Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005
134
Urgences
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
Hypocalcémie aiguë du nourrisson et de l’enfant
Acute hypocalcemia in children
M. Polak*
L
es hypocalcémies du nourris-
son et du grand enfant peuvent
être reliées à différentes causes
mais spécialement, hors période
néonatale, au rachitisme carentiel
qui existe encore et aux rares hypo-
parathyroïdies. L’hypocalcémie aiguë
est une urgence thérapeutique, car elle
peut se manifester par des accidents
neurologiques à type de convulsions,
par des signes respiratoires avec
laryngospasmes ou par des signes
cardiaques graves pouvant entraîner
la mort subite.
Étiologies
L’hypocalcémie peut survenir au
décours d’affections déjà reconnues,
d’insuffisance rénale, de syndrome
néphrotique, de tubulopathies, de
leucémies, d’affections hépatiques
ou digestives et d’infections. Elle ne
pose alors pas de problème diagnos-
tique, mais doit être recherchée et
corrigée de manière systématique.
De même, une hypocalcémie d’ori-
gine iatrogène est possible et doit
être prévenue lors de transfusion
importante de sang citraté, en cas
d’hyperhydratation avec hypoproti-
démie.
À l’inverse, l’hypocalcémie peut
révéler l’existence de pathologies
jusqu’alors inconnues. Ces patho-
logies peuvent être une insuffisance
rénale, ce qui rend nécessaire la
mesure systématique de créatini-
némie, une carence en magnésium,
plus rarement un trouble de la for-
mation de l’action de la 1-25-dihy-
droxy-vitamine-D, exceptionnelle-
ment une ostéopétrose.
Les causes largement les plus fré-
quentes d’hypocalcémie chez le
nourrisson et l’enfant restent la
carence en vitamine D avec ou
sans rachitisme et les syndromes
hypo- et pseudohypoparathyroï-
diens.
L’âge de l’enfant peut permettre
d’orienter le diagnostic :
L’hypocalcémie néonatale, dont
nous ne parlerons pas en détail, est
fréquente dans les premiers jours de
vie. Elle nécessite de vérifier la cal-
cémie, la phosphorémie et le statut
vitaminique D de la mère.
L’hypocalcémie liée à un rachitisme
carentiel est fréquente, son incidence
est la plus importante entre 6 et
12 mois.
L’hypoparathyroïdie peut survenir
dans les premiers jours, le plus sou-
vent dans les premières semaines
de vie. Elle peut être transitoire et
secondaire à une anomalie du méta-
bolisme phosphocalcique chez la
mère.
Enfin, la pseudohypoparathyroï-
die, rare, peut être découverte après
quelques semaines ou quelques mois
de vie, ou bien plus tard.
Signes cliniques
L’hypocalcémie, lorsqu’elle s’est
installée rapidement se traduit sou-
vent par des convulsions, et cela
d’autant plus que l’enfant est plus
jeune. Le plus souvent, il s’agit de
convulsions généralisées.
Une hyperexcitabilité neuromus-
culaire est surtout fréquente chez
le nourrisson : agitation, cris, sou-
bresauts et trémulations d’allure
paroxystique. L’examen révèle par-
fois une hypertonie variable d’un
moment à l’autre atteignant les
membres, éventuellement le tronc et
la nuque.
La tétanie typique avec des four-
millements précédant les spasmes
musculaires avec déformations en
main d’accoucheur et des pieds en
varus équin, n’est observée en pra-
tique que chez le grand enfant. Il
existe alors souvent un signe de
Chvostek : contraction de la lèvre
supérieure à la percussion, au doigt,
d’un point médian entre la ligne
joignant le tragus à la commissure
labiale externe.
Le laryngospasme est en revanche
une traduction rare, mais sévère de
l’hypocalcémie particulière au nour-
risson. Il s’agit d’accès de tachypnée
superficielle avec cyanose alternant
avec des ralentissements du rythme
respiratoire et même des pauses, sui-
vies d’une reprise bruyante évoquant
un stridor congénital. Le laryngos-
pasme peut débuter brutalement avec
un rejet de la tête en arrière, une
apnée et une pâleur livide.
Des signes cardiaques peuvent être
retrouvés : tachycardie avec galop
auscultatoire et troubles du rythme.
Enfin, les troubles psychiques peu-
vent s’observer chez le grand enfant:
impression de malaise, anxiété et
terreur nocturne.
Examens paracliniques
Les examens biologiques et radiolo-
giques à pratiquer devant une hypo-
calcémie sont les suivants :
Examens sanguins
calcémie et phosphorémie. Cette
dernière doit être interprétée en
fonction de l’âge :
* Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital
Necker Enfants-Malades, Paris.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005
135
Première partie : thyroïde – parathyroïde
à 2 ans les valeurs normales varient
entre 1,55 à 2,02 mmol/l ;
de 2 à 12 ans entre 1,40 à
1,70 mmol/l ;
de 12 à 16 ans entre 1,09 à
1,40 mmol/l.
L’hypocalcémie se définit chez le
nourrisson et l’enfant par un taux
plasmatique de calcium total infé-
rieur ou égal à 2,15 mmol/l. Il est pré-
férable de doser la calcémie ionisée
quand cela est possible :
ionogramme complet avec créatini-
némie, réserve alcaline et protidémie;
magnésémie, dosage de l’activité
des phosphatases alcalines ;
parathormone intacte ;
25-hydroxy-vitamine D et éventuel-
lement 1-25-hydroxy-vitamine D.
Sur échantillon d’urine recueilli
initialement : détermination du rap-
port calciurie sur créatininurie.
Des examens radiologiques,sont
nécessaires :
radiographies des os longs (main
et poignet gauche et tibia face) à la
recherche,
d’anomalies métaphysaires signant
le rachitisme,
d’une hyperrésorption osseuse
signant l’hyperparathyroïdie secon-
daire,
ou d’un défaut de résorption signant
l’ostéopétrose ;
la radio thoracique permettra de
visualiser le thymus et le rapport
cardiothoracique.
L’électrocardiogramme recherchera
un allongement de l’espace QT ou
mieux, du rapport QT sur RR qui
s’élève au-dessus de 0,5. On trou-
vera plus rarement une altération de
l’onde T qui sera, au contraire, apla-
tie, des troubles du rythme ou de la
conduction.
Traitement
Nous évoquons ici le traitement de
l’hypocalcémie aiguë en urgence.
Les traitements spécifiques de cha-
cune des pathologies responsables
d’une hypocalcémie ne seront pas
développés.
Les situations d’hypocalcémie sévère
(< 2 mmol/l) et/ou ayant une tra-
duction clinique imposent une prise
en charge en hospitalisation, parti-
culièrement chez le nourrisson.
En phase aiguë, le traitement
comporte l’administration de perfu-
sion intraveineuse.
En situation d’urgence et
de convulsions, en particulier
chez le nourrisson :
0,5 ml/kg de gluconate de calcium
peuvent être administrés en perfusion
i.v. sur 15 mn en respectant une dilu-
tion suffisante (pour le nourrisson
1ml de gluconate de calcium pour
4ml de sérum glucosé à 5 %) afin
d’éviter l’apparition d’esquarres ;
puis le relais par une perfusion
intraveineuse doit être pris (voir
infra).
Traitement, hors convulsions
du nourrisson,
de l’hypocalcémie <2 mmol/l :
Apport de calcium:
perfusion
solutés :
– gluconate de calcium 10 % –
Solution injectable 10 ml,
– 1 g de gluconate de calcium =
90 mg de Ca2+ éléments,
– 1 ml de gluconate de calcium =
9mg Ca2+ éléments ;
dose: 1 g calcium élément/m2/24 h,
(ex : 10 ml de gluconate de calcium
à diluer dans au moins 90 ml de glu-
cosé à 5 %) à diluer à 10% de soluté
glucosé à 5 % ;
surveillance de la perfusion +++
(risque de nécrose cutanée).
Poursuivre la perfusion jusqu’à l’ob-
tention d’une calcémie 2,40 mmol/l,
puis relais par calcium per os, 1 g
calcium élément en 2 prises.
Calcium per os
Apport de vitamine D : dose à
adapter en fonction de l’âge et de la
pathologie.
en cas de carence en vitamine D
suspectée devant l’existence d’une
prophylaxie insuffisante, de signes
cliniques, biologiques et radiolo-
giques de rachitisme :
traitement = 1ampoule de
200 000 UI (= 5 mg) de vitamine D
per os ;
contrôle de l’efficacité du traite-
ment 1 mois après ;
augmentation de 25 (OH) vita-
mine D ;
apparition d’un liseré de calcification
bordant les lignes métaphysaires.
Relais des apports en vitamine D :
– 1 ampoule de 200 000 UI vita-
mine D per os tous les 3 à 6 mois ou
1200 UI vitamine D par jour.
La supplémentation calcique dépend
des apports alimentaires et du degré
de déminéralisation osseuse.
en dehors de carence en vitamine D
évidente :
dose initiale = Un-Alfa®1 à
2g/24 h en 2 prises par jour ;
Caltrate
®
1 cp = 600 mg Ca
2+
élément
600 mg = 1,5 g de carbonate
de calcium
Eucalcic
®
Sachet 15 ml = 1,2 g de Ca
2+
élément
= 3 g de carbonate
de calcium
Orocal
®
1 cp = 500 mg de Ca
2+
élément
(cp à sucer) = 1,25 g carbonate de calcium
500 mg
Gluconate Ampoule buvable 10 ml
de calcium
10 %
Calcium- =500 mg de Ca
2+
élément
Sandoz
®
(1 cp ou
1 sachet)
Un-Alfa
®
1Capsule 0,25 g, 0,5 g,
(OH)D3 1 g et 1 goutte à 0,1 g
Rocaltrol
®
Capsule 0,25 µg
1,25 (OH)2D3
Vitamine D3 Ampoule
Ostram
®
1 = 600 mg Ca
2+
élément
poudre ou 1 200 mg
ou sachet
0,6 g ou 1,2 g
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005
dose quotidienne adaptée à la
vitesse de remontée de la calcémie
mesurée toutes les 12 heures.
Si une hypomagnésémie est asso-
ciée, un apport de magnésium est
indispensable.
L’objectif est de maintenir une cal-
cémie > 2,10 mmol/l et d’une cal-
ciurie/24 h < 6 mg/kg/24 h.
Références
Mallet E. Hypocalcémie du nourrisson et de
l’enfant. Métabolisme phosphocalcique normal et
pathologique chez l’enfant, Flammarion Méde-
cine Science 1993;24-8.
Mallet E et al. Le rachitisme symptomatique de
l’adolescent. Arch Pédiatr 2004;11:871-8.
David L, Garabédian M, Balsan S. Disorders
of calcium and phosphate metabolism. In:
J Bertrand, R. Rappaport, C. Sizonenko. Pediatric
Endocrinology, Physiology, pathophysiology and
clinical aspects. Baltimore, Williams and Wilkins
1993;510-26.
Memmi I, Brauner R, Sidi D et al. Neonatal
cardiac failure secondary to hypocalcemia caused
by maternal vitamin D deficiency. Arch Fr Pediatr
1993;50:787-91.
136
Urgences
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !