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Dur un produit révolutionnaire qui
marche, combien de radicales nouveau-
tés échouent dans les ornières de l'his-
toire industrielle ! Les parfums Bic vont-ils
connaître ce triste destin ? Les enterrer serait
certainement prématuré, mais à franchement
parler ces pauvres briquets ne vont pas fort. La
multinationale de Clichy déteste livrer des
chiffres, secret militaire de baronnie, mais, de
bonne source, il se vendrait une dizaine de
milliers d'unités par semaine alors que Bic
tablait sur 100 000 unités hebdomadaires pour
l'année de lancement. Première victime de ce
plantage, l'agence de publicité Young & Rubi-
cam vient d'être virée comme une malpropre.
Bonne chance à son successeur, la jeune agence
Callegari Berville. Bic persévère. Trop d'argent
a été investi dans cette aventure pour jeter
l'éponge après même pas un an d'existence. Une
mise de 120 millions de francs, dont 60 sous
forme industrielle, ce n'est pas rien.
22 février 1988 : le parfum qui va faire pouet !
pouet ! sur les écrans se met en place dans les
bars-tabac. Bic en lance quatre à son nom, des
créatures invraisemblables conditionnées
comme des briquets jetables au prix dément de
20 francs le mini-vaporisateur de poche. Tous
les professionnels manifestent un scepticisme
aigu. Les parfums avaient jusqu'à présent une
âme. Ils se vendaient, cher, sur de l'imaginaire
ajouté. Et ne voilà-t-il pas que Bic défie les lois
de la gravité ? Sait-on jamais toutefois : une
maison qui a inventé les stylos à pointe bille, le
rasoir puis le briquet jetable mérite considéra-
tion. Le baron Marcel Bich, 74 ans, et son fils
Bruno ont su montrer qu'ils avaient du nez,
même si en 1987 le groupe a plutôt tendance à
stagner avec un chiffre d'affaires de 6 milliards
de francs, en baisse de 2,2%.
Les premiers résultats s'avèrent prometteurs.
Les petits parfums de poche se débitent
tire-larigot. Prudent, Marcel Bich se contente
de répondre à ses actionnaires que le produit
« rencontre un succès de curiosité ».
Le baron a
raison d'être prudent. L'important, le cap déci-
sif à franchir, c'est que l'achat de curiosité soit
renouvelé. Et là, les choses se sont gâtées. A qui
la faute ? Le concept même d'un vrai parfum de
Blanc 89 des 3 Suisses. On relève parmi lest
nouveautés de linge de maison (literie) le trait
crayeux d'un portrait tracé par Jean Cocteau
en 1949.
poche à 20 francs est-il saugrenu, impratica-
ble? Ou bien des erreurs de commercialisation
ont-elles été commises ? Chez Bic, on ne va
évidemment pas renier son bébé. Alors le bouc
émissaire est tout trouvé : le publicitaire n'a pas
su valoriser le produit malgré un budget de
communication de 20 millions de francs (un
montant en fait bien modeste). L'incriminé
prend très mal l'accusation. Bic n'est pas un
client commode. Et en l'affaire, ce sont les gens
de Clichy qui ont décidé de tout, en rejetant
certaines des propositions de l'agence. Occu-
pez-vous de vos oignons, a-t-on répondu en
substance aux suggestions du marketing.
Première faute probable, pourquoi un extrait
de parfum et non pas de l'eau de toilette,
d'utilisation plus commode par des néophytes ?
Bic a tenu à ce que ce soit du vrai parfum, taxé
33 %. Deuxième erreur, le manque d'informa-
tion. Ni code ni mode d'emploi. Chacun des
quatre parfums sur le présentoir aurait dû être
clairement caractérisable et mis en valeur. Ce
ne sera pas le cas. Le présentoir est
cheap,
les
prénoms des parfums archaïques et communs
(Jour, Nuit, Sport, Homme), et la bivalence de
Sport, parfum pour hommes et femmes, prête à
confusion. Enfin, dernière erreur, une distribu-
tion exclusive réservée aux bars-tabac. Il aurait
fallu attaquer simultanément sur les grandes
surfaces, même si le ticket d'entrée y coûte cher.
Les femmes allant acheter leur parfum dans un
bar-tabac, comme si c'était un paquet de ciga-
rettes ou de chewing-gum, ce n'est pas évident.
Ce problème-là, Bic l'a compris. Ses parfums
vont être relancés en grande distribution. La
deuxième mi-temps commence.
PHILIPPE GAVI
Quand on sait le coût de la seconde de publicité
sur le petit écran, on a du mal à imaginer
qu'une agence pub, Australie, ait eu le culot de
proposer au public une minute de silence.
Pourtant, depuis le 17 octobre, c'est chose
faite. Le nouveau film d'Artron, de Schneider,
dure 1 minute 30 dont 60 secondes de silence,
troublé il est vrai par un bruit insolite qui se
révèle être, c'est le gag, celui d'un chien roupil-
lant. Le silence est dédié à la concurrence que
le téléviseur Artron enfonce totalement. Trop
de bruit souvent fait silence, trop de silence fait
du bruit.
LE BIDE DE BIC
Jour, Nuit, Sport, Homme, les parfums jetables de Bic ne font
pas un (bar) tabac. Justement on songe à les introduire en
grandes surfaces
COCTEAU EN DE BEAUX
DRAPS
UNE INCROYABLE MINUTE
DE SILENCE
los
/L'ORS ÉCONOMIE
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