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CHROMOSOME PHILADELPHIE
La leucémie myéloïde chronique (LMC) est une
hémopathie maligne caractérisée par une
prolifération myéloïde clonale affectant les cellules
souches et leur descendance (sans blocage de la
maturation) dans la moelle osseuse et le sang
périphérique.
Elle est caractérisée par la présence d’une anomalie
chromosomique : le chromosome Philadelphie ou
Ph+.
Depuis les années 2000, il existe un traitement
spécifique de la LMC faisant appel à une nouvelle
classe thérapeutique appelée inhibiteurs de tyrosine
kinase (ITK) avec, comme chef de fil, le GLIVEC®
(Imatinib mesylate).
Le chromosome Philadelphie est issu de la
translocation réciproque entre les chromosomes 9 et
22, respectivement en position 9q34 au niveau du
gène Abelson (ABL) et en position 22q11 au niveau du
gène BCR (pour Break point Cluster Region). Il a été
décrit pour la première fois en 1960 par Nowell et
Hungerford.
Au niveau moléculaire, cette translocation induit la
formation d’un gène de fusion, BCR-ABL, codant une
protéine chimérique, BCR-ABL, ayant une forte activité
tyrosine kinase (activité constitutive). Cette activité
tyrosine kinase est impliquée dans différentes voies de
signalisation cellulaire et est responsable de la
maladie. La localisation des points de cassure sur les
gènes est variable, ce qui aboutit à des ARNm
différents.
Dans la grande majorité des cas (95 %), la cassure au
niveau du chromosome 22 se produit dans la région
M-BCR (M pour major). Les transcrits issus de cette
cassure sont traduits en une protéine de 210 kD
(transcrits b2a2 et b3a2). Il existe également des
réarrangements plus rares avec des points de cassure
dans la région m-BCR (m pour minor, transcrit e1a2)
formant une protéine de 109 kD, ou dans la région
μ-BCR (transcrit e19a2) formant une protéine de 230
kD. D’autres transcrits rares sont également décrits.
La protéine chimérique BCR-ABL est une protéine
membranaire possédant un domaine cytoplasmique.
Le domaine SH1 de la partie ABL contient le site kinase
qui fixe l’ATP. La partie BCR de la protéine possède le
domaine de dimérisation. La dimérisation de BCR-ABL
entraîne l’activation constitutive du site kinase de
BCR-ABL.
Les substrats phosphorylés par BCR-ABL, sont
nombreux : GRB-2, SHC, STAT5, DOK, CRK. La
phosphorylation de ces substrats va entraîner
l’activation de différentes voies de signalisation
cellulaires : voie des MAP-RAS kinases, voie de STAT
(augmente la production des facteurs de croissance
myéloïde : IL3, GM-CSF, G-CSF), PIK3, MYC, SRC family
kinase, NF-KB. Au niveau cellulaire, les conséquences
de l’activation de ces différentes voies sont : une
augmentation de la prolifération cellulaire, une
diminution de l’adhérence au stroma médullaire, une
diminution de l’apoptose.
PRELEVEMENT
Pour la cytogénétique conventionnelle et la FISH, les
prélèvements doivent être faits stérilement : moelle
osseuse, sang, liquides d'épanchement. Les
prélèvements sanguins et médullaires doivent être
réalisés sur tube hépariné (ou seringue héparinée
pour les moelles osseuses).
Pour la biologie moléculaire : sang total prélevé sur
tube EDTA ou tube PAX gene.
Une fiche de renseignements cliniques doit
accompagner le prélèvement mentionnant le ou le(s)
diagnostic(s) évoqué(s) ou connu(s) de la maladie en
cas de suivi, le stade de la maladie, les traitements
actuels et les autres données biologiques
hématologiques.
CHROMOSOME PHILADELPHIE
(
Ph+
)
DEFINITION
RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES
PHYSIOPATHOLOGIE
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CHROMOSOME PHILADELPHIE
CONSERVATION ET TRANSPORT
Le prélèvement doit être transmis le plus rapidement
possible au laboratoire réalisant l’analyse du
caryotype.
Pour la biologie moléculaire : les tubes EDTA doivent
être transmis dans les 3 h suivant le prélèvement au
laboratoire ; les tubes PAX gene doivent être congelés
dans les 4 h suivant le prélèvement et transmis
congelés.
LE CARYOTYPE MEDULLAIRE
En cytogénétique conventionnelle, il est possible
d’identifier le chromosome Ph par mise en évidence
d’une t(9;22)(q34;q11) sur le caryotype. Le caryotype
médullaire reste la technique de référence dans la
prise en charge des patients atteints de LMC. Sa
réalisation est indispensable au diagnostic et au cours
du suivi. Il permet, de plus, de mettre en évidence des
anomalies chromosomiques additionnelles au
diagnostic ou survenant durant l’évolution de la
maladie (trisomie 8, isochromosome i(17q),
trisomie 19, duplication du chromosome Philadelphie
ou t(3;21)(26;q22)).
Il est cependant important de noter que, chez moins
de 10 % des patients atteints de LMC, le chromosome
Ph1 n’est pas visible au caryotype (notion de « Phi
masqué » par insertion entre les chromosomes 9 et 22
ou présence d’un réarrangement complexe). Il
convient alors d’utiliser une autre technique.
L’HYBRIDATION IN SITU EN FLUORESCENCE OU
FISH
Il s’agit d’une technique de cytogénétique moléculaire
permettant de mettre en évidence le gène de fusion
BCR-ABL. Elle consiste à hybrider des sondes
nucléiques marquées par un fluorochrome sur des
préparations interphasiques ou métaphasiques.
Les sondes fluorescentes utilisées sont fabriquées de
façon à mettre en évidence tous les réarrangements
possibles de BCR-ABL : M, m et μ.
Cette technique permet également de mettre en
évidence la présence d’une délétion au niveau de la
bande 9q34 du dérivé 9 transloqué t(9;22) rapportée
chez environ 15 % des patients atteints de LMC.
En cas d’échec de culture du caryotype, la technique
FISH permet de mettre en évidence facilement le gène
de fusion BCR-ABL.
LA BIOLOGIE MOLECULAIRE : TECHNIQUES PCR
L’étude par biologie moléculaire des transcrits BCR-
ABL est actuellement indispensable à la prise en
charge des LMC. Elle se réalise après amplification par
une technique PCR. En raison des nombreux points de
cassure sur les gènes BCR et ABL, on n’amplifie pas
directement l’ADN, mais les ARNm correspondants par
des techniques de RT-PCR. Techniquement, on extrait
l’ARN des leucocytes, puis, par reverse transcriptase
(RT), on synthétise l’ADN complémentaire (ADNc) qui
est à son tour amplifié au moyen d’une PCR.
En fonction des indications plusieurs techniques sont
disponibles :
La RT-PCR Multiplex : méthode qualitative
Cette technique permet de rechercher l’ensemble des
transcrits BCR-ABL.
Plusieurs couples d’amorce sont utilisés
simultanément pour permettre de détecter les
différents réarrangements possibles : e1a2, b2a2,
b3a2, e19a2,…
Il s’agit d’une technique qualitative permettant de
mettre en évidence un type de transcrit BCR-ABL pour
un patient donné. Elle est utile pour confirmer le
diagnostic de LMC chez un patient Ph- au caryotype,
et pour l’évaluation de la maladie résiduelle (la
quantification du transcrit sous traitement nécessite
qu’il ait été auparavant identifié).
La RQ-PCR : méthode quantitative
Il s’agit d’une RT-PCR en temps réel, c'est-à-dire d’une
RT-PCR quantitative. Elle permet de mesurer le taux de
transcrits BCR-ABL et d’évaluer sa cinétique
d’évolution au cours du temps. Pour cette raison, il
sagit de la technique de référence pour la prise en
charge et le suivi de la maladie résiduelle des patients
atteints de LMC.
La quantification du transcrit BCR-ABL peut se faire sur
la moelle osseuse ou le sang. Elle se mesure par
rapport à l’expression d’un gène de référence
(généralement, le gène ABL).
METHODES DE DOSAGE
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CHROMOSOME PHILADELPHIE
Cette technique permet d’évaluer de manière précise,
au diagnostic et au cours du suivi, la masse tumorale.
Elle permet également d’évaluer l’efficacité du
traitement, notamment pour les patients étant en
rémission hématologique et cytogénétique complète,
puisqu’elle permet de quantifier la maladie résiduelle
moléculaire.
La réalisation d’une RT-PCR qualitative au diagnostic
est indispensable afin de déterminer le type de
transcrit et d’utiliser les amorces lui correspondant.
L’évaluation de la réponse cytogénétique et
moléculaire est essentielle dans l’évaluation de la
réponse au traitement. L’objectif thérapeutique est la
disparition des cellules Ph+.
Suivi de la réponse cytogénétique et moléculaire
Réponse au traitement % de cellules Ph+
Majeure Complète 0 %
Partielle 1 -35 %
Mineure 36 -65 %
Minime 66-95 %
Absence de réponse 96-100 %
La RMM ou réponse moléculaire majeure est un
objectif thérapeutique prépondérant. Elle est définie
par une diminution du taux de transcrit Bcr-Abl
supérieure ou égale à 3 log depuis le diagnostic.
La réponse moléculaire complète correspond à un
taux de Bcr-Abl inférieur au seuil de détection de la
RQ-PCR (maladie résiduelle non détectable).
L’objectif thérapeutique est l’atteinte de la RMM à 18
mois, puis l’obtention d’une réponse moléculaire
complète.
N/A : non applicable
HR : haematologic response (Pt <450, WBC <10,
absence de myélémie et basophilie < 5 %)
CHR : complete haematologic response
CgR : cytogenetic response CCgR : complete CgR
PCgR : partial CgR
MMolR : major molecular response
Une réponse sub-obtimale est définie par une
décroissance du taux de transcrit Bcr-Abl, mais sans
atteindre la RMM à 18 mois. Il est à noter que
l’absence de RMM dès 12 mois correspond à un signal
d’alarme et nécessite une surveillance accrue du
patient.
Enfin, la résistance au traitement se caractérise par un
arrêt de la décroissance du taux de transcrit Bcr-Abl et
l’échappement au traitement, par une augmentation
du taux de Bcr-Abl confirmée par deux analyses de RQ-
PCR successives.
En cas d’absence ou de réponse moléculaire
insuffisante, on s’assurera en premier lieu de la bonne
observance du traitement.
Si l’observance est bonne on pourra envisager :
-
Le dosage plasmatique de l’imatinib : certains
patients, même traités correctement à la dose de 400
mg/j, n’atteignent pas une concentration plasmatique
efficace. D’autre part, certaines interactions
médicamenteuses peuvent interférer sur la
concentration efficace d’imatinib.
Caryotype
médullaire FISH RT-PCR RQ-PCR
Diagnostic
et/ou
avant
instauration
du
traitement
Obligatoire
Non obligatoire
au diagnostic
(sauf si Ph-
devant tableau
évocateur ou
échec de
culture)
Recommandée Recommandée
Evaluation
de la
réponse au
traitement/
maladie
résiduelle
Recommandé
tous les 6
mois la
première
année, puis
tous les ans
Si Ph- au
diagnostic
ou si échec de
culture
Non
Recommandé
tous les 3 mois
pendant 1 à 2
ans puis tous les
6 mois.
Time Failure Suboptimal
response
Warnings Optimal
response
Diagnosis N/A N/A High risk, del
9q, additional
chromosomal
abnormalities
N/A
3 months
after
diagnosis
No HR Less than HR N/A CHR
6 months
after
diagnosis
Less than
CHR, no
CgR (Ph+
>95%)
Less than
PCgR
(Ph+>35 %)
N/A At least PcGR
(Ph+> 35 %)
12
months
after
diagnosis
Less than
PCgR
(Ph+>35%)
Less than
CCgR
Less than
MMolR
CCgR
18
months
after
diagnosis
Less than
CCgR
Less than
MMolR
N/A MMolR
INDICATIONS DES EXAMENS
SUIVI DE LA MALADIE SOUS TRAITEMENT :
INTERPRETATION DES RESULTATS
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE ABSENCE OU
UNE PERTE DE RMM
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CHROMOSOME PHILADELPHIE
- La recherche de mutations ponctuelles dans le domaine
tyrosine kinase de BCR-ABL doit être réalisée, il s’agit en
effet dun mécanisme de résistance relativement
fréquent. L’émergence de certaines mutations précède la
progression de la maladie. Les mutations situées dans la
boucle P constituent un facteur de mauvais pronostic. La
mutation T315I confère une résistance au traitement, quel
que soit l’ITK utilisé.
POUR EN SAVOIR PLUS
Goldman JM, Melo JV. Chronic myeloid leukemia –
advances in biology and new approaches to
treatment. N Engl J Med. 2003 ;349 :1451-1464
Kantargian H, Sawyers C, et al. Haematologic and
cytogenetic responses to imatinib mesylate in chronic
myeloid leukemia. N Engl J Med. 2002 ;346 :645-652
.
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