HYPOPARATHYROIDIE : CAUSE RARE DE CARDIOMYOPATHIE DILATEE E. Boussabah, S. Sioua, A. Marouene, S. Neffati, R. Kaddour, L. Zakhama, S. Ben Youssef Service de cardiologie. Hôpital des FSI. La Marsa Introduction Les causes curables de cardiomyopathie dilatée sont rares et s’observent notamment chez le sujet jeune. Ce sont essentiellement des anomalies toxiques ou virales. Les anomalies biochimiques sont exceptionnelles. Nous rapportons le cas d ’une cardiomyopathie dilatée due à une hypocalcémie, révélant une hypoparathyroidie primaire. Observation Madame N. âgée de 38 ans. Aucun facteur de risque cardiovasculaire. Elle a présenté un œdème aigu du poumon 4 mois avant son admission, suite auquel on découvre à l ’échocardiographie une cardiomyopathie dilatée hypokinétique. Patiente mise sous traitement symptomatique. Hospitalisée dans notre service dans un tableau d ’OAP avec crampes et douleurs musculaires. Examen clinique: orthopnée TA=110/70 mmHg cœur régulier rapide à 120/mn souffle systolique d ’insuffisance mitrale. Signes d ’OAP. ECG: • • • tachycardie sinusale à 120/mn QT long à 460 ms troubles diffus de la repolarisation Radio thorax: CMG avec surcharge vasculaire bilatérale prédominant aux hiles. Echocardiographie: ventricule gauche dilaté, hypokinétique avec des signes de bas débit cardiaque, une FE=23%, une fuite mitrale moyenne fonctionnelle et une hypertension artérielle pulmonaire. Biologie: insuffisance rénale modérée: créatinine à 265 µmol/l, une hypocalcémie sévère à 1.6 mmol/l, élévation des CPK à 840 u/l, PTH très basse. Evolution: régression de tous les signes d ’insuffisance cardiaque au bout d ’une semaine sous traitement symptomatique à base de diurétiques-dérivés nitrés et IEC avec supplémentation calcique: normalisation de la calcémie, des enzymes cardiaques, de l ’ECG. ETT à 3semaines: Normalisation des diamètres du VG et de sa fonction FE=57%. Rx Thorax de contrôle Discussion: L’ion calcique joue un rôle fondamental au niveau myocytaire: il initie le couplage excitation-contraction. Un taux suffisant de calcium libre cytoplasmique, provenant du milieu extracellulaire et des réserves intracellulaires au niveau du réticulum sarcoplasmique, est nécessaire pour initier la contraction. L ’hypocalcémie diminue donc la force contractile du myocarde En plus, la baisse de la calcémie favorise la réabsorption tubulaire du sodium, contribuant ainsi à la rétention hydrosodée. L ’hypocalcémie se manifeste essentiellement par un allongement de l ’intervalle QT sur l ’ECG, associé à des modifications non spécifiques du segment ST et de l ’onde T. L ’insuffisance cardiaque est une manifestation rare de l ’hypocalcémie. Elle est rapportée surtout chez le nourrisson de mère hypocalcémique pendant la grossesse, chez les enfants atteints d ’une cardiopathie avec une insuffisance rénale chronique, et rarement chez l ’adulte jeune. La sévérité de l ’hypocalcémie pouvant se compliquer d ’insuffisance cardiaque est très variable (0.6-1.67 mmol/l). Concernant notre patiente, le diagnostic de myocardite semble très peu probable devant l ’absence de fièvre ou de syndrome inflammatoire biologique. Il n ’y a également aucun élément nous poussant à une coronarographie (pas de douleur thoracique ni de facteur de risque coronarien). L ’élévation des CPK est expliquée par les crampes musculaires sévères présentées par la patiente. La responsabilité de l ’hypocalcémie est étayée par la corrélation parfaite entre l ’amélioration radio-clinique et la correction de l ’intervalle QT et de la calcémie. La normalisation de la fonction VG se fait selon un délai variable de quelques semaines à plusieurs mois (2 ans) après la correction de la calcémie ( relation possible avec la durée d ’évolution de l ’hypocalcémie). Concernant l ’étiologie de l ’hypocalcémie chez notre patiente, le diagnostic est celui d ’une hypoparathyroidie rentrant dans le cadre d ’un syndrome de PHARES. Conclusion L ’hypocalcémie est une cause réversible de cardiomyopathie dilatée hypokinétique qu ’il faudrait savoir évoquer devant toute insuffisance cardiaque isolée résistante au traitement symptomatique, essentiellement chez le sujet jeune; d ’autant plus qu’elle pourrait être complètement réversible par une suppléance calcique au long cours.