La survenue d`une hypocalcémie après thyroïdectomie est une

PRISE EN CHARGE DE LHYPOCALCÉMIE APRES THYROÏDECTOMIE
Prise en charge de l'hypocalcémie après thyroïdectomie
L .Arnalsteen (Lille)
La survenue d'une hypocalcémie après thyroïdectomie est une complication fréquente qui
prolonge la durée de l'hospitalisation. La littérature fait état de taux d'incidence variant
de 1.6% à plus de 50%. Cette complication, avec l'atteinte récurrentielle, est un
excellent critère d'évaluation qualitative du geste chirurgical. Tout chirurgien réalisant des
thyroïdectomies doit tendre à minimiser cette complication dans sa pratique. La plupart du
temps, l'hypocalcémie est transitoire et disparaît spontanément en quelques semaines.
L'hypocalcémie définitive soumet le patient à un traitement à vie, parfois mal supporté, et
entraîne des complications à court et long terme.
GENERALITES BIOLOGIQUES ET CLINIQUES
Nous définissons dans le service l'hypocalcémie post
-
opératoire en dessous du seuil de 80
mg/L (2 mmol/L) mesurée 2 fois. D'autres fixent un seuil de parathormone ou ne prennent
en compte uniquement l'apparition de signes cliniques.
L'hypocalcémie peut s'accompagner d'une augmentation de la phosphorémie qui reflète le
degré de sévérité de l'hypocalcémie.
Physiologiquement, l'hypocalcémie entraîne une hyperexcitabilité neuromusculaire.
L'alcalose (respiratoire ou métabolique) ou l'hypomagnésémie en sont d'autres causes. Le
signe de Chovstek (contraction réflexe de l'orbiculaire des lèvres déclenchée par la
percussion du nerf facial juste en
-
dessous de l'os zygomatique chez un patient dont la
bouche est légèrement entrouverte) traduit cette hyperexcitabilité.
Cliniquement les manifestations d'irritabilité neuromusculaire sont au premier plan et
comprennent des paresthésies distales ou péri
-
bucales, puis des crampes musculaires
avec le signe de Trousseau (main d'accoucheur), des spasmes laryngés, des tétanies et
des convulsions. Les manifestations cardiaques associent bradycardie et augmentation de
l'intervalle QT qui peut progresser jusqu'à la fibrillation ventriculaire ou au bloc auriculo
-
ventriculaire.
PREVENTION
La prévention de l'hypocalcémie post
-
opératoire repose avant tout sur une technique chirurgicale minutieuse. Le chirurgien
doit s'astreindre à repérer et préserver toutes les parathyroïdes en s'attardant particulièrement sur les supérieures qui sont
rarement ectopiques. La manipulation des parathyroïdes doit être évitée. Si elle est nécessaire, celle
-
ci se fait à l'aide d'une
pince à disséquer atraumatique large pour répartir au mieux la pression.
Le respect de la vascularisation repose sur la réalisation des hémostases sur les dernières branches artérielles les plus fines. Si
la parathyroïde noircit, il faut inciser sa capsule pour évacuer l'excès de sang veineux. Si la parathyroïde reprend une couleur
satisfaisante, elle est laissée en place. En cas de vascularisation douteuse ou d'impossibilité de préservation de la
vascularisation, il est recommandé d'autotransplanter la parathyroïde dans le muscle sternocléidomastoïdien homolatéral.
L'abaissement minutieux d'une parathyroïde ectopique est préférable à une transplantation et doit toujours être tenté. Au total
la recherche et la préservation des parathyroïdes sont des gestes précieux qui ne doivent pas passés pour anodins aux yeux
du chirurgien thyroïdectomiseur.
DEPISTAGE DE L'HYPOCALCEMIE
Le bilan biologique repose sur le dosage à J1 et J2 du calcium, phosphore et protèines.
En cas d'hypocalcémie post
-
opératoire, il faut penser à éventuellement corriger la calcémie par rapport au taux de protéines
(hémodilution post
-
opératoire..). Le dosage du calcium ionisé est indépendant du taux de protéines. Sa valeur varie entre 46
et 53 mg/L ou 0.58 à 0.66 mmol/L.
On complète le bilan par le dosage de la parathormone, de la 25
-
OH vitamine D et du magnésium.
L'hypovitaminose D entraîne une malabsorption intestinale du calcium. La première cause d'hypovitaminose D est la carence
d'apport et concerne essentiellement les patients âgés, sédentaires. Les maladies malabsorptives dont les hépatopathies
chroniques mais aussi certains médicaments (anti
-
convulsivant) sont source de carences. Une dernière catégorie de patients
intéressant particulièrement cette chirurgie concerneles hyperthyroïdies qui peuvent s'accompagner d'une ostéodystrophie.
Cette dernière associe d'une augmentation des phosphatases alcalines plasmatiques et l'hydroxyproline urinaire.
Un taux de 25OH vitamine D inférieur au seuil d'insuffisance fixé à 20ng/ml doit faire prescrire une supplémentation. La prise
orale d'une ampoule de 100 000 UI d'Uvedose est la formule la plus pratique. Une deuxième dose est préconisée 2 mois
après. Lors du bilan préopératoire réalisé en consultation, il est souhaitable de repérer les patients carencés en vitamine D.
Une phosphorémie préopératoire basse peut en être un signe. Ce type de supplémentation brutale est contre
-
indiquée en cas
d'hypercalcémie associée et non recommandé chez l'enfant.
Il faut savoir que l'hypomagnésémie induit une résistance à l'effet de la parathormone lorsque la concentration de magnésium
sérique diminue en
-
dessous de 0,4 mmol/l (10 mg/l). En cas d'hypomagnésémie encore plus sévère, cela entraîne une
diminution de la sécrétion de parathormone.
.
Toutes les indications de thyroïdectomie n'exposent pas au même risque d'hypocalcémie post
-
opératoire. Les états
d'hyperthyroïdie (maladie de Basedow ou goitre toxique), les réinterventions pour totalisation, les thyroïdectomies pour
carcinome, surtout avec curage central nécessitant une autotransplantation des deux parathyroïdes inférieures, sont plus
risqués.
TRAITEMENT
Patient asymptomatique
Dans ce cas on ne donne pas de traitement calcique ; L'hypocalcémie étant le meilleur stimulant du système parathyroïdien,
celle
-
ci se résoudra plus rapidement.
Le patient sort avec la consigne de prendre 3g de calcium/jour en cas d'apparition de symptômes. Il ne faut pas oublier que le
nadir de la calcémie se situe souvent entre le troisième et le cinquième jour post
-
opératoire.
Patient symptomatique à type de paresthésies
Le patient prend alors quotidiennement 3 g de calcium et 3 cp de Magnésium (MagneB6) réparti sur toute la journée.
La première prise journalière de calcium doit être à distance de la prise du Lévothyrox. En effet les sels de calcium (ou de
fer) diminuent la biodisponibilité du Lévothyrox.
Le patient sort de l'hôpital quand la symptomatologie a disparu et que la calcémie a cessé sa chute.
Patient symptomatique à type de crampes
On administre en perfusette 2 ampoules de gluconate de calcium à10% que l'on poursuit par une perfusion sur 24 heures de
500 ml de sérum avec 3 g de calcium et 2 ampoules de magnésium. On associe en per os 3 g de calcium.
La perfusion est généralement retirée le lendemain pour un relais per os de 3 à 5 g de calcium et de 3 cp de magnésium.
SUIVI
Tous les patients hypocalcémiques sont ensuite revus en consultation entre le 7
ème
et le 14
ème
jour pour un nouveau bilan
biologique comprenant le dosage du calcium, du phosphore, des protéines et de la parathormone.
Dans l'intervalle de temps, on récupère le dosage de la 25
-
OH vitamine D. Si celle ci est en dessous du seuil de 20 ng/mL,
on prescrit une ampoule d'Uvedose.
Patient asymptomatique sans avoir pris de calcium
On ne reconvoquera le patient qu'en cas d'anomalie au bilan biologique. C'est
-à-
dire si la calcémie est inférieure à 80 mg/L,
la phosphorémie supérieure à 40 mg/L ou la parathormone inférieure à 2 fois la limite inférieure (soit < à 20ng/mL pour notre
laboratoire dont la norme va de 10 à 65).
Patient asymptomatique continuant à prendre du calcium
On demande alors au patient d'arrêter progressivement sur quelques jours la prise de calcium per os en se basant sur la
clinique.
Le patient sera revu entre un et deux mois après la date d'intervention pour un ultime bilan.
Patient symptomatique malgré le traitement oral
Le patient peut être réhospitalisé si la symptomatologie est intense.
Poursuite du traitement à domicile si la symptomatologie est minime. Le patient est reconvoqué entre un et deux mois.
Puis les patients sont revus si nécessaire à trois, 6 et 12 mois après l'intervention.
AFC
Siège social : 122, rue de Rennes
75006 Paris
tél : +33 (0) 1 45 44 96 77
Entre un et trois mois, le patient est souvent vu par son endocrinologue qui juge de la nécessité d'associer au traitement
calcique la prise de vitamine D (Stérogyl, Un
-
alpha) et en assurera le suivi (contrôle de la calciurie).
L'hypoparathyroïdsme est considéré comme définitif si le patient a encore besoin d'un traitement au contrôle à un an. Il faut
savoir qu'environ les deux tiers de ces patients gardent une discrète sécrétion de parathormone tout à fait insuffisante.
Au cours d'un travail réalisé dans le service portant sur 2035 patients dont 7 sont devenus hypoparathyroïdiens définitifs, on
pouvait conclure que les taux plasmatiques de calcium et de phosphore mesurés entre le 7
ème
et le 14
ème
jour après le début
du traitement substitutif par le calcium et avant l'administration de vitamine D, sont les facteurs prédictifs de la survenue d'une
hypocalcémie définitive après thyroïdectomie.
En pratique si calcémie et phosphorémie étaient anormales, deux tiers des patients devenaient hypoparathyroïdiens définitifs ;
si calcémie ou phosphorémie était anormale, seuls 3% le devenaient et aucun si le bilan était normalisé.
CONCLUSION
Même si la plupart des hypocalcémies régresse, une patiente normocalcémique mais avec une fonction parathyroïdienne
médiocre peut devenir symptomatique. C'est particulièrement le cas lors de l'effort ou de l'allaitement. C'est sans oublier
qu'une telle mère risque de mettre au monde un enfant hyperparathyroïdien.
Au total la survenue d'une hypocalcémie post
-
opératoire ne doit pas être banalisée et considérée
comme peu grave. La
pratique de la chirurgie thyroïdienne mérite au même titre que certains gestes spécialisés de chirurgie viscérale un
apprentissage et une réalisation fréquente.
Références :
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Am. Coll. Surg. 2002;195:456
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T.Reeve, N.Thompson.
Worl J. Surg.2000;24:971
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Etude prospective des facteurs prédictifs précoces de la survenue d'hypocalcémie définitive après thyroïdectomie bilatérale.
M.Jafari, F.Pattou et coll.
Ann. Chir.2002;127:612
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618
Comment nous faisons l'incision et la fermeture en chirurgie thyroidienne
Le drainage en chirurgie thyroidienne
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