Le coaching médical L’annonce d’une mauvaise nouvelle en pratique U ne mauvaise nouvelle est en soi une source de détresse que le médecin peut accompagner et soulager en partie grâce à sa qualité d’écoute et à son empathie, c’est-à-dire son aptitude à comprendre l’autre, et à lui montrer qu’il l’a compris. LES PRÉLIMINAIRES La préparation à l’annonce d’une mauvaise nouvelle est souhaitable, avant d’avoir les résultats des examens. À ce stade, on peut demander au patient s’il souhaite connaître la vérité en cas de résultats défavorables. Au moment de l’annonce proprement dite, il est important de déterminer un moment et un lieu adaptés à l’entretien. On demandera au patient s’il souhaite la présence d’un proche, souvent utile pour évoquer par la suite ce qui s’est dit durant l’entretien et que le patient risque d’oublier. Quel que soit le contexte, le médecin doit s’asseoir, en essayant de se situer au même niveau que le malade (niveau du regard) et de supprimer les objets qui pourraient créer une barrière entre lui et le malade (éviter d’être séparés par le bureau). Il est préférable d’éteindre la télévision ou la radio et le téléphone portable. Ces préliminaires servent à démontrer la disponibilité du médecin pour son patient. Des études montrent que le patient a l’impression d’être mieux écouté et entendu et que l’entretien dure plus longtemps lorsque le médecin est assis. Certains médecins prendront l’initiative d’un contact physique, serrer la main ou toucher une épaule, pour signifier leur empathie, leur engagement auprès du malade. ÉCOUTER LE MALADE : LE QUESTIONNEMENT – Que sait-il déja ? Que connaît-il de sa maladie, de son évolution possible ? Comment s’exprime-t-il, avec quelles émotions, celles exprimées par les mots et celles exprimées par le corps : se tord les mains, est crispé ou détendu sur son siège, pleure... – Que veut savoir le patient ? C’est l’un des moments les plus délicats de l’entretien. Le patient souhaite-t-il ou non connaître la vérité ? Et à quel niveau désire-t-il obtenir l’information ? La réponse du thérapeute ne peut que s’ajuster à la demande du patient. La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 5 - septembre-octobre 2002 Face à un patient qui exprime le désir de ne pas être informé sur son état de santé, on garde la possibilité de communiquer avec lui sur les traitements envisageables et les soins dont il peut bénéficier. – Comment écouter le malade ? Assis et aussi détendu que possible, pour préparer l’écoute, le médecin commence par interroger le malade, le laisse parler sans l’interrompre, l’encourage à continuer. Il s’agit là d’une écoute active qui développe l’empathie avec le patient. Afin que celui-ci comprenne qu’il a été entendu, le praticien peut répéter ou reformuler ce que vient d’exprimer le malade. Il lui adresse ainsi des signes de compréhension. Il le laisse formuler sa demande, ses interrogations, ses émotions, sans jugement ni commentaires. Parfois le respect du silence est salutaire. Quand le médecin a perçu la demande et les besoins du malade, il est prêt à communiquer l’information, la nouvelle. LA COMMUNICATION DE L’INFORMATION Il est préférable, avant de commencer, d’avoir une idée précise des objectifs à atteindre en fin d’entretien. À ce moment de l’entrevue, le professionnel de santé a connaissance de l’état d’information du malade et de sa demande. Il est en mesure de s’aligner sur le point de vue du patient. Le médecin peut reprendre les termes employés par le malade et lui montrer ainsi que ses propos sont pris au sérieux, ce qui éveille chez le patient un sentiment d’assurance et l’envie de faire confiance à son interlocuteur. Le médecin va procéder par petites étapes pour diffuser l’information, donner au patient “des bouts d’informations digérables”. L’utilisation d’un langage aisément compréhensible favorise la communication. Le recours au jargon médical exclut le patient. Il n’est pas inutile de contrôler la compréhension du malade, de répéter les messages, éventuellement d’écrire ou d’éclaicir les explications par un dessin, de demander s’il a des questions à poser, de le laisser prendre la parole, faire des pauses, exprimer ses émotions. En même temps que le soignant divulgue l’information, il reste à l’écoute constante du malade et ajuste son discours à la demade implicite de son interlocuteur. Il se laisse diriger par lui. Il guette la question dissimulée et incite le malade à expri191 C O A C H I N G mer ses préoccupations “inavouables” : certains patients sont, par exemple, plus préoccupés par la perte de leurs cheveux à l’occasion d’une chimiothérapie que par l’évolution de la maladie elle-même. Il convient de rechercher ces préoccupations et de les reconnaître ouvertement afin de renforcer la confiance du malade et sa réassurance. Quelles sont les informations importantes à fournir ? Ce sont celles que demande le patient et celles qui le concernent surtout à court terme. Envahi par l’émotion, le malade ne retiendra de ce premier entretien de l’annonce du diagnostic qu’une infime partie. Il est inutile de le noyer dans des détails qu’il n’entendra pas. Il se souviendra en revanche avec plus de précision de la communication non verbale, celle des postures, des gestes, de l’expression, de l’environnement : “le médecin était distant”, “le téléphone n’a pas arrêté de sonner”... Un deuxième rendez-vous s’impose, lorsque cela est possible, pour compléter l’information de l’annonce. Le patient a besoin de temps pour “intégrer” la nouvelle, s’adapter, discuter et réfléchir sur son traitement, en connaissance de cause. Les règles d’or de l’annonce Le malade peut exprimer toutes sortes de sentiments, froideur, révolte, tristesse... et souvent culpabilité. Son image est dévalorisée et il craint souvent le regard des autres, de ses proches, conjoint, enfants, mais aussi des collègues de travail. En exprimant ses émotions face au soignant qui sait les accueillir il peut reprendre une forme de confiance. Par des gestes simples, tendre un mouchoir à un malade qui pleure, le toucher, se rapprocher de lui, le médecin donne au malade l’autorisation d’exprimer sa souffrance. PRÉPARER L’AVENIR Le patient attend de son médecin qu’il l’aide à mettre de l’ordre et peut-être donner du sens dans tout ce trouble et qu’il propose une marche à suivre pour l’avenir. À ce stade, l’alliance passée entre soignants et malade est déterminante. Le patient a besoin d’être accompagné et écouté pour préparer son avenir. Le rôle de soutien du médecin ne s’arrête pas à l’issue de l’annonce de la mauvaise nouvelle. Cette étape marque le début d’un nouvel échange, d’une nouvelle relation, d’un contrat entre deux individus qui, ensemble, vont repenser la vie du malade, ou de l’handicapé, et élaborer un futur : le médecin s’adresse à la personne non plus en tant que “patient” mais en tant que parteniare de soins (1). ■ d’autant plus importantes que le pronostic vital est en jeu. – une information progressive – une information cohérente – une information adaptée à chaque patient et à sa demande – une information répétée P Réponse aux sentiments des patients La verbalisation des émotions est une étape déterminante de l’entretien. La phrase clé pourrait être “que ressentez-vous en ce moment ?” “Il s’agit de comprendre la réaction du patient, parfois agressive, sans la prendre pour soi. Le but étant de valider ses émotions, sans les juger, sans tenter de les réprimer et ensuite de les nommer ; ‘je vois à quel point c’est difficile pour vous’ (6)”. 192 O U R E N S A V O I R P L U S . . . 1. D’après Robert Buckman, S’asseoir Pour Parler, InterEditions, 1994. 2. Fritz Zorn, Mars, Paris, Gallimard, 1979. 3. Code de déontologie médicale, Titre II (Devoirs envers les patients), art. 35. 4. Dr Patrick Alvin, L’annonce d’une maladie chronique à l’adolescence, in : Espace éthique la Lettre 15-16-17 Hiver 2001-2002. 5. F.R. Zimmermann, Comment annoncer une mauvaise nouvelle ? www.meditorial.ch/plus/5.htm 6. D’après Suzy Soumaille, interview de Joëlle Wintsch, www.construire.ch/ SOMMAIRE/9749/49socie2.htm. La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 5 - septembre-octobre 2002