Chapitre 2 – p.2
L’essentiel de la dynamique du développement, pour Rostow, tient à la modification des
comportements d’épargne qui vont permettre un accroissement de l’investissement et donc
une accélération de la croissance de la production par tête.
Passage de la stagnation (étape 1) à une accumulation primitive (étape 2) qui financera le
take-off (étape 3). La perspective de Rostow est fortement influencée par l’analyse
néoclassique de la croissance puisque l’épargne est le point de départ du processus de
croissance et de développement.
Cette dynamique suppose une modification :
des conditions économiques et techniques :
o possibilité de dégager un surplus qui peut se transformer en épargne, ce qui
suppose une monétisation de l’économie, des progrès techniques…
o mais aussi occasions d’investir (développement des marchés, de certains
débouchés, existence d’une main d’œuvre disponible…) ;
des mentalités :
o l’épargne de ce surplus n’est pas automatique – voir les sociétés traditionnelles
analysées par les anthropologues (voir Mauss) ;
o qui plus est, la transformation de cette épargne en capital n’est pas non plus
naturelle (voir Weber);
ces transformations passent par l’émergence d’une nouvelle classe, une élite
économique à la culture plus ouverte à la logique capitaliste.
Parmi les nombreuses critiques portées à Rostow :
la hausse statistique du taux d’épargne dans les phases 2 et 3 n’en fait pas pour autant
une cause de la croissance et du développement ; Hirschman affirmera que c’est au
contraire la manifestation de la croissance et du développement qui augmente les
occasions d’investir et donc incitent à épargner (Hirschman, 1988)…
de manière plus générale, on a assisté très rapidement à une critique de l’idée du
développement comme succession d’étapes prédéterminées et uniquement valables, a
posteriori, pour certains pays industriels :
o d’un côté des critiques hétérodoxes, notamment marxistes comme Bettelheim
(1961) qui voyaient dans cette théorie une justification, au nom du rattrapage,
de la domination extérieure (sous forme d’IDE et de prêts) ; les marxistes
comme Bettelheim proposeront des stratégies de développement auto-centrées
pour s’arracher à la dépendance vis-à-vis des pays industriels et pour réussir
une croissance accélérée sans passer par les différents stades décrits par
Rostow ;
o d’un autre côté des critiques moins radicales qui insistent sur le caractère trop
déterministe de la théorie de Rostow et préfèrent l’idée principale d’une entrée
dans la croissance moderne, comme le fera Kuznets plutôt que d’un
enchaînement de relations causales par étapes ; Rostow considère en fait que la
différence est minime entre son concept de Take-Off et celui de Kuznets
d’entrée dans la croissance moderne (Rostow, 1988) ; en réalité, les critiques
de Kuznets portent surtout sur le manque de fondements analytiques (Kuznets,
1972) et empiriques (Gerschenkron, 1962) dans l’explication du passage d’une
étape à l’autre.
L’hétérogénéité des situations des PVD depuis la seconde guerre mondiale, le succès
fulgurant de certains pays asiatiques, la stagnation de la plupart des pays africains, la
récession des pays latino-américains ont renforcé la critique de l’approche en termes
d’étapes.