Avant même d’être une obligation légale, informer un patient sur les risques qu’il encourt en relation avec les soins proposés
constitue un devoir moral pour tout médecin. Car la médecine est un humanisme. Et, depuis son arrêt fondateur du 25 /02 1997, la
Cour de cassation n’a eu de cesse de préciser les contours de cette obligation : que dire au patient ? Comment rapporter la preuve
de ce qui a été dit ? Comment faire face au refus de soins ?... Mais qu’en est-il lorsque n’ayant pas informé le patient, le médecin a
néanmoins conduit le geste technique dans les règles de l’art ? En d’autres termes, le défaut d’information en tant que tel peut-il être
sanctionné tandis que l’accomplissement du geste technique n’a été entaché d’aucune faute ?
1. Faits et décisions de justice
En avril 2001, un médecin urologue pratique une adénomectomie prostatique sur un patient souffrant de rétention d’urine. A la suite de
l’intervention, ce patient demeure atteint d’une impuissance sexuelle complète et définitive. Il recherche la responsabilité du praticien sur deux
motifs : la faute technique et le défaut d’information sur le risque d’impuissance sexuelle lié à l’opération.
Pour le tribunal de grande instance, le médecin n’a commis de faute ni dans le choix de la stratégie thérapeutique, ni dans la conduite du geste.
En revanche, il considère que le médecin a violé son obligation d’information. Il aurait dû sensibiliser le patient sur la nature du possible
préjudice induit par un tel geste opératoire (risque ici évalué à moins de 5 % par la littérature). Conformément à la jurisprudence bien arrêtée en
la matière, le tribunal estime que cette violation ouvre droit à réparation au titre de la perte de chance (réparation partielle à hauteur de 30 % du
préjudice).
Insatisfait de ce jugement, le patient fait appel.
Par arrêt rendu le 9 /04 /2008, la cour d’appel de Bordeaux le déboute de l’ensemble de ses demandes. Les juges du fond retiennent le
caractère nécessaire et sans alternative de l’intervention réalisée, sauf à exposer le patient à un risque grave d’infection. De surcroît, ils
considèrent que le geste a été réalisé dans les règles de l’art tout en reconnaissant le lien direct entre l’opération et l’impuissance sexuelle.
La cour pointe le manquement du médecin à son devoir régalien d’information mais elle écarte sa responsabilité au motif… « qu’il n’existait pas
d’alternative à l’adénomectomie pratiquée eu égard au danger d’infection que faisait courir la sonde vésicale, qu’il est peu probable que M. X (le
patient) dûment averti des troubles érectiles qu’il encourait du fait de l’intervention, aurait renoncé à celle-ci et aurait continué à porter une
sonde qui lui faisait courir des risques d’infections graves… »
A ce stade, l’arrêt suscite peu de commentaires. La cour d’appel de Bordeaux ne fait qu’appliquer la jurisprudence de la Cour de cassation,
jurisprudence qui semble à ce moment bien établie et au titre de laquelle… « Il n’y a pas de responsabilité du médecin pour défaut
d’information s’’il apparaît que même informé, le patient n’aurait pas refusé l’opération… » (Cour de Cass. – 1ère ch. civ. – Arrêt H. du
2 /06 /2000).
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