
Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 57 - troisième trimestre 2009
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Commande publique
L’entrée en vigueur de l’ordonnance
« Recours » ne devrait pas avoir d’incidence
sur les évolutions éventuelles à venir du
contentieux de ces contrats, l’ordonnance
n’ayant aucune vocation à le régir. Le
recours Tropic continue donc à présenter
un intérêt pour ces contrats.
1.2. Le contrôle de moyens inopérants
devant les juges des référés
Le juge du référé précontractuel limite son
contrôle aux seuls manquements aux
obligations de publicité et de mise en
concurrence applicables lors de la passation
des contrats. Il refuse ainsi de contrôler :
le respect du droit de la concurrence –
ententes et abus de position dominante4 –;
la compétence de la collectivité pour
contracter5, la compétence du signataire du
contrat6, le respect du principe de spécialité
des établissements publics7.
Plus restrictif encore est le nombre et la
nature des violations que le juge du référé
contractuel peut sanctionner. Celles-ci se
limitent, en effet, à l’absence totale de
publicité, l’absence de publication au Journal
officiel de l’Union européenne alors qu’elle
était requise, la violation de modalités de
remise en concurrence des marchés fondés
sur un accord-cadre ou un système
d’acquisition dynamique, la violation du
délai de suspension de la signature du
contrat, celle de l’obligation de ne pas signer
le marché quand un référé précontractuel a
été exercé, ou un manquement à une
obligation de publicité et de mise en
concurrence, seulement lorsqu’a été
méconnue l’une des deux suspensions.
Ainsi, l’exercice des référés ne peut suffire
à purger tout vice susceptible d’entacher
un contrat de la commande publique. La
voie de l’acte détachable et l’intervention de
trois juges dans le contentieux contractuel
a été dénoncée par le rapporteur public
Casas, et son archaïsme a constitué une
des justifications du revirement opéré dans
la décision Tropic.
Par ailleurs, le fait qu’un recours contre un
contrat soit rejeté par le juge du référé
contractuel, puis sanctionné par la voie du
plein contentieux ne devrait pas susciter de
difficulté particulière. En effet, la sanction ne
résultera pas de la violation des obligations
de publicité et de mise en concurrence. Cette
situation peut se rencontrer aujourd’hui. Rien
n’interdit en effet que la passation d’un contrat
soit validée par le juge du référé précon-
tractuel, puis que ce même contrat soit
sanctionné ultérieurement, sur un fondement
juridique différent. Le fait que le recours en
contestation de la validité du contrat et le
référé contractuel sont deux voies de recours
dirigées contre un contrat conclu, ne créé
pas de friction supplémentaire insurmontable.
Le recours en contestation de la validité
devrait donc, là encore survivre, comme voie
de recours complémentaire permettant le
contrôle des moyens que les juges des
référés refusent de connaître.
Pourtant, le recours Tropic est aussi ouvert
pour les manquements aux obligations de
publicité et de mise en concurrence, pour
lesquels des voies de recours spécifiques
existent. Cette superposition devrait rendre
une évolution de la jurisprudence Tropic
inéluctable.
2. L’adaptation nécessaire du
recours Tropic
2.1. Une impossible coexistence à
l’identique
2.1.1. La fragilisation par le recours
Tropic de l’objectif d’incitation à
utiliser le référé précontractuel
Une caractéristique du système de recours
issu de la modification des directives
« Recours » est de faire en sorte que les
obligations issues des directives
« Marchés » soient contrôlées au moment
opportun. Ainsi, lorsque des éléments de
la procédure de passation des marchés
peuvent être contrôlés avant que le contrat
soit signé, ils ne peuvent plus l’être après
la signature. Il n’est possible de déroger à
cette règle que lorsque le juge du référé
4 CE, 24 octobre 2001, Collectivité territoriale de la
Corse, n° 236293.
5 CE, 30 juin 1999, Demathieu et Bard, n° 198993.
6 CE, 8 février 1999, Société Campenon-Bernard,
n° 188100.
7 CE, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la
Côte d’amour et de la presqu’île guérandaise,
n° 209319.
Le recours Tropic
comme voie de
recours
complémentaire
permettant le
contrôle des
moyens que les
juges des référés
refusent de
connaître