Commentaire de la Lettre à Ménécée d'Epicure.
-La vie d’Epicure
Epicure est né en 341 avant J.-C. à Samos (colonie athénienne, au large de la Turquie actuelle) et meurt
en 270 avant J.-C. à Athènes. Les parents d'Epicure sont athéniens. Son père Néoclès est un clérouque,
c'est-à-dire un colon. Il est aussi maître d'école et il n'est pas impossible qu'il ait donné à son fils les
premiers rudiments du savoir. Sa mère pratiquait des rites propiatoires chez les pauvres (d'où peut-être sa
haine de la superstition). En 327, Epicure fut envoyé à Théos, sur le proche rivage d'Asie, pour suivre
l'enseignement de Nausiphane, disciple de Démocrite (le père du matérialisme et de l’atomisme). Il fut un
élève particulièrement attentif, comme devait en témoigner, par vanité, Nausiphane lui-même. En 323
avant J.-C. Epicure part à Athènes s'acquitter de ses obligations militaires (le service de l'Ephébie qui
durait deux ans). En 321 avant J.-C., libéré de l'armée, il ne peut revenir à Samos d'où les colons
athéniens venaient d'être chassés. Il fait alors l'apprentissage de l'exil et de la pauvreté. Il rejoint sa
famille réfugiée à Colophon (Asie mineure). Aux difficultés matérielles s'ajoute la précarité de sa santé.
En 306 avant J.-C., il s'installe définitivement à Athènes. Pour fonder son école il achète un jardin (d'où le
nom d'école du jardin) et une maison au nord-ouest de la ville. La vie de l'école est en étroite relation
avec les autres centres épicuriens. C'est dans ce jardin qu'il va vivre avec ses disciples. Sa philosophie
s'appellera la philosophie du "jardin". Ce jardin permit d'ailleurs aux disciples de se nourrir de fèves lors
d'une famine qui décima les athéniens. Au jardin, la vie est frugale. On cultive l'amitié. L'école était
ouverte même aux femmes et parmi elles se trouvaient des prostituées et des esclaves. Epicure voulait
conduire tous les hommes indistinctement sur le chemin de la sagesse et leur reconnaissait le droit et la
capacité de philosopher. Le jardin se singularise ainsi fortement par rapport à l'Académie (élitiste) ou au
lycée (centre de recherche érudite). Epicure meurt en 270 av J.C. à l'âge de 72 ans, en proie à la
souffrance et à la maladie.
-La philosophie d’Epicure
La philosophie d'Epicure est une philosophie matérialiste et hédoniste (du grec hedoné = plaisir). C’est
une philosophie matérialiste dans la mesure où, selon Epicure, il n’y a, dans la nature, que des atomes et
du vide. Tout ce qui existe n’est qu’une certaine combinaison d’atomes, toute chose est donc de nature
matérielle ; tout est matière. L’âme est elle-même composée d’atomes. Et l’ordre du monde n’est pas le
résultat d’un plan raisonnable ou d’une intelligence divine, mais du hasard. Il s’est formé par le jeu
mécanique et aveugle de combinaisons atomiques : les atomes qui se sont rencontrés accidentellement
ont constitué les différents êtres de la nature. Quant aux dieux (eux aussi matériels), ils existent bien,
mais, bienheureux (parce que parfaits, ils ne manquent de rien) et aussi indépendants (ils vivent en
autarcie) que le sage tend à l’être, ils se désintéressent du monde et des affaires humaines.
Cette philosophie matérialiste fonde une morale hédonique (du plaisir). Pour Epicure la recherche du
vrai est subordonnée à la poursuite du bonheur. La science est en vue de l'éthique. L'épicurisme est en
effet une philosophie pratique. Pour Epicure le philosophe ne doit pas chercher à savoir pour savoir ou à
penser pour penser, mais à savoir et à penser pour bien vivre, pour être heureux. La connaissance de la
physique a plus précisément pour but la paix de l'âme (l’ataraxie est la condition du bonheur) : dissiper
les terreurs de l'esprit. Rendre l’homme heureux c’est lui procurer un état purifié de toute angoisse (c’est
cela l’ataraxie). Or la religion est source d’angoisse et d’inquiétude. Les hommes voient dans la foudre le
signe que Zeus est en colère, redoutent la mort et les Enfers. Il y a deux craintes, deux terreurs qui, selon
Epicure, empoisonnent la vie des hommes : la crainte de la mort et la crainte des dieux. . Il s'agit de
dissiper les illusions (essentiellement religieuses) sur la vie pour jouir de la vie. L’atomisme de
Démocrite (repris par Epicure) élimine la croyance en un Dieu créateur (puisque les atomes sont éternels)
et aussi en un Dieu qui intervient dans le monde, qui punit et récompense : les dieux, dont Epicure se
garde bien de nier l’existence (Epicure n’est pas athée) ne s’occupent jamais du monde ni des hommes.
En définitive, seul le matérialisme qui nous apprend qu’il n’y à rien à espérer ou à craindre des dieux et