diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques Hypocalcémie aiguë du nourrisson et de l’enfant Acute hypocalcemia in children M. Polak* L es hypocalcémies du nourrisson et du grand enfant peuvent être reliées à différentes causes mais spécialement, hors période néonatale, au rachitisme carentiel qui existe encore et aux rares hypoparathyroïdies. L’hypocalcémie aiguë est une urgence thérapeutique, car elle peut se manifester par des accidents neurologiques à type de convulsions, par des signes respiratoires avec laryngospasmes ou par des signes cardiaques graves pouvant entraîner la mort subite. Étiologies L’hypocalcémie peut survenir au décours d’affections déjà reconnues, d’insuffisance rénale, de syndrome néphrotique, de tubulopathies, de leucémies, d’affections hépatiques ou digestives et d’infections. Elle ne pose alors pas de problème diagnostique, mais doit être recherchée et corrigée de manière systématique. De même, une hypocalcémie d’origine iatrogène est possible et doit être prévenue lors de transfusion importante de sang citraté, en cas d’hyperhydratation avec hypoprotidémie. À l’inverse, l’hypocalcémie peut révéler l’existence de pathologies jusqu’alors inconnues. Ces pathologies peuvent être une insuffisance rénale, ce qui rend nécessaire la mesure systématique de créatininémie, une carence en magnésium, plus rarement un trouble de la formation de l’action de la 1-25-dihydroxy-vitamine-D, exceptionnellement une ostéopétrose. * Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital Necker Enfants-Malades, Paris. 134 Les causes largement les plus fréquentes d’hypocalcémie chez le nourrisson et l’enfant restent la carence en vitamine D avec ou sans rachitisme et les syndromes hypo- et pseudohypoparathyroïdiens. L’âge de l’enfant peut permettre d’orienter le diagnostic : • L’hypocalcémie néonatale, dont nous ne parlerons pas en détail, est fréquente dans les premiers jours de vie. Elle nécessite de vérifier la calcémie, la phosphorémie et le statut vitaminique D de la mère. • L’hypocalcémie liée à un rachitisme carentiel est fréquente, son incidence est la plus importante entre 6 et 12 mois. • L’hypoparathyroïdie peut survenir dans les premiers jours, le plus souvent dans les premières semaines de vie. Elle peut être transitoire et secondaire à une anomalie du métabolisme phosphocalcique chez la mère. • Enfin, la pseudohypoparathyroïdie, rare, peut être découverte après quelques semaines ou quelques mois de vie, ou bien plus tard. Signes cliniques L’hypocalcémie, lorsqu’elle s’est installée rapidement se traduit souvent par des convulsions, et cela d’autant plus que l’enfant est plus jeune. Le plus souvent, il s’agit de convulsions généralisées. Une hyperexcitabilité neuromusculaire est surtout fréquente chez le nourrisson : agitation, cris, soubresauts et trémulations d’allure paroxystique. L’examen révèle parfois une hypertonie variable d’un Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005 moment à l’autre atteignant les membres, éventuellement le tronc et la nuque. La tétanie typique avec des fourmillements précédant les spasmes musculaires avec déformations en main d’accoucheur et des pieds en varus équin, n’est observée en pratique que chez le grand enfant. Il existe alors souvent un signe de Chvostek : contraction de la lèvre supérieure à la percussion, au doigt, d’un point médian entre la ligne joignant le tragus à la commissure labiale externe. Le laryngospasme est en revanche une traduction rare, mais sévère de l’hypocalcémie particulière au nourrisson. Il s’agit d’accès de tachypnée superficielle avec cyanose alternant avec des ralentissements du rythme respiratoire et même des pauses, suivies d’une reprise bruyante évoquant un stridor congénital. Le laryngospasme peut débuter brutalement avec un rejet de la tête en arrière, une apnée et une pâleur livide. Des signes cardiaques peuvent être retrouvés : tachycardie avec galop auscultatoire et troubles du rythme. Enfin, les troubles psychiques peuvent s’observer chez le grand enfant : impression de malaise, anxiété et terreur nocturne. Examens paracliniques Les examens biologiques et radiologiques à pratiquer devant une hypocalcémie sont les suivants : Examens sanguins calcémie et phosphorémie. Cette dernière doit être interprétée en fonction de l’âge : ■ Première partie : thyroïde – parathyroïde • à 2 ans les valeurs normales varient entre 1,55 à 2,02 mmol/l ; • de 2 à 12 ans entre 1,40 à 1,70 mmol/l ; • de 12 à 16 ans entre 1,09 à 1,40 mmol/l. L’hypocalcémie se définit chez le nourrisson et l’enfant par un taux plasmatique de calcium total inférieur ou égal à 2,15 mmol/l. Il est préférable de doser la calcémie ionisée quand cela est possible : ■ ionogramme complet avec créatininémie, réserve alcaline et protidémie ; ■ magnésémie, dosage de l’activité des phosphatases alcalines ; ■ parathormone intacte ; ■ 25-hydroxy-vitamine D et éventuellement 1-25-hydroxy-vitamine D. Sur échantillon d’urine recueilli initialement : détermination du rapport calciurie sur créatininurie. Des examens radiologiques, sont nécessaires : ■ radiographies des os longs (main et poignet gauche et tibia face) à la recherche, • d’anomalies métaphysaires signant le rachitisme, • d’une hyperrésorption osseuse signant l’hyperparathyroïdie secondaire, • ou d’un défaut de résorption signant l’ostéopétrose ; ■ la radio thoracique permettra de visualiser le thymus et le rapport cardiothoracique. L’électrocardiogramme recherchera un allongement de l’espace QT ou mieux, du rapport QT sur RR qui s’élève au-dessus de 0,5. On trouvera plus rarement une altération de l’onde T qui sera, au contraire, aplatie, des troubles du rythme ou de la conduction. Traitement Nous évoquons ici le traitement de l’hypocalcémie aiguë en urgence. Les traitements spécifiques de chacune des pathologies responsables d’une hypocalcémie ne seront pas développés. Les situations d’hypocalcémie sévère (< 2 mmol/l) et/ou ayant une traduction clinique imposent une prise en charge en hospitalisation, particulièrement chez le nourrisson. En phase aiguë, le traitement comporte l’administration de perfusion intraveineuse. En situation d’urgence et de convulsions, en particulier chez le nourrisson : ■ 0,5 ml/kg de gluconate de calcium peuvent être administrés en perfusion i.v. sur 15 mn en respectant une dilution suffisante (pour le nourrisson 1 ml de gluconate de calcium pour 4 ml de sérum glucosé à 5 %) afin d’éviter l’apparition d’esquarres ; ■ puis le relais par une perfusion intraveineuse doit être pris (voir infra). Traitement, hors convulsions du nourrisson, de l’hypocalcémie < 2 mmol/l : Apport de calcium : ■ perfusion • solutés : – gluconate de calcium 10 % – Solution injectable 10 ml, – 1 g de gluconate de calcium = 90 mg de Ca2+ éléments, – 1 ml de gluconate de calcium = 9 mg Ca2+ éléments ; • dose : 1 g calcium élément/m2/24 h, (ex : 10 ml de gluconate de calcium à diluer dans au moins 90 ml de glucosé à 5 %) à diluer à 10 % de soluté glucosé à 5 % ; • surveillance de la perfusion +++ (risque de nécrose cutanée). Poursuivre la perfusion jusqu’à l’obtention d’une calcémie ≥ 2,40 mmol/l, puis relais par calcium per os, 1 g calcium élément en 2 prises. ■ Calcium per os Ostram® 1 = 600 mg Ca2+ élément poudre ou 1 200 mg ou sachet 0,6 g ou 1,2 g Caltrate® 1 cp = 600 mg Ca2+ élément 600 mg = 1,5 g de carbonate de calcium Eucalcic® Sachet 15 ml = 1,2 g de Ca2+ élément = 3 g de carbonate de calcium Orocal® 1 cp = 500 mg de Ca2+ élément (cp à sucer) = 1,25 g carbonate de calcium 500 mg Gluconate Ampoule buvable 10 ml de calcium 10 % Calcium- = 500 mg de Ca2+ élément Sandoz® (1 cp ou 1 sachet) Apport de vitamine D : dose à adapter en fonction de l’âge et de la pathologie. Un-Alfa® 1 (OH)D3 Rocaltrol® 1,25 (OH)2 D3 Vitamine D3 Capsule 0,25 g, 0,5 g, 1 g et 1 goutte à 0,1 g Capsule 0,25 µg Ampoule en cas de carence en vitamine D suspectée devant l’existence d’une prophylaxie insuffisante, de signes cliniques, biologiques et radiologiques de rachitisme : • traitement = 1 ampoule de 200 000 UI (= 5 mg) de vitamine D per os ; • contrôle de l’efficacité du traitement 1 mois après ; • augmentation de 25 (OH) vitamine D ; • apparition d’un liseré de calcification bordant les lignes métaphysaires. ■ Relais des apports en vitamine D : – 1 ampoule de 200 000 UI vitamine D per os tous les 3 à 6 mois ou 1 200 UI vitamine D par jour. La supplémentation calcique dépend des apports alimentaires et du degré de déminéralisation osseuse. ■ en dehors de carence en vitamine D évidente : • dose initiale = Un-Alfa ® 1 à 2 g/24 h en 2 prises par jour ; Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005 135 diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques • dose quotidienne adaptée à la vitesse de remontée de la calcémie mesurée toutes les 12 heures. Si une hypomagnésémie est associée, un apport de magnésium est indispensable. L’objectif est de maintenir une calcémie > 2,10 mmol/l et d’une calciurie/24 h < 6 mg/kg/24 h. 136 Références ■ Mallet E. Hypocalcémie du nourrisson et de l’enfant. Métabolisme phosphocalcique normal et pathologique chez l’enfant, Flammarion Médecine Science 1993;24-8. ■ Mallet E et al. Le rachitisme symptomatique de l’adolescent. Arch Pédiatr 2004;11:871-8. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005 ■ David L, Garabédian M, Balsan S. Disorders of calcium and phosphate metabolism. In: J Bertrand, R. Rappaport, C. Sizonenko. Pediatric Endocrinology, Physiology, pathophysiology and clinical aspects. Baltimore, Williams and Wilkins 1993;510-26. ■ Memmi I, Brauner R, Sidi D et al. Neonatal cardiac failure secondary to hypocalcemia caused by maternal vitamin D deficiency. Arch Fr Pediatr 1993;50:787-91.