Huet Cécile La Révolution Industrielle Patrick Verley Folio histoire – première édition 1985 – nouvelle édition mise à jour 2005 Plan « La Révolution industrielle - Histoire d'un problème » (pp. 13-120) Introduction I – L’expansion des marchés II – Les facteurs de la croissance industrielle III – Les formes d’organisation de la production et la question de la « transition » vers l’industrie moderne IV – Voies nationales d’industrialisation « Acteurs et facteurs » (73 articles) Fiche de lecture : p.464 / p. 503 – les 6 derniers articles du livre « Take-off » : p.464 – 469 Technologie, économie et révolution industrielle : p.470 – 476 Guillaume Ternaux et la modernisation de l’industrie lainière française : p.476 – 483 Transfert de la technologie : p.483 – 488 L’analyse de la révolution industrielle britannique de E. A. Wrigley : p.488 – 495 « Z-goods models » de transition entre proto-industrialisation et industrialisation : p.495 – 503 « Take-off » Le terme anglais signifie un décollage pour un avion, métaphore que Rostow utilise tout au long de son livre (« The Economics of Take-off into Sustained Growth » - 1963). Il entend par « take-off » le moment où l’économie décolle, c’est-à-dire notamment lorsque le PNB augmente sans ralentissement « croissance auto soutenue ». Son modèle, lui permettant de dater le « take off » pour les différents pays, repose sur la relation entre l’investissement net et la croissance par tête. En effet, selon lui, pour qu’il y est croissance auto soutenue, le taux d’investissement net doit sensiblement augmenter (passer de 5% du PNB à plus de 10%), ce qui permet une augmentation du taux de croissance par tête. Et c’est en observant l’évolution de ces taux qu’il analyse une diversité du « take-off » selon les nations. En Grande-Bretagne : le taux de croissance par tête serait passé de 0.2% entre 1740 et 1780 à 1% entre 1780 et 1800. Chiffre confirmé par la croissance du produit industriel, qui serait passé de 0.9% à 2.8% (pour se stabiliser à environ 4% après 1800). On peut donc voir une rupture en 1780 mais de nombreux économistes, comme P. Deane et H.J. Habakkuk en 1963, parlent plus d’une progression graduelle que d’un « take-off » au sens de Rostow. A l’inverse, Feinstein en 1978 (analyse la plus récente) appui la thèse de Rostow en parlant du taux le plus élevé de la formation brute de capital fixe entre 1781 à 1800 « take-off » britannique entre 1780 et 1800. Les historiens et économistes s’accordent pour une absence de « take-off » pour la France où on a pu voir une croissance régulière depuis le début du XVIII°, sans réelle rupture. Croissance cyclique (3 cycles de croissance) pour certains auteurs mais jamais vraiment de rupture : 1799-1844 1855-1884 1895-1913. Des économistes comme Crouzet au Lévy-Leboyer s’accordent eux aussi sur une croisse cyclique et évolutive, avec une première accélération à partir de 1815 Pour l’Allemagne, le cas est complexe car « plusieurs flambée de croissance » : 1er avec 1815 (mécanisation de la filature), 2ème dans les années 30 (formation du Zollverein*), 3ème en 1850 (développement de l’industrie lourde) et la quatrième après 1870. On a tendance à le placer le take-off entre 1830 et 1850. Technologie, économie et Révolution Industrielle Un modèle - Le progrès technologique vient de la pression économique, l’inventeur ne travaillait pas au hasard mais répondait à des problèmes éco. Souvent, deux inventions en même temps (Bourdon et Nasmyth : le marteau pilon en 1839 résout la même difficulté). - Corrélation encore plus flagrante pour la diffusion du progrès techno. Les travaux de Berthollet dans la chimie se diffusent en G.B pour faire face au goulet d’étranglement engendré par la croissance de production textile. - Innovation répond à un besoin éco, dépend du prix des facteurs de production et de la structure d’organisation de la production rétablir un équilibre perturbé par les innovations. - « L’optimisation économique allait dans le sens du remplacement du travail (labour-saving) par du capital (capital intensive). » - La technologie, une fois lancée par un processus innovateur, acquiert une certaine autonomie grâce au jeu entre goulet d’étranglement et marché exemple de l’augmentation de la production de tissage et le problème du blanchiment. - On comprend pourquoi le transfert technologique a pu être parfois difficile, il répondait à des besoins socio-éco précis le facteur travail était bon marché sur le continent alors que le charbon était cher (moins besoin de machine à vapeur ou de fonte au coke). Ce modèle doit être nuancé - - - Suppose « des mutations profondes des types d’organisation (…), un saut qualitatif entre système proto-industriel, parfois lent d’ailleurs à disparaître, et système industriel » capacités d’adaptation à l’environnement. La relation travail/capital/progrès technique est complexe. F. Caron : les innovations sont surtout adoptés lors des opérations de renouvellement ; la productivité du travail ne dépend pas que de la hausse du capital (apprentissage…) La solution technique a un problème éco. n’est pas envisageable dans le court terme (pas immédiate) Guillaume Ternaux et la modernisation de l’industrialisation lainière française Avant la Révolution : 2nd industrie du royaume et 2nd poste d’exportation. G. Ternaux commence dans la petite manufacture de son père (Sedan). 1781 Agrandissement, le père monte un magasin à Paris, Ternaux obtient la responsabilité de la fabrication. 1794 A cause de ses choix politiques, il s’exile 4 ans en Suisse : fonde une maison du négoce 1798 Retourne en France et fonde un empire industriel autosuffisant (élevage de mouton jusqu’à la commercialisation du produit Son rapide vient de son esprit d’invention : en 1810, la contribution des techniciens de Ternaux est importante (grand nombre de brevet déposé). Le nom Ternaux est alors synonyme de châle de luxe, même s’il s’efforce de développer des tissus pour des classes moins aisés à partir de 1820. Totale intégration de « l’empire Ternaux » passe par un « esprit négociant appliqué à l’industrie » (contact direct avec le public par plusieurs comptoirs ou magasins) et par la faculté de réaction à des périodes difficiles (guerres de 1792-1815) 1825 Apogée de l’empire Ternaux : - assure 10 à 12% de l’industrie lainière. - emploi 19000 personnes dans 40 établissements et 4 Régions 1830 Fin de cet empire : la totale intégration conduit au manque de flexibilité du groupe, dans un secteur très sensible à la conjecture économique. Transfert de la technologie Principales innovations viennent de G.B diffusion scientifique très rapide alors que l’adaptation des nouvelles techniques fut longue et difficile (innovations ne sont pas toujours rentables) difficultés techniques - l’acquisition d’une seule technique suppose des problèmes d’adaptation en amont et en aval - problème du savoir-faire face à ces nouvelles machines (fonte au coke, machine à vapeur… Jusqu’en 1830 le transfert de technologie passe par les hommes (John Hockler fait passer en 1794 24 ouvriers, un mécanicien et des machines en France). Mouvement important et tentative d’interdit en Angleterre (loi interdisant la sortie d’ouvrier qualifié jusqu’en 1825. Le gouvernement français fait tout pour attirer la technologie anglaise (condition de travail exceptionnel…). La diffusion est à ce moment là difficile au sein d’un pays : 1er fourneau au coke allemand en 1796 (John Beldon) alors que la sidérurgie allemande se transforme au milieu du XIXème. Plus facile à partir de 1830-1840 : plus de frein juridique au transfert en Angleterre ; les grandes écoles européennes ont formé une génération d’ingénieur… L’analyse de la révolution industrielle britannique de E. A Wrigley « Les approches en terme de préalable ont révélé leur tendance à la circularité ». Par exemple, la révolution industrielle comme conséquence à la révolution technique a montré dans les années 70 ses limites. Wrigley a en cela une approche originale car il découpe un phénomène, habituellement vu comme une unité en deux processus historique distinct, pas nécessairement lié logiquement : - croissance économique préindustriel, qu’il appelle « organique » car elle venait des « matières premières de la sphère du vivant » c.a.d le travail des hommes ou des animaux, le bois, les fibres textiles… progrès dans cette économie (productivité agricole et consommation de produits industriels augmente). Mais cette croissance ne peut que s’essouffler (// à l’état stationnaire dont parle Smith) car elle est fondée sur la capacité de la nature à fournir des matières premières et nourrir les hommes et animaux. // de cette croissance avec la croissance smithienne - Puis passage au XVIIIème siècle (sauf en G.B plus précoce) à la « mineral-based energy economy » qui est l’utilisation de matière première et de sources d’énergie minérale (la houille…) permet une croissance exponentielle car plus de limite. Ce processus dur longtemps, l’agriculture tend de plus en plus au XIXème à, seulement, nourrir les hommes. // de cette croissance avec la croissance schumpétérienne. Deux objections à ce modèle - L’importance accordée au matière première : la France et USA ont fait leur industrialisation grâce au moulin à eau. La « mineral-based energy economy » serait plus un fait du XXème (et encore – importance de l’énergie et électricité hydraulique pour la France notamment). - Les auteurs diffèrent sur le sens à donner à « modernisation » donc ce concept est très flou (est-ce le taux d’alphabétisation ? Le développement commercial ? …) « Z-goods models » de transition entre proto-industrialisation et industrialisation Analyse néo-classique de J. Mokir (suppose l’unicité du marché) nouveau modèle permettant d’expliquer le passage entre les deux étapes (proto-indus. et indus.) - R.I est une transition entre indus. Moderne et ancienne (Hicks) avec un capital déjà existant). - Technologie est facteur exogène (sauf pour la G.B) - Autofinancement, pas de marché du capital - Travailleurs viennent de la proto-indu. et pas de l’agriculture (dans le cas de la spécialisation entre régions agricoles et de proto-indus.) - Pas de hausse du salaire (basé sur celui de la proto-indu.) Mokir combine cette analyse avec - une analyse de la répartition salaire/profit Les hypothèses : pour une même production, la productivité de l’industrie est > à celle de la proto industrie ; la seule source du capital est le profit - et la fonction épargne (si le capital investit augmente, il y a augmentation proportionnel du travail industriel) Conclusion : industrie a une rente de situation tant que le modèle de proto-industrialisation fonctionne profits élevés donc croissance soutenue par autofinancement.