HYPOCALCEMIE AUTOSOMIQUE DOMINANTE Introduction : FZ.Hinaje, FZ.Souilmi, M.Idrissi, M.HIDA Service de Pédiatrie CHU HASSAN II DE FES L’hypocalcémie autosomique dominante est une maladie familiale rare caractérisée par une hypoparathyroïdie inappropriée associée à une hypocalcémie, une hypomagnésémie et une hypercalciurie relative. Nous rapportons l'observation de L.K nourrisson de 6mois présentant des crises convulsives à répétition hospitalisée au service de pédiatrie du CHU Hassan II de Fès. Discussion: Observation: Nourrisson L.K âgée de 6mois, de sexe féminin, d’un couple consanguin de premier degré Ses antécédents personnels: un retard des acquisitions psychomotrices avec un bon développement staturo-pondérale. Ses antécédents familiaux: Deux de ses frères, une sœur et un cousin paternel sont décédés à un âge précoce (à l’âge de 7mois, 4mois, 9mois et le cousin à l’âge d’un an) dans le même tableau clinique. Présente depuis l’âge de 1mois une dyspnée avec des crises tonico-cloniques parfois hypertoniques d’où son hospitalisation à à plusieurs reprises sans amélioration puis elle a été adressée dans notre formation pour prise en charge. L’examen clinique: Patiente hypotonique présentant des crises convulsives tonico-cloniques généralisées à répétition, les chiffres tensionnels étaient normaux. À l’examin abdominal: pas d’hépato splénomégalie, à l’examin cardiovasculaire pas de souffle ni de bruit surajoutés, à l’examin ophtalmologique: une perte de poursuite oculaire était objectivée, le reste de l’examin somatique était sans particularités. Les examens complémentaires ont révélé les anomalies suivantes : -Bilan phospho-calcique: une hypocalcémie sévère: 39mg (N:88108mg/l), une albuminémie normale: 40g/l, une hypomagnésémie:13mg/l (N:19-25mg/l), une hyperphosphorémie: 95mg/l (N:40-70mg/l), une hypovitaminose D: 20,8 ng/ml (30-100 ng/ml), une Parathormone (PTH) : 0. -Bilan urinaire: au départ une calciurie à 1,4mg/kg/jr qui a augmenté après normalisation des taux de calcium sous traitement pour passer à 8,4mg/kg/jr puis à 18,8mg/kg/jr, une magnésurie: 2,14mg/kg/jr, fonction rénale est normale -ECG: allongement de l’espace QT en rapport avec son hypocalcemie -Échographie rénale: une néphrocalcinose bilatérale (Figure2). -L’imagerie cérébrale a mis en évidence une agénésie partielle du corps calleux, un élargissement des ventricules, un hygroma fronto-temporal bilatéral et absence de calcifications des NGC (Figure3). Dans le cadre d’un dépistage familial: les parents ont bénéficié d’un bilan biologique et radiologique revenant sans anomalies en dehors d’une carence en vitamine D objectivé chez la maman (à 4,5 ng/ml). La patiente était mise sous fortes doses de calcium et du magnésium (voie veineuse au départ puis par voie orale après stabilisation), une suplémentation en vitamine D, elle a bénéficié aussi d’une cure pour sa cataracte. L’évolution était favorable sur le plan clinique (disparition des crises) et biologique (normalisation du bilan biologique: calcémie à 105mg/l , magnésémie à 20mg/l) avec élévation nette de la calciurie 18,8 mg/kg/jr parallèlement à l’augmentation des taux de calcémie d’où sa mise sous l’ hydrochlorothiazide. FIGURE 1:Récepteur sensible au calcium (CaSR) FIGURE 2: Echographie renale Nephrocalcinose bilaterale FIGURE 3 TDM cérébrale Agénésie partielle du corps calleux L’hypocalcémie autosomique dominante (HAD) est une maladie rare caractérisée par des taux bas de la parathormone (PTH) inapproprié malgré une hypocalcémie et par une hypomagnésémie et une hypercalciurie relative . Elle est liée à des mutations activatrices du gène du récepteur sensible au calcium (CaSR) capable d’inhiber la sécrétion de PTH et la réabsorption rénale du calcium. Le CaSR (calcium-sensing receptor:) est un membre de la famille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés à la protéine G (Figure1) [1], il est présent dans les cellules parathyroïdiennes et au pôle basolatéral des cellules de la branche ascendante large de l’anse de Henle dans le rein. Il permet de moduler la production et la sécrétion de parathormone (PTH) et de la calciurie en fonction de la calcémie [2,3]. Les mutations gain de fonction CASR entraînent une augmentation de la sensibilité des cellules parathyroïdiennes et rénales aux taux de calcium, faisant apparaître l'hypocalcémie comme normale. Des mutations activatrices de GNA1 (19p13.3) sont également décrites[4]. La présentation clinique est variable en fonction de la localisation de la mutation, souvent l’hypocalcémie est asymptomatique et ne se manifeste qu’à l’âge adulte. Mais parfois l’hypocalcémie dans sa forme profonde peut se manifester à un âge précoce et être à l’origine de tétanie et de convulsions comme était le cas chez notre patiente. L’hypocalcémie chronique peut s’accompagner de la cataracte sous-capsulaire (retrouvée chez notre patiente aussi) et des calcifications des noyaux gris centraux, que l’on appelle le syndrome de Fahr, responsable des signes extrapyramidaux et des crises comitiales [5]. Le diagnostic d’HAD est suspecté sur une hypocalcémie avec parfois notion d’hypocalcémie familiale (rapportée chez notre patiente), le dosage de PTH se révèle inappropriée (basse ou anormalement normale en regard de l’hypocalcémie). La calciurie peut être normale dans les phases d’hypocalcémie profonde puis elle s’élève après correction du taux de calcium (telle est le cas de notre patiente) pouvant être à l’origine d’une maladie lithiasique rénale et de néphrocalcinose, puis d’insuffisance rénale[6], surtout chez les patients traités par calcium et vitamine D au long cours sans surveillance de la calciurie. Parfois, une hypomagnésémie modérée est associée. Le diagnostic est confirmé par le séquençage du gène CASR puis du gène GNA1 si nécessaire (etude genetique). Les traitements par calcium et vitamineD doivent être administrés à dose raisonnable et sous surveillance stricte de la calciurie et du volume de diurèse. L’association d’hydrochlorothiazide et l’hydratation supplémentaires à ce traitement permet une réduction nette de l’excrétion rénale du calcium et de la concentration urinaire de calcium diminuant ainsi le risque de cristallisation intra tubulaire des ions calcium et de la formation de calculs rénaux[7] Conclusion : Le traitement de l’hypocalcémie autosomique dominante doit être considérée avec précaution et impose un suivi métabolique régulier. Le pronostic reste variable et dépend de la sévérité de l’hypocalcémie et des conséquences éventuelles d’un traitement inapproprié. Bibliographie : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Le récepteur sensible au calcium : physiologie et pathologie F. Faivre-Defrance, S. Marcelli-Tourvieille, M.-F. Odou, N. Porchet, J.-L. Wemeau, M.-C. Vantyghem Service d’Endocrinologie et Métabolisme, Clinique Marc Linquette, avenue du professeur Laguesse, CHRU Lille, 59037 Lille Cedex. Laboratoire de biochimiebiologie moléculaire Pôle Biologie-Santé Eurasanté, CHRU Lille, 59037 Lille Cedex. Pollak MR, Brown EM, Estep HL, McLaine PN, Kifor O, Park J, et al. Autosomal dominant hypocalcaemia caused by a Ca(2+)- sensing receptor gene mutation. Nat Genet 1994; 8(3):303-7.. Hannan FM, Nesbit MA, Zhang C et al. Identification of 70 calcium-sensing receptor mutations in hyper- and hypocalcaemic patients: evidence for clustering of extracellular domain mutations at calcium-binding sites. Human Molecular Genetics 2012; 21: 2768–78. Pr Anne LIENHARDT-ROUSSIE/http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=428#formulaire_reagir.php?lng=FR Polycopié des enseignants en Endocrinologie, Diabète et Maladies métaboliques (3ème édition 2015) Item UE8-OT-265 Trouble ioniques Hypocalcemie Chikatsu N, Watanabe S, Takeuchi Y, Muraosa Y, Sasaki S,Oka Y, Fukumoto S, Fujita T. A family of autosomal dominant hypocalcemia with an activating mutation of calcium-sensing receptor gene. Endocr J. 2003; 50(1):91-6 Suzuki M, Aso T, Sato T, Michimata M, Kazama I, Saiki H, Hatano R, Ejima Y, Miyama N, Sato A, Matsubara M. A case of gainof- function mutation in calcium-sensing receptor: supplemental hydration is required for renal protection. Clin Nephrol. 2005 Jun; 63(6):481-6.