Publié le 17 août 2012 à 08h51 |
Coup de coeur dans le Bas-du-Fleuve
Chez Saint-Pierre bistro-pub: une salle à manger chaude et hospitalière.
Collaboration spéciale, Carl Thériault
Marie-Claude Lortie
La Presse
(Le Bic) Voilà quelques semaines maintenant que je parcours les routes du Québec à la
recherche de bons repas, de bons restaurants.
J'ai mangé de l'excellente poutine au homard Chez Mamie, Pataterie gourmande à Saint-
Roch-des-Aulnaies, j'ai bu un délicieux café chez Nektar à Québec, je suis tombée
amoureuse sur-le-champ des glaces du Cinquième élément de Compton - surtout celle
aux pommes caramélisées. J'ai dévoré les samosas du «gars aux samosas» au marché
d'Ayer's Cliff et j'ai encore en tête l'esturgeon fumé de Mme Desgagnés à l'Isle-aux-
Coudres.
Mais mon meilleur repas, celui qui m'a le plus charmée, du début à la fin, de chaque
gorgée de vin à chaque bouchée de pain, c'est celui que j'ai pris au restaurant de la chef
Colombe St-Pierre, au Bic, dans le Bas-du-Fleuve.
Il faut environ six heures en voiture de Montréal pour s'y rendre. Je les referais n'importe
quand. Surtout qu'on trouve sur le chemin toutes sortes de bons arrêts gourmands pour
prendre ici un croissant, là une bouchée d'anguille, un club sandwich au canard ou un bol
de soupe aux légumes de la région. Et c'est sans parler des Jardins de Métis, tout près de
la destination finale.
Une fois au Bic, on se sent sur le bord de la mer et un peu au bout du monde, surtout avec
les collines du parc national, dont les rondeurs évoquent celles de Rio de Janeiro. Le
restaurant Chez St-Pierre est situé dans ce village dont les rues sont bordées de demeures
ancestrales. Il y a une petite terrasse ombragée si on veut manger à l'extérieur.
Mme St-Pierre, une femme énergique, a pris le parti, politique, de cuisiner le plus
possible les produits de sa région et de défendre les petits producteurs, cueilleurs,
transformateurs. Agneau, pousses en tout genre, légumes, plantes maritimes, fleurs,
champignons... Sa cuisine est fine, bien travaillée, très professionnelle et originale. Un
niveau de qualité tout simplement supérieur à tout ce que j'ai mangé jusqu'à présent dans
ma tournée.
Pour commencer le repas, on nous propose un potage ou une salade. Classique. Mais
dans l'assiette, ça ne l'est pas. La salade se remplit de feuilles différentes - roquette,
mâche, pousses de betteraves, mini-épinards, grosses feuilles dodues de basilic - toutes
plus savoureuses les unes que les autres. Le tout est enrobé d'une vinaigrette au
gingembre et au miso, dont le fameux goût umami et sucré complète bien la fraîcheur de
la verdure. Le potage, lui, est une crème de courgettes fine comme de la soie, rehaussée
par une huile de livèche et décorée d'une pensée qui ajoute une note poivrée.
Cuit doucement dans le vin rouge, le poulpe de l'entrée, présenté de façon spectaculaire
avec son tentacule affirmé, fond en bouche. Il est parfaitement complété par une
compotée de tomates fondues richement liée à la moelle. À côté, une tapenade ponctue le
tout de notes salées. Bravo. Une composition tout en équilibre et en moments complexes,
mais dont on retient surtout le doux et l'onctueux.
Le tartare de veau, de son côté, est tout aussi succulent et glisse dans la bouche tout en
finesse et en saveurs, sans trop d'acidité. La viande ne se fait pas oublier, probablement
parce que la chef la saumure à la sauge pendant 12 heures, un procédé qui l'assèche
légèrement et fait ressortir sa personnalité. Le plat est rehaussé de noisettes légèrement
torréfiées, d'huile d'oignon grillé et de feuilles de pourpier.
En plat principal, la fête continue avec un carré d'agneau de la ferme Bio-Rousseau de
Saint-Gabriel-de-Rimouski, goûteux, tendre et cuit exactement comme il faut - à la fois
bien rose et chaud - accompagné d'un mini-jarret braisé au gin et d'une mousse au shiso
évoquant de façon beaucoup plus exotique la menthe traditionnellement servie avec cette
viande. Les pousses d'épinards maritimes - de délicates petites feuilles sauvages bien
vertes et légèrement salées qu'on appelle aussi arroche - ajoutent leur acidité. Là encore,
les morceaux tombent ensemble pour compléter un puzzle à la fois classique et inédit.
Tout se tient.
Le contrefilet de bison, lui, se mange grillé avec une purée de courge et des gnocchis aux
raisins de Corinthe et aux pacanes, revenus dans du moult et coiffés de beurre noisette.
Une composition peut-être un peu costaude pour l'été, mais qui n'en est pas moins bien
exécutée et étonnante. Car c'est là tout l'intérêt de cette cuisine: elle nous rassure et nous
amène chez nous, vers des saveurs d'ici, pour mieux nous surprendre au détour avec la
note particulière d'un ingrédient inattendu ou une combinaison inédite.
Au dessert, on choisit la tarte à la framboise, évidemment, puisqu'on est en plein dans la
saison et on se régale non seulement des fruits et de la pâte délicate, mais de tout ce qui
l'entoure, en commençant par une glace à la menthe et à l'angélique qui rafraîchit le palais
comme un digestif. Le financier au butterscotch, lui, est lourd - seul élément moins
intéressant du repas - mais on l'oublie au profit des à-côtés, un festival de ganache au
chocolat et de glace à la fève tonka que l'on finit jusqu'à la dernière goutte. Miam.
Chez St-Pierre
129, rue du Mont Saint-Louis
Le Bic
418-736-5051
http://www.chezstpierre.ca
Prix: entrées 16 $, plats entre 35 $ et 44 $. Desserts 16 $. On peut aussi prendre une
table d'hôte qui oscille entre 50 $ et 60 $. Le restaurant offre également le repas du midi.
Carte des vins : Le sommelier, Jonathan, est excellent. Il a construit une carte remplie
de trouvailles, notamment de vins natures et en biodynamie, mais aussi de bons crus plus
classiques. Il est aussi de très bon conseil.
Décor : On est dans une maison traditionnelle québécoise, en bois, aménagée très
simplement, sans faux pas. Lumière tamisée. Niveau de bruit tout doux. Une terrasse
permet de manger à l'extérieur, le midi notamment.
Plus : Une cuisine particulièrement bien exécutée, professionnelle, toujours savoureuse,
qui sait mettre en valeur les produits de la région, cultivés et sauvages. Le tout dans un
petit village magnifique sur le bord du Saint-Laurent.
Moins : De Montréal, il faut compter six heures de route pour y aller !
On y retourne ? Oui, sans hésiter.
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