Th´
eor`
eme 1 L’application continue
PV:X(
Γ
,G)V1(0)PC
Γ
induit une compactification f
X(
Γ
,G)de X(
Γ
,G), dont le bord
X(
Γ
,G)PC
Γ
est form´
e de points de la forme x = [v
ρ
], o`
u
ρ
est une action de
Γ
sur un immeuble
affine (pas n´
ecessairement discret), sans point fixe global.
L’action du groupe Out(
Γ
)des automorphismes ext´
erieurs de
Γ
sur X(
Γ
,G)
s’´
etend naturellement `
af
X(
Γ
,G).
Si
Γ
n’a pas de sous-groupe d’indice fini poss´
edant un sous-groupe ab´
elien dis-
tingu´
e infini (par exemple si
Γ
est un sous-groupe discret fortement irr´
eductible de
SLn(R)), alors le sous-espace Xfd(
Γ
,G)des classes de repr´
esentations fid`
eles et
discr`
etes est un ferm´
e de X(
Γ
,G)(section 6.3). La compactification de X(
Γ
,G)
construite induit donc une compactification naturelle g
Xfd(
Γ
,G)de Xfd(
Γ
,G). Dans
ce cas, F. Paulin a d´
emontr´
e que les actions
ρ
dont proviennent les points du bord
sont `
a stabilisateurs de germes d’appartements virtuellement r´
esolubles [Pau3].
En particulier, lorsque
Γ
est un groupe de surface et G=PSLn(R), ceci donne une
compactification de la composante de Hitchin. On a ´
etudi´
e dans [Par1] des exemples
de d´
eg´
en´
erescences de structures projectives r´
eelles (cas o`
un=3) par pliage, et
calcul´
e les spectres limites correspondants.
Sur la structure de la preuve. Les actions sur des immeubles affines sont obtenues
par passage `
a des cˆ
ones asymptotiques, comme dans [Pau3] et [KaLe]. L’essentiel
de la difficult´
e consiste ici, premi`
erement, `
a d´
emontrer la continuit´
e du vecteur de
translation par passage `
a un cˆ
one asymptotique (Prop. 4.4), et deuxi`
emement, que le
spectre limite obtenu est non nul, fait crucial pour cette compactification.
Cette derni`
ere propri´
et´
e est obtenue en utilisant un mod`
ele alg´
ebrique pour le
cˆ
one asymptotique. On peut en effet voir l’action limite comme provenant d’une
repr´
esentation
ρ
:
Γ
SLn(K
ω
), agissant sur son immeuble de Bruhat-Tits, o`
u
K
ω
est un corps valu´
e, ni localement compact, ni `
a valuation discr`
ete, obtenu `
a partir
de Rpar un proc´
ed´
e de passage `
a un cˆ
one asymptotique (en utilisant un ultrafiltre
ω
).
4 Anne Parreau
Cette construction est d´
etaill´
ee dans la section 3. La non nullit´
e du spectre d´
ecoule
alors de l’absence de point fixe global par [Par3].
On obtient ´
egalement les r´
esultats analogues dans le cadre des groupes r´
eductifs
sur les corps locaux non archim´
ediens.
2 Pr´
eliminaires
Cette section est consacr´
ee `
a des pr´
eliminaires g´
eom´
etriques. On introduit les no-
tations utilis´
ees et on rappelle ou on ´
etablit les propri´
et´
es dont on aura besoin, d’abord
pour les espaces m´
etriques CAT(0)(section 2.1), puis plus sp´
ecifiquement pour les
espaces sym´
etriques et les immeubles affines (section 2.2). Enfin on rappelle la notion
de cˆ
one asymptotique d’un espace m´
etrique et les propri´
et´
es des cˆ
ones asymptotiques
des espaces sym´
etriques et des immeubles qu’on utilisera (section 2.3).
2.1 Espaces m´
etriques CAT(0)
Dans cette section Xest un espace m´
etrique CAT(0). On renvoie `
a [BrHa] comme
r´
ef´
erence g´
en´
erale. Etant donn´
es x,yX, on notera [x,y]ou bien xy l’unique segment
g´
eod´
esique joignant x`
ay. Etant donn´
es x,y,zXavec y,z6=x, on notera e
x(y,z)
l’angle de comparaison en xentre yet z, et x(y,z)l’angle en xentre yet z.
L’espace Xse d´
ecompose canoniquement en produit X0×X, o`
uX0est eucli-
dien et Xest un espace m´
etrique CAT(0)sans facteur euclidien. Les isom´
etries de
Xpr´
eservent cette d´
ecomposition [BrHa, Thm II.6.15]. On appellera X0le facteur
euclidien (maximal) de X.
Le groupe Is(X)des isom´
etries de Xest muni de la topologie de la convergence
uniforme sur les born´
es (qui est m´
etrisable). Lorsque Xest propre (i.e. si ses boules
ferm´
ees sont compactes) Is(X)est localement compact, et agit proprement sur X
(c’est-`
a-dire que si xXet M0, alors {gIs(X),d(x,gx)M}est un compact).
Faisceaux. Soit r:RXune g´
eod´
esique. Le faisceau Frest la r´
eunion des g´
eo-
d´
esiques parall`
eles `
ar. C’est un sous-espace convexe et il se d´
ecompose [BrHa, Thm
II.2.14] canoniquement en un produit Cr×r, o`
uCrXest un convexe et {x}×rest
une g´
eod´
esique parall`
ele `
arpour tout xCr. Si Xest complet, alors Fret Craussi.
2.1.1 D´
eplacement et longueur de translation [BrHa, II.6].
Soit gIs(X). On appelle fonction de d´
eplacement de gla fonction convexe
dg:XR+
x7→ d(x,gx)
et longueur de translation de gle r´
eel positif
(g) = inf
xXdg(x).
Compactification d’espaces de repr´
esentations 5
Lensemble minimal de gest le convexe ferm´
e (´
eventuellement vide)
Min(g) = {xX,d(x,gx) = (g)}.
On dit que gest semi-simple si Min(g)6=/0, parabolique sinon. Dans le premier cas,
ou bien si (g) = 0 et gposs`
ede un point fixe (gest alors dite elliptique) ou bien
(g)>0, et translate alors une g´
eod´
esique (gest alors dite axiale).
Si genvoie une g´
eod´
esique rsur une g´
eod´
esique parall`
ele, alors le faisceau Fr=
Cr×rest stable par get gagit dessus comme (g,t)o`
ugIs(Cr)et tRd´
esigne la
translation r(s)7→ r(s+t)de r. On a alors Min(g) = Min(g)×rFret
(g) = (g|Fr) = q(g)2+t2.(1)
On montre facilement que pour tout xXla limite limk+1
kd(x,gkx)existe et
ne d´
epend pas de xX(voir [BrHa, II.6.6]). Comme 1
kd(x,gkx)dg(x)pour tout k,
on a de plus
lim
k+
1
kd(x,gkx)(g)(2)
avec ´
egalit´
e si gsemisimple.
On obtient ais´
ement les propri´
et´
es suivantes.
Lemme 2.1 Soit gkg dans Is(X).
1. On a dgkdguniform´
ement sur les born´
es de X.
2. (semicontinuit´
e) On a limsupk(gk)(g).
3. Soit M l’ensemble des valeurs d’adh´
erence des suites (xk)kdans X telles que
xkMin(gk)pour tout k N. Alors M Min(g).
En particulier, si X est propre et si Min(gk)est non vide et reste `
a distance born´
ee
de x0X fix´
e, alors quitte `
a extraire Min(gk)converge (pour la topologie de Haus-
dorff point´
ee [Gro2]) vers un sous-ensemble non vide N de Min(g). En particulier g
est semisimple et (g) = limk(gk).
2.1.2 Bord a l’infini.
On suppose d´
esormais Xcomplet. On notera
Xle bord (`
a l’infini) de Xet
X=X
X. Si r:R+Xest un rayon g´
eod´
esique, on note r()le point de
X
d´
efini par r, qu’on appellera l’extr´
emit´
ede r.
D´
efinition 2.2 (Ombre Ox(y,D)d’une boule) Soit xX. Pour tout yX, et pour
tout D0, on notera Ox(y,D)l’ombre vue du point x de la boule B(y,D), c’est-`
a-dire
l’ensemble des r(+), o`
urest une g´
eod´
esique issue de xtelle que d(y,r)D.
L’espace Xest muni de la topologie des cˆ
ones [BrHa, II.8.6]. L’action de Is(X)
s’´
etend continˆ
ument sur X. Soient
ξ
,
ξ
X. Pour xX, on notera x(
ξ
,
ξ
)l’angle
en xentre
ξ
et
ξ
. On notera T(
ξ
,
ξ
) = supxXx(
ξ
,
ξ
)l’angle de Tits, qui est une
m´
etrique sur
X(voir II 9.4 et 9.5 dans [BrHa]). Si
ξ
+et
ξ
sont les deux extr´
emit´
es
d’une g´
eod´
esique r, on dira que
ξ
+et
ξ
sont oppos´
es et on notera F
ξ
ξ
+=Fr(alors
T(
ξ
,
ξ
+) =
π
).
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