d5 - comment modeliser une force de frottement

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D5 - COMMENT MODELISER UNE FORCE DE FROTTEMENT ?
Repères
Cette séance fait suite à l’étude expérimentale de la chute dans un fluide. Le but est ici d’utiliser les
données expérimentales obtenues précédemment pour construire un modèle en termes de force des
frottements fluides.
Pour cela on utilise un outil de résolution numérique : ici la méthode d’Euler.
Le principe de cette étude est le suivant.
On formule différentes hypothèses plausibles concernant la forme de la relation liant la valeur de la force
f représentant les frottement fluides à la vitesse v du solide en mouvement dans le fluide.
L’application de la deuxième loi de Newton au solide en mouvement permet alors d’établir une équation
différentielle dont la fonction inconnue est l’expression, en fonction du temps, de la vitesse v (t).
La résolution de cette équation différentielle par la méthode d’Euler fournit une courbe représentative de
la fonction cherchée.
Pour construire le modèle de la force de frottement fluide, on raisonne alors de la manière suivante : si
l’hypothèse de départ concernant l’expression de la force de frottement est bonne, une courbe théorique
obtenue par la méthode d’Euler doit passer au plus près des points expérimentaux. Si, au contraire, il est
impossible d’obtenir un recouvrement acceptable, l’hypothèse de départ doit être revue. Sur la base d’une
analyse physique du désaccord, une nouvelle hypothèse est alors testée.
Dans cette activité, les élèves sont conduits à examiner successivement les deux hypothèses simples
f = k.v et f = k’.v² concernant le modèle des frottements fluides qui interviennent au cours de la chute.
On constate alors qu’il est possible de déterminer dans chaque cas la valeur de k ou de k’ de manière à
obtenir une courbe passant au plus près des points expérimentaux. La qualité de ce recouvrement dépend
du fluide, des conditions de chute et de l’objet en chute. On montre néanmoins que, quel que soit le
modèle envisagé 1 pour la force f, il est toujours possible de distinguer deux régimes d’évolution
(transitoire puis permanent) et de déterminer la valeur d’une vitesse limite de chute2. On montre, en
outre, que l’accélération du mouvement varie toujours de manière continue entre la valeur initiale g(1V/M) et la valeur finale 0.
Travail proposé
Chaque groupe d’élèves travaille sur l’un des enregistrements étudié dans la séance précédente (cf. fiches
« D3 – Quel est le mouvement d’un solide en chute dans l’air ? De quoi dépend-il ? » ou « D4 – Quels
sont les paramètres qui influent sur la chute d’un solide dans un liquide ? »). Il dispose dans son tableur
de la feuille de calcul dans laquelle sont reportées les coordonnées des points expérimentaux, le calcul
des vitesses, ainsi que leur représentation dans le plan ( t , v ).
1
En général, les deux hypothèses simples envisagées ne peuvent être départagées par la seule expérience de chute
dans un fluide. Pour obtenir un résultat plus probant, il serait nécessaire de s‘interroger sur la nécessité de prendre
en compte dans l’établissement de l’équation différentielle, outre les frottements visqueux, l’inertie du fluide au
contact de l’objet en chute. Cette modélisation plus difficile et hors de portée pour un élève de terminale ne sera pas
envisagée ici.
2 On pourra se reporter au texte de Complément scientifique sur les forces de frottement pour une mise au point des
différents modèles possibles.
1. Hypothèses concernant les frottements
Les élèves ont eu à lire le texte d’Huygens intitulé « comment et pourquoi l’air et l’eau ralentissent-ils la
chute des corps » (texte et questions3 donnés ici en dernière page). Dans ce texte, Huygens discute deux
hypothèses concernant la relation liant la force des frottements f à la vitesse v du solide dans l’air.
Le travail proposé aux groupes peut alors se présenter de la manière suivante :
Proposition de questions :
Quelles sont les deux hypothèses successives de Huygens concernant la relation entre force de
résistance (ou force de frottement) f et vitesse v ?
Écrivez les relations traduisant celles-ci .
On se propose, pour commencer, de tester l’hypothèse la plus simple. Quelle est cette hypothèse ?
L’hypothèse la plus simple à tester, est donc une force de frottement de type f  k.v
2. Premier essai de modélisation : avec l’hypothèse f = k.v
2.1. Établissement de l’équation différentielle :
Appliquez au solide en chute la deuxième loi de Newton (vous pouvez vous aider au moyen d’un
diagramme objet-interactions de manière à bien prendre en compte toutes les actions qui
s’appliquent au solide en chute).
Montrez alors qu’avec l’hypothèse faite concernant les frottements, la vitesse v satisfait à une
équation différentielle de la forme :
dv
 B.v  A
dt
Diagramme objet-interactions4 :
Terre
(T)
Frottements
fr
Ballons
+ lest
(B)
Poussée
d’Archimède
Air
(A)
)
La
deuxième
loi
de
Newton
s’écrit :



F( T / B )  F( A / B )  f( A / B )  M
Avec F( A / B )  Vg (V étant le volume des ballons)
et f( A / B )  k.v (par hypothèse).
On obtient donc arithmétiquement la relation suivante
(tout étant unidirectionnel) : Mg  Vg  kv  Ma
L’équation différentielle (1) s’obtient en divisant le tout par la masse M.
dv
V
 B.v  A (1) avec A  g(1 
) (2) et
dt
M
B
k
(3)
M
On pourra se référer au document "TG1 - De l’usage des textes documentaires dans l’enseignement des sciences
physiques" pour des suggestions sur l’exploitation didactique de ce texte.
4 Nous donnons ici l’exemple de la chute d’une grappe de ballons dans l’air. Le même type de calculs vaut pour tout
solide en chute dans un fluide visqueux.
3
On fait alors remarquer aux élèves que l’équation différentielle (1) est de même type que celle qui a été
écrite lors de la charge d’un condensateur pour la fonction q(t) ainsi que celle qui a été écrite pour
l’établissement d’un courant électrique dans une bobine inductive pour la fonction i(t) et qu’ils savent
résoudre cette équation.
Montrez que l’estimation de la vitesse limite permet de calculer la valeur de B. Effectuez alors les
calculs de A et de B pour la chute dont vous avez l’enregistrement.
A est donné par la relation (2)
B est déduit de la relation (1) : lorsque v est constante (vitesse limite) la dérivée de v est nulle et
B
A
v lim
A titre d’exemple nous donnons ci-dessous les résultats trouvés avec l’enregistrement de la chute
correspondant au document "chutair 22g" donné sur le cédérom.
Le volume des ballons est 5,4 L5 et la masse en chute est 22 g . On obtient6 A = 6,95 m.s-2. En prenant
pour la vitesse limite 2,45 m.s-1 le calcul donne B = 2,85 s-1.
Avec ces valeurs exprimées en unités SI, l’équation différentielle s’écrit alors numériquement de la façon
suivante :
5
6
dv
 2,85.v  6,95
dt
Ce volume est obtenu en mesurant le diamètre moyen de chaque ballon assimilé à une sphère.
En prenant la masse volumique de l’air à une température de 25°C, soit 1,19 g.mol -1
2.2. Résolution de l’équation différentielle par la méthode d’Euler.
On rappelle aux élèves le principe de la méthode :
Les accélérations sont données par l’équation différentielle :
acalc n  6,95  2,85.vcalc n
Les vitesses, calculées à partir des accélérations, sont
données
par la relation : vcalcn 1  vcalcn  acalcn  t
Les élèves effectuent à la main les calculs des trois ou
quatre
premières valeurs de vcalc et de acalc.
On définit alors deux nouvelles colonnes de la feuille pour
les calculs
de vcalc et acalc (dans notre exemple les colonnes D et E). On
porte
la
valeur 0 comme première valeur de la vitesse
calculée(cellule D4). Puis on écrit la formule de
l’accélération correspondante (cellule E4). A la ligne
suivante,
on peut écrire alors la formule de la vitesse sous la valeur
zéro
(cellule D5). On recopie alors jusqu’au bas du tableau de
valeurs les
contenus des cellules D5 et E4 et l’on demande la
construction de la courbe représentative de vcalc = f(t). On
obtient un
résultat analogue au suivant (nous prenons toujours comme exemple le document "chutair 22g").
On constate que la courbe, passe au voisinage des points expérimentaux. Elle se situe cependant plutôt audessous de ces points. L’hypothèse f = k.v n’est donc pas tout à fait satisfaisante.
On propose alors aux élèves de tester la deuxième hypothèse proposée par Huygens.
3. Deuxième essai de modélisation : avec l’hypothèse f = k’.v²
Il s’agit maintenant de tester de la même façon l’hypothèse f = k’.v². Cela qui signifie qu’il faut
réexprimer l’équation différentielle et déterminer les valeurs des constantes.
L’équation différentielle s’écrit
dv
V
 Cv ²  A avec A  g(1 
) et
dt
M
C
k
M
Dans ce cas, seule la valeur de C est modifiée : quand v = v lim = 2,45 m.s-1 , on a
C
A
v lim ²
 1,16 m –1 et l’équation différentielle à résoudre est :
dv
 1,16.v²  6,95
dt
On remplace, dans la colonne E la formule de calcul de acalc par 6,95–1,16*D4^2 (cellule E4)
On obtient alors le tracé suivant :
Ici encore, on constate que la courbe, passe au voisinage des points expérimentaux. Le recouvrement est
assez bon excepté dans la partie centrale de la courbe. Cette deuxième hypothèse semble plutôt mieux
vérifiée que la première.
Conclusion
1. Les résultats précédents ne permettent pas de choisir à coup sûr quelle est, des deux hypothèses,
f = k.v ou f = k’.v², celle qui modélise le mieux les frottements visqueux au cours de la chute
étudiée. Les deux courbes, passant cependant près des points expérimentaux, confirment que les
frottements peuvent être modélisés par une force qui augmente avec la vitesse.
2. Le fait que les courbes obtenues passent tantôt au-dessous, tantôt au-dessus, des points expérimentaux
incite à penser que les hypothèses formulées par Huyghens, qui ont le mérite de la simplicité, sont
insuffisantes pour modéliser le phénomène de manière plus satisfaisante. Une modélisation plus
précise supposerait des hypothèses plus complexes7.
3. Les courbes obtenues dans les deux cas montrent néanmoins, qu’il est toujours possible de distinguer
dans le phénomène deux régimes d’évolution : un régime transitoire accéléré suivi d’un régime
permanent à vitesse constante (la somme des forces est alors nulle) et de déterminer la valeur d’une
vitesse limite de chute.
4. Elles montrent également que, pendant la phase transitoire, l’accélération du mouvement varie
toujours de manière continue entre la valeur initiale g(1-V/M) et la valeur finale 0.
compte, notamment, qu’une certaine masse d’air  est entraînée dans le mouvement de chute et donc
accélérée comme l’objet.
7 Tenant
Texte documentaire : comment l'air ou l'eau ralentissent-ils la chute d'un corps ?
Christian Huygens, dans son Discours de la cause de la pesanteur, écrit ceci en 1690 :
« J’ai vu avec plaisir ce que Mr. Newton écrit touchant les chutes et les jets des corps pesants dans l’air,
ou dans quelque autre milieu qui résiste au mouvement, m’étant appliqué autrefois à la même recherche.
...
J’examinerai premièrement ces mouvements en supposant que les forces de la
résistance sont comme 8 les vitesses des corps, ce qui, alors, me paraissait fort
vraisemblable. Mais ayant obtenu ce que je cherchais, j’appris presque en même
temps, par les expériences que nous fîmes à Paris dans l’Académie des Sciences, que
la résistance de l’air et de l’eau était comme les carrés des vitesses. Et la raison est
assez aisée à concevoir ; parce qu’un corps, allant par exemple avec double vitesse,
est rencontré par deux fois autant de particules de l’air ou de l’eau, et avec double
célérité. Ainsi je vis ma nouvelle théorie renversée, ou du moins inutile.
…
Pour expliquer ce qui est des chutes des corps, je répète ici premièrement ce que j’ai
écrit à la fin du traité du Centre d’Agitation : à savoir qu’un corps, en tombant à
travers l’air, augmente continuellement sa vitesse, mais toutefois en sorte qu’il n’en
peut jamais excéder, ni même atteindre, un certain degré9, qui est la vitesse qu’il
faudrait à l’air à souffler de bas en haut, pour tenir le corps suspendu sans pouvoir
descendre ; car alors, la force de l’air contre ce corps égale sa pesanteur10. J’appelle
cette vitesse, dans chaque corps, la vitesse Terminale. »
Questions
1. Quelles sont les deux hypothèses successives de Huygens concernant la relation entre force de
résistance (ou force de frottement) f et vitesse v ?
2. Que pensez vous du justificatif de la première hypothèse de Huygens ?
3. Quelle sorte d’argument incite Huygens à changer d’opinion ? Comment Huygens justifie-t-il
théoriquement et a posteriori cette hypothèse ? Reformulez l’interprétation de cette seconde
hypothèse. Que pensez vous de cette interprétation ?
4. Dans le dernier paragraphe, Huygens énonce deux affirmations :

l’existence d’une vitesse limite de chute

une fois cette vitesse limite atteinte, l’égalité entre cette vitesse et celle qu’il faudrait donner à un
vent vertical, vers le haut, pour tenir le corps en équilibre en l’air malgré son poids.
Justifiez les deux affirmations de Huygens par l’application des lois de Newton.
8 Quand on lit « sont comme » dans un texte de cette époque, il faut comprendre « sont
proportionnelles ».
9 Quand on lit « un certain degré » il faut comprendre « une certaine valeur ».
10 Lire « égale son poids ».
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