Journal Identification = PNV Article Identification = 0313 Date: March 5, 2012 Time: 9:23 am
C. Bungener
stratégies centrées sur l’émotion serait plus adéquat
[40, 42]. En effet, ces stratégies émotionnelles permettent
au sujet, d’une part, de ne pas s’épuiser dans des stratégies
centrées sur le problème qui ne parviennent pas à modi-
fier la source de stress et, d’autre part, de mobiliser ses
ressources psychiques pour ensuite adopter des stratégies
centrées sur le problème.
Les quelques travaux réalisés dans la SLA confirment
les résultats obtenus dans d’autres pathologies [20, 43-45],
notamment une corrélation entre dépression et stratégies
centrées sur l’émotion [20, 44, 45]. Toutefois, certains
travaux ont mis en évidence des stratégies spécifiques
dans la SLA qui ne sont pas retrouvées de manière aussi
importante dans d’autres pathologies, telles que le déve-
loppement de la stimulation intellectuelle, de la sagesse,
des relations interpersonnelles [46] et de la religiosité
[29, 44, 47-49]. Les stratégies, selon certains auteurs, évo-
lueraient peu au cours de la maladie [50], alors que d’autres
ont observé que pendant les premiers mois qui suivent
l’annonce diagnostique, les patients recourent préféren-
tiellement à des stratégies centrées sur l’émotion, pour
ensuite adopter des stratégies centrées sur le problème
[20]. L’étude de Montel et al. [51] a mis en évidence
une corrélation positive entre la durée de la maladie et
les stratégies d’acceptation, de réévaluation positive et
d’humour.
Toutefois, la question de l’opérationnalisation du
concept de coping émotionnel reste débattue [52]. Ce
terme semble regrouper des stratégies très différentes.
Exprimer ses émotions par des pleurs ou de la colère n’a cer-
tainement pas la même signification, ni la même valeur que
réprimer ses émotions en faisant comme si tout allait pour
le mieux ou encore en essayant de réévaluer la situation en
dégageant les aspects positifs qu’elle peut susciter.
Stanton et al. [53-55] ont développé une nouvelle
approche émotionnelle du coping, qui dissocie la recon-
naissance, la compréhension et l’expression des émotions.
En effet, même si dans la littérature la corrélation entre
le coping centré sur l’émotion et la détresse psycholo-
gique semble être une constante, différentes recherches
ont souligné le potentiel adaptatif de la reconnaissance et
de l’expression des émotions. Considérer le coping émo-
tionnel uniquement comme négatif conduit à une impasse,
notamment dans le domaine de la santé. Comme nous
l’avons mentionné plus haut, l’expression émotionnelle ne
peut être confondue avec le déni, l’auto-dépréciation ou la
réévaluation positive et ces auteurs proposent de faire la
distinction entre le traitement et l’expression des émotions
[53, 54]. Le traitement des émotions consiste à essayer acti-
vement de reconnaître, comprendre et donner un sens à
ses émotions alors que l’expression des émotions consiste
à communiquer ou symboliser verbalement son ressenti
émotionnel.
L’hypothèse développée est que, dans certaines situa-
tions, le traitement et l’expression des émotions peuvent
être plus adaptés lorsqu’ils sont utilisés séparément et que
l’expression émotionnelle est plus adéquate lorsqu’elle fait
suite au traitement émotionnel [54]. Si l’on accepte cette
distinction, il devient nécessaire de repenser notre manière
d’appréhender les stratégies de coping et de travailler sur
les émotions elles-mêmes. Ainsi, il semble pertinent de
se centrer sur le fonctionnement émotionnel du sujet et
d’étudier quelles sont les attitudes et les réactions émo-
tionnelles adoptées pour s’ajuster à la maladie et à ses
conséquences.
Évaluation des émotions
Les études centrées sur les émotions dans la SLA sont
rares. Nous n’avons pas mis en évidence d’anhédonie ou
d’alexithymie chez les patients SLA qui obtenaient des
scores d’alexithymie inférieurs à ceux de patients atteints
de sclérose en plaques [20, 56].
Quelques travaux se sont intéressés à l’expression des
émotions et ont rapporté, chez des patients SLA, la pré-
sence de pleurer et rire spasmodiques [57, 58]. Ce trouble
est généralement considéré comme la conséquence d’une
atteinte lésionnelle et ne relève pas d’un trouble émotionnel
réactionnel ou adaptatif. Et, comme le formulent Presecki
et al. [59], il s’agit d’un trouble involontaire de l’expression
émotionnelle. D’autres études ont évalué la labilité émotion-
nelle (fluctuation rapide de l’état émotionnel) et ont observé
qu’environ deux tiers des patients présentaient une labi-
lité émotionnelle, cette dernière étant corrélée à la forme
bulbaire de la maladie [60-62].
Ensuite certains auteurs se sont intéressés à la recon-
naissance des émotions. Palmieri et al. [13] ont réalisé une
étude en IRMf dans laquelle les sujets avaient deux tâches
à réaliser, une tâche d’attribution émotionnelle et une tâche
de reconnaissance émotionnelle de stimuli déplaisants ver-
sus plaisants. Leurs résultats ont mis en évidence, chez
neuf patients SLA comparés à dix sujets contrôles, une
activation supérieure de l’hémisphère gauche et une dimi-
nution de l’activation de l’hémisphère droit dans les deux
tâches proposées. L’étude de Schmolck et al. [63] a montré
que les patients SLA semblaient présenter plus de dysfonc-
tionnement dépassant le seul cortex moteur (lobe frontal,
temporal et fronto-temporal) que les études précédentes
le laissaient supposer. Dans cette étude, différents visages
étaient présentés aux sujets et ils devaient choisir les per-
sonnes auxquelles ils s’adresseraient pour demander des
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