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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 5 - septembre-octobre 2002
ne mauvaise nouvelle est en soi une source de
détresse que le médecin peut accompagner et
soulager en partie grâce à sa qualité d’écoute et
à son empathie, c’est-à-dire son aptitude à comprendre
l’autre, et à lui montrer qu’il l’a compris.
LES PRÉLIMINAIRES
La préparation à l’annonce d’une mauvaise nouvelle est sou-
haitable, avant d’avoir les résultats des examens. À ce stade,
on peut demander au patient s’il souhaite connaître la vérité en
cas de résultats défavorables.
Au moment de l’annonce proprement dite, il est important de
déterminer un moment et un lieu adaptés à l’entretien.
On demandera au patient s’il souhaite la présence d’un proche,
souvent utile pour évoquer par la suite ce qui s’est dit durant
l’entretien et que le patient risque d’oublier.
Quel que soit le contexte, le médecin doit s’asseoir, en
essayant de se situer au même niveau que le malade (niveau du
regard) et de supprimer les objets qui pourraient créer une bar-
rière entre lui et le malade (éviter d’être séparés par le bureau).
Il est préférable d’éteindre la télévision ou la radio et le télé-
phone portable. Ces préliminaires servent à démontrer la dis-
ponibilité du médecin pour son patient.
Des études montrent que le patient a l’impression d’être mieux
écouté et entendu et que l’entretien dure plus longtemps
lorsque le médecin est assis.
Certains médecins prendront l’initiative d’un contact physique,
serrer la main ou toucher une épaule, pour signifier leur empa-
thie, leur engagement auprès du malade.
ÉCOUTER LE MALADE : LE QUESTIONNEMENT
–Que sait-il déja ? Que connaît-il de sa maladie, de son
évolution possible ? Comment s’exprime-t-il, avec quelles
émotions, celles exprimées par les mots et celles exprimées par
le corps : se tord les mains, est crispé ou détendu sur son siège,
pleure...
Que veut savoir le patient ?
C’est l’un des moments les plus délicats de l’entretien. Le
patient souhaite-t-il ou non connaître la vérité ? Et à quel
niveau désire-t-il obtenir l’information ?
La réponse du thérapeute ne peut que s’ajuster à la demande
du patient.
Face à un patient qui exprime le désir de ne pas être informé
sur son état de santé, on garde la possibilité de communiquer
avec lui sur les traitements envisageables et les soins dont il
peut bénéficier.
Comment écouter le malade ?
Assis et aussi détendu que possible, pour préparer l’écoute, le
médecin commence par interroger le malade, le laisse parler
sans l’interrompre, l’encourage à continuer. Il s’agit là d’une
écoute active qui développe l’empathie avec le patient.
Afin que celui-ci comprenne qu’il a été entendu, le praticien
peut répéter ou reformuler ce que vient d’exprimer le malade.
Il lui adresse ainsi des signes de compréhension. Il le laisse
formuler sa demande, ses interrogations, ses émotions, sans
jugement ni commentaires. Parfois le respect du silence est
salutaire.
Quand le médecin a perçu la demande et les besoins du
malade, il est prêt à communiquer l’information, la nouvelle.
LA COMMUNICATION DE L’INFORMATION
Il est préférable, avant de commencer, d’avoir une idée précise
des objectifs à atteindre en fin d’entretien.
À ce moment de l’entrevue, le professionnel de santé a
connaissance de l’état d’information du malade et de sa
demande. Il est en mesure de s’aligner sur le point de vue du
patient. Le médecin peut reprendre les termes employés par le
malade et lui montrer ainsi que ses propos sont pris au sérieux,
ce qui éveille chez le patient un sentiment d’assurance et
l’envie de faire confiance à son interlocuteur.
Le médecin va procéder par petites étapes pour diffuser
l’information, donner au patient “des bouts d’informations
digérables”.
L’utilisation d’un langage aisément compréhensible favorise la
communication. Le recours au jargon médical exclut le patient.
Il n’est pas inutile de contrôler la compréhension du malade,
de répéter les messages, éventuellement d’écrire ou d’éclaicir
les explications par un dessin, de demander s’il a des questions
à poser, de le laisser prendre la parole, faire des pauses, expri-
mer ses émotions.
En même temps que le soignant divulgue l’information, il reste
à l’écoute constante du malade et ajuste son discours à la
demade implicite de son interlocuteur. Il se laisse diriger par
lui. Il guette la question dissimulée et incite le malade à expri-
Le coaching médical
L’annonce d’une mauvaise nouvelle en pratique
U
COACHING
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 5 - septembre-octobre 2002
mer ses préoccupations “inavouables” : certains patients sont,
par exemple, plus préoccupés par la perte de leurs cheveux à
l’occasion d’une chimiothérapie que par l’évolution de la
maladie elle-même.
Il convient de rechercher ces préoccupations et de les recon-
naître ouvertement afin de renforcer la confiance du malade et
sa réassurance.
Quelles sont les informations importantes à fournir ?
Ce sont celles que demande le patient et celles qui le concer-
nent surtout à court terme.
Envahi par l’émotion, le malade ne retiendra de ce premier
entretien de l’annonce du diagnostic qu’une infime partie. Il
est inutile de le noyer dans des détails qu’il n’entendra pas. Il
se souviendra en revanche avec plus de précision de la com-
munication non verbale, celle des postures, des gestes, de
l’expression, de l’environnement : “le médecin était distant”,
“le téléphone n’a pas arrêté de sonner”...
Un deuxième rendez-vous s’impose, lorsque cela est possible,
pour compléter l’information de l’annonce.
Le patient a besoin de temps pour “intégrer” la nouvelle,
s’adapter, discuter et réfléchir sur son traitement, en connais-
sance de cause.
Réponse aux sentiments des patients
La verbalisation des émotions est une étape déterminante de
l’entretien. La phrase clé pourrait être “que ressentez-vous en
ce moment ?”
“Il s’agit de comprendre la réaction du patient, parfois agres-
sive, sans la prendre pour soi. Le but étant de valider ses émo-
tions, sans les juger, sans tenter de les réprimer et ensuite de
les nommer ; ‘je vois à quel point c’est difficile pour vous’
(6)”.
Le malade peut exprimer toutes sortes de sentiments, froideur,
révolte, tristesse... et souvent culpabilité. Son image est déva-
lorisée et il craint souvent le regard des autres, de ses proches,
conjoint, enfants, mais aussi des collègues de travail.
En exprimant ses émotions face au soignant qui sait les
accueillir il peut reprendre une forme de confiance.
Par des gestes simples, tendre un mouchoir à un malade
qui pleure, le toucher, se rapprocher de lui, le médecin
donne au malade l’autorisation d’exprimer sa souffrance.
PRÉPARER L’AVENIR
Le patient attend de son médecin qu’il l’aide à mettre de
l’ordre et peut-être donner du sens dans tout ce trouble et
qu’il propose une marche à suivre pour l’avenir.
À ce stade, l’alliance passée entre soignants et malade est
déterminante. Le patient a besoin d’être accompagné et écouté
pour préparer son avenir.
Le rôle de soutien du médecin ne s’arrête pas à l’issue de
l’annonce de la mauvaise nouvelle. Cette étape marque le
début d’un nouvel échange, d’une nouvelle relation, d’un
contrat entre deux individus qui, ensemble, vont repenser la
vie du malade, ou de l’handicapé, et élaborer un futur : le
médecin s’adresse à la personne non plus en tant que “patient”
mais en tant que parteniare de soins (1).
POUR EN SAVOIR PLUS...
1. D’après Robert Buckman, S’asseoir Pour Parler, InterEditions, 1994.
2. Fritz Zorn, Mars, Paris, Gallimard, 1979.
3. Code de déontologie médicale, Titre II (Devoirs envers les patients), art. 35.
4. Dr Patrick Alvin, L’annonce d’une maladie chronique à l’adolescence, in :
Espace éthique la Lettre 15-16-17 Hiver 2001-2002.
5. F.R. Zimmermann, Comment annoncer une mauvaise nouvelle ? www.medi-
torial.ch/plus/5.htm
6. D’après Suzy Soumaille, interview de Joëlle Wintsch, www.construire.ch/
SOMMAIRE/9749/49socie2.htm.
Les règles d’or de l’annonce
d’autant plus importantes que le pronostic vital est en jeu.
une information progressive
– une information cohérente
– une information adaptée à chaque patient et à sa demande
– une information répétée
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