Première partie : thyroïde – parathyroïde Hypocalcémie aiguë de l’adulte Acute hypocalcemia in adults V. Folope, J.M. Kuhn* Définition L’hypocalcémie se définit par un chiffre inférieur à 2,15 mmol/l, soit 86 mg/l. L’hypocalcémie correspond également à une calcémie ionisée (qui représente la fraction biologiquement active du calcium circulant) inférieure à 1,10 mmol/l, soit 44 mg/l. Il est nécessaire d’apprécier la calcémie en fonction de la protidémie ou de l’albuminémie en calculant la calcémie corrigée grâce à l’une des formules suivantes : Calcémie corrigée (mmol/l) = calcémie (mmol/l)/[(protidémie(g/l)/160) + 0,55)] Calcémie corrigée (mmol/l) = [calcémie (mmol/l) – (albuminémie (g/l) x 0,025)] + 1 On considère qu’il y a une urgence de prise en charge quand la calcémie est inférieure à 1,9 mmol/l, soit 76 mg/l. Cadre de survenue L’hypocalcémie peut être due à une lésion transitoire ou définitive des parathyroïdes après chirurgie thyroïdienne ou cervicale ou au cours de polyendocrinopathies auto-immunes. Une hypomagnésémie (définie comme une concentration de magnésium plasmatique inférieure à 0,4 mmol/l, soit 10 mg/l) peut être * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU Rouen. responsable d’une hypocalcémie par résistance à l’action de l’hormone parathyroïdienne (PTH), de la vitamine D et de ses métabolites. Diagnostic positif Signes cliniques La symptomatologie clinique est fonction de la vitesse d’installation de l’hypocalcémie et de sa profondeur. Les manifestations d’irritabilité neuromusculaire sont au premier plan et comprennent souvent : • des paresthésies distales ou péribuccales ; • et la survenue de crises tétaniques aiguës avec contractures musculaires des mains (“mains d’accoucheur”), du visage (“bouche en museau de tanche”) et des pieds (varus équin). Ces crises sont souvent associées à une sensation d’angoisse, une asthénie et une polypnée. Elles ne durent que quelques minutes. Elles n’engendrent pas de perte de connaissance. • peuvent également survenir des crampes musculaires, des spasmes laryngés ou des crises convulsives. L’examen clinique peut mettre en évidence deux signes évocateurs d’hypocalcémie : • le signe de Chvostek qui se recherche en percutant avec un marteau à réflexes une branche du nerf facial située en dessous de l’os zygomatique chez un patient dont la bouche est légèrement entrouverte. La positivité du signe se manifeste par une contraction du muscle supérieur de la lèvre induisant une contracture de la bouche réalisant ce qu’il est convenu d’appeler un “museau de tanche” ; • le signe de Trousseau est induit par l’occlusion de l’artère brachiale par un brassard de tensiomètre gonflé au-dessus de la pression systolique pendant 3 minutes. Il en résulte une flexion du poignet et des articulations métacarpo-phalangiennes : les doigts en hyperextension et flexion du pouce reproduisent “la main d’accoucheur”. Des troubles des fonctions supérieures peuvent être présents à l’occasion d’une hypocalcémie et s’améliorer avec la normalisation de ce paramètre. Stigmates biologiques : calcémie totale < 2,15 mmol/l ou calcémie ionisée < 1,10 mmol/l (Lire Définition). Signes électrocardiographiques : • allongement de l’espace QT ; • on peut, à l’extrême, retrouver une fibrillation ventriculaire, un bloc auriculo-ventriculaire ou des torsades de pointe. Conduite à tenir En cas d’hypocalcémie aiguë sévère (< 1,9 mmol/l, soit 75 mg/l) et symptomatique : apport de calcium par voie parentérale : Gluconate de calcium à 10 % (ampoules de 10 ml contenant 90 mg de calcium-élément) : • injection i.v. d’une à deux ampoules diluées dans 50 à 100 ml de sérum glucosé isotonique en 5 à 10 minutes ; Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005 137 diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques • puis, perfusion de 10 ampoules Tableau I. diluées dans 900 ml de sérum glucosé isotonique au débit de 50 ml/heure (soit 45 mg de calcium/heure). Le débit est secondairement adapté pour maintenir une calcémie dans les limites basses de la normale. Ou chlorure de calcium à 10 % (ampoules de 10 ml contenant 182 mg de calcium-élément). Suivant le degré d’urgence, on peut commencer par 100 à 200 mg de calcium-élément (soit 1/2 à 1 ampoule) en administration intraveineuse lente (10 à 15 minutes), puis 1 à 2 mg de calcium-élément/kg/heure en perfusion (par laquelle on peut débuter). Cette méthode permet d’obtenir une augmentation beaucoup plus rapide de la calcémie, mais cette préparation est beaucoup plus agressive pour les veines et ne doit pas être utilisée pour des perfusions prolongées. Nom commercial Cacit 1000® Cacit 500® Calcidia® Calcidose 500® Calciforte® Calciprat® Calcium-Sandoz® Calperos® Caltrate® Densical® Eucalcic® Fixical® Orocal® Pérical® En cas d’hypocalcémie aiguë modérée (entre 1,9 et 2,1 mmol/l) et asymptomatique : apport de calcium par voie orale : Une supplémentation calcique orale à raison de 500 à 1 000 mg de calcium-élément toutes les 6 heures peut être suffisante. Médicaments utilisables pour le traitement de l’hypocalcémie Calcium (tableau I) Une supplémentation en magnésium doit être réalisée en cas d’hypomagnésémie avérée. En dehors de l’épisode aigu, le traitement de l’hypoparathyroïdie nécessite une supplémentation calcique orale ainsi que l’apport d’un métabolite actif de la vitamine D. Vitamine D et dérivés (tableau II) 138 DCI Citrate Citrate Carbonate Carbonate Glucoheptonate, lactate, gluconate Carbonate Gluconolactate et carbonate Carbonate Carbonate Carbonate Carbonate Carbonate Carbonate Carbonate Contenu en calcium-élément 1 g par comprimé 0,5 g par comprimé 1,54 g par sachet 0,5 g par sachet 0,5 g par ampoule 0,5, 0,75 ou 1 g par comprimé 0,5 g par comprimé 0,5 g par comprimé 0,5 ou 0,6 g par comprimé 0,6 g par comprimé 1,2 g par sachet 0,5 g par comprimé 0,5 g par comprimé 1 g par comprimé DCI Calcitriol Alfacalcidol Posologie habituelle 0,25 g par capsule 0,25, 0,5 et 1 g par capsule Tableau II. Nom commercial Rocaltrol® Un-Alfa® Surveillance clinique et biologique L’objectif est d’obtenir une calcémie située à la limite inférieure de la normale (2 à 2,2 mmol/l soit 80 à 88 mg/l) pour que le patient soit asymptomatique et ne développe pas les complications de l’hypocalcémie chronique. En effet, le maintien d’une calcémie à un taux normal expose au risque d’hypercalciurie iatrogène et à ses conséquences de lithiases rénales calciques, de néphrocalcinose, voire d’insuffisance rénale chronique. Sous traitement, pour éviter ces risques, la calciurie des 24 heures doit être inférieure à 0,1 mmol/kg de poids corporel. Il est possible d’utiliser des diurétiques thiazidiques qui augmentent la réabsorption rénale de calcium lorsque le traitement par calcium induit une hypercalciurie malgré une calcémie trop basse (< 2 mmol/l ou 80 mg/l). Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005 Prévention Si une acidose métabolique s’associe à l’hypocalcémie, le traitement de l’hypocalcémie doit précéder et non suivre celui de l’acidose, sous peine d’observer une aggravation de l’hypocalcémie. Il est de bonne règle de prévenir le risque d’hypocalcémie aiguë postopératoire par prescription préventive de vitamine D (Un-Alfa®) à l’issue d’un acte chirurgical exposant au risque d’hypoparathyroïdie secondaire transitoire ou définitive. Les interventions exposant à ce risque sont celles qui portent sur les parathyroïdes, la thyroïde ou les cancers ORL. En particulier, il est conseillé d’entreprendre un traitement préventif par dérivés 1-hydroxylés de la vitamine D au décours de la chirurgie de l’hyperparathyroïdie primaire avec retentissement osseux. Une supplémentation calcique et par vitamine D doit être effectuée chez les patients atteints d’hypoparathyroïdie avérée.